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UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/96/D/1366/200518 août 2009

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑seizième session13‑31 juillet 2009

CONSTATATIONS

Communication n o 1366/2005

Présentée par:

Rocco Piscioneri (représenté par un conseil, José Luis Mazón Costa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

9 août 2004 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 23 février 2005 (non publiée sous forme de document)

CCPR/C/93/D/1366/2005, décision concernant la recevabilité du 2 juillet 2008

Date de l’adoption des constatations:

22 juillet 2009

Objet: Droit de faire examiner la déclaration de culpabilité par une juridiction supérieure

Questions de procédure: Épuisement des recours internes; plainte insuffisamment motivée; plainte déjà examinée par le Comité

Question s de fond: Droit de faire examiner la déclaration de culpabilité et la peine prononcée par une juridiction supérieure

Article du Pacte: 14 (par. 5)

Article s du Protocole facultatif: 2 et 3

Le 22 juillet 2009, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no1366/2005.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITREDU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIFAUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre‑vingt‑seizième session

concernant la

Communication n o  1366/2005 *

Présentée par:

Rocco Piscioneri (représenté par un conseil, José Luis Mazón Costa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

9 août 2004 (date de la lettre initiale)

Décision concernant la recevabilité

2 juillet 2008

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 2009,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1366/2005 présentée au nom de M. Rocco Piscioneri en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication, datée du 9 août 2004, est Rocco Piscioneri, de nationalité italienne, né en 1950. Il se déclare victime d’une violation par l’Espagne du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Espagne le 25 avril 1985. L’auteur est représenté par un conseil, José Luis Mazón Costa.

1.2Le 13 mai 2005, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a accédé à la demande de l’État partie tendant à ce que la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond.

Exposé des faits

2.1Le 11 janvier 1999, l’Audiencia Provincial de Barcelone a condamné l’auteur à une peine d’emprisonnement de huit ans et dix mois pour trafic de haschich et falsification de documents. L’auteur s’est pourvu en cassation devant le Tribunal suprême, ce qui ne permet pas un nouvel examen des éléments de preuve sur lesquels était fondée la condamnation. Le 9 octobre 2000, alors que le recours étant encore pendant, l’auteur a demandé au Tribunal suprême de le suspendre. Le 11 octobre, la deuxième chambre de cette juridiction a rejeté cette demande. L’auteur a alors présenté un recours en amparo qui a été rejeté par le Tribunal constitutionnel le 11 décembre 2000. Le 8 juin 2001, le Tribunal suprême a confirmé le jugement de l’Audiencia Provincial. Le jugement de cassation a accueilli partiellement le motif de cassation relatif à l’applicabilité des circonstances aggravantes prévues à l’article 370 du Code pénal et a diminué de six mois la peine prononcée à l’encontre de l’auteur. Le 16 juillet 2001, l’auteur a formé un nouveau recours en amparo, qui a été rejeté par décision du 28 octobre 2002. Dans les deux cas, l’auteur a invoqué les constatations du Comité dans l’affaire Gómez Vázquez, mais les tribunaux ne leur ont accordé aucune valeur.

2.2L’auteur a soumis le 11 mai 2000 une communication au titre du Protocole facultatif, dans laquelle il affirmait, entre autres choses, qu’il y avait eu violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il soutient que la plainte formulée à cette occasion n’était pas centrée sur l’absence de réexamen de la condamnation par le Tribunal suprême, mais sur le fait que cette juridiction avait rejeté une requête de la défense qui demandait la suspension du pourvoi en cassation jusqu’à ce que l’État partie modifie sa législation conformément aux constatations du Comité dans l’affaire Gómez Vázquez. Dans sa décision du 7 août 2003, le Comité a déclaré au sujet du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte «que la simple suspension d’une procédure en cours ne saurait être considérée comme entrant dans le champ du droit protégé par le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, qui ne vise que le droit à révision par une juridiction supérieure. Cette partie de la communication doit donc être déclarée irrecevable ratione materiae au regard de l’article 3 du Protocole facultatif».

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme qu’il y a eu violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, en ce qu’il n’a pas bénéficié d’un véritable réexamen de sa condamnation par le Tribunal suprême, vu que le pourvoi en cassation ne permettait pas un nouvel examen de la preuve à charge utilisée contre lui.

Observations de l’ État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 27 avril 2005, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité de la communication. Il souligne que l’auteur n’a pas soulevé dans son pourvoi en cassation les questions qu’il évoque devant le Comité, raison pour laquelle sa communication devrait être déclarée irrecevable pour non‑épuisement des recours internes.

4.2En ce qui concerne l’allégation de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, l’État partie indique que l’auteur a bénéficié du droit au réexamen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation vu que le jugement rendu en première instance a été contesté devant le Tribunal suprême, dont l’arrêt a ensuite été examiné par le Tribunal constitutionnel. L’État partie fait observer que la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu que le système de réexamen effectif de la condamnation était pleinement établi dans l’État partie .

4.3L’État partie ajoute qu’en l’espèce la simple lecture de l’arrêt rendu en cassation suffit à montrer que le Tribunal suprême a réexaminé intégralement le jugement rendu en première instance. Ce réexamen détaillé de la déclaration de culpabilité et de la peine prononcée montre qu’il n’y a pas eu violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte et, en conséquence, la communication est manifestement dénuée de fondement. L’État partie demande que la communication soit déclarée irrecevable au motif qu’elle constitue clairement un abus du droit d’invoquer le Pacte, conformément aux dispositions de l’article 3 du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 11 juillet 2005, l’auteur a répondu aux observations de l’État partie. Il déclare que dans son pourvoi et dans son recours, il a expressément invoqué les conclusions du Comité dans l’affaire Gómez Vázquez, mais que le Tribunal suprême et le Tribunal constitutionnel n’en ont pas tenu compte. À ce propos, l’auteur a demandé que le pourvoi en cassation soit suspendu jusqu’à ce que les dispositions appliquées dans l’État partie soient adaptées, ce qui lui a été refusé. Il déclare en outre que, comme l’a estimé le Comité dans l’affaire Pérez Escolar, le recours en amparo n’avait aucune utilité aux fins du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

5.2En outre, le procès contre l’auteur portait sur des faits et non sur des questions de droit et, malgré cela, les déclarations des policiers sur le fondement desquelles la condamnation a été prononcée n’ont pas pu être examinées de nouveau devant le Tribunal suprême. Concernant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à laquelle l’État partie fait référence, l’auteur objecte que la Cour n’est pas compétente pour se prononcer sur la compatibilité de la législation espagnole relativement à la cassation pénale avec le droit au double degré de juridiction pénale, étant donné que l’État partie n’a pas ratifié le Protocole 7 à la Convention européenne des droits de l’homme.

Décision du Comité concernant la recevabilité de la communication

6.1À sa quatre‑vingt‑treizième session, le 2 juillet 2008, le Comité a examiné la recevabilité de la communication.

6.2Le Comité a constaté que l’auteur avait déjà présenté une communication, qu’il avait examinée le 7 août 2003. Cependant, dans sa décision de 2003, en ce qui concernait le grief de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, le Comité s’était limité à examiner le refus du Tribunal constitutionnel de revoir la décision du Tribunal suprême de ne pas interrompre le pourvoi en cassation et n’avait pas examiné les questions de fond soulevées par la communication. Le Comité a également fait observer que l’objet de la présente communication était que le pourvoi en cassation ne donnait pas lieu au réexamen de la condamnation, contrairement à ce qui était prévu au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

6.3En ce qui concerne l’argument de l’État partie, qui affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, puisqu’il n’a pas abordé dans son pourvoi en cassation les questions qu’il a soulevées dans la communication, le Comité constate que l’auteur avait invoqué le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte dans la lettre qu’il avait adressée le 9 octobre 2000 au Tribunal suprême ainsi que dans l’action en amparo qu’il avait ensuite engagée devant le Tribunal constitutionnel, de même que dans son recours en amparo contre la décision en cassationet que les deux recours avaient été rejetés.

6.4Le Comité a considéré que la plainte de l’auteur était suffisamment étayée en ce qu’elle soulevait des questions au regard du paragraphe 5 de l’article 14, questions qui devaient être examinées au fond et, en conséquence, a déclaré la communication recevable.

Observations de l’État partie sur le fond et commentaires de l’auteur

7.Le 21 janvier 2009, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication. Il fait référence à la jurisprudence du Tribunal constitutionnel, qui établit que le pourvoi en cassation en matière pénale peut satisfaire aux exigences du Pacte à condition que les possibilités qu’offre cette voie de recours en matière de réexamen soient interprétées de manière large. L’État partie invoque à cet égard la jurisprudence du Comité, dans laquelle le pourvoi en cassation a été considéré suffisant aux fins du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. L’État partie affirme que dans le jugement rendu en cassation, les indices et les faits sur lesquels repose la condamnation et qui constituent des preuves suffisantes pour annuler la présomption d’innocence de l’auteur sont analysés en détail.

8.Dans sa réponse du 24 mars 2009, l’auteur réitère des arguments qu’il avait auparavant avancés, affirmant qu’il n’a pas bénéficié d’un réexamen complet de sa condamnation. Il indique que, comme le reconnaît le Tribunal suprême, l’appréciation des preuves directes incombe exclusivement au tribunal de première instance.

Délibérations du Comité

Examen au fond de la communication

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2Le Comité prend note des arguments de l’auteur, qui affirme que le pourvoi en cassation ne permet pas un réexamen complet conforme aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il prend note également des allégations de l’État partie, qui soutient que le Tribunal a procédé à une révision intégrale du jugement rendu par l’Audiencia Provinci al. Le Comité constate qu’il ressort de la décision du Tribunal suprême en date du 8 juin 2001 que le Tribunal a analysé en détail chacun des motifs de cassation avancés par l’auteur de même que l’appréciation de la valeur probante de la preuve effectuée par l’Audiencia Provincial. Le Comité constate en outre que le Tribunal suprême a accueilli partiellement le motif d’appel relatif à la prise en compte erronée de circonstances aggravantes et, en conséquence, a diminué la peine initialement prononcée contre l’auteur. De surcroît, le Comité note qu’en l’espèce, le Tribunal constitutionnel a rejeté le recours en amparo de manière fondée, examinant de nouveau l’appréciation de la valeur probante de la preuve effectuée par l’Audiencia Provincial. Le Comité conclut en conséquence que l’auteur n’a pas été privé de son droit de faire examiner la déclaration de culpabilité et la condamnation par une juridiction supérieure comme le prévoit le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

10.Compte tenu de ce qui précède, le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

[Adopté en espagnol (version originale) en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]