Quarantième session

Compte rendu analytique de la 821e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le mardi 22 janvier 2008, à 15 heures

Président :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique du Liban (suite)

La séance est ouvere à 15 h 05.

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique du Liban(suite) (CEDAW/C/LBN/3, CEDAW/C/LBN/Q/3, CEDAW/C/LBN/Q/3/Add.1)

Sur l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Liban prennent place à la table du Comité.

M me  Jamhouri (Liban), répondant aux questions posées par des membres du Comité lors de la séance précédente au sujet des articles 7 à 9 de la Convention concernant l’image des femmes projetée dans les médias, dit qu’il n’existe pas au Liban de contrôle central des moyens d’information. Il existe une chaîne officielle; les stations de télévision et de radiodiffusion sont privées pour 90 % et on est fondé à penser qu’en tant que telles, elles veillent au contenu de leurs émissions. Les chaînes privées sont lucratives et visent souvent un public précis; elles projettent des images des femmes nombreuses et diverses, mais pas toujours positives.

S’agissant des questions de nationalité, elle partage l’espoir exprimé par Mme Belmihoub-Zerdani que la Commission nationale de la femme libanaise pourra aboutir à ce que la nationalité libanaise soit transmise à l’épouse et aux enfants dont la mère est citoyenne libanaise.

Mme Kiwan (Liban) explique que la faible participation des femmes aux élections peut être due au climat politique, qui est difficile. Le régime politique est fondé sur la représentation proportionnelle relative, les listes des partis étant ouvertes aux hommes et aux femmes. Les sièges sont par ailleurs répartis le long des clivages, sectaires et communautaires; certains sièges sont réservés afin de promouvoir l’équilibre entre les hommes et les femmes dans les limites des quotas communautaires. Le but bien sûr n’est pas simplement que les femmes se portent candidates à des postes politiques, mais qu’elles soient élues à ces postes.

Articles 10 à 14

Mme Arocha Dominguez déclare que les efforts déployés par le Gouvernement pour centrer son action sur les droits de la femme en dépit de la guerre et d’une situation politique peu facile sont méritoires. Les données relatives aux taux de scolarisation des filles qui figurent dans le rapport sont encourageantes. Elle se demande toutefois s’il existe des indicateurs des effets de la crise sur l’accès des filles à l’éducation. Elle aimerait par ailleurs en savoir davantage sur le droit à l’éducation des Palestiniens vivant dans les camps situés au Liban. Enfin, s’agissant du plan 2006-2015 pour l’élimination de l’analphabétisme dont il est fait état au paragraphe 196 du rapport (CEDAW/C/LBN/3), elle voudrait avoir des précisions sur les mesures prises spécifiquement à l’intention des femmes.

Mme Zou Xiaoqiao relève que les étudiantes de niveau universitaire sont nombreuses mais que, pour la plupart, elles se cantonnent dans les filières traditionnelles. Elle s’enquiert des effets d’un tel état de choses sur la future carrière de ces femmes et des éventuelles mesures prises pour les encourager à se diriger vers des domaines d’études non traditionnels. Elle note par ailleurs que l’université n’a pas prévu de politique générale dirigée sur les femmes, et s’interroge sur le point de savoir si des mesures sont prises pour sensibiliser le public aux questions sexospécifiques et intégrer des études sur ce sujet dans les programmes ou offrir une formation à l’égalité entre les sexes destinée au corps enseignant.

Pour Mme Simms, le fait que 65 % des élèves dans le primaire fréquentent des établissements privés, le reste, des établissements financés par le Gouvernement, peut déboucher sur un problème d’élitisme. Les élèves appartenant à des familles qui peuvent se permettre d’assumer les frais d’écolage étudieront dans de meilleures conditions que les autres. Le Gouvernement a le devoir de veiller à ce qu’une éducation de qualité soit dispensée à ses citoyens les plus pauvres, faute de quoi le système de classes ne s’en trouvera que perpétué. Elle se demande si des plans de réforme du système éducatif sont en place et si les Palestiniennes vivant dans les camps de réfugiés bénéficient d’une éducation de qualité. L’accès à l’éducation est refusé aux travailleuses domestiques étrangères, qui souvent s’occupent d’enfants. Elle se préoccupe des conséquences potentielles de cette situation sur les enfants dont elles s’occupent.

Mme Schöpp-Schilling souhaite savoir pourquoi certains établissements privés sont gratuits et si le Gouvernement peut influer en quoi que ce soit sur l’élaboration des manuels et des programmes scolaires. Elle croit comprendre que l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) fournit certains services, dont des services éducatifs, aux Palestiniens qui vivent dans les camps. Elle demande en conséquence si le Gouvernement fournit lui aussi des services aux réfugiés et s’il contribue en quoi que ce soit aux services fournis par l’UNRWA.

Mme Gaspard indique que les employés de maison ne tombent pas sous le coup de la loi sur la main-d’œuvre de 1946 et que les employés de maison étrangers sont encore plus vulnérables. Des rapports ont été reçus qui font état de violations multiples de leurs droits fondamentaux – confiscation du passeport, restrictions à la liberté de circulation, mauvaises conditions de travail et horaires de travail excessifs. Il existe plus de 400 bureaux de recrutement qui leur trouvent un emploi et dont les activités peuvent être assimilées au trafic de personnes. Elle s’enquiert de la manière dont ces bureaux sont contrôlés et demande s’il existe des statistiques portant sur le nombre de plaintes reçues les concernant, et la suite donnée à ces plaintes.

Mme Kiwan (Liban) explique que la guerre a certainement eu un impact sur l’accès à l’éducation – plus de 300 écoles ont été détruites – mais les filles n’ont pas été spécifiquement affectées. La violence, le déplacement à l’intérieur du pays et l’instabilité sont les grands facteurs qui affectent l’accès à l’éducation, qu’il s’agisse des garçons ou des filles.

Plus de la moitié de la population du pays est concentrée autour de Beyrouth; 20 % seulement des habitants vivent en milieu rural. Par voie de conséquence, la plupart des établissements privés se trouvent dans les zones où la densité démographique est la plus forte, le Gouvernement s’efforçant d’assurer que chaque village possède une école publique au moins. Dans les établissements privés, la qualité des programmes scolaires et de l’éducation va de médiocre à excellente. Le Gouvernement n’a aucune influence sur les programmes scolaires des établissements privés; ces établissements sont libres de choisir leurs propres programmes et leurs propres manuels. Cela étant, le Gouvernement s’emploie à assurer une cohérence en fournissant les mêmes manuels à tous les établissements privés pour plusieurs matières. Il alloue des subventions à un certain nombre d’institutions religieuses. Des cas de fraude ont été relevés dans certaines écoles privées, où il est arrivé que les dossiers d’inscription soient falsifiés afin d’obtenir des subventions plus élevées. Le Gouvernement fournit les programmes scolaires et assure la formation du personnel enseignant des établissements publics et fait de son mieux pour assurer la qualité de ses prestations.

Au niveau universitaire, une action a été menée pour encourager les étudiantes à s’engager dans des filières non traditionnelles, avec peu de succès jusqu’à présent. On s’est également heurté à des difficultés lorsqu’il s’est agi de faire correspondre l’enseignement universitaire et les besoins du marché, aussi bien dans le cas des hommes que celui des femmes. Les responsables universitaires ont conscience de la nécessité d’introduire une orientation sexospécifique dans les programmes et oeuvrent dans ce sens.

Mme Patten, faisant référence à la situation précaire des employées de maison étrangères, demande des précisions sur l’état du projet de loi traitant de leurs droits et un rapport de situation sur le contrat de travail type. Elle voudrait savoir par ailleurs s’il est prévu de mettre en place un régime juridique distinct pour les travailleuses du sexe.

Enfin, elle s’enquiert des mesures prises par le Gouvernement pour faire face à la ségrégation professionnelle des femmes et aux inégalités de salaires, questions que le Comité a soulevées dans ses observations finales sur le rapport précédent.

Mme Jamhouri (Liban) précise qu’il se trouve 200 000 employés de maison au Liban et non 2 millions.

Mme Samad (Liban) confirme que le Code du travail ne s’applique pas aux employés de maison. Afin de remédier à cette lacune, un comité directeur, composé de plusieurs experts, de fonctionnaires intéressés et de représentants d’un certain nombre d’organismes des Nations Unies, a été mis en place pour étudier les moyens d’améliorer la situation de ces personnes. Il a entrepris des travaux sur l’élaboration d’un projet de loi sur la main-d’œuvre réglementant l’emploi des travailleurs domestiques et d’un contrat de travail type. Une brochure informant les employeurs et les employés de leurs droits et devoirs respectifs a par ailleurs été établie et diffusée.

Avec l’appui de la Direction générale de la sécurité publique, le Gouvernement et plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont signé un mémorandum d’accord portant sur la création d’un centre d’accueil ouvert aux employées de maison victimes de mauvais traitements. Le Ministère du travail a adopté un décret règlementant les opérations des bureaux de recrutement, aux termes duquel, notamment, les employeurs doivent assurer à leurs employées de maison des vêtements, une alimentation et un hébergement convenables. Ils doivent également leur verser un salaire mensuel. Le décret interdit par ailleurs les châtiments corporels. Le Département de l’inspection du travail surveille les activités des bureaux de recrutement; il est notamment obligatoire de rapporter toutes violations des droits des employés de maison aux autorités appropriées.

Mme Mouffarej (Liban) dit que le conflit de 2006 a complètement bouleversé les perspectives de l’emploi dans le secteur privé et a affecté tous les aspects de l’économie. Le secteur des services, qui emploie 75 % des travailleuses, a particulièrement souffert si bien que les femmes commencent à migrer pour trouver du travail, phénomène inconnu jusqu’alors dans le pays. Du fait de l’instabilité actuelle, le Gouvernement n’est pas en mesure de traiter de la question des écarts de salaires entre les hommes et les femmes. Dans les circonstances présentes, la priorité n’est pas de négocier un salaire mais de trouver un travail.

Mme Coker-Appiah félicite l’État partie des efforts qu’il a déployés dans le but d’offrir un vaste réseau de soins de santé couvrant tout le pays. Elle se préoccupe toutefois de la persistance des difficultés décrites au paragraphe 223 du rapport et s’enquiert des mesures prises pour que tous les citoyens aient accès à l’éventail de services offerts par les prestataires de services relevant du secteur public ou privé. Il serait particulièrement intéressant de savoir si tous les services spécialisés, y compris en obstétrique et gynécologie, sont disponibles dans les centres de santé publics et si ces centres sont pourvus du personnel voulu. Le rapport ne donne que peu de renseignements sur les taux de mortalité maternelle; elle apprécierait de recevoir des données dans ce domaine pour les zones rurales et urbaines.

Mme Pimentel demande ce qu’il en est des obstacles auxquels se heurte l’approbation du projet de carte sanitaire mentionné visé dans les Réponses de l’État partie à la Liste des questions (CEDAW/C/LBN/Q/3/Add.1). Elle demande si son approbation fait l’objet d’un projet de calendrier et si le Gouvernement ou la Commission nationale de la femme libanaise ont pris des mesures pour accélérer le processus. En ce qui concerne les avortements clandestins, il serait utile de savoir si les mesures prises pour abaisser le nombre de grossesses non désirées comprennent la distribution généralisée de préservatifs. Elle souhaite également savoir si les avortements volontaires sont autorisés en cas de viol, lorsque la grossesse met la santé de la mère en danger ou dans toutes autres circonstances.

Enfin, elle se félicite de ce que, conformément à la loi sur la télévision et la radiodiffusion no 3820/94, les organismes de télévision et de radiodiffusion soient tenus de diffuser en moyenne une heure par semaine d’émissions pédagogiques ou sanitaires. Elle apprécierait de disposer de davantage d’informations sur les effets de cette mesure sur la santé des femmes.

Mme Shin se déclare surprise d’apprendre que 2 % seulement des femmes du Liban sont atteintes d’un handicap quelconque; dans la plupart des pays, ce chiffre s’élève à un peu plus de 5 %. Elle appelle l’attention sur la Recommandation générale no 19, qui fait remarquer que les femmes handicapées sont frappées d’une double discrimination liée à leurs conditions particulières de vie et fait appel aux États Parties pour qu’ils fournissent des données spécifiques sur la situation de ces femmes dans leurs rapports périodiques. Des données complémentaires doivent donc être fournies si ce n’est lors de la présente réunion, du moins dans le prochain rapport périodique.

Mme Tan demande des informations complémentaires sur les mesures législatives devant s’appliquer spécialement au secteur agricole qui avaient été promises en 1946 et, soulignant que les habitants des zones rurales, les femmes notamment, sont particulièrement exposés à des violations de leurs droits, demande si d’autres avancées ont été réalisées en la matière. Se référant au paragraphe 281 du rapport, elle demande les raisons pour lesquelles les ouvriers saisonniers et les non-Libanais employés dans le secteur agricole n’ont pas droit aux prestations de sécurité sociale. Il serait également utile de connaître la portée des prestations fournies au titre de l’assurance facultative offerte aux employés des entreprises familiales. Combien de ces employés sont-ils des femmes et est-il prévu d’élargir la portée de cette couverture? Elle s’intéresse particulièrement à la situation des femmes rurales âgées et se demande si elles ont accès à des soins de santé appropriés.

Selon le rapport, il a été difficile de commercialiser les produits fabriqués par les femmes rurales inscrites dans des programmes de formation professionnelle. Elle apprécierait qu’on lui donne une idée de la raison de ces difficultés. L’État partie doit par ailleurs fournir des renseignements sur les ressources allouées à ces programmes et la taille moyenne des classes. En dernier lieu, et notant que sur les 30 associations accordant des prêts, neuf seulement ne font pas de distinction entre les hommes et les femmes, elle s’enquiert des mesures prises pour sensibiliser les prêteurs aux avantages liés aux investissements dans les projets gérés par des femmes et renseigner les femmes sur l’assistance financière disponible.

Mme Dairiam demande de quelle manière le Ministère de la santé publique respecte les obligations qui lui incombent au titre de l’article 12 de la Convention et quel est l’organe chargé de suivre ses activités. Elle apprécierait d’en savoir davantage sur la participation du Gouvernement à la fourniture de soins de santé aux réfugiées palestiniennes; l’État partie devrait notamment indiquer s’il examine les services fournis par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) pour s’assurer qu’ils sont du niveau voulu. Il serait également utile de disposer d’indicateurs de santé comparatifs pour les réfugiées palestiniennes et les femmes du reste du pays.

Mme Ara Begum note qu’il n’existe pas de loi traitant spécifiquement de la violence à l’égard des femmes au Liban. Les femmes rurales, les femmes déplacées et les femmes réfugiées étant particulièrement exposées à des actes de violence, elle s’enquiert des mesures prises pour les protéger et demande des précisions au sujet du plan d’action 2006-2010 sur la violence fondée sur le sexe. Il serait par ailleurs intéressant d’en savoir davantage sur les effets des divers programmes et projets destinés à promouvoir les femmes rurales. À ce sujet, l’État partie devrait préciser si celles de ces femmes qui souhaitent lancer de petites entreprises ont accès à des plans de microcrédit ou à des prêts sans garantie. Enfin, s’agissant de la santé de la procréation, elle souhaite savoir si les services intéressés font partie intégrante du système de soins de santé primaires, notamment en milieu rural, et si les femmes palestiniennes ont accès à de tels services.

Mme Baladian (Liban) dit qu’un certain nombre de mesures ont été prises pour élargir le réseau de services de santé, notamment l’établissement de 38 nouveaux centres de santé dans les zones reculées. En partenariat avec les organisations de la santé civile et les municipalités concernées, et à l’aide d’un financement de la Banque mondiale, le Gouvernement a également ouvert 10 nouveaux hôpitaux. Les centres de soins de santé primaires offrent des services en matière de santé de la procréation et on s’applique à renforcer les capacités dans les domaines de la planification familiale, de l’aide à l’accouchement et des soins néonatals. Une campagne nationale de prévention du cancer du col de l’utérus et du cancer du sein a été lancée et des examens gratuits ou de faible coût sont disponibles. Des cours sur la santé sexuelle et procréative ont été incorporés dans les programmes scolaires. Les décès faisant suite à un avortement sont pratiquement inconnus, cela tenant au fait qu’à la suite de campagnes de sensibilisation, le nombre des grossesses non désirées a considérablement diminué.

Mme Moufarrej (Liban) indique que, selon les statistiques de la Banque mondiale, près de 500 000 personnes, soit 13,5 % de la population, vivent en milieu rural. Entre 2003 et 2005, le produit des activités agricoles a représenté 6 % du revenu national. Pendant la guerre toutefois, de vastes étendues de terres situées dans le Sud-Liban ont été réquisitionnées, ce qui a réduit drastiquement l’activité du secteur agricole, et le revenu de celui-ci. On procède actuellement au déminage de ces zones afin de les remettre en état.

Les femmes représentent 40 % du nombre total de travailleurs employés dans l’agriculture. Dans le cadre de son action contre la pauvreté, le Gouvernement cherche à étendre une couverture sociale de base aux zones rurales. Des mesures ont également été prises pour accroître la disponibilité du microcrédit.

Mme Jamhouri (Liban) indique que, à l’époque de sa rédaction, en 1946, le Code du travail avait exclu, pour un certain nombre de raisons spécifiques, les travailleurs agricoles, les employés de maison et les personnes employées dans des entreprises familiales. Le législateur libanais avait l’intention d’élaborer une législation distincte concernant ces groupes mais ne l’a pas encore fait.

Il est extrêmement coûteux de fournir un éventail complet des prestations de sécurité sociale à tous les citoyens et c’est pourquoi le régime actuel de sécurité sociale ne concerne que certaines catégories d’employés. Le pouvoir exécutif a décidé d’étendre une protection de sécurité sociale aux travailleurs agricoles permanents en visant à élargir encore la couverture sociale à l’avenir. Cela dit et bien que le Gouvernement soit prêt à tenir parole, les contraintes financières signifient qu’il n’est pour l’instant pas donné suite à ces projets.

Mme Moufarrej (Liban) souligne que le Gouvernement s’efforce à l’heure actuelle de se pencher sur les besoins spécifiques des femmes rurales et des travailleuses agricoles. On espère mettre en place un observatoire national des droits de l'homme à l’intention de ces femmes en 2008.

Articles15 et 16

Mme Belmihoub-Zerdani dit que, en l’absence d’un code du statut personnel unifié, il existe des injustices et des disparités considérables entre les vies privées des hommes et des femmes ainsi qu’entre les femmes du fait des divergences sectaires. Au moment de son examen du rapport initial du Liban, le Comité s’était certes déclaré préoccupé du fait que la loi religieuse s’appliquait selon la communauté à laquelle appartenait la personne concernée et avait proposé l’introduction d’un code civil unifié. La situation toutefois demeure la même. Le rapport actuel ne fournit que peu de renseignements sur les différentes communautés religieuses et leurs codes respectifs. Afin de s’acquitter de ses obligations à l’égard de la Convention, dont les dispositions ont été intégrées dans la Constitution, le Liban doit adopter un code civil unifié immédiatement. Ce code devra être applicable à toutes les femmes libanaises et ainsi assurer l’uniformité et l’égalité dans la vie privée, sans discrimination. Elle exprime l’espoir qu’au moment de l’examen du prochain rapport périodique, d’importants progrès auront été réalisés dans ce domaine. Elle recommande en outre qu’une conférence de presse soit tenue au Liban afin de diffuser dans sa substance le contenu du rapport.

Mme Tan souhaite savoir quels sont les groupes religieux dans lesquels on compte le nombre le plus élevé de mariages interconfessionnels et quels services sont offerts aux femmes et aux couples ainsi formés lorsqu’ils sont rejetés par leurs propres communautés. Il apparaît que l’âge minimal pour le mariage est de 18 ans pour les hommes de toutes confessions, à l’exception des hommes chiites et catholiques, et qu’il est inférieur pour les femmes de toutes confessions; aux termes de la Convention, l’âge minimal pour le mariage doit être de 18 ans pour tous.

S’agissant du choix de l’époux, elle fait remarquer que la plupart des mariages interconfessionnels ne sont pas en fait considérés comme valides et demande quelles mesures sont prises pour harmoniser les différentes lois sur le mariage et légitimer les mariages interconfessionnels.

Elle souhaite recevoir des précisions touchant les voies de recours offertes aux femmes qui demandent une pension alimentaire supérieure au montant de la dot qui leur est restituée en cas de divorce dans les cas où un tel montant ne suffirait pas à maintenir leur niveau de vie.

Elle souhaite savoir si tous les groupes religieux acceptent l’autorité parentale du père et si le Gouvernement a engagé un dialogue avec les différents groupes afin d’encourager une conception équilibrée de l’exercice des responsabilités parentales. Les données portant sur les cas où certains tribunaux religieux ont considéré l’intérêt de l’enfant et accordé sa garde à une femme seraient utiles.

Mme Halperin-Kaddari fait remarquer que, même en l’absence d’un code unifié, solution optimale et demandée par la Convention, les moyens requis pour exiger l’adoption de lois laïque sur des questions telles que la garde de l’enfant et les relations en matière de biens existent puisque c’est le droit civil qui décide des questions relevant de la compétence des tribunaux religieux. Elle souhaite des précisions sur le point de savoir si les questions de patrimoine relèvent de la compétence des tribunaux religieux, notant que le régime de la séparation des biens, qui semble prévaloir, n’est pas une question religieuse. Les dispositions sont contraires à l’article 16 de la Convention et à la Recommandation générale no 21, aux termes desquels les biens matrimoniaux doivent être communs et répartis lors du divorce, et il convient d’y faire face immédiatement.

Il semble qu’au Liban, les femmes ne bénéficient d’aucune protection contre la violence familiale. L’article 503 du Code pénal, qui autorise le viol conjugal, doit être éliminé immédiatement.

Mme Jamhouri (Liban) dit qu’il n’est fait aucune différence entre les hommes et les femmes pour ce qui est de la propriété des biens, les Libanaises possédant le droit à la propriété et le droit de disposer de leurs biens. Toutefois, les questions d’héritage sont régies par la charia pour les musulmans et par l’État pour les non-musulmans. Les lois de l’État en la matière reposent sur le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes et relèvent de la compétence des tribunaux civils. Pour les femmes musulmanes, les droits de succession complètent leurs droits sur leurs biens propres.

L’adoption d’un code du statut personnel unifié qui garantisse l’égalité et les pleins droits des femmes est assurément nécessaire, même à titre expérimental. Des solutions partielles sont également possibles, comme l’atteste le fait que certains tribunaux civils ont rejeté la charia et pris une décision fondée sur l’intérêt de l’enfant dans un certain nombre de cas de garde des enfants. Cela étant, de tels précédents ne constituent pas une solution définitive ou générale. Sa délégation rappelle au Comité que le rapport ne couvre pas toutes les situations, encore qu’il s’efforce d’inclure les situations dans lesquelles il y a discrimination.

L’âge minimal pour le mariage est régi par des textes législatifs civils. Le Gouvernement peut intervenir mais une telle action ne résout pas le problème.

L’autorité parentale est régie à la fois par la charia et les lois civiles; il existe certains précédents prometteurs au niveau national, les décisions des organes judiciaires devant être soumises aux tribunaux civils pour approbation. Les juges du civil sont tenus de négocier avec les parties concernées en vue de parvenir à une décision devant assurer le bien-être de l’enfant, et leurs décisions sur la garde de l’enfant l’emportent sur toutes les autres.

Mme Ara Begum demande si le Liban prévoit d’adopter une loi portant spécifiquement sur la violence dans le foyer. Elle s’enquiert par ailleurs des intentions du Gouvernement libanais touchant la mise en œuvre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, de la Convention sur les droits des personnes handicapées et de la Convention relative au statut des réfugiés. Elle réitère sa question concernant les droits fondamentaux des femmes réfugiées et demande par ailleurs de quelle manière la loi sur la fiscalité est abordée.

Mme Gaspard dit que les femmes sont en butte aux actes de violence les plus divers. Le Code pénal libanais fait de l’homosexualité un délit et bien que des progrès aient été réalisés en ce qui concerne les hommes à la suite du débat sur le VIH/sida, elle demande si les femmes homosexuelles ou les femmes présumées l’être sont la cible de violences et si le Liban prévoit des mesures de non-discrimination à l’égard des femmes quelle que soit l’orientation sexuelle.

Mme Chutikal rappelle qu’elle souhaite savoir si la Direction centrale de la statistique a pris des mesures pour créer une base de données sexospécifiques. Par ailleurs, elle propose, afin de dissiper la confusion dans ce domaine, qu’une définition de la traite soit inscrite dans la loi et que des directives soient mises au point aux fins de l’identification des victimes, et ce en vue de la formation des policiers, qui sont en contact avec les victimes de la traite.

Mme Belmihoub-Zerdani note que, puisqu’il est possible d’enregistrer le mariage civil de citoyens libanais contracté à l’étranger, le législateur libanais pourrait autoriser la célébration de tels mariages au Liban. Elle souligne la nécessité pour le Liban de retirer les réserves qu’il a émises à l’égard de la Convention.

Étant donné les discussions fructueuses que le Comité a tenues avec les organisations non gouvernementales (ONG), elle rappelle à la délégation que ces organisations sont un outil important de progrès. Elle propose de plus que le Liban, en tant que membre fondateur de la Ligue des États arabes, fasse en sorte que des femmes provenant d’autres États œuvrent au sein de la Ligue à l’élaboration de recommandations qui serviraient la cause des femmes.

Mme Halperin-Kaddari rappelle la question qu’elle a posée concernant la séparation des avoirs lors du divorce, notant que la séparation des biens n’est pas conforme à la Recommandation générale no 21. De plus et étant donné qu’au Liban il n’existe aucune relation licite en dehors du cadre de l’institution du mariage, elle demande des renseignements sur les droits des femmes vivant en concubinage en ce qui concerne les biens et la garde des enfants.

Mme Schöpp-Schilling demande si la Commission nationale de la femme libanaise a examiné avec le Gouvernement la question d’un amendement à l’article 534 du Code pénal, qui pénalise l’homosexualité. S’agissant du statut, des tâches et des pouvoirs de la Commission nationale, celle-ci doit poursuivre sa mission consultative mais, au cours de la période actuelle de reconstruction, il est également nécessaire de mettre en place un organisme central de niveau national au sein du Gouvernement lui-même.

Mme Dairiam dit que le projet d’autonomisation des femmes mis en œuvre en application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité est louable. Elle demande si les comités de femmes interviennent seulement en tant qu’intermédiaires entre les municipalités et les prestataires de services ou si l’on encourage la représentation des femmes au sein des municipalités et au niveau de la prise de décisions dans la phase de consolidation de la paix après le conflit et dans la gestion de la prestation des services.

M.  Flinterman s’enquiert de la manière dont le Liban s’acquitte de ses responsabilités envers l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et les femmes palestiniennes aux fins d’une pleine application de la Convention. Il sollicite de la part de la délégation des observations sur la pratique qui consiste à délivrer des visas d’une durée de six mois aux femmes artistes, qui souvent se livrent à la prostitution.

La Présidente, prenant la parole en tant que membre du Comité, s’enquiert des mesures que le Gouvernement prend spécifiquement pour harmoniser la législation nationale et les dispositions de la Convention et appliquer pleinement celle-ci. Il est important, par exemple, d’élever à 18 ans l’âge minimal pour le mariage des garçons comme des filles, conformément à la Convention et à la Convention relative aux droits de l’enfant. Cependant, le Gouvernement ne donne aucun signe de vouloir incorporer ces normes internationales dans la législation nationale. Des explications complémentaires sur la manière dont il envisage de surmonter les contradictions entre les lois nationales et internationales sont nécessaires.

Mme Jamhouri (Liban) dit qu’il n’existe actuellement aucune loi qui vise la violence dans le foyer mais que le Gouvernement œuvre à l’élaboration d’une telle législation. Les organisations non gouvernementales (ONG) déploient également des efforts en collaboration avec les institutions d’État pour éliminer cette forme de violence. Le Barreau de Beyrouth, par exemple, a établi un comité de femmes chargé d’étudier cette question. Le Gouvernement a effectué également des études en vue d’un examen des dispositions du Code pénal concernant la violence dans le foyer et de la présentation de recommandations. La Commission nationale de la femme libanaise ne ménage aucun effort pour qu’il soit donné suite à ces recommandations et que le processus aille de l’avant.

L’article 534 du Code pénal pénalise les « relations sexuelles contre nature », qui sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Une commission du Comité parlementaire de l’administration et de la justice, toutefois, a recommandé que cette disposition soit abrogée.

La Direction centrale de la statistique désagrège ses données par sexe. Elle œuvre avec le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) en vue d’élargir sa base de données de manière à améliorer l’information ainsi désagrégée qu’elle fournit. La collecte de données s’effectue à l’aide de nouveaux indicateurs de sorte qu’il soit tenu compte des questions soulevées par le Comité et que celles-ci reçoivent une attention appropriée.

La liste de questions reçue du Comité donne à penser qu’il est nécessaire de fournir de nouvelles explications sur la notion de traite au Liban. Le Gouvernement procède actuellement à l’examen de la législation pertinente, dont il fera connaître les résultats au printemps 2008.

L’État reconnaît le mariage civil contracté à l’étranger et confère aux tribunaux compétence pour connaître des différends découlant d’un tel mariage dans les cas où l’un des conjoints au moins est libanais. La loi du pays où le mariage a été contracté est également applicable à ces différends.

En cas de divorce, chaque époux ne conserve que ce qui lui appartient et ni l’un ni l’autre n’a droit à quoi que ce soit qui appartient à l’autre. Durant le mariage, le mari n’a aucun droit d’intervenir sur la manière dont sa femme dépense ses fonds propres. Le mariage repose sur la séparation des biens et non sur le partage des biens et avoirs.

Les lois relatives au statut personnel ne concernent que la relation maritale. La loi toutefois ne pénalise pas la cohabitation en dehors du mariage. Les couples non mariés ne bénéficient d’aucun droit acquis. Lors du décès d’un des partenaires, par exemple, le partenaire survivant ne possède aucun droit à la succession.

Le Gouvernement estime que la Commission nationale de la femme libanaise est un organe important compte tenu de la situation politique actuelle qui règne au Liban. Il n’est pas évident qu’une modification de son statut renforcerait son efficacité du fait de cette situation et, dans les circonstances actuelles, en faire un organisme gouvernemental risquerait de politiser ses activités.

Mme Kiwan (Liban) dit que le projet d’autonomisation des femmes, qui vise les zones bombardées du Liban, s’est concentré sur la sensibilisation des femmes à la violence dont elles sont l’objet et sur les mesures de protection. Le Gouvernement coopère avec les organisations communautaires locales pour former les femmes à la participation à la vie sociale et économique et les aider à se diriger vers des postes de prise de décisions. Des fonds sont alloués aux femmes pour qu’elles créent des petites entreprises génératrices de revenus, notamment aux femmes qui vivent dans des zones reculées.

Mme Jamhouri (Liban) dit que son gouvernement se préoccupe extrêmement du sort des Palestiniens. Lorsque l’armée libanaise a été attaquée et ses soldats massacrés, le Gouvernement a pris des mesures pour protéger les femmes et les enfants vivant dans les camps palestiniens, et l’armée a payé un prix très lourd pour cette protection.

S’agissant des réserves à la Convention, chaque citoyen libanais est soumis aux lois, règlements et tribunaux de la communauté religieuse à laquelle il appartient. Aux termes de la Constitution, chaque dénomination a le droit d’adopter sa propre législation concernant le statut personnel. Les dénominations sont donc toutes égales devant la loi. Il s’ensuit que l’harmonisation de ces lois et des instruments internationaux crée un dilemme. Sa délégation espère œuvrer en vue de l’adoption d’un code du statut personnel unifié; un tel changement toutefois ne pourra s’opérer que graduellement.

La séance est levée à 17 h 20.