Vingt-deuxième session

Compte rendu sommaire de la 449ème séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 20 janvier 2000 , à 1 5 h

Président :MmeGonzález

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

R apport initial et deuxième rapport périodique de la Jordanie ( su i te )

La réunion est ouverte à 15 h.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodiques de la Jordanie ( CEDAW /C/ JOR / 1 et 2 )

1.Sur invitation de la Présidente, Mme Sabbagh (Jordanie) prend place à la table du Comité.

Article 7

2.Mme Ferrer remarque qu’en 1993, suite à une initiative de la Présidente du Comité national jordanien pour les femmes, la Princesse Basma Bint Talal, 10 femmes ont été élues lors des élections municipales. En 1999, d’après les informations reçues ce matin, sur 35 candidates, 8 ont été élues pour diriger un conseil municipal. Les 10 premières femmes à être élues se sont avérées compétentes; au vu du succès de cette initiative, elle aimerait obtenir de plus amples informations concernant les résultats des femmes et le niveau d’acceptation rencontré parmi la population.

3.Mme Corti se félicite des progrès effectués à différents niveaux, notamment du fait que, pour la première fois dans l’histoire de la Jordanie, une femme soit nommée vice-premier ministre. Dans la mesure où la question des postes décisionnels pour les femmes et leur entrée dans la vie politique est un problème crucial dans tous les pays, il semble que le rôle du Comité national jordanien pour les femmes devrait être renforcé dans ce domaine.

4.Elle se demande quelle stratégie est appliquée en Jordanie pour pallier aux faibles niveaux de représentation féminine au Parlement. Il a été fait référence à une étude d’une organisation non-gouvernementale selon laquelle l’échec à présenter plus de candidates ou à élire plus de femmes résulte des perceptions de la société, du manque de qualification nécessaire des femmes, du tribalisme et d’une interprétation erronée de la religion. L’expérience d’autres pays montre que les femmes devraient s’organiser et travailler ensemble pour faire avancer les questions féminines et intégrer le Parlement. Un travail supplémentaire sur le terrain est nécessaire de toute urgence concernant l’opinion publique et les organisations non-gouvernementales. À cet égard, elle demande quel type de financement est disponible pour les organisations non-gouvernementales, si l’État y participe et si ces organisations ne peuvent financer les candidatures des femmes. Dans la mesure où chaque électeur ne peut voter que pour un seul parti, elle demande si le gouvernement envisage de modifier la Loi électorale pour permettre à plus de femmes d’être élues.

5.Même si elle accueille favorablement la nomination de femmes au Sénat, elle remarque que le fait qu’elles soient nommées par le Gouvernement ou par un parti politique, plutôt qu’élues sur leur propre liste, peut limiter leur capacité à appliquer leur propre politique. Une préparation politique pour les femmes est très importante, de sorte qu’elles puissent faire campagne, faire évoluer l’attitude des électeurs envers les femmes et remplir leur rôle en cas d’élection. Les groupes de pression féminins jouent un rôle très important à cet égard dans plusieurs pays, en fonctionnant comme une association libre de différentes organisations non-gouvernementales qui ont créé des programmes spéciaux pour réunir des informations et fournir un soutien organisationnel et financier aux candidates au Parlement. Cela ne provoque pas de changement rapide, mais c’est une méthode longue et sûre pour faire rentrer plus de femmes au Parlement, où les changements apportés aux lois existantes peuvent s’opérer plus facilement.

6.Mme Ryel explique que les changements ne se produiront que lorsqu’il y aura plus de femmes en politique, et que la proportion de femmes par rapport aux hommes dans la politique doit être égale afin de représenter équitablement la société. Les pays nordiques sont réputés pour le grand nombre de femmes présentes dans la vie politique. Ainsi, en Suède, le Cabinet se compose de 11 femmes et de 9 hommes. Ces changements ne se sont pas produits d’eux-mêmes, des outils ont été nécessaires ainsi qu’un effort constant sur une longue période de temps visant à établir des quotas, à mener des campagnes de sensibilisation et à encourager les femmes à voter pour les femmes. En Jordanie, une vaste proportion de femmes vote, mais elles votent pour des hommes, qui sont plus visibles dans la vie publique.

7.En matière de procédure de vote, elle ne comprend pas si le vote se déroule selon des listes de parti, ou pour des individus. S’il s’agit de listes, un quota doit être mis en place pour les femmes.

8.Dans toute société, de nombreux organes locaux prennent des décisions cruciales pour la communauté; la représentation féminine doit être correctement assurée dans ces organes. Son pays dispose d’une expérience dans l’utilisation de quotas à cette fin, avec de bons résultats. Un quota neutre peut être utilisé, par exemple, garantissant que les membres participant à de tels organes représentent au moins 40 % d’hommes ou de femmes. La question des qualifications ne doit pas constituer un obstacle, car les organes locaux doivent être composés de personnes possédant des qualifications différentes. Il est important d’utiliser des quotas dans ces organes afin de rendre les femmes plus visibles dans la société, offrant différents modèles de rôles aux autres femmes, et facilitant ensuite l’entrée des femmes dans la vie politique.

9.Mme Kim Yung-Chung remarque que le Comité national jordanien pour les femmes, en collaboration avec le Ministère de la planification, a convenu de ne pas affecter une section distincte aux problèmes des femmes, mais plutôt de les inclure dans tous les aspects du plan national. Elle soutient fermement cette politique, qui respecte l’exigence de la plate-forme de Pékin pour l’action dans tous les domaines.

10.Elle aimerait avoir de plus amples informations concernant les 99 femmes nommées comme conseillères municipales de villes et villages. Elle se demande si ces nominations, ou l’échelle de ces nominations, sont nouvelles, et si les femmes concernées travaillent toujours en tant que conseillères. Aucune mention n’est faite de femmes membres du Parlement et elle se demande si des femmes sont nommées au Sénat ou élues à la Chambre basse.

11.Elle souhaite savoir si la stratégie nationale pour les femmes ou le programme national d’action vise la promotion des femmes aux postes décisionnels, soit par nomination soit pas élection. Elle demande quel est l’objectif fixé, le cas échéant, et si un plan complet est en place pour y parvenir.

12.Concernant la formation des femmes à la vie politique, elle remarque que les femmes représentent plus de 10 % des membres des partis politiques. Elle souhaite savoir si elles jouent un rôle dans la direction de ces partis, quel y est leur statut et quels programmes sont en place pour les aider à se qualifier en tant que candidates.

13.Un autre domaine dans lequel la participation féminine ne doit pas être exclue est la police. Dans son pays, la première femme commissaire de police a récemment été nommée dans un grand quartier de Séoul et son engagement et son intégrité ont déjà fait la différence dans la prévention du trafic des femmes et des jeunes filles, en attirant l’attention de la police, de la communauté et de l’ensemble du pays sur ce problème. Elle se demande si des efforts sont faits en Jordanie pour encourager la participation féminine dans les forces de l’ordre.

14.Mme Schöpp-Schilling remarque que les organisations non-gouvernementales jouent un rôle estimable sur les questions des femmes et demande si ces organisations reçoivent un soutien financier de l’État; dans le cas inverse, quel est leur financement ? Elle se demande également si le Gouvernement ou le Comité national jordanien pour les femmes ont un budget pour financer des projets d’organisations féminines.

15.En rapport avec la référence dans le deuxième rapport sur les limitations imposées par la loi n°33 de 1966 sur les activités politiques des associations féminines, elle demande des exemples de telles limitations.

16.Mme Manalo se réjouit du haut niveau de vote des femmes par rapport aux hommes en Jordanie, mais souhaite connaître les pourcentages concernés et les mesures prises pour encourager davantage de femmes à voter. Il est crucial de les faire voter pour des femmes ou pour des hommes soutenant la mise en œuvre de la Convention.

17.Concernant les femmes de l’Assemblée législative, le paragraphe 42 du deuxième rapport fait référence à une femme élue en 1993. Le rapport semble indiquer que le système multipartite n’a été créé que récemment et que les us et coutumes, ainsi que la Loi électorale, découragent les candidates. Elle aurait aimé connaître les mesures spécifiques prises pour encourager les candidates, et si elles reçoivent la formation nécessaire et disposent de l’infrastructure et du soutien financier adéquats pour surmonter tous les obstacles à leur candidature. Elle demande également des informations sur les mesures prises pour augmenter la sensibilisation des électeurs sur le droit des femmes à voter et à se présenter aux élections, et pour garantir que les traditions n’empêchent pas l’application effective de la Loi.

Article 8

18.Mme Manalo remarque qu’aucune femme jordanienne n’a jamais été nommée à un poste diplomatique élevé, tel qu’ambassadeur. Elle demande si la carrière diplomatique est ouverte aux femmes.

Article 9

19.Mme Goonesekere remarque que de nombreux pays ont hérité du « common law  » britannique la notion que les femmes ne pouvaient transmettre leur nationalité à leurs enfants. Cela ne semble pas cohérent par rapport à la Loi islamique qui, uniquement dans le cadre des systèmes juridiques précoces, accorde aux femmes le droit préférentiel de garde de leurs enfants. La nationalité se transmet par les liens du sang inhérent à la relation mère - enfant. Elle espère qu’il y aura un examen de la Loi sur la nationalité en Jordanie.

20.Il est difficile de comprendre la proposition du Comité national jordanien pour les femmes d’accorder la nationalité jordanienne aux enfants de femmes jordaniennes mariées à des étrangers « pour des raisons humanitaires », afin de leur permettre de poursuivre leur éducation. Cela contredit non seulement l’idée selon laquelle les femmes ont le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants, mais cela semble également suggérer que l’accès à l’éducation est un avantage et non pas un droit. Elle demande des clarifications sur les réformes envisagées.

21.Mme Khan note qu’1,5 million de réfugiés palestiniens sont présents en Jordanie; cela demande un effort humanitaire important de la part de la Jordanie. Ces réfugiés bénéficient du passeport jordanien, mais apparemment ne peuvent pas occuper de fonctions politiques. Elle se demande si cela recouvre les charges publiques ou les postes au Gouvernement et souhaite savoir en quoi le statut des réfugiés diffère de celui des ressortissants jordaniens. Elle demande également des informations sur les activités des réfugiés, particulièrement les femmes palestiniennes, et si elles disposent du droit de vote. Si le passeport jordanien est accordé uniquement comme document de voyage, les palestiniens auraient pu se voir accorder le statut de réfugié. Elle souhaite savoir si la Jordanie a ratifié la Convention de 1951 concernant le statut des réfugiés, qui accorde certains avantages et facilite énormément la réintégration ultérieure.

22.Un travail louable a été fait concernant La loi sur la nationalité. Toutefois, elle souhaite savoir si les enfants d’une femme jordanienne qui épouse un étranger puis devient veuve bénéficient des mêmes droits que les enfants d’un père jordanien. Elle incite également la Jordanie à envisager de retirer ses réserves concernant l’article 9 de la Convention.

Article 10

23.Mme Kim Yung-Chung accueille avec grand intérêt l’introduction d’un Masters dans les études féminines dans l’une des universités publiques; elle espère que d’autres universités feront de même. Elle se montre préoccupée par le portrait qui est dressé des femmes en tant que mères et épouses dans l’enseignement et les manuels scolaires et se demande quelles mesures sont prises, notamment par le Comité national jordanien pour les femmes, afin de remédier à la situation. Elle souhaiterait disposer d’un rapport sur les progrès effectués concernant le travail du Conseil national pour l’éducation aux droits de l’homme, créé en mai 1999, ainsi que des détails supplémentaires sur son personnel et son budget.

24.Mme Açar s’informe des mesures visant à élargir la sélection des cours professionnels pour les femmes visant à stopper la perpétuation des stéréotypes sexuels. Elle se félicite de l’augmentation du nombre d’étudiantes qui travaillent et demandent des informations sur le type de postes qu’elles semblent trouver. Elle est inquiète que le nombre impressionnant d’étudiantes en universités puisse refléter en fait un système à deux vitesses dans l’éducation supérieure, dans lequel les hommes peuvent choisir d’étudier à l’étranger, alors que la liberté de mouvement des femmes est limitée. L’État partie doit décrire les mesures concernant ce phénomène. Elle se demande s’il existe des programmes d’assistance des femmes âgées ou très âgées, qui représentent un important pourcentage de la population analphabète. En conclusion, elle souhaite savoir combien de femmes occupent des postes d’enseignement universitaire et à quel niveau. Il serait intéressant de connaître les parcours professionnels des femmes du monde universitaire.

Article 11

25.Mme Schöpp-Schilling demande des données statistiques plus nombreuses sur le grand nombre de jordaniennes qui n’ont pas d’emploi, notamment leur formation et le type de travail qu’elles recherchent. Elle aimerait disposer de plus amples détails sur les mesures gouvernementales pour traiter du chômage dans le contexte d’une population en augmentation où le nombre de femmes hautement qualifiées augmente. Elle se demande si la décision du Gouvernement d’interdire aux femmes certains types d’emploi répond aux impératifs de l’Organisation internationale du travail et se demande si une législation protectrice pourrait en fait s’avérer discriminatoire et provoquer une surconcentration de femmes dans certains types de postes, aboutissant ainsi au chômage.

Article 12

26.Mme Abaka salue le succès de l’État partie dans le domaine de la santé des femmes, particulièrement la création d’une Commission de la maternité sans risques (CEDAW/C/JOR/2, para. 120) et de la chute conséquente de la mortalité infantile et de celle liée à la maternité. Elle souligne cependant que la santé reproductive concerne plus que la simple maternité sans risques. Elle se demande si les femmes palestiniennes profitent également du travail de la Commission et aimerait obtenir des chiffres à cet égard. Remarquant dans le paragraphe 121 que l’hémorragie était l’une des principales causes de mortalité liée à la maternité, elle souligne la nécessité de combattre l’anémie pendant la grossesse. Elle se félicite du niveau élevé d’allaitement maternel en Jordanie et de l’interdiction de distribuer des biberons dans les hôpitaux; ces biberons étant souvent déchargés dans les pays en voie de développement. Elle se montre également satisfaite de l’initiative hospitalière favorable aux nourrissons décrite au paragraphe 118. En faisant référence au paragraphe 119, elle s’informe du statut marital et du type d’emploi des femmes victimes du virus du sida. Des statistiques mises à jour sur le sida et des informations sur les autres maladies sexuellement transmissibles seraient très utiles. Elle accueille avec joie le déclin de la toxicomanie parmi les femmes (paragraphe 119) et aimerait connaître les types de drogue auxquels les femmes étaient dépendantes.

27.L’État partie doit indiquer si les Palestiniennes disposent d’un accès égal à la contraception et aux services de planning familial et si ces services leur sont proposés gratuitement. Elle souhaite savoir si l’État partie met en œuvre des programmes pour impliquer les hommes, ainsi que les femmes, dans l’usage de contraceptifs, même si elle reconnaît les difficultés d’un tel engagement dans une société hautement traditionnelle, et si le Gouvernement envisage de modifier la loi sur l’avortement dans des cas de viol ou d’inceste. En dernier lieu, elle souligne que, selon la Convention, le gouvernement de Jordanie doit prendre des mesures pour s’assurer que le congé de maternité est d’une durée égale dans les secteurs publics et privés.

28.Mme Manalo souligne que le rapport ne contient pas d’informations sur les programmes de santé mentale pour les femmes jordaniennes, particulièrement les femmes victimes de violence.

Article 13

29.Mme Corti félicite le Fonds d’assistance nationale de l’État partie (paragraphe 138) conçu pour distribuer une assistance financière aux secteurs les plus pauvres de la population. Il est toutefois décevant que les femmes ne puissent bénéficier d’exonérations fiscales (paragraphe 139) sans le consentement de leur mari, même si elles ont la garde des enfants. Des informations supplémentaires sur le programme de logement spécial pour les femmes et ses bénéficiaires seraient les bienvenues. Elle remarque également une anomalie dans le système d’octroi de prêts bancaires, des hypothèques et autres formes de crédits financiers: alors que le Comité national jordanien pour les femmes garantit l’égalité des droits pour les femmes en la matière, l’exercice de ce droit est extrêmement difficile, notamment le critère selon lequel les femmes doivent garantir leurs propres prêts.

Article 14

30.Mme Ouedraogo félicite l’État partie pour l’augmentation du nombre de centres médicaux en zones rurales (paragraphe 152) et le nombre de projets conçus pour améliorer la situation des femmes du milieu rural. Elle se félicite également de la franchise de la Jordanie concernant certains problèmes, notamment l’accès des femmes entrepreneurs au crédit et la collecte de données statistiques. Soulignant le lien indirect existant entre le niveau d’éducation des femmes et la santé des enfants, elle incite l’État partie à baser ses programmes pour les femmes rurales sur la formation professionnelle et l’éducation à la vie familiale, particulièrement la santé, l’hygiène et l’éducation nutritionnelle. Elle recommande également une formation professionnelle et la création de fonds spéciaux et de banques pour les femmes afin de surmonter la pauvreté féminine et, en dernier lieu, de garantir leur autonomie économique, qui est la clé pour obtenir le respect de la société.

31.Mme Feng Cui affirme que d’importants progrès sont évidents dans l’extension des réseaux scolaires dans les zones rurales. En ce qui concerne l’article 14 en général, il semble que le Gouvernement ait de nombreux programmes en place mais qu’il doive trouver des moyens d’encourager les femmes et de leur permettre d’en profiter. Le deuxième rapport périodique mentionne un certain nombre d’études sur les femmes de milieu rural, et elle se demande dans quelle mesure les résultats de cette étude ont influencé la politique. Elle aimerait également savoir si le plan de développement économique et social pour 1999 - 2003 comporte des objectifs particuliers concernant les femmes en milieu rural, par exemple dans le domaine du micro crédit, les programmes spécifiques de formation des femmes rurales en marketing et en compétences commerciales pour leur permettre de subvenir à leurs besoins.

Article 15

32.Mme Khan incite la Jordanie à retirer les réserves faites à l’article 15, paragraphe 4, de la Convention concernant la liberté des femmes de choisir leur domicile. Puisque la charia autorise une femme à poser ses conditions dans le contrat de mariage, permettant ainsi de choisir son domicile, le libre choix d’un domicile ne contredit pas en lui-même la Loi islamique; la Jordanie doit donc supprimer sa réserve à ce sujet.

33.Mme Manalo convient que la réserve de la Jordanie concernant le domicile manque de fondement logique.

Article 16

34.Mme Khan explique qu’il y a des raisons valables pour que la Jordanie réexamine les réserves faites à l’article 16, paragraphe 1 ©, (d) et (g). Le paragraphe 1 © accorde aux hommes et aux femmes les mêmes droits et responsabilités pendant le mariage et à sa dissolution. Même s’il est vrai que la Loi islamique accorde aux hommes des droits plus importants pendant le mariage, par exemple en autorisant la polygamie, en ce qui concerne la dissolution du mariage, la charia accorde aux femmes le droit de divorcer si cela est mentionné au contrat de mariage. D’autres pays musulmans, notamment l’Indonésie et le Yémen, n’ont pas ressenti la nécessité d’émettre des réserves concernant l’article 16. La Jordanie pourrait montrer l’exemple en retirant sa réserve au paragraphe 1 ©.

35.Selon elle, le paragraphe 1 (d) concernant les responsabilités parentales ne contredit pas la Loi islamique. La charia rend le père financièrement responsable de ses enfants, mais la mère se voit traditionnellement accorder la garde des enfants et pourrait également volontairement assumer une responsabilité financière pour leur entretien. La Jordanie ne doit donc pas maintenir sa réserve sur ces motifs.

36.En dernier lieu, la réserve faite au paragraphe 1 (g) concernant le droit à choisir un nom de famille n’a aucun fondement dans la tradition islamique; le concept de nom de famille est un concept occidental relativement récent. Elle espère que la Jordanie retirera rapidement cette réserve.

37.Mme Myakayaka-Manzini explique qu’il y a une contradiction dans la position jordanienne, en ce qu’elle accorde la garde des enfants à la mère mais n’autorise la transmission de la nationalité que par le père. Elle insiste donc sur le réexamen de la réserve concernant la nationalité, qui est considérée comme ayant un impact négatif sur l’éducation, la santé et le bien-être général des enfants, auxquels la Jordanie prétend accorder une importance capitale.

38.Mme Schöpp-Schilling se joint à d’autres membres du Comité et insiste auprès de la Jordanie pour qu’elle revoie les réserves émises par rapport à la Convention. Elle voudrait connaître le pourcentage de femmes non musulmanes en Jordanie et la façon dont la Loi sur le statut personnel les concerne. Certains commentaires dans le rapport suggèrent que l’église chrétienne joue un rôle pour résoudre les questions de statut personnel des membres de leur communauté.

39.Le rapport mentionne des propositions d’amendement des dispositions sur la polygamie dans l’article 40 de la Loi sur le statut personnel. Elle aimerait une clarification concernant la source de propositions, la position du Gouvernement à cet égard, les chances que cet amendement soit voté et le calendrier éventuel.

40. Mme Aouij estime que l’État partie devrait expliquer pourquoi seuls les cadis sont compétents pour traiter les questions de statut personnel. Dans un certain nombre de pays arabes et musulmans, les magistrats ordinaires, plutôt que les chefs religieux, sont compétents dans les affaires familiales et de statut personnel, et sont plus aptes à essayer de réconcilier les positions de la charia et de la vie moderne et d’appliquer les règles de droit international, notamment celles de la Convention. En outre, maintenant que les femmes ont commencé à être nommées dans le système judiciaire jordanien, leurs décisions sur les questions de statut personnel pourraient jouer un rôle important pour l’avancement des femmes.

41.Dans la mesure où le taux de polygamie en Jordanie n’est que de 8 %, il est temps pour le Gouvernement de limiter et de réglementer la polygamie afin de l’abolir à long terme. La polygamie n’est pas un concept fondamental de l’Islam et n’est pas spécifique à cette religion: d’autres cultures la pratiquent également. Elle est devenue anachronique et Mme Aouij espère que le Comité national jordanien pour les femmes abordera courageusement le problème.

42.Conformément au rapport, la Loi sur le statut personnel accorde à la femme le droit de dissoudre le mariage si son mari est incapable de remplir son devoir conjugal, et s’il l’a renie ou l’abandonne. Elle aimerait avoir des informations sur le nombre de cas de ce type amenés par les femmes devant les cadis, et sur leur issue. De même, elle aimerait savoir si des femmes ont engagé des poursuites visant à obtenir un dédommagement en cas de divorce arbitraire ainsi que leur taux de réussite.

43.Beaucoup de femmes ne connaissent pas leurs droits, et ne peuvent donc profiter de l’occasion qui leur est offerte par la charia d’intégrer des clauses à leur contrat de mariage leur permettant, par exemple, de travailler à l’extérieur du foyer ou de choisir leur domicile. Le Comité national jordanien pour les femmes, en collaboration avec les organisations non-gouvernementales, devrait mener une campagne d’information sur les dispositions qui peuvent être intégrées au contrat de mariage.

44.L’article 16 de la Convention génère en général un très grand nombre de réserves de la part des pays musulmans. Selon elle, chaque réserve retirée ou définie plus étroitement constitue une avance importante pour les femmes.

45.Mme Sabbagh (Jordanie) affirme que les questions du Comité ont donné beaucoup de matière à sa délégation. Elles feront de leur mieux pour obtenir des réponses pour la session actuelle du Comité, mais toutes les questions en suspens seront certainement traitées dans le prochain rapport périodique de la Jordanie.

La séance est levée à 1 6 h 4 5.