Nations Unies

CMW/C/RWA/CO/2

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

21 octobre 2021

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Rwanda *

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Rwanda à ses 454e et 455e séances, les 27 et 28 septembre 2021. À sa 472e séance, le 8 octobre 2021, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir soumis son deuxième rapport périodique, qui a été élaboré en réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport. Il accueille également avec satisfaction les renseignements complémentaires que la délégation, dirigée par Marie Chantal Rwakazina, lui a communiqués pendant le dialogue.

3.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de haut niveau, tant à Genève qu’à Kigali, et remercie les représentants de l’État partie pour les informations qu’ils lui ont fournies et pour leur attitude constructive, qui a permis de mener une analyse et une réflexion communes. Il remercie également l’État partie de s’être efforcé de communiquer ses réponses ainsi que des renseignements complémentaires dans les vingt-quatre heures qui ont suivi le dialogue.

4.Le Comité constate que le Rwanda, en tant que pays d’origine de travailleurs migrants, a fait des progrès dans la protection des droits de ses ressortissants travaillant à l’étranger. Il fait observer cependant que le pays rencontre, en tant que pays d’origine, de transit et de destination, des difficultés en ce qui concerne la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

B.Aspects positifs

5.Le Comité relève avec satisfaction que l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après ou les a ratifiés :

a)La Convention de 1997 sur les agences d’emploi privées (no181) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), en juin 2018 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 30 juin 2015.

6.Le Comité salue l’adoption des textes de loi suivants :

a)La loi no 71/2018 relative à la protection de l’enfant, en août 2018 ;

b)La loi no 57/2018 relative à l’immigration et à l’émigration au Rwanda, le 13 août 2018, et l’ordonnance ministérielle s’y rapportant (no 06/01), concernant les travailleurs migrants, en mai 2019 ;

c)La loi no 51/2018 portant prévention, élimination et répression de la traite des personnes et de l’exploitation d’autrui, en août 2018 ;

d)La loi no 66/2018 portant réglementation du travail au Rwanda, qui traite en particulier de la question des travailleurs migrants, en août 2018 ;

e)La loi no 68/2018 déterminant les infractions et les peines, qui interdit la discrimination en son article 163, en août 2018 ;

f)La loi no 19/2013 portant création de la Commission nationale des droits de la personne, en mars 2013, et la loi no 61/2018 portant modification de la loi no 19/2013 portant missions, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des droits de la personne et élargissant les pouvoirs de la Commission afin que celle-ci puisse agir en qualité de mécanisme national de prévention conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en août 2018.

7.Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie a adopté, en 2020, une politique nationale relative à la mobilité de la main-d’œuvre en vue de mettre en place des systèmes de mise en œuvre permettant de garantir la protection sociale et la sécurité des Rwandais travaillant dans le secteur structuré de l’économie à l’étranger. Il félicite également l’État partie d’avoir adopté la bonne pratique consistant à enregistrer les enfants nés sur son territoire quel que soit le statut de leurs parents.

8.Le Comité salue les efforts que le Rwanda déploie pour garantir l’égalité des sexes, notamment le traitement qu’il accorde aux femmes migrantes.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Contexte actuel

9. Le Comité recommande à l ’ État partie de protéger les droits des migrants et des membres de leur famille, en particulier leur droit à la santé, et d ’ atténuer les conséquences néfastes de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) en s ’ appuyant sur la note conjointe d ’ orientation sur les impacts de la pandémie de COVID-19 sur les droits humains des migrants établie par le Comité et le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants. Il recommande en particulier à l ’ État partie de garantir à tous les migrants et aux membres de leur famille un accès équitable à la vaccination contre la COVID-19, indépendamment de leur nationalité, de leur statut migratoire ou de tout autre motif de discrimination interdit, conformément aux recommandations formulées dans ladite note par le Comité et d ’ autres mécanismes régionaux de protection des droits de l ’ homme.

Législation et application

10.Le Comité prend note de l’adoption, le 13 août 2018, de la loi no 57/2018 sur l’immigration et l’émigration au Rwanda. Il constate que les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, ont le droit de porter plainte en cas de violation de leurs droits et qu’ils peuvent saisir les tribunaux et la Commission nationale des droits de la personne. Il s’inquiète toutefois de ce que l’absence d’affaires ou de procédures engagées par des travailleurs migrants ou des membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, pour violation des droits reconnus par la Convention puisse être le signe que les travailleurs migrants et les membres de leur famille ne connaissent pas les voies de recours qui leur sont ouvertes ou que les procédures existantes sont complexes. Le Comité relève également avec préoccupation que l’État partie s’est retiré du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille des voies de recours qui leur sont ouvertes en cas de violation des droits reconnus par la Convention. Il invite également l ’ État partie à faire figurer dans son prochain rapport des informations sur l ’ application de la Convention et des observations générales du Comité par les juridictions internes et la Commission nationale des droits de la personne. Il encourage en outre l ’ État partie à revoir sa position et à prendre des mesures en vue d ’ adhérer de nouveau au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l ’ homme et des peuples portant création d ’ une Cour africaine des droits de l ’ homme et des peuples.

12.Le Comité prend note également de l’obligation pour les étrangers qui souhaitent saisir un tribunal de verser une caution, obligation prévue à l’article 87 de la loi no 21/2012 du 14 juin 2012 portant Code de procédure civile, commerciale, sociale et administrative et qui a été maintenue dans la loi no 22/2018 du 29 avril 2018, à l’article 91.

13. Le Comité recommande aussi au Rwanda de supprimer l ’ obligation faite aux étrangers qui ne sont pas des ressortissants des États d ’ Afrique de l ’ Est de verser une caution.

Articles 76 et 77

14.Le Comité fait observer que l’État partie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention à l’effet de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant d’États parties ou de particuliers.

15. Le Comité renouvelle sa recommandation antérieure et encourage l ’ État partie à faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Ratification des instruments pertinents

16. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier dans les meilleurs délais la Convention de 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) ( n o 97), la Convention de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) ( n o 143) et la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de l ’ OIT.

Politiques et stratégie

17.Le Comité prend note de la création de la Direction générale de l’immigration et de l’émigration (DGIE), qui gère toutes les questions liées aux migrations. Il prend aussi note de l’adoption en 2020 de la politique nationale relative à la mobilité de la main-d’œuvre, qui vise à la réalisation et à la protection des droits humains et des droits au travail des travailleurs migrants rwandais. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que cette politique ne concerne que les Rwandais qui travaillent dans le secteur structuré de l’économie, par opposition au secteur informel, et exclut les travailleurs étrangers au Rwanda.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inclure la protection des Rwandais travaillant dans le secteur informel, ainsi que celle des immigrants au Rwanda, dans sa politique nationale relative à la mobilité de la main-d ’ œuvre, et de prendre des mesures visant à protéger les droits humains de ces personnes.

Mécanisme de suivi indépendant

19.Le Comité prend note de l’adoption, le 25 mars 2013, de la loi no 19/2013 portant missions, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des droits de la personne, modifiée par la loi no 61/2018 le 24 août 2018. Il prend note avec satisfaction de l’article 6 (par. 4) de la loi no 19/2013, qui dispose que la Commission a pour mission spéciale de protéger les travailleurs migrants et les membres de leur famille, et se félicite des efforts déployés pour garantir un processus transparent et participatif de sélection et de nomination des membres de la Commission. Il note toutefois avec préoccupation que la loi ne prévoit pas de procédure de révocation indépendante et objective et que la Commission ne dispose pas de ressources suffisantes pour s’acquitter efficacement de son mandat de protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la loi portant missions, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des droits de la personne afin de garantir une procédure de révocation indépendante et objective, et de doter la Commission de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de promouvoir et de protéger les droits reconnus par la Convention aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille.

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

21.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie en matière de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme, décrits dans son rapport et au cours du dialogue, en ce qui concerne la formation des juges. Il est toutefois préoccupé par l’absence de programmes de formation portant spécialement sur la Convention et les droits qui y sont consacrés à l’intention des parties prenantes, y compris le personnel judiciaire et les forces de l’ordre.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre au point des programmes d ’ éducation et de formation sur les droits que reconnaît la Convention aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, y compris sur les questions de genre et les droits de l ’ enfant, et de faire en sorte que ces programmes soient proposés à l ’ ensemble des fonctionnaires et du personnel s ’ occupant de questions relatives aux migrations, en particulier aux membres des forces de l ’ ordre et des services chargés de la surveillance des frontières, aux juges, aux procureurs, aux agents consulaires, aux membres du Parlement, aux fonctionnaires nationaux, régionaux et locaux, aux travailleurs sociaux et aux membres des organisations de la société civile ;

b) De renforcer l ’ action qu ’ il mène avec les organisations de la société civile et les médias pour diffuser des informations sur la Convention et promouvoir cet instrument dans tout le pays.

Participation de la société civile

23.Le Comité est préoccupé par le fait que la société civile participe peu à la mise en œuvre de la Convention.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De fournir aux organisations de la société civile qui s ’ occupent des travailleurs migrants et des membres de leur famille les outils nécessaires pour leur permettre de participer véritablement à la mise en œuvre de la Convention et à l ’ application des recommandations formulées dans les présentes observations finales ;

b) De renforcer le dialogue avec les organisations de la société civile.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

25.Le Comité relève que la Constitution prévoit l’interdiction générale de la discrimination, et prend note de la loi no 68/2018 définissant les infractions et les peines, qui criminalise la discrimination, et de la loi no 66/2018 portant réglementation du travail au Rwanda, qui interdit la discrimination sur le lieu de travail. Toutefois, il regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les pratiques réelles et d’exemples qui permettraient d’évaluer le degré de réalisation du droit à la non-discrimination consacré par la Convention pour tous les travailleurs migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui se trouvent sur son territoire ou sous sa juridiction, qu ’ ils soient pourvus ou non de documents, jouissent sans discrimination des droits reconnus dans la Convention, conformément aux articles 1 er (par. 1) et 7 de celle-ci.

3.Droits humains de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

27.Le Comité constate que la loi no 57/2018 a abrogé la loi no 04/2011. Il relève également que l’État partie a donné l’assurance que la détention de migrants pour infraction à la législation sur l’immigration était une mesure de dernier recours appliquée dans des établissements spéciaux, et que la Commission nationale des droits de la personne exerce une surveillance et peut effectuer des visites inopinées dans les lieux de détention où peuvent se trouver des travailleurs migrants. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’ arrêté ministériel no 06/01 du 29 mai 2019, relatif à l’immigration et à l’émigration, qui énumère les fautes administratives et les sanctions en cas de non-respect des dispositions de cette loi, fixe des amendes allant de 50 000 à 1 million de francs rwandais pour les retards compris entre six jours et plus de neuf mois dans le dépôt d’une demande de visa ou de permis de séjour, et prévoit la possibilité d’expulser le contrevenant ;

b)Le premier alinéa de l’article 44 de la loi no 57/2018, visant toute personne prêtant assistance à un étranger alors qu’elle sait ou devrait savoir que cet étranger est un immigrant en situation irrégulière au Rwanda, qui est trop général ;

c)L’absence de données statistiques sur les cas de placement de travailleurs migrants et de membres de leur famille en détention administrative pour des motifs liés à la migration irrégulière ;

d)Le débat en cours sur la conclusion d’un mémorandum d’accord entre le Rwanda et le Danemark sur la coopération en matière d’asile et de migrations, qui pourrait avoir des effets négatifs sur les droits des demandeurs d’asile et des migrants.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que la procédure de régularisation soit matériellement et financièrement accessible à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille en situation irrégulière, et à ce que les sanctions pécuniaires imposées pour des infractions à la législation relative à l ’ immigration (par exemple, expiration du permis de séjour) n ’ empêchent pas l ’ accès aux mécanismes de régularisation ;

b) De supprimer le premier alinéa de l ’ article 44 de la loi n o 57/2018, pour éviter que la solidarité envers les travailleurs migrants au Rwanda soit systématiquement criminalisée ;

c) De faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées et ventilées par âge, sexe, nationalité et/ou origine sur le nombre de travailleurs migrants actuellement en détention administrative pour des infractions à la législation relative à l ’ immigration, ainsi que sur le lieu, la durée moyenne et les conditions de leur détention ;

d) De veiller à ce que les accords de coopération bilatérale en matière d ’ asile et de migrations conclus avec d ’ autres États parties protègent les droits et les garanties prévus par la Convention, et à ce qu ’ ils favorisent le retour volontaire et interdisent le renvoi forcé des travailleurs migrants vers leur pays d ’ origine.

Rémunération et conditions de travail

29.Le Comité prend note de la loi no 66/2018 portant réglementation du travail, qui protège les travailleurs migrants en vertu du principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et s’applique non seulement aux travailleurs du secteur structuré mais aussi à ceux du secteur informel, y compris les travailleurs domestiques. Il relève que les responsabilités et les pouvoirs des inspecteurs du travail s’appliquent également au secteur informel et au travail domestique en particulier. Il relève également que la loi no 66/2018 interdit que les enfants exercent certaines formes de travail, notamment qu’ils travaillent dans les mines souterraines, et qu’elle incrimine l’emploi d’ enfants à l’une quelconque des formes de travail interdites par la loi et punit l’employeur concerné ; qu’un arrêté ministériel incluant le travail domestique parmi les formes de travail interdites aux enfants serait en cours d’adoption ; et que la politique nationale relative au travail des enfants vise à prévenir et à éliminer le travail des enfants. Le Comité prend également note de la création, au niveau des districts, des cellules et des villages, de comités pour l’élimination et la prévention du travail des enfants chargés de détecter les cas de travail d’enfants et de les signaler aux autorités compétentes. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le manque d’informations sur l’application et la surveillance de l’application du principe d’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, notamment en ce qui concerne les travailleurs migrants tant en situation régulière qu’irrégulière, et par l’absence de données sur les cas réels de manquement à ce principe ;

b)L’absence d’une loi interdisant le travail des enfants, notamment l’emploi d’enfants migrants et d’adolescents à des travaux dangereux, et le manque d’informations sur les poursuites engagées et les sanctions prononcées contre ceux qui exploitent le travail des enfants ;

c)Le manque d’informations sur les mesures prises pour prévenir et combattre l’exploitation des filles, notamment des filles migrantes, par le travail domestique ;

d)Le fait que l’emploi informel demeure très répandu dans le secteur du travail domestique et que les migrants qui travaillent dans ce secteur ne connaissent pas leurs droits et leurs obligations.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les travailleurs migrants bénéficient d ’ un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est appliqué aux nationaux du point de vue de la rémunération et des conditions de travail, et de veiller à la stricte application de ce traitement en procédant à des inspections régulières et inopinées dans les secteurs où des travailleurs migrants sont employés, que ces secteurs soient structurés ou informels, conformément à la cible n o 8.8 des objectifs de développement durable ;

b) De redoubler d ’ efforts pour abolir le travail des enfants, y compris dans le secteur informel, en veillant à ce que des poursuites soient engagées contre ceux qui exploitent économiquement des enfants et à ce que les enfants victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) De renforcer la capacité des services d ’ inspection du travail à surveiller de manière efficace les conditions d ’ exécution du travail domestique et à recevoir, à instruire et à traiter les plaintes concernant des violations présumées ;

d) De veiller à ce que les travailleurs domestiques migrants disposent de contrats d ’ emploi écrits et explicites, obtenus gratuitement, de manière juste et en pleine connaissance de cause, définissant leurs tâches, leurs horaires, leur rémunération, leurs jours de repos et autres conditions de travail, ainsi que d ’ informations sur l ’ accès à des mécanismes de plainte et à d ’ autres moyens mis à la disposition des migrants au titre de la Convention.

Sécurité sociale

31.Le Comité constate que l’État partie a établi un cadre de sécurité sociale au moyen de la loi de 2018 portant réglementation du travail au Rwanda, qui dispose que les employeurs ont l’obligation d’affilier chaque employé à l’organisme de sécurité sociale et de verser des contributions pour lui à cet organisme, sans faire de distinction entre les travailleurs nationaux et les travailleurs migrants. Le Comité relève également qu’une convention générale de sécurité sociale a été adoptée avec le Burundi et avec la République démocratique du Congo mais que son champ d’application ne s’étend pas aux prestations familiales ni aux prestations de maternité, et que des discussions sont en cours au sujet de l’adoption d’un accord de sécurité sociale pour la Communauté d’Afrique de l’Est.

32. Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de s ’ efforcer de conclure des accords de sécurité sociale bilatéraux ou multilatéraux qui garantissent la protection sociale des travailleurs migrants, y compris en ce qui concerne les prestations familiales et de maternité, ainsi que la transférabilité des prestations de sécurité sociale.

Droit de transférer les revenus, l’épargne et les biens

33.Le Comité constate que la loi no 05/2015 régissant l’organisation des régimes de pension s’applique à tous les employés relevant de la loi portant réglementation du travail au Rwanda, quelle que soit leur nationalité. S’il relève également que l’État partie a ratifié la Convention no 48 de l’OIT sur la conservation des droits à pension des migrants (1935) et que des accords réciproques ont été signés avec le Burundi et la République démocratique du Congo sur la transférabilité des prestations de retraite, le Comité constate avec préoccupation que la loi régissant l’organisation des régimes de retraite prévoit que les prestations de retraite sont payables uniquement au Rwanda et ne sont pas transférables à l’étranger si le bénéficiaire cesse de résider dans le pays.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les migrants qui ont cotisé au système de sécurité sociale puissent transférer leurs avoirs de retraite vers le pays de leur choix, et de faciliter le transfert des revenus, de l ’ épargne et des biens des travailleurs migrants.

Soins médicaux

35.Le Comité prend note de la loi no 48/2015 encadrant l’organisation, le fonctionnement et la gestion des régimes d’assurance maladie adoptée le 23 novembre 2015, qui prévoit que tout employeur, public ou privé, est tenu de participer au paiement des cotisations d’assurance maladie de ses employés. Il est cependant préoccupé par le manque d’informations sur des programmes spécialement destinés à garantir l’accès aux soins médicaux d’urgence aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille qui se trouvent sur le territoire de l’État partie et sont en situation irrégulière.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, quel que soit leur statut migratoire, puissent jouir, en droit et en pratique, de l ’ accès à des soins médicaux d ’ urgence et aux services de santé de base, sur la base de l ’ égalité de traitement avec les nationaux de l ’ État partie.

Enregistrement des naissances et nationalité

37.Le Comité note avec satisfaction que les enfants nés dans l’État partie sont enregistrés indépendamment du statut de leurs parents et reçoivent ensuite un certificat de naissance, et que l’Agence nationale d’identification s’emploie actuellement à créer une base de données pour enregistrer tous les Rwandais nés et enregistrés à l’étranger. Le Comité regrette toutefois l’absence d’informations précises sur les mesures prises pour garantir le droit à la nationalité rwandaise des enfants de travailleurs migrants nés à l’étranger et sur la prévention de l’apatridie. Le Comité relève également qu’il n’existe pas de procédure claire pour la détermination du statut d’apatride des travailleurs migrants, procédure que la Convention relative au statut des apatrides recommande d’adopter.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que tous les enfants des travailleurs migrants rwandais nés à l ’ étranger soient enregistrés à la naissance et reçoivent des services consulaires des documents d ’ identité, et que l ’ enregistrement des naissances soit facilité et gratuit partout et en toutes circonstances, conformément à la cible n o 16.9 des objectifs de développement durable ;

b) De sensibiliser les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, à l ’ importance de l ’ enregistrement des naissances ;

c) De mettre en place des procédures claires de détermination du statut d ’ apatride et de faciliter l ’ accès à la citoyenneté, étant donné le rôle essentiel que joue la nationalité dans la façon dont sont traités les individus, en particulier les travailleurs migrants.

Droit d’être informé et diffusion de l’information

39.Le Comité relève qu’il existe un guichet unique d’information pour les migrants, qui relève de la Direction générale de l’immigration et de l’émigration. Il est toutefois préoccupé par l’absence de mesures prises pour diffuser activement auprès des travailleurs migrants qui commencent à occuper un emploi dans l’État partie des informations sur leurs droits au titre de la Convention, l’accès à la justice et les mécanismes de plainte disponibles.

40. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour diffuser activement auprès des travailleurs migrants qui commencent à occuper un emploi dans l ’ État partie des informations sur leurs droits au titre de la Convention, l ’ accès à la justice et les mécanismes de plainte disponibles ;

b) De concevoir des programmes de sensibilisation ciblés, notamment en consultation avec les organisations non gouvernementales concernées, les travailleurs migrants et les membres de leur famille et des agences de recrutement reconnues et fiables.

41.Le Comité est préoccupé par le fait que les travailleuses migrantes et les épouses ou partenaires de travailleurs migrants ne sont pas suffisamment informées des différents moyens d’obtenir une assistance et une protection et des mécanisme de plainte disponibles, notamment en cas de violence.

42. Conformément aux recommandations sur la prise en compte des droits humains des femmes qui figurent dans le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que des informations sur les droits des femmes dans le contexte de la migration soient disponibles, accessibles et faciles à comprendre, et à ce qu ’ elles englobent le droit à la liberté de circulation, les droits économiques, sociaux et culturels, les droits civils et politiques, les droits liés au travail et le droit de ne pas subir de préjudice, et comprennent des renseignements sur les recours disponibles, l ’ accès à la justice et les mécanismes de plainte en cas de violation. Ces informations devraient donner des renseignements clairs sur les risques et les réalités des circuits de migration régulière et irrégulière ;

b) De veiller à ce que les femmes migrantes et les épouses ou partenaires de travailleurs migrants reçoivent les coordonnées des consulats, des services de justice pénale et des organisations de femmes migrantes, et qu ’ elles soient informées de leur droit de demander de l ’ aide et une protection à ces services sans recevoir un rappel à l ’ ordre ou être renvoyées ;

c) De veiller à ce que des documents d ’ identité personnels soient délivrés à toutes les femmes et filles migrantes et aux épouses ou partenaires de travailleurs migrants, l ’ objectif étant de leur assurer l ’ accès aux services dont elles ont besoin pour protéger et garantir leurs droits.

Gestion des frontières et migrants en transit

43.Le Comité relève avec préoccupation qu’en 2021, dans les camps destinés aux personnes en transit, l’accès à l’alimentation a été limité.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir les droits humains des migrants en transit, notamment l ’ accès à des services de base adéquats tels que la nourriture, les soins de santé et l ’ hygiène.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Droit de créer des syndicats

45.Le Comité constate que les travailleurs migrants ont le droit de créer des syndicats, conformément à l’article 83 de la loi no 66/2018 portant réglementation du travail. Il regrette néanmoins de ne pas avoir reçu d’informations sur la manière dont les travailleurs migrants étrangers et les membres de leur famille exercent ce droit, dans l’État partie, en vue de promouvoir et protéger leurs droits et leurs intérêts économiques, sociaux, culturels et autres.

46. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour que les travailleurs migrants et les membres de leur famille puissent pleinement exercer leur droit de créer des associations et des syndicats et d ’ y adhérer en vue de promouvoir et protéger leurs droits et leurs intérêts économiques, sociaux, culturels et autres, conformément à l ’ article 40 de la Convention et à la Convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n o  87) de l ’ OIT.

Égalité de traitement face au chômage

47.Le Comité relève que la loi no 66/2018 portant réglementation du travail protège les migrants contre le licenciement illégal et leur permet de bénéficier des programmes publics de lutte contre le chômage dans des conditions d’égalité avec les nationaux. Il regrette néanmoins l’absence d’informations précises sur l’accès des travailleurs migrants aux prestations de chômage et à un nouvel emploi en cas de perte d’emploi ou de cessation d’une autre activité rémunérée.

48. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations précises sur l ’ accès des travailleurs migrants aux prestations de chômage et à un nouvel emploi.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Assistance consulaire

49.Le Comité constate que les Rwandais vivant à l’étranger reçoivent une assistance dans le cadre du programme général des services de facilitation à la diaspora et qu’il existe, au sein du Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale, un service chargé de fournir quotidiennement des services aux Rwandais vivant à l’étranger. Il regrette néanmoins de ne pas avoir reçu d’informations sur les programmes de formation aux dispositions de la Convention.

50. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de renforcer la capacité de ses consulats et ambassades à fournir des services de conseil, d ’ assistance et de protection aux travailleurs rwandais et aux membres de leur famille résidant à l ’ étranger, et de concevoir des programmes d ’ enseignement et de formation concernant les dispositions de la Convention qui soient spécialement destinés aux Rwandais qui ont l ’ intention de partir travailler à l ’ étranger.

Retour et réintégration

51.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe aucune disposition législative ou réglementaire réglementant le retour dans l’État partie des travailleurs migrants rwandais qui ne remplissent pas la condition énoncée à l’article 4 de la loi no 57/2018 sur l’immigration et l’émigration au Rwanda et à l’article 7 de l’arrêté ministériel no 06/01 relatif à l’immigration et à l’émigration, à savoir disposer d’un document de voyage valide ou d’une autre preuve de leur citoyenneté rwandaise.

52. Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de réglementer et de faciliter le retour dans l ’ État partie des travailleurs migrants rwandais qui ne remplissent pas la condition énoncée à l ’ article 4 de la loi n o 57/2018, à savoir disposer d ’ un document de voyage valide ou d ’ une autre preuve de leur citoyenneté rwandaise, et de continuer de prendre des mesures en vue de faciliter le retour volontaire des Rwandais vivant à l ’ étranger et des membres de leur famille, ainsi que leur réintégration économique, sociale et culturelle dans l ’ État partie.

Traite des êtres humains

53.Le Comité salue l’adoption de la loi no 51/2018, qui prévoit des mesures de protection et d’assistance pour les victimes de la traite des êtres humains, érige la traite en infraction pénale et énonce les peines d’emprisonnement et les amendes encourues en cas de violation de la loi. Il relève également les efforts que l’État partie a déployés pour combattre la traite en faisant passer de 12,5 % en 2016 à 53,3 % en 2018 le taux de condamnation dans ce type d’affaires. Le Comité est néanmoins préoccupé par :

a)Le fait que les dirigeants locaux, les enseignants, les jeunes, les habitants des zones frontalières, les réfugiés, les partenaires d’exécution travaillant dans les camps de réfugiés et la population générale ont peu de connaissances des questions liées à la traite ;

b)La difficulté qu’il y a à collecter des preuves, qui est l’une des principales raisons pour lesquelles le taux de condamnation dans les affaires de traite est inférieur au taux de condamnation dans d’autres types d’affaires ;

c)L’absence de protocole à appliquer aux affaires de traite ;

d)La contribution limitée de la société civile et du secteur privé au mécanisme actuel de lutte contre la traite, notamment au groupe de travail sur la traite constitué au sein du Ministère de la justice ;

e)Le manque de données quantitatives relatives à la traite.

54. À la lumière de son observation générale n o 2 (2013) et des P rincipes et directives concernant les droits de l ’ homme et la traite des êtres humains du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer et de mettre en œuvre, à l ’ intention des dirigeants locaux, des enseignants d ’ école secondaire, des réfugiés, des partenaires d ’ exécution travaillant dans les camps de réfugiés, des habitants des zones frontalières et de la population générale, des programmes globaux de sensibilisation visant à prévenir la traite des travailleurs migrants ;

b) De mettre en place une équipe conjointe composée de procureurs et d ’ enquêteurs de la Direction générale de l ’ immigration et de l ’ émigration, du Bureau d ’ enquête du Rwanda et du Parquet général de la République, qui pourront ainsi travailler de concert dans les enquêtes concernant les affaires de traite ;

c) D ’ établir un protocole à appliquer dans les affaires de traite, qui englobe les camps de réfugiés et les centres de transit ;

d) D ’ adopter une approche globale de la lutte contre la traite et d ’ y associer la société civile et le secteur privé ;

e) De créer un bureau chargé de coordonner la lutte contre la traite sur tout le territoire de l ’ État partie et d ’ instaurer un système de gestion des données relatives à la traite.

Mesures en faveur des travailleurs migrants en situation irrégulière

55.Le Comité s’inquiète de l’absence d’informations concernant les mécanismes de régularisation et de données relatives aux migrants en situation irrégulière, notamment aux migrants qui ont bénéficié de ces mécanismes. Il constate également avec préoccupation qu’aider des migrants en situation irrégulière constitue une infraction.

56. Le Comité recommande à l ’ État partie de communiquer :

a) Des informations sur les procédures de régularisation ouvertes aux travailleurs migrants en situation irrégulière ;

b) Des données sur les migrants en situation irrégulière, notamment sur ceux qui ont bénéficié des mécanismes de régularisation ;

c) Des données sur les procédures pénales engagées contre des personnes qui ont apporté de l ’ aide à des migrants en situation irrégulière.

6.Diffusion et suivi

Diffusion

57. Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient diffusées rapidement, dans ses langues officielles, auprès des institutions publiques compétentes, notamment les ministères, le Parlement, l ’ appareil judiciaire et les autorités locales, ainsi qu ’ auprès des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile.

58. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ entretenir de la mise en œuvre de la Convention et, en particulier, des présentes observations finales avec les organisations de la société civile et de tenir compte des propositions que ces organisations, qui connaissent bien la vie quotidienne des migrants, pourront lui faire au sujet des problèmes spécifiques posés par les migrations au Rwanda. À cette fin, le Comité́ recommande à l ’ État partie de créer, en coordination avec les organismes compétents et la société civile, un mécanisme de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des recommandations émanant des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier celles du Comité, qui permette une évaluation régulière de leur mise en œuvre et associe les organismes des Nations Unies et l ’ institution nationale des droits de l ’ homme.

Suivi des observations finales

59. Le Comité invite l ’ État partie à lui fournir par écrit, dans un délai de deux ans (c ’ est-à-dire le 1 er novembre 2023 au plus tard), des informations sur la mise en application des recommandations figurant aux paragraphes 11 (informations sur la Convention), 13 (caution) 28 b) (criminalisation de la solidarité) et 54 d) (approche globale de la lutte contre la traite).

Prochain rapport périodique

60. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son troisième rapport périodique au plus tard le 1 er novembre 2026. Pour ce faire, l ’ État partie voudra peut-être suivre la procédure simplifiée. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses directives harmonisées .