NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/96/D/1378/20057 septembre 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑seizième session13‑31 juillet 2009

CONSTATATIONS

Communication n o 1378/2005

Présentée par:

Mansur Kasimov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

Yuldash Kasimov, frère de l’auteur

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

12 avril 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

−Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 13 avril 2005 (non publiée sous forme de document)

−Décision concernant la recevabilité adoptée le 6 mars 2006 (CCPR/C/86/D/1378/2005)

Date de l’adoption des constatations:

30 juillet 2009

Objet: Condamnation à mort prononcée à l’issue d’un procès inéquitable; utilisation de la torture au cours de l’enquête préliminaire

Questions de procédure: Néant

Question s de fond: Droit d’être représenté par un conseil de son choix; condamnation à la peine de mort à l’issue d’un procès inéquitable

Article s du Pacte: 6 (par. 1, 4 et 6), 7, 9 (par. 1 à 4), 10, 14 (par. 1 à 4), et 16

Article du Protocole facultatif: 2

Le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations concernant la communication no 1378/2005 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, le 30 juillet 2009.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L ’ ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑ vingt ‑ seizième session

concernant la

Communication n o  1378/2005 **

Présentée par:

Mansur Kasimov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

Yuldash Kasimov, frère de l’auteur

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

12 avril 2005 (date de la lettre initiale)

Décision concernant la recevabilité:

6 mars 2006

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 30 juillet 2009,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1378/2005 présentée au nom de M. Yuldash Kasimov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l ’ article  5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est M. Mansur Kasimov, de nationalité ouzbèke. Il présente la communication au nom de son frère, Yuldash Kasimov, également de nationalité ouzbèke, né en 1985, qui, à la date de la présentation de la communication, était emprisonné en Ouzbékistan et qui, condamné à mort par le tribunal municipal de Tachkent le 3 mars 2005, attendait son exécution. L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits de son frère au regard des articles suivants du Pacte: 6, paragraphes 1, 4 et 6; 7; 9, paragraphes 1 à 4; 10; 14, paragraphes 1 à 4; et 16.

1.2Le 13 avril 2005, en application de l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité des droits de l’homme, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a prié l’État partie de surseoir à l’exécution de M. Kasimov tant que la communication était à l’examen. Le 13 juin 2005, l’État partie a informé le Comité qu’il avait accédé à sa demande et avait suspendu l’exécution, en attendant la décision finale du Comité. Le 8 juillet 2005, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires a décidé que la recevabilité de la communication serait examinée séparément du fond. Le 12 juin 2006, l’État partie a informé le Comité que, le 22 novembre 005, la Cour suprême d’Ouzbékistan avait commué la condamnation à mort de M. Kasimov en vingt ans d’emprisonnement.

1.3Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 28 décembre 1995.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1Le matin du 26 juin 2004, l’auteur a découvert les corps de ses parents à leur domicile, et a appelé la police. Plus tard dans la journée, son frère, Yuldash Kasimov, a été arrêté, avant d’être inculpé des meurtres le 29 juin 2004.

2.2D’après l’auteur, après son arrestation, son frère a été torturé et roué de coups au cours d’un interrogatoire; sa compagne a également été battue, en sa présence. L’auteur ajoute qu’il a lui‑même été arrêté et roué de coups par les enquêteurs pendant trois jours. Les deux frères ont été torturés et battus dans le but de faire avouer à l’un d’eux le meurtre de leurs parents. L’auteur indique que son frère, âgé de 19 ans au moment des faits, n’a pas supporté la violence et les pressions psychologiques auxquelles le soumettait la police, et a «avoué» les meurtres.

2.3Selon l’auteur, l’avocat qu’il avait engagé pour représenter son frère n’a pas été autorisé à rencontrer ce dernier au cours des deux premières semaines de l’enquête. Après qu’il a finalement été autorisé à voir l’avocat, son frère a immédiatement écrit au ministère public pour rétracter ses aveux.

2.4L’auteur affirme que l’enquête et le procès de son frère ont été entachés de nombreuses irrégularités: plusieurs témoins de la défense n’ont pas été cités à comparaître ni interrogés, sans aucune explication du juge; et ce dernier a menacé certains témoins de la défense de représailles (l’auteur ne précise pas sous quelle forme).

2.5Le frère de l’auteur a rétracté ses «aveux» à l’audience, et un enregistrement vidéo de l’interrogatoire y a été examiné. D’après l’auteur, il ressortait clairement de cet enregistrement que son frère avait été battu car on pouvait voir des contusions sur son corps, et il semblait avoir des difficultés pour parler et se mouvoir. Toutefois, le tribunal n’a visiblement pas tenu compte de ces contusions apparentes.

2.6En outre, aucun examen n’a été effectué pour déterminer si les mains ou les vêtements de son frère portaient des résidus de poudre venant d’une arme à feu, ce qui aurait été le cas s’il était l’auteur des coups de feu qui ont tué ses parents. Les résidus de poudre ne disparaissent pas au lavage et restent identifiables pendant plusieurs semaines.

2.7Le 3 mars 2005, le tribunal municipal de Tachkent a reconnu M. Kasimov coupable du meurtre de ses parents et l’a condamné à mort. Le tribunal aurait prononcé cette condamnation uniquement sur la base des aveux de M. Kasimov, obtenus sous la torture et en l’absence d’un défenseur. D’après l’auteur, il n’y avait aucune mention dans le dossier de l’affaire du nom de l’enquêteur qui avait enregistré la déclaration de M. Kasimov, ni de toute autre personne présente au moment de ces aveux.

2.8L’auteur a formé un recours devant l’organe d’appel du tribunal municipal de Tachkent, qui a confirmé la déclaration de culpabilité et la peine le 12 avril 2005. D’après l’auteur, ce jugement était définitif et exécutoire. D’autres demandes ont été adressées au Médiateur et à la présidence de la République, notamment un recours en grâce, mais aucune n’a abouti.

2.9L’auteur affirme que son frère est innocent et note que son père, haut fonctionnaire du Ministère de l’intérieur, avait plusieurs ennemis car c’était un homme honnête qui refusait de se laisser corrompre. D’après l’auteur, son père avait reçu des menaces de mort avant son assassinat. L’auteur ajoute que la fouille de l’appartement effectuée par la police a révélé pas moins de 23 empreintes digitales, dont aucune ne correspondait à celles de membres de la famille. Il n’y a pourtant pas eu d’enquête à ce sujet.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que son frère a été condamné à tort à l’issue d’un procès inéquitable, sur la base d’aveux forcés, obtenus par la contrainte. Il affirme que l’État partie a violé les droits de son frère au regard des articles suivants du Pacte: 6, paragraphes 1, 4 et 6; 7; 9, paragraphes 1 à 4; 10; 14, paragraphes 1 à 4; et 16.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans ses observations datées du 13 juin 2005, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. À propos des faits, il a noté que M. Kasimov avait été reconnu coupable du meurtre de ses parents et de plusieurs autres délits en vertu du Code pénal ouzbek.

4.2L’État partie invoque un large faisceau de preuves qui confirme, à son avis, la culpabilité de M. Kasimov. M. Kasimov s’est présenté volontairement aux autorités et a avoué les meurtres en donnant des détails. Il a dit à la police que, environ une semaine avant le meurtre de ses parents, il avait imaginé de les tuer afin de ne pas être reconnu responsable du vol d’une importante somme d’argent à son père. Vers 4 h 30, le 26 juin 2004, il est allé dans la chambre où ses parents dormaient et a tiré sur eux avec le pistolet équipé d’un silencieux de son père. Il s’est ensuite rendu en voiture à la maison de campagne d’un ami, non loin du fleuve Chirchik, dans le district de Kibrai, et s’est débarrassé du pistolet dans le fleuve. Plus tard, l’arme a été retrouvée au fond de l’eau par la police, et des expertises balistiques ont établi que c’était bien l’arme du meurtre.

4.3L’État partie affirme que l’enquête criminelle et le procès de M. Kasimov se sont déroulés dans le respect du Code de procédure pénale ouzbek et des dispositions du Pacte. Il rejette les allégations selon lesquelles: on aurait battu M. Kasimov pour le forcer à avouer; M. Kasimov n’aurait pas été autorisé à voir un avocat pendant deux semaines; le tribunal aurait fait pression sur les témoins de la défense et les aurait menacés de représailles. D’après l’État partie, ces allégations sont sans fondement et sont réfutées par les éléments du dossier, à savoir:

M. Kasimov a été filmé pendant sa déclaration, en présence d’un avocat. Cet enregistrement a été projeté à l’audience. M. Kasimov y apparaissait détendu et expliquait spontanément, de manière exhaustive et détaillée, comment il avait dérobé l’argent à son père, comment il avait tué ses parents et où il s’était débarrassé de l’arme;

Deux hauts fonctionnaires du Département de l’intérieur du district de Mirzo‑Ulugbek ont attesté qu’aucune «méthode d’investigation non autorisée» n’avait été utilisée contre M. Kasimov. D’après l’examen médico‑légal qui a été effectué le 22 septembre 2004, son corps ne présentait aucun signe de lésion. Cela a été confirmé par un expert médico‑légal durant l’audience. En outre, après que M. Kasimov eut affirmé que des méthodes d’investigation non autorisées avaient été utilisées contre lui pendant l’enquête avant son jugement, il a été procédé à une enquête interne, qui n’a produit aucun élément étayant sa plainte;

M. Kasimov a été interrogé comme témoin et ensuite comme suspect le 27 juin 2004, puis de nouveau le 29 juin 2004, à chaque fois en présence d’un avocat. Il ne s’est alors plaint d’aucun mauvais traitement.

4.4D’après l’État partie, les actes de M. Kasimov ont été qualifiés correctement par le tribunal, et la peine qui lui a été infligée était proportionnée à son crime. Les allégations selon lesquelles des méthodes non autorisées auraient été utilisées contre lui au cours de l’enquête avant son jugement se sont révélées être sans fondement. Depuis le moment où il a été arrêté, pendant toutes les étapes de l’interrogatoire et de l’enquête, et également pendant son procès, M. Kasimov a été représenté par des avocats.

Commentaires de l ’ auteur sur les observations de l ’ État partie

5.1Dans ses commentaires sur les observations de l’État partie datés du 18 octobre 2005, l’auteur a réaffirmé que les aveux de son frère avaient été obtenus sous la torture et qu’ils lui avaient été dictés par les enquêteurs; des détails de ces violations étaient consignés dans la plainte adressée au ministère public. Il a noté que le tribunal de première instance n’avait examiné le dossier que superficiellement, n’avait pas tenu compte des erreurs de procédure faites au cours de l’enquête, et avait pris de façon générale le parti de l’accusation. La juridiction d’appel n’avait, elle aussi, examiné l’affaire que superficiellement. L’auteur a réaffirmé que ses parents avaient été assassinés par des criminels non identifiés.

5.2L’auteur a réaffirmé que, pendant dix jours, M. Kasimov n’avait pas été autorisé à rencontrer l’avocat que l’auteur avait engagé pour lui. Il a donné des précisions supplémentaires sur les tortures subies par M. Kasimov, et a indiqué qu’à un moment une matraque avait été enduite de vaseline et insérée dans l’anus de son frère. Ce dernier avait ensuite été forcé à signer une déposition, après quoi la police avait arrangé une mise en scène pour récupérer un pistolet au fond du fleuve Chirchik, en prétendant qu’il s’agissait de l’arme dont le meurtrier s’était servi.

5.3L’auteur a affirmé que le tribunal avait violé le droit de son frère à la présomption d’innocence et n’avait pas exprimé de doute favorable à son frère à propos des éléments de preuve, comme le prescrit la loi ouzbèke.

5.4Enfin, l’auteur a noté que le tribunal n’avait pas tenu compte du fait que M. Kasimov n’était âgé que de 19 ans et n’avait pas d’antécédent judiciaire. L’article 97 du Code pénal prévoit que la sanction pour un meurtre est une peine de quinze à vingt ans d’emprisonnement, la peine capitale ne devant être utilisée qu’à titre «exceptionnel».

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Le Comité a examiné la recevabilité de la communication à sa quatre‑vingt‑sixième session, le 6 mars 2006. Il a établi tout d’abord que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et a constaté que l’État partie n’avait pas présenté d’objection pour ce qui était de la question de l’épuisement des recours internes. Il a conclu que les conditions énoncées au paragraphe 2 a) et b) de l’article 5 du Protocole facultatif étaient donc réunies.

6.2Le Comité a pris note des allégations de l’auteur concernant des violations des articles 14 (par. 4) et 16. En l’absence de toute information détaillée à l’appui de ces allégations, il a considéré que l’auteur n’avait pas suffisamment étayé ces griefs pour qu’ils soient recevables, et cette partie de la communication a été déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.3Concernant les griefs se rapportant aux articles 7, 10 et 14, paragraphe 3 g), le Comité a noté que l’auteur avait fourni des informations détaillées sur le fait que son frère aurait été torturé et forcé à faire des aveux par les autorités chargées de l’enquête. Il a noté que l’État partie avait nié que M. Kasimov ait été torturé et avait affirmé que deux fonctionnaires avaient témoigné qu’aucune torture n’avait été pratiquée. Toutefois, le Comité a constaté qu’aucune information n’avait été donnée sur la connaissance que ces fonctionnaires pouvaient avoir de l’affaire ou sur leur témoignage. S’agissant de l’affirmation de l’État partie selon laquelle un examen médico‑légal effectué sur la personne de M. Kasimov n’avait révélé aucun signe de lésion, le Comité a noté toutefois que l’examen en question avait eu lieu le 22 septembre 2004, soit près de trois mois après l’arrestation de M. Kasimov. Il a également noté qu’aucune information concrète n’avait été donnée sur les conclusions de cet examen ni sur l’«enquête interne» menée au sujet des actes de torture dont se plaignait M. Kasimov. Dans ces conditions, le Comité a estimé que les griefs de l’auteur au titre des articles 7, 10 et 14, paragraphe 3 g), étaient suffisamment étayés et les a déclarés recevables.

6.4Eu égard à la plainte de l’auteur selon laquelle son frère aurait été condamné uniquement sur la base des aveux auxquels il aurait été contraint, sans être dûment assisté d’un conseil, et son avocat n’aurait pas été autorisé à le voir pendant les deux premières semaines de l’enquête (voir par. 2.3), le Comité a noté que l’État partie avait évoqué d’autres éléments de preuve présentés à l’audience, et avait répété que les plaintes de torture de M. Kasimov (celles qu’il avait adressées au tribunal) avaient été considérées comme étant sans fondement; l’État partie avait également affirmé que l’intéressé avait eu accès à un avocat à tout moment, sans toutefois réfuter l’allégation selon laquelle il n’avait pas pu rencontrer l’avocat qui avait été engagé pour lui à  titre privé. Le Comité a noté que l’auteur avait affirmé que ni le nom de l’enquêteur qui avait enregistré les aveux de son frère, ni ceux des autres personnes qui étaient présentes au moment des aveux ne figuraient au dossier de l’affaire. Le Comité a constaté que l’État partie n’avait pas commenté ni réfuté ces allégations. Dans ces conditions, il a considéré que les griefs de l’auteur avaient été suffisamment étayés et les a déclarés recevables dans la mesure où ils soulevaient des questions au titre des articles 9 et 14, paragraphes 1, 2 et 3 b), du Pacte.

6.5Le Comité a également noté que l’auteur avait affirmé que plusieurs témoins de la défense n’avaient pas été interrogés et que certains avaient été menacés de «représailles» par le juge. À cet égard, le Comité a noté que l’auteur n’avait pas précisé en quoi ni pourquoi ces témoignages étaient ou auraient pu être importants. Cependant, étant donné que l’État partie s’était borné à rejeter ce grief comme étant sans fondement, sans fournir plus de précisions, le Comité a estimé que le grief était suffisamment étayé pour être recevable au titre du paragraphe 3 e) de l’article 14, et l’a déclaré recevable.

6.6Conformément à sa jurisprudence, le Comité a considéré que si la plainte formulée par l’auteur au titre de l’article 14, selon laquelle son frère aurait été condamné à mort à l’issue d’un procès inéquitable, avait été jugée recevable, la plainte concernant une violation de l’article 6 l’était également.

6.7Le Comité a demandé à l’État partie de lui adresser ses observations concernant le fond de l’affaire dans un délai de six mois. Il a invité également l’État partie à indiquer pour quelles raisons le tribunal avait refusé d’interroger des témoins de la défense; à donner des informations détaillées sur l’enquête interne conduite sur les allégations de torture de M. Kasimov, en précisant notamment comment s’était déroulée l’enquête et quelles en avaient été les conclusions; et à commenter les propos de l’auteur qui affirme que pendant les deux premières semaines de l’enquête son frère n’a pas pu consulter l’avocat qui avait été engagé à titre privé pour l’assister. L’auteur a été prié: a) de fournir des informations détaillées et des éléments de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle le tribunal avait refusé d’interroger des témoins de la défense, et b) de préciser quand il avait engagé un avocat à titre privé et à quelle date celui‑ci avait été autorisé à voir son client.

Observations de l ’ État partie sur le fond

7.1L’État partie a présenté ses observations sur le fond le 12 juin 2006. Il rappelle que le 3 mars 2005 M. Kasimov a été reconnu coupable du meurtre de ses parents et d’autres délits par le tribunal municipal de Tachkent, et a été condamné à mort. Le 22 novembre 2005, la Cour suprême a commué la sentence en vingt ans de prison.

7.2L’État partie rappelle les faits de l’espèce: entre février et juin 2004, M. Kasimov avait volé à son père une somme équivalant au total à 20 000 dollars des États‑Unis. Il a dépensé l’argent avec sa compagne, S. A.

7.3 Le 26 juin 2004, vers 4 h 30 du matin, le frère de l’auteur est allé dans la chambre de ses parents qui dormaient et a abattu son père d’une balle dans la tête, et sa mère de deux balles dans la tête, avec un pistolet appartenant à son père. Ses parents ont succombé à leurs blessures.

7.4 Le frère de l’auteur a ensuite ramassé les douilles qui se trouvaient sur le lieu du crime et s’est rendu en voiture chez un certain T. M., dans la localité de Pobeda, où il a jeté le pistolet, un silencieux et les douilles dans le fleuve Chirchik.

7.5 Selon l’État partie, la culpabilité de M. Kasimov est confirmée non seulement par ses aveux, faits en présence d’un avocat pendant l’enquête préliminaire, mais aussi par d’autres éléments de preuve, notamment:

a)Des dépositions de sa compagne selon lesquelles il lui offrait des cadeaux coûteux et l’invitait dans des restaurants chers, etc.;

b)Des dépositions de la mère de sa compagne selon lesquelles M. Kasimov avait prêté 7 900 dollars à son mari, corroborées par les déclarations des témoins R. A., S. S. et T. M.;

c)Le témoignage d’un certain V. M., qui affirme que M. Kasimov lui a versé 1 000 dollars pour ses services de chauffeur;

d)La déposition d’un certain N. T., qui dit avoir loué son appartement à M. Kasimov en mai et en juin 2004 pour 500 dollars par mois;

e)Le témoignage d’un certain A. A., gérant d’un restaurant, qui a confirmé que le 25 juin 2004 M. Kasimov avait loué tout le restaurant pour 1 000 dollars;

f)Le témoignage de T. T., qui était présent lorsque la police a trouvé le pistolet dans le fleuve Chirchik; c’est M. Kasimov qui a indiqué l’emplacement exact du pistolet;

g)Le témoignage d’un certain S. S., qui a confirmé que le 26 juin 2004, à 5 h 5 du matin, M. Kasimov lui avait demandé de le conduire à un endroit situé à proximité du lac Rakhat.

7.6L’État partie renvoie également aux conclusions de plusieurs experts en médecine légale ou en balistique.

7.7L’État partie affirme en outre que l’examen de l’affaire auquel il a procédé à la lumière de la décision de recevabilité du Comité lui a permis d’établir que les droits de M. Kasimov reconnus par le Pacte n’avaient nullement été violés.

7.8La Cour suprême d’Ouzbékistan a examiné l’affaire et, le 22 novembre 2005, compte tenu de l’âge de M. Kasimov et du fait qu’il n’avait encore jamais été condamné, a commué la peine de mort en vingt ans de prison. Par la suite, la peine a encore été réduite d’un quart grâce à deux lois d’amnistie générale applicables à son cas.

7.9D’après l’État partie, il n’a pas été établi, ni au cours de l’enquête préliminaire, ni lors du procès, que le frère de l’auteur, sa compagne ou d’autres témoins dans l’affaire avaient été soumis à des méthodes d’investigation illégales. Au cours de l’enquête préliminaire, l’affirmation de M. Kasimov selon laquelle des méthodes d’investigation illégales ou des pressions physiques et psychologiques auraient été utilisées a été examinée, notamment par des interrogatoires et des confrontations visuelles, mais n’a pas été confirmée. En conséquence, le 25 septembre 2004, le dossier pénal concernant les fonctionnaires du Département de l’intérieur du district de Mirzo‑Ulugbek a été classé sans suite.

7.10À l’audience, les enquêteurs en charge de l’affaire de M. Kasimov, M. K. et U. N., ont nié avoir utilisé des méthodes d’investigation illégales au cours de l’enquête. Selon les conclusions d’un examen médico‑légal effectué sur la personne de M. Kasimov, celui‑ci ne présentait aucune lésion. De plus, l’expert médical qui avait procédé à l’examen a confirmé à l’audience que le corps de la victime présumée ne présentait aucune lésion.

7.11L’État partie rappelle que l’enregistrement vidéo de la vérification des aveux de M. Kasimov réalisé sur le lieu du crime a également été examiné par le tribunal. L’enregistrement a eu lieu en présence d’un avocat. Il montre clairement que la victime présumée a donné de son plein gré, sans qu’aucune forme de contrainte ne soit exercée, des explications détaillées concernant le vol de l’argent, le pistolet et les circonstances du meurtre de ses parents. M. Kasimov a indiqué une cache dans laquelle étaient placés le pistolet et l’argent, et a désigné l’endroit exact où le pistolet et le silencieux avaient été jetés après le meurtre. Il a indiqué précisément de quelle façon et d’où il avait tiré les coups de feu, et des munitions ont été saisies dans la maison de ses parents.

7.12 Selon l’État partie, dès l’arrestation de M. Kasimov, tous les interrogatoires et actes d’instruction et toutes les audiences du tribunal ont eu lieu en présence des avocats du barreau de Tachkent R. A. et G. G., de l’avocat du barreau du district de Chilanzar E.A., de quatre autres avocats appartenant à différents cabinets d’avocats et d’un représentant du service d’assistance juridique pour les mineurs, V.I.

7.13 L’examen des minutes du procès en première instance montre que les avocats de M. Kasimov ont demandé à deux reprises que les témoins supplémentaires ci‑après soient interrogés à l’audience: les experts P. K. et U. I.; les experts S., F. et S.; deux policiers du Département de l’intérieur du district de Mirzo‑Ulugbek, N. et K.; les enquêteurs du bureau du Procureur de Tachkent, N. et B.; les experts N. et T. et le témoin T. T. Il a été accédé à toutes ces demandes de la défense, ce qui signifie que toutes les dépositions en faveur de M. Kasimov ont été examinées par le tribunal. L’État partie conclut qu’aucune violation du Code de procédure pénale n’a eu lieu en l’espèce, et que la condamnation de M. Kasimov a ainsi respecté toutes les normes de procédure.

8.L’auteur n’a pas formulé de commentaires sur les observations de l’État partie, bien que trois rappels lui aient été adressés (en 2006, 2008 et 2009).

Examen au fond

9.1 Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2 L’auteur a affirmé que les droits de son frère tirés des articles 9 et 14 (par. 1, 2 et 3 e)) du Pacte avaient été violés. L’État partie soutient qu’il n’y a eu aucune violation des droits procéduraux de M. Kasimov, que les tribunaux ont correctement apprécié l’affaire, et que la culpabilité de M. Kasimov a été établie sur la base non seulement de l’enregistrement vidéo de ses aveux, mais aussi d’un large faisceau d’autres preuves. Le Comité note également que l’État partie a soutenu que M. Kasimov avait été représenté par un avocat dès son arrestation et que cela n’a pas été contesté par l’auteur. Il note en outre que l’État partie lui a communiqué la liste des demandes déposées par les avocats de M. Kasimov aux fins de l’interrogation d’experts et de témoins supplémentaires, et qu’il affirme que toutes ces demandes ont été acceptées. En l’absence de commentaires de l’auteur sur ce point et de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité décide que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation des droits de M. Kasimov tirés des articles 9 et 14 (par. 1, 2 et 3 e)) du Pacte.

9.3 L’auteur affirme également qu’après son arrestation son frère a été battu et torturé par les enquêteurs et qu’il a été contraint de s’avouer coupable. L’État partie a rejeté ce grief, faisant valoir que le tribunal avait interrogé deux enquêteurs, qui avaient nié avoir utilisé des méthodes d’investigation illégales à l’encontre de la victime présumée. Il a également fait valoir qu’un dossier pénal avait été ouvert à la suite des allégations de torture de M. Kasimov, mais qu’il avait été ensuite classé. Le Comité note aussi que l’État partie a fait référence à un examen médico‑légal effectué sur la personne de M. Kasimov le 22 septembre 2004, qui n’avait révélé aucun signe de lésion.

9.4Le Comité relève que, dans ses explications, l’État partie n’apporte pas de réponses détaillées aux demandes que le Comité lui a adressées dans sa décision de recevabilité en date du 6 mars 2006. L’État partie n’a ainsi pas expliqué de quelle manière l’enquête interne concernant les plaintes de torture (par. 4.4 et 5.2) avait été menée, et il s’est contenté de faire référence à des interrogatoires et des confrontations visuelles. En conséquence, un apparent dossier pénal concernant les fonctionnaires du Département de l’intérieur a été classé sans suite. Aucune autre preuve qu’il y ait eu une enquête pénale sérieuse n’a été présentée. La seule autre preuve présentée par l’État partie tendant à montrer qu’une enquête avait été menée semble se résumer au fait que les enquêteurs ont été interrogés à l’audience et à l’existence d’un rapport médico‑légal. Il a été prêté foi aux dénégations prévisibles des enquêteurs, ce qui ne saurait être considéré comme une manière convaincante de traiter les allégations. Le fait qu’un examen médico‑légal effectué quelque trois mois après les mauvais traitements allégués n’avait «révélé aucune lésion» (par. 4.3 et 7.10) ne peut pas davantage être considéré comme un argument convaincant à l’encontre des allégations.

9.5 Le Comité rappelle que, lorsqu’une une plainte pour mauvais traitement constituant une violation de l’article 7 du Pacte a été déposée, l’État partie est tenu de conduire une enquête impartiale dans les plus brefs délais. Il estime que, dans les circonstances de l’espèce, l’État partie n’a pas apporté la preuve que les autorités avaient examiné comme il convenait les allégations de torture formulées par l’auteur, que ce soit dans le cadre d’une enquête interne, d’une procédure pénale contre les responsables des mauvais traitements allégués, ou d’une enquête judiciaire tendant à établir la fiabilité des éléments retenus contre le frère de l’auteur. En conséquence, il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteur. En l’absence de renseignements plus détaillés de l’État partie, le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits de M. Kasimov visés aux articles 7 et 14, paragraphe 3 g), du Pacte. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner séparément les griefs de l’auteur tirés de l’article 10 du Pacte.

9.6 L’auteur a également affirmé que les droits à la défense de son frère avaient été violés, car pendant les deux semaines suivant son arrestation ce dernier n’avait pas été autorisé à s’entretenir avec l’avocat engagé pour lui à titre privé. C’est précisément dans cette période que M. Kasimov a été inculpé du meurtre de ses parents. Le Comité note en outre que, bien que l’État partie affirme que tous les interrogatoires et actes d’instruction et toutes les audiences du tribunal ont eu lieu en présence d’avocats, il ne nie pas que dans les premiers moments de sa détention M. Kasimov n’a pas pu s’entretenir avec les avocats de son choix. Dans les circonstances de l’espèce, le Comité conclut qu’en empêchant pendant dix jours le frère de l’auteur de s’entretenir avec l’avocat de son choix et en recueillant ses aveux pendant cette période les autorités de l’État partie ont violé les droits de M. Kasimov tirés du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte.

9.7 L’auteur invoque une violation de l’article 6 du Pacte, du fait que M. Kasimov a été condamné à mort à l’issue d’un procès inéquitable au cours duquel les dispositions de l’article 14 n’ont pas été respectées. Le Comité rappelle que la condamnation à la peine de mort à l’issue d’un procès dans lequel les dispositions du Pacte n’ont pas été respectées constitue une violation de l’article 6 du Pacte. Dans le cas à l’examen toutefois, la sentence de mort frappant M. Kasimov a été commuée par la Cour suprême d’Ouzbékistan, le 22 novembre 2005. Dans ces conditions, le Comité estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le grief de violation de l’article 6.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des articles 7 et 14 (par. 3 b) et g)), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

11.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer au frère de l’auteur un recours utile comprenant le versement d’une indemnisation appropriée, la conduite d’une enquête effective et l’engagement de poursuites pénales pour établir les responsabilités concernant les mauvais traitements à l’égard de M. Yuldash Kasimov et, s’il n’est pas libéré, un nouveau procès respectant les garanties énoncées dans le Pacte. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

APPENDICE

Opinion partiellement dissidente de M. Fabián Salvioli

1.D’une façon générale, j’approuve l’argumentation et les conclusions du Comité des droits de l’homme dans la communication no 1378/2005, Kasimov c. Ouzbékistan; mais je regrette de ne pas pouvoir approuver la conclusion du Comité qui déclare dans la dernière partie du paragraphe 9.7 estimer qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le grief de violation de l’article 6, étant donné que la peine de mort prononcée contre M. Kasimov a été commuée par la Cour suprême d’Ouzbékistan le 22 novembre 2005.

2.Dans ce même paragraphe (9.7), le Comité rappelle que «la condamnation à la peine de mort à l’issue d’un procès dans lequel les dispositions du Pacte n’ont pas été respectées constitue une violation de l’article 6 du Pacte». Dans ces conditions, on ne comprend pas comment le Comité ne constate pas une violation de l’article 6 dans l’affaire à l’examen puisqu’il a constaté des violations des articles 7 et 14 du Pacte commises pendant le procès de M. Kasimov.

3.L’Ouzbékistan a introduit des modifications très positives dans sa législation interne en ce qui concerne le respect et la garantie du droit à la vie; la preuve en est que le 23 décembre 2008, l’État ouzbek a ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, démontrant ainsi son engagement en faveur de l’abolition de la peine capitale. De plus, il faut relever que dans l’affaire Kasimov, le Comité avait demandé des mesures provisoires de protection et que l’État partie avait répondu le 13 juin 2005 en faisant savoir que tant que le Comité n’aurait pas rendu sa décision finale, il suspendrait l’exécution du condamné, comme le Comité le lui demandait. Tout cela démontre que l’État partie s’acquitte de bonne foi de l’engagement international qui découle de la ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et impose de prendre les mesures voulues pour que les décisions du Comité des droits de l’homme aient un effet utile.

4.Les considérations qui précèdent ne signifient pas que le Comité n’a pas à se prononcer sur les faits de la cause tels qu’ils ont été établis dans la communication. J’estime qu’il n’est pas approprié, essentiellement aux fins de la réparation due, pour un organe comme le Comité, de ne pas se prononcer expressément sur la violation d’un droit consacré dans un ou plusieurs articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

5.Dans son Observation générale no 6, le Comité des droits de l’homme dit qu’il «estime que l’expression “les crimes les plus graves” doit être interprétée d’une manière restrictive, comme signifiant que la peine de mort doit être une mesure tout à fait exceptionnelle. Par ailleurs, il est dit expressément à l’article 6 que la peine de mort ne peut être prononcée que conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis, et ne doit pas être en contradiction avec les dispositions du Pacte. Les garanties d’ordre procédural prescrites dans le Pacte doivent être observées, y compris le droit à un jugement équitable rendu par un tribunal indépendant, la présomption d’innocence, les garanties minima de la défense (…)» (Comité des droits de l’homme, seizième session (1982), Observation générale no 6, art. 6, Droit à la vie, par. 7).

6.La violation du paragraphe 2 de l’article 6 se produit sans qu’il soit nécessaire que la peine de mort soit effectivement exécutée; comme le Comité lui‑même l’a déjà souligné «… la condamnation à la peine capitale à l’issue d’un procès au cours duquel les dispositions du Pacte n’ont pas été respectées constitue une violation de l’article 6 du Pacte» (communication no 1096/2002, Safarmo Kurbanova c. Tadjikistan, CCPR/C/79/D/1096/2002, par. 7.7). Cette jurisprudence se fonde sur d’autres décisions dans lesquelles le Comité a conclu qu’une audience préliminaire qui s’était déroulée sans que les garanties de l’article 14 soient respectées constituait une violation du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte (Conroy Levy c. Jamaïque, communication no 719/1996, par. 7.3 et Clarence Marshall c. Jamaïque, communication no 730/1996, par. 6.6).

7.Dans l’interprétation des normes relatives aux droits de l’homme et du fait du principe de progressivité, un organe international peut changer d’opinion par rapport à l’interprétation donnée antérieurement et peut la modifier dans le sens d’une protection plus étendue des droits consacrés dans un instrument international; cela fait partie du développement nécessaire du droit international des droits de l’homme.

8.En revanche le raisonnement inverse n’est pas acceptable; il n’est pas approprié de faire en matière de droits de l’homme des interprétations plus restrictives par rapport aux décisions précédentes. La victime d’une violation du Pacte mérite au moins le même degré de protection que les victimes d’affaires précédentes dont la juridiction a été saisie.

9.Pour ces raisons, et tout en soulignant de nouveau les mesures prises par l’Ouzbékistan en vue de l’abolition de la peine de mort, je considère que le Comité aurait dû indiquer que dans l’affaire Kasimov également le droit consacré au paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été violé.

(Signé) M. Fabián Salvioli

[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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