Trente-huitième session

Compte rendu analytique de la 812e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 15 janvier 2008, à 15 heures

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18de la Convention (suite)

Deuxième, troisième et quatrième rapports combinés de la Bolivie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième, troisième et quatrième rapports combinés de la Bolivie (suite) (CEDAW/C/ BOL/2-4, CEDAW/C/BOL/Q/4 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, la délégation bolivienne prend place à la table du Comité.

Article 1 à 6 (suite)

M me Cabero (Bolivie) dit que la loi no 3335 de 2006 s’applique à tous les crimes liés à la traite d’enfants ou d’adultes des deux sexes et définit les principes de leur répression. Une commission intersectorielle a été créée par le ministère des affaires paysannes, autochtones, de la condition féminine et des relations entre générations, le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur. Le cabinet du médiateur, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et des organisations non gouvernementales (ONG) sont aussi représentés dans cette commission.

La prostitution n’est pas interdite en droit bolivien mais la loi no 2033 et la législation sur la traite des personnes condamnent l’encouragement à la prostitution et le proxénétisme.

La Bolivie a signé des accords bilatéraux concernant la traite avec la Chine et l’Argentine, et s’efforce de conclure, avec le Marché commun du Sud (MERCOSUR), un accord qui, notamment, reconnaisse aux migrants tous les droits qui leur sont accordés par le droit et les traités internationaux.

M me Agreda (Bolivie) reconnaît que l’égalité et la complémentarité sont des principes différents et que l’idée d’égalité entre hommes et femmes diffère d’une culture à l’autre, y compris entre celles des groupes ethniques de la Bolivie. Les initiatives nouvelles concernant cette égalité doivent tenir compte de ces différences en incluant des principes généraux et aussi sectoriels : les inégalités sont ressenties de diverses façons et cette diversité doit être prise en compte. Parfois, les pratiques culturelles dissimulent l’inéquité et minimisent la violence domestique et il faut donc, d’abord, démasquer cette violence et, ensuite, faire appliquer les principes de conduite publique.

En plus du Plan national d’action correctrice et préventive contre la violence à l’égard des femmes, des interventions visent à éliminer les idées reçues et la pauvreté mais elles ne suffisent pas. Un nouveau programme devrait ouvrir davantage aux femmes l’accès à la terre, au logement et au microcrédit, quel que soit leur âge ou leur situation de famille. Depuis l’adoption en 1996 de la loi relative à l’Institut national de réforme agraire, la situation a beaucoup progressé même si certaines régions sont plus prêtes que d’autres à admettre que les femmes possèdent des terres. Sur l’ensemble des titres de propriété, 12 % sont détenus par des femmes et 45 % le sont à la fois par les deux époux.

M me Fernandez (Bolivie) dit que pour faire disparaître les idées reçues et les schémas discriminatoires dont les femmes sont victimes, des modules d’enseignement concernant les préoccupations des femmes et un système d’évaluation des résultats ont été mis en place. Des données sur les avancées de la pleine prise en compte de ces préoccupations dans l’enseignement et sur les obstacles à celle-ci sont présentées aux pages 20 à 22 du rapport CEDAW/C/BOL/4).

M me Torrico (Bolivie) dit que les organismes d’agriculteurs ont contribué à transformer la propriété foncière. Toutefois la discrimination et le racisme continuent d’être pratiqués à l’encontre de certains groupes et des « familles captives », qui sont quasiment les esclaves des propriétaires fonciers. Bien que la Bolivie ait ratifié la Convention américaine relative aux droits de l’homme en 1979, elle ne l’applique pas encore.

M me Cabero (Bolivie) dit que la Constitution ne prévoit pas de mesure spéciale temporaire.

Prenant la parole en qualité de membre du Comité, la Présidente demande si la Convention est appliquée directement; dans l’affirmative, les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 relatives aux mesures spéciales temporaires doivent être applicables. Elle se demande si les traités ratifiés ont le même statut que les autres lois ou si une législation d’application est nécessaire.

M me Cabero (Bolivie) dit que les conventions ratifiées ont valeur de loi mais que des mécanismes sont nécessaires pour les appliquer et les rendre compatibles avec le reste de la législation. Aucune mesure spéciale temporaire n’a été prise. Une réforme du droit est en cours.

Articles 7 à 9

M me Maiolo signale que 50 % des électeurs sont des femmes. Elle voudrait savoir si le gouvernement envisage des mesures qui encouragent les femmes à voter pour d’autres femmes et à appuyer des candidates.

M me Gaspard relève que 20 % seulement des juges sont des femmes et demande si il y a eu des progrès depuis la parution du rapport. Elle voudrait aussi savoir comment les femmes juges sont nommées et avoir des renseignements sur leur situation et sur celle des policières.

M me Belmihoub-Zerdani se félicite de ce que la délégation ait un niveau élevé et que ce soit une autochtone qui soit ministre de la justice. Elle suggère que la délégation, à son retour en Bolivie, tienne une conférence de presse sur son dialogue avec le Comité et encourage les ONG à préconiser l’application de la Convention. Les médias doivent servir à mobiliser aussi bien les femmes que les hommes.

Mme Belmihoub-Zerdani dit que l’enfant né de père bolivien et de mère étrangère peut choisir d’avoir la nationalité de l’un ou l’autre de ses parents et voudrait savoir s’il en est de même de l’enfant né de mère bolivienne et de père étranger.

M me Cabero (Bolivie) dit que la proportion de juges qui sont des femmes varie selon les régions; elle est de 28 à 30 % à Cochabamba et de 25 % à La Paz. Les enfants peuvent choisir la nationalité de l’un ou l’autre de leurs parents lorsqu’ils atteignent la majorité.

M me Agreda (Bolivie) est elle aussi d’avis que le gouvernement devrait aider les femmes à financer leurs campagnes électorales. Encourager les femmes à voter pour d’autres femmes n’atteindra le but recherché que dans des années bien que l’on soit arrivé en partie à convaincre les autochtones de voter pour des candidats eux aussi autochtones.

Il faudra encore beaucoup de changements avant que les Boliviennes ne soient présentes dans la magistrature et la police qui, comme dans tous les pays, sont les organes dans lesquels le patriarcat règne encore le plus; elles peuvent recevoir une formation mais sont difficilement promues. Récemment, un pourcentage minimum de 9 % des places a été réservé aux candidats autochtones dans les écoles de police.

M me Torrico (Bolivie) dit que les femmes doivent œuvrer ensemble pour définir les politiques publiques. Les femmes autochtones ont pris la tête dans de nombreux domaines, entre autres face à l’armée et à la police et pour la restitution de leurs ressources naturelles; cependant, nombres d’entre elles n’ont pas de documents d’identité et, donc, ne peuvent pas voter; la faute en est au système.

Articles 10 à 14

L’enseignement étant à la fois gratuit et obligatoire, Mme Ara Begum se dit étonnée que 37,9 % des femmes rurales âgées de 15 ans ou plus soient analphabètes et que l’abandon scolaire soit élevé aussi bien chez les femmes que chez les hommes dans tout le pays. Elle se demande si le gouvernement est pleinement résolu à appliquer les mesures incitatives mentionnées dans les réponses faites par la Bolivie à la question 15 de la liste de questions (CEDAW/C/BOL/Q/4/Add.1), voudrait connaître l’impact qu’elles ont eu et savoir si les programmes mentionnés sont dispensés en aymara et en quechua.

M me Zou Xiaoqiao demande quels problèmes particuliers le gouvernement a rencontrés dans sa lutte contre la discrimination dont souffrent les filles dans l’enseignement. Elle se demande si les enseignants ont été formés à la question de l’égalité entre les sexes, si l’on a revu les manuels pour en faire disparaître les représentations discriminatoires et, dans l’affirmative, comment ils ont été corrigés, et si un enseignement de remplacement est proposé aux filles qui ont abandonné l’école. Il serait bon aussi que le gouvernement renseigne le Comité sur ce qu’il a décidé de faire au sujet des Objectifs du Millénaire pour le développement, notamment les buts fixés dans leur intérêt. Enfin, elle demande quel est le pourcentage d’enseignantes à tous les niveaux.

M me Simms craint que les mesures prises par les pouvoirs publics pour sensibiliser l’opinion et modifier les programmes d’enseignement soient trop faibles pour éliminer le sexisme et le racisme, particulièrement à l’encontre des Boliviens d’ascendance africaine. Parce que l’arrivée des colonisateurs espagnols a été rapidement suivie de celle d’esclaves africains, ceux-ci sont frappés de l’opprobre qui pèse sur le système colonial et sont traités quasiment comme des non personnes. Des mesures spéciales temporaires et des approches créatrices sont nécessaires au profit des Boliviens d’ascendance africaine et des femmes autochtones.

Parlant en qualité de membre du Comité, la Présidente fait observer qu’à l’article 19 de la Déclaration du Millénaire, les État membres se sont déclarés résolus à faire en sorte que les garçons et les filles puissent achever un cycle complet d’études primaires et aient un accès égal à tous les niveaux d’enseignement. Elle souhaiterait être informée des résultats obtenus dans ce sens.

M me Agreda (Bolivie) explique que bien que l’enseignement soit gratuit et universel en Bolivie depuis les années 1950, les taux d’analphabétisme restent élevés et que l’égalité entre les sexes à l’école n’a pas encore été obtenue. De nouveaux programmes ont été mis en place depuis l’établissement du dernier rapport mais leur impact n’est pas pleinement satisfaisant, en partie parce qu’en dehors des grandes villes, les élèves doivent parcourir de longs trajets sur lesquels les parents ont peur que leurs filles soient victimes de violences sexuelles. Le gouvernement, qui a placé l’enseignement au premier rang des priorités en tant que composante essentielle du développement, prévoit de créer des transports scolaires et des internats gratuits pour les filles qui vivent en zone rurale.

Au titre du Programme de réforme de l’enseignement, les manuels existants sont revus et d’autres, nouveaux, sont adoptés pour éliminer le sexisme et d’autres formes de discrimination. Mme Agreda relève toutefois que les pays pauvres comme le sien rencontrent de nombreux obstacles structurels et ont tendance à privilégier d’autres domaines de lutte. L’enseignement des adultes et les cours du soir, en particulier dans les matières techniques, sont ouverts aux filles qui ont abandonné leurs études et de nouvelles initiatives sont proposées pour ouvrir davantage l’enseignement aux femmes.

M me Torrico (Bolivie) souligne que l’enseignement est gratuit et obligatoire jusqu’à la fin du collège. Le gouvernement considère que la société à l’obligation d’éliminer l’analphabétisme et s’est donné pour tâche primordiale d’ouvrir l’enseignement à tous les pauvres, y compris en fournissant des manuels, des moyens de transport, de la nourriture et des vêtements; il a entrepris de donner une place de choix aux femmes autochtones et reconnaît que le niveau de formation des enseignants des collèges doit être amélioré. Le gouvernement cubain et le gouvernement vénézuélien appuient par des technologies modernes des programmes d’alphabétisation dont 280 des 300 participants sont des femmes. L’Assemblée constituante prend aussi des mesures au sujet de ce problème.

M me Fernandez (Bolivie) dit que seulement 2 % des établissements d’enseignement secondaires sont situés en zone rurale; ils ne sont pas toujours de grande qualité et sont difficiles d’accès, particulièrement pour les filles. La forte pauvreté, les obstacles linguistiques et les dépenses attendues des parents gênent aussi les progrès vers l’égalité des sexes dans l’enseignement.

La situation des Boliviens d’ascendance africaine a été prise en compte dans l’établissement de la stratégie nationale relative aux droits de la personne humaine. Bien que leurs droits soient inscrits dans la Constitution et qu’ils soient reconnus en tant que peuple, ils ne sont pas représentés en tant que tels à l’Assemblée constituante. Ils vivent principalement dans le département de La Paz et dans d’autres régions pauvres du pays mais il n’existe pas de statistiques exactes sur leur nombre ni leur degré de pauvreté; davantage de données seront fournies par le prochain recensement.

M me Patten dit qu’il serait intéressant de connaître les mesures que le gouvernement a prises pour ouvrir aux femmes l’accès aux emplois très qualifiés et aux postes de cadres supérieurs. De plus, il faudrait préciser si des mesures spéciales temporaires sont envisagées et si on a entrepris de diversifier les possibilités d’emploi pour les femmes et de les inciter à opter pour des professions dominées par les hommes, et aussi si un mécanisme particulier a été mis en place pour régler les plaintes de discrimination salariale.

Il faudrait davantage d’informations sur l’impact du Plan national des politiques publiques pour le plein exercice des droits des femmes (2004-2007), sur le protection maternelle des femmes employées de maison et des travailleuses agricoles, ainsi que sur les mesures prises pour établir un système complet de collecte de données concernant le secteur non structuré. La délégation bolivienne devrait aussi préciser les politiques qui ont été formulées pour améliorer les chances économiques des femmes et leur donner des possibilités d’emploi dans le secteur structuré ainsi qu’une protection sociale.

M me Dairiam (Rapporteur) dit que les programmes nationaux de santé devraient être établis aussi en fonction de la situation des femmes et que le gouvernement devrait tenir dûment compte de la recommandation générale no 24 du Comité concernant les femmes et la santé. Davantage d’informations devrait être fournies au sujet de l’impact des régimes d’assurance sur la vie des femmes rurales. Il serait intéressant de savoir si les obstacles que les femmes rencontrent pour se faire soigner ont été étudiés et d’en apprendre plus sur les taux de mortalité maternelle.

Selon M me Pimentel, il est particulièrement important que le gouvernement se serve des recommandations générales pour établir ses programmes et ses politiques. Elle demande des renseignements sur les stratégies visant à promouvoir l’adoption de la loi relative aux droits sexuels et génésiques et à faire reculer le nombre des grossesses d’adolescentes, les pratiques abortives non sûres et la mortalité maternelle.

M me Halperin-Kaddari considère insuffisants les chiffres fournis sur l’avortement et les poursuites en cas d’avortement. Les femmes ne semblant pas pouvoir décider librement des questions de santé, il serait intéressant d’en savoir plus sur les mesures prises par le gouvernement pour les informer au sujet de la contraception et permettre aux femmes pauvres d’y avoir accès.

M me Fernandez (Bolivie) dit que le gouvernement et le ministère du travail ont pris des mesures pour empêcher l’inégalité des sexes sur le marché de l’emploi. Les buts du Plan de développement national consistent à garantir l’égalité des sexes sur le lieu de travail et l’accès des femmes à la sécurité sociale. La loi relative à la réglementation du travail domestique rémunéré stipule que les gens de maison doivent avoir une assurance maladie et une assurance retraite.

M me Cabero (Bolivie) dit que l’avortement est interdit sauf si la vie de la mère est en danger ou si la mère a été violée. Une femme qui consent à un avortement encourt des poursuites. Pour ces raisons, il n’existe pas de statistiques sur l’avortement.

M me Agreda (Bolivie) dit que le gouvernement a tenu compte de certaines des recommandations générales, y compris de la recommandation no 24. La loi relative aux droits sexuels et génésiques a provoqué des débats et des contestations dans tout le pays et le gouvernement a défini une stratégie pour faire face à l’opposition de groupes catholiques. L’article 66 de la nouvelle constitution garantit l’exercice des droits sexuels et génésiques aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Le gouvernement consacre des études à la santé sexuelle et génésique des femmes autochtones pour pouvoir tenir compte des différences ethniques dans sa conduite à tenir.

M me Fernandez (Bolivie) dit que la législation future donnera aux hommes et aux femmes plein accès aux soins de santé et ne considérera pas la question uniquement sous l’angle de la santé génésique des femmes. Le gouvernement a renforcé le Plan national de lutte contre la violence à l’endroit des femmes, a défini un programme pour éliminer la malnutrition et a élargi la couverture des soins de santé sexuelle et génésique.

Il serait utile, selon M me Coker-Appiah, de connaître les mesures qui ont été prises pour garantir à toutes les femmes l’accès aux fonds affectés aux initiatives de développement de la santé génésique et pour déterminer combien de femmes entrepreneurs ou cultivatrices ont bénéficié de la campagne « J’achète bolivien ». Il serait bon aussi de préciser les mesures prises pour remédier au manque de succès des mesures visant à faire participer davantage les femmes à cette campagne.

M me Tan demande un complément d’information sur le Programme national d’élargissement de la prise en charge dans le domaine de la santé (EXTENSA). En particulier, elle voudrait des précisions sur l’étendue des services, la capacité et l’équipement de chaque unité de santé et le nombre de femmes qui bénéficient du programme, et aussi le nombre de femmes et d’enfants bénéficiant du Plan de développement nutritionnel pour les femmes en âge de procréer et le pourcentage de terres appartenant à des femmes. Elle demande aussi si un droit coutumier freine cet accès et si le gouvernement a adopté une stratégie ouvrant aux femmes rurales l’accès au crédit ou à d’autres ressources qui leur permettent de se suffire à elles-mêmes.

M me Gabr voudrait connaître précisément le nombre des propriétaires terriennes, les règles de succession concernant les terres agricoles et le pourcentage de femmes rurales ayant accès à l’assainissement, à l’enseignement et à l’eau potable. De plus, il serait intéressant d’en savoir plus sur les plans que les pouvoirs publics ont définis pour régler les problèmes particuliers aux femmes rurales et aux Boliviennes d’ascendance africaine.

M me Fernandez (Bolivie) dit que pendant les années 1995 à 2005, en raison directement de la loi relative à la participation de la population et de la loi relative aux municipalités, un processus de participation citoyenne et, notamment, de participation des femmes à l’administration locale a démarré. En 2000, le gouvernement a adopté la loi sur le dialogue qui a accordé des ressources aux administrations municipales. Aucune loi ni ligne d’orientation nationale particulière ne définit l’emploi de ses ressources par les femmes; au contraire, les femmes y accèdent de manière générale, en participant davantage à la planification au niveau des municipalités, ce qui garantit la prise en compte de leurs préoccupations. Un certain nombre de municipalités ont affecté des ressources expressément à des projets qui sont conçus par des femmes et dont la majorité sont de petite taille, peu coûteux et concernent le développement de la production.

Des résultats ont aussi été obtenus au sujet de projets conjoints avec la société civile, par exemple pour que les questions d’égalité entre les sexes soient incluses dans toute la planification des municipalités. De plus, une loi est à l’étude concernant l’investissement public consacré à l’équité sociale et à l’équité entre les sexes : elle définirait des sources d’investissement pour des projets conçus par des femmes. Chaque année, le gouvernement publie des règles d’établissement des budgets nationaux et municipaux; les administrations municipales sont tenues d’affecter des ressources à au moins quatre grands programmes concernant par exemple la création d’emplois pour les femmes, la diffusion d’informations sur les droits des femmes et l’équité entre les sexes, l’objectif étant d’accroître la participation des femmes à l’administration municipale. Enfin, un projet de loi sur l’investissement public dans l’intérêt de l’équité sociale et de l’équité entre les sexes définit des sources supplémentaires de financement pour des projets concernant l’équité entre femmes et hommes au niveau des municipalités.

M me Torrico (Bolivie) dit que le gouvernement permet aux femmes non seulement d’accéder au crédit, mais aussi de gagner leur vie dans la petite production. Il a créé une base de données sur le développement productif pour permettre aux petits producteurs, hommes ou femmes, de trouver des sources de crédit.

M me Agreda (Bolivie) reconnaît que, dans le passé, les traditions empêchaient les femmes de posséder des terres. Les terres allaient uniquement aux fils et les bêtes aux filles. Les mentalités évoluent sous l’effet de la nouvelle législation, parce que les gens comprennent mieux l’importance qu’il y a à éduquer les filles tout comme les garçons et aussi en raison notamment des migrations, qui font que davantage de familles sont dirigées par des femmes. En outre, de nombreuses femmes veulent travailler elles-mêmes la terre, et pour cela ont besoin de titres officiels de propriété foncière. Plus de 19 000 agricultrices ont des titres fonciers et plus de 46 % des 42 000 titres délivrés entre 1997 et 2005 l’ont été à des femmes.

Les titres de propriété des terres détenues conjointement sont établis au nom du mari et de la femme. Aujourd’hui, le nom de la femme est inscrit en premier. Les terrains communaux, cependant, ont toujours été enregistrés au nom du chef de la communauté (traditionnellement un homme), mais doivent maintenant l’être au nom des deux conjoints.

Articles 15 et 16

M me  Halperrin-Kaddari demande si le gouvernement apporte une aide juridique et, dans l’affirmative, si une part quelconque de celle-ci est particulièrement destinée aux femmes. Elle voudrait aussi savoir pourquoi la partie du rapport qui concerne l’article 15 énumère longuement les lois qui ont été adoptées au cours des dernières années mais passe la jurisprudence sous silence.

Au sujet de l’article 16, Mme Halperrin-Kaddari voudrait savoir si le droit bolivien de la famille est de caractère civil ou religieux, s’il existe des tribunaux spéciaux pour les autochtones et comment le système de justice des collectivités s’applique dans le contexte du droit de la famille. Au sujet du nouveau code de la famille, elle demande s’il inclura des dispositions spéciales pour la population autochtone et s’il maintiendra le principe selon lequel les intérêts de la famille l’emportent sur ceux de ses membres considérés individuellement.

Notant que seulement 52,8 % des femmes prennent des décisions concernant leur propre santé (par. 364 du rapport), M me Tan demande ce qui est fait pour fournir un enseignement à ce sujet aux femmes et aux hommes qui sont mariés ou vivent maritalement.

Il serait intéressant de connaître aussi l’impact que la loi relative à la violence familiale et domestique a eu sur les chiffres de la violence au sein de la famille, particulièrement en ce qui concerne les plaintes déposées, les condamnations, les récidives et les retraits de plainte, et de savoir à quel point les gens connaissent cette loi qui, apparemment, a peu d’effets en zone rurale. Mme Tan serait particulièrement curieuse de savoir ce qui est fait pour l’éducation des hommes et des femmes concernant cette violence dans les campagnes et si le gouvernement fournit une aide judiciaire gratuite aux femmes qui souhaitent porter plainte contre ceux qui ne respectent pas cette loi. Enfin, elle demande des renseignements sur les tendances actuelles du divorce.

M me Shin souligne que l’âge minimum pour le mariage, qui est actuellement de 16 ans pour les hommes et 14 ans pour les filles (par. 367du rapport), devrait être porté à 18 ans pour les deux sexes. Elle demande quand le gouvernement a l’intention d’apporter ce changement et comment les unions maritales sont traitées en droit.

Mme Shin se félicite de ce que les biens puissent appartenir conjointement au mari et à la femme et espère que les deux conjoints ont des droits égaux concernant la gestion de leurs biens, conformément à l’article 16.

Mme Shin a entendu dire que pour obtenir l’égalité des droits en matière de garde des enfants, la mère devait faire faire un test ADN à ses frais, obligation qui ne correspond pas à l’égalité de traitement.

Tout en accueillant favorablement l’information du rapport selon laquelle l’État est résolu à faire davantage pour faire évoluer les coutumes et les traditions qui sont contraires à l’article 16, Mme Shin se demande s’il dispose de ressources suffisantes pour cela.

Enfin, à la lumière de la décision prise récemment par l’Assemblée générale d’autoriser le Comité à se réunir trois fois par an, Mme Shin espère que la Bolivie acceptera la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

M me Belmiboub-Zerdani se déclare surprise que l’âge du mariage n’ait pas été encore fixé à 18 ans pour les deux sexes alors que la Bolivie a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant en 1990.

Mme Belmiboub-Zerdani voudrait savoir en conclusion si le Code civil place tous les Boliviens sur un pied d’égalité au sujet du mariage et du divorce et si c’est la coutume qui s’applique aux autochtones, auquel cas elle demande des détails sur le régime en vigueur et voudrait savoir si celui-ci sera aboli.

M me Schöpp-Schilling ne voit pas clairement si la Constitution interdit expressément la discrimination fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelle. En outre, bien que cela soit une bonne chose qu’un certain nombre de municipalités aient affecté des ressources expressément à des projets de femmes, il importe de veiller à ce que les besoins particuliers des femmes soient pleinement pris en compte chaque fois que des fonds sont accordés, à quelque niveau que ce soit.

M me Dairiam (Rapporteur) dit attendre toujours la réponse à sa question concernant les programmes de santé.

M me Cabero (Bolivie) dit que les personnes accusées ont droit à une aide judiciaire gratuite mais qu’il n’en est pas de même de leurs victimes. Les femmes victimes de violence n’ont donc pas droit à une telle aide, en revanche elles reçoivent une assistance plus générale de la part d’organes administratifs et judiciaires.

En réponse à la question relative à la jurisprudence, Mme Cabero reconnaît que les résultats ont été maigres. Cependant, certaines décisions déterminantes ont été rendues et s’imposent aux parties.

Le système de justice communautaire est reconnu dans la Constitution et dans le Code de procédure pénale.

La Constitution ne définit pas d’âge minimal pour le mariage mais, dans le cadre de la dernière réforme du code de la famille, le gouvernement a l’intention de relever cet âge pour le faire coïncider avec celui de la majorité. Les unions maritales relèvent de la coutume et de la tradition.

Mme Cabero ne peut pas fournir de statistiques précises au sujet du divorce.

La société civile s’emploie énergiquement à faire renverser la charge de la preuve dans les jugements de divorce; les tests de paternité sont particulièrement éprouvants pour les femmes, dont beaucoup n’ont pas les moyens de payer un avocat. Le résultat est que la charge de la preuve sera renversée dans la nouvelle constitution.

Au sujet du partage des biens et de l’héritage, le Code civil reconnaît des droits égaux aux fils et aux filles mais il faut du temps pour faire évoluer les coutumes et les traditions : le gouvernement et la société civile s’emploient tout deux à sensibiliser l’opinion à ce sujet. Il est regrettable que les droits des femmes passent souvent après ceux de leurs frères car beaucoup de gens restent d’avis que les filles ont seulement le droit d’hériter des animaux ou aussi que les femmes mariées n’ont pas besoin d’avoir des biens à elles.

Enfin, la constitution actuelle reconnaît l’égalité de tous mais n’interdit pas expressément la discrimination. La nouvelle constitution, néanmoins, interdit clairement toutes les formes de discrimination.

M me Torrico (Bolivie) dit que les droits des femmes sont expressément reconnus dans la nouvelle constitution. Dans le passé, le système juridique autochtone était en fait plus équitable que celui de l’État; dans les villages ruraux, c’est un homme qui est chef mais les femmes occupent aussi des positions élevées.

M me Agreda (Bolivie) confirme que, dans la pratique, contrairement à une opinion répandue, le système de justice traditionnel tient plus compte des préoccupations des femmes que celui de l’État, qui est extrêmement patriarcal. Elle s’occupe de ce problème en qualité de ministre adjoint chargé des questions féminines et des relations entre générations. La nouvelle constitution tient compte du fait que chaque communauté autochtone a son système de justice propre. Des consultations sont en cours pour améliorer les services qui sont fournis aux femmes victimes de violence et revoir les dispositions pertinentes du Code pénal; certains organes de l’État, y compris le ministère de la justice, fournissent déjà des soins gratuits aux hommes comme aux femmes.

M me Torrico (Bolivie) dit que beaucoup de conventions internationales ignorent les peuples autochtones; elle se félicite donc que l’Assemblée générale ait adopté en septembre 2007 la Déclaration sur les droits des peuples autochtones par 143 voix contre 4, avec 11 abstentions. Des organisations non gouvernementales critiquent trop souvent les communautés autochtones en les jugeant trop conservatrices et patriarcales mais, elle-même, qui appartient à une de ces communautés, tient à souligner que de telles vues sont largement injustifiées.

Mme Torrico se félicite d’avoir l’occasion d’examiner le rapport de son pays avec le Comité, dont les observations et les recommandations seront prises en compte et elle-même et ses collègues continueront d’œuvrer pour tous ceux auxquels manque une reconnaissance juridique.

La Présidente rappelle à la délégation bolivienne que celle-ci s’est engagée, au nom de son gouvernement, a présenter à l’avenir ses rapports au Comité à l’issue d’un processus participatif, de le faire à temps, de faire traduire la Convention dans toutes les langues nationales et de la faire connaître par des campagnes de sensibilisation visant en particulier les membres de l’administration publique, le pouvoir judiciaire et les femmes, une conférence de presse représentant une excellente solution pour lancer une telle campagne.

Il est clair que la délégation reconnaît que la discrimination à l’égard des femmes subsiste en Bolivie; l’application de la Convention et de la législation adoptée sur la base de celle-ci facilitera la disparition des lois qui continuent de restreindre l’exercice de leurs droits par les femmes. La Présidente incite le gouvernement à se fonder pleinement sur les recommandations générales du Comité, particulièrement les recommandations générales no 5 sur les mesures spéciales temporaires, no 12 sur la violence à l’endroit des femmes, et no 24 sur les femmes et la santé.

La séance est levée à 15 h 35.