Nations Unies

CAT/C/GHA/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 juillet 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Rapports initiaux des États parties devant être soumis en 2001

Ghana *

[26 novembre 2009]

Table des matières

Chapitre Paragraphes Page

I.Introduction1−303

II.Cadre juridique général de l’interdiction de la torture31−1018

I.Introduction

1.Le Ghana a acquis son indépendance politique vis-à-vis du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord le 6 mars 1957. Il fut le premier pays d’Afrique noire au sud du Sahara à se libérer du joug colonial et M. Kwame Nkrumah en fut le premier Premier Ministre. Le 1er juillet 1960, le Ghana est devenu une république au sein du Commonwealth of Nations sous la présidence de M. Kwame Nkrumah.

2.Depuis l’indépendance, le Ghana a connu quatre gouvernements civils (de 1957 à 1966; de 1969 à 1972; de 1979 à 1981 et de 1993 à nos jours) et quatre régimes militaires (de 1966 à 1969; de 1972 à juin 1979; de juin 1979 à septembre 1979 et de 1981 à 1992).

3.Depuis le 7 janvier 1993, date à laquelle la quatrième Constitution républicaine est entrée en vigueur, le Ghana a été dirigé sans interruption par un gouvernement civil. Le transfert du pouvoir s’est déroulé de manière entièrement pacifique et le pays jouit d’une stabilité politique relative, ce qui est tout à fait inhabituel sur le continent africain. Il y a eu deux changements de gouvernement, et le pouvoir a été transmis par le gouvernement sortant à un nouveau gouvernement élu au suffrage universel des citoyens adultes. Le gouvernement du Congrès démocratique national (National Democratic Congress − NDC) est resté au pouvoir de janvier 1993 jusqu’à ce qu’il cède la place au Nouveau parti patriotique (New Patriotic Party − NPP) en janvier 2001. En décembre 2008, le NPP a perdu le pouvoir et l’a remis au NDC en janvier 2009.

4.Le pays, d’une population d’environ 22 millions d’habitants, est composé de 10 régions. La Constitution de 1992, qui régit la quatrième République, est une constitution très libérale. Elle garantit la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

5.Le Président, élu au suffrage universel des adultes pour un mandat de quatre ans à partir de la date à laquelle il prête serment, est investi du pouvoir exécutif. Il est secondé dans la détermination de la politique générale du Gouvernement par un cabinet composé du vice-président et de 10 à 19 ministres d’État. Les ministres d’État sont nommés par le Président, avec l’approbation préalable du Parlement, parmi les députés ou les personnes éligibles au poste de député, mais la majorité des ministres d’État doivent être nommés parmi les députés.

6.La Constitution, en son article 88, a créé le poste de procureur général (Attorney General), principal conseiller juridique du Gouvernement. À ce titre, le Procureur général donne des avis juridiques à toutes les institutions gouvernementales et est chargé de rédiger toutes les lois du pays. La Constitution dispose que le Procureur général doit aussi être un ministre d’État. En conséquence, le Procureur général est aussi le Ministre de la justice. Il est responsable de l’ouverture et de la conduite de toutes les affaires civiles et pénales auxquelles participe l’État, et toutes les actions civiles attaquant l’État doivent être intentées contre lui.

7.L’Assemblée législative − ou Parlement − du Ghana est composée de 230 membres élus au suffrage universel des adultes pour un mandat de quatre ans. Le Parlement est investi du pouvoir législatif dans les conditions prévues par la Constitution. Il élabore les lois au moyen de projets de lois qu’il adopte et qui sont entérinés par le Président.

8.L’article 107 ôte au Parlement le pouvoir de promulguer des lois visant à modifier la décision ou le jugement d’un tribunal, quel qu’il soit, pour départager les parties soumises à cette décision ou à ce jugement et celui d’adopter des lois limitant ou touchant de manière négative et rétroactivement les droits et libertés personnels de toute personne, ou imposant une charge, une obligation ou une responsabilité à toute personne, sauf s’il s’agit d’une loi concernant le retrait de fonds publics, le compte consolidé du Trésor, des autorisations de dépenses, des prêts ou la dette publique.

9.Au cours de ses sessions, le Parlement est présidé par un président (Speaker) élu par les députés parmi les personnes élues ou éligibles au poste de député. Le mandat du Parlement coïncide avec celui du Président.

10.Le paragraphe 3 de l’article 125 dispose que la magistrature est investie du pouvoir judiciaire et que ni le Président, ni le Parlement, ni aucun organe ou institution relevant du Président ou du Parlement, ne possèdent ni ne doivent se voir attribuer un pouvoir judiciaire définitif. La magistrature est dirigée par le Président de la Cour suprême (Chief Justice), qui est responsable de l’administration et de la supervision du corps judiciaire. La magistrature a compétence en toutes matières civiles et pénales, y compris les matières relatives à la Constitution, et toute autre compétence que le Parlement pourra lui conférer de par la loi.

11.Le système judiciaire est un système à cinq degrés composé de la Cour suprême (Supreme Court) au sommet, puis de la Cour d’appel (Court of Appeal) et de la Haute Cour (High Court) formant ensemble la Cour supérieure (Superior Court). Les tribunaux inférieurs sont composés des tribunaux itinérants (Circuit Court s) et des tribunaux de première instance (District C ourt s).

12.L’indépendance de la magistrature est garantie par la Constitution en son article 127. Dans l’exercice du pouvoir judiciaire au Ghana, la magistrature, tant dans ses fonctions judiciaires que dans ses fonctions administratives, y compris l’administration financière, n’obéit qu’à la Constitution et n’est soumise au contrôle ou à la direction d’aucune personne ni d’aucune autorité. La Constitution garantit aussi l’inamovibilité des juges, si bien qu’aucune personne exerçant le pouvoir judiciaire ne peut être poursuivie au pénal comme au civil pour toute action ou omission de sa part dans l’exercice du pouvoir judiciaire. En outre, le traitement, les émoluments, les privilèges et les droits en matière de congés, gratifications, pensions et autres conditions de service d’un juge de la Cour supérieure ou de tout magistrat ou autre personne exerçant le pouvoir judiciaire ne peuvent être modifiés à leur détriment.

13.La Cour suprême a compétence exclusive en première instance dans les matières suivantes:

a)Toutes les matières relatives à l’application ou à l’interprétation de la Constitution; et

b)Toutes les matières naissant de la question de savoir si un texte législatif a été promulgué par abus des pouvoirs conférés de par la loi ou en vertu de la Constitution au Parlement ou à toute autre autorité ou personne.

14.La Cour suprême a pouvoir de contrôle sur toutes les autres juridictions. Il existe un système de recours selon lequel il est fait appel de la décision ou du jugement de l’instance inférieure devant l’instance supérieure puis en dernier ressort devant la Cour suprême.

15.La Cour suprême a le pouvoir de réexaminer ses propres décisions dans l’un quelconque des cas suivants:

a)Dans des circonstances exceptionnelles qui ont provoqué une erreur judiciaire;

b)Lorsque sont découverts des éléments de preuve nouveaux et importants, dont le demandeur n’avait pas connaissance ou qu’il ne pouvait produire au moment où la décision a été rendue bien qu’il ait fait preuve de diligence raisonnable.

16.La Haute Cour, sous réserve des dispositions de la Constitution, a compétence en première instance en toutes matières, en particulier les matières civile et pénale et toute compétence en première instance et en appel ou toute autre compétence conférées par la Constitution ou toute autre loi. En outre, l’article 33 donne à la Haute Cour compétence en première instance pour garantir l’exercice des droits et libertés fondamentaux de l’homme inscrits dans la Constitution. En conséquence, toute personne alléguant que ses droits et libertés fondamentaux ont été ou sont violés peut saisir la Haute Cour d’une demande en réparation.

17.La Haute Cour peut donner des instructions ou ordres, prendre tous actes judiciaires, notamment des actes ou ordonnances de prérogative du type des ordonnances d’habeas corpus, ordonnances pour évoquer une affaire dont un tribunal inférieur est dessaisi (certiorari), ordonnances d’exécution (mandamus), défenses de statuer (prohibition) et ordonnances visant à constater l’absence ou l’abus d’un droit (quo warranto, «de quel droit») qu’elle pourra considérer comme appropriées en vue d’appliquer ou de garantir l’application de l’une quelconque des dispositions relatives aux droits et libertés fondamentaux à la protection desquels les personnes ont droit. La compétence de la Haute Cour peut être contestée devant la Cour d’appel puis devant la Cour suprême.

18.Hormis la magistrature, l’article 216 de la Constitution a institué la Commission des droits de l’homme et de la justice administrative (Commission on Human Rights and Administrative Justice − CHRAJ). Cette commission est composée d’un commissaire et de deux commissaires adjoints nommés par le Président en consultation avec le Conseil d’État (Council of State). Les commissaires doivent être des personnes ayant les qualifications nécessaires pour être nommées juges de la Cour d’appel et de la Haute Cour, respectivement, et jouissent de conditions d’emploi analogues à celles des juges de la Cour supérieure.

19.La Commission est chargée par la Constitution, entre autres:

a)D’instruire les plaintes pour violation des droits et libertés fondamentaux, injustice, corruption, abus de pouvoir et traitement inéquitable de toute personne par un agent public dans l’exercice de ses fonctions officielles;

b)D’instruire les plaintes concernant des pratiques et actions de personnes, entreprises privées et autres institutions qui font état de violation des droits et libertés fondamentaux;

c)D’éduquer le public en matière de droits et libertés de l’homme par tous moyens laissés à la discrétion du commissaire, notamment au moyen de publications, conférences et colloques;

d)De prendre les mesures qui s’impose pour demander l’indemnisation, la réparation et l’élimination des effets des cas de violation des libertés fondamentales, d’injustice, de corruption, et des pratiques d’agents publics comme de particuliers, par des moyens équitables, appropriés et efficaces, notamment par la négociation ou l’ouverture de poursuites devant un tribunal compétent en vue d’obtenir une réparation qui garantisse la cessation de l’action ou du comportement délictueux, l’abandon ou la modification des procédures délictueuses ou encore l’ouverture d’une procédure visant à restreindre l’application d’une loi ou d’un règlement en en contestant la validité si l’action ou le comportement délictueux fait l’objet d’une tentative de justification par des textes de droit dérivé ou réglementaire de caractère déraisonnable ou présentant à d’autres égards le caractère d’un abus de droit.

20.L’attachement du Ghana au droit et à la pratique internationaux depuis son indépendance ne peut être mis en doute. Le Ghana est devenu Membre de l’Organisation des Nations Unies le 8 mars 1957, deux jours après avoir accédé à l’indépendance. La Constitution de 1992, dans son article 73, fait obligation au Gouvernement de conduire ses affaires internationales conformément aux principes acceptés du droit international public et de la diplomatie, en servant l’intérêt national du Ghana.

21.La Constitution dispose en outre en son article 40 que dans ses relations internationales, le Gouvernement doit:

a)Promouvoir et protéger les intérêts du Ghana;

b)Rechercher l’instauration d’un ordre économique et social international juste et équitable;

c)Promouvoir le respect du droit international et des obligations conventionnelles, et le règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques;

d)Adhérer aux principes consacrés ou, le cas échéant, aux buts et idéaux énoncés par:

i)La Charte des Nations Unies;

ii)L’acte constitutif de l’Union africaine;

iii)Le Commonwealth;

iv)Le Traité de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO); et

v)Toute autre organisation internationale dont le Ghana est membre.

22.Le Ghana a signé la Déclaration universelle des droits de l’homme peu après l’indépendance. Cet engagement de défendre le droit international en général, et les droits de l’homme en particulier, est attesté par les dispositions de la Constitution de 1992. Le paragraphe 2 de l’article 12 dispose que toute personne au Ghana, quels que soient sa race, son lieu d’origine, ses opinions politiques, sa couleur, sa religion, ses croyances ou son genre, a droit au respect de ses droits individuels et libertés fondamentales, pour autant qu’elle respecte les droits et libertés d’autrui ainsi que l’intérêt public.

23.La Constitution reconnaît de très nombreux droits de l’homme et libertés fondamentales. Le chapitre 5, composé des articles 12 à 33, est consacré aux droits et libertés fondamentaux de l’homme. Parmi ceux-ci figurent, sans s’y limiter, les suivants: protection du droit à la vie, protection de la liberté personnelle, protection contre l’esclavage et le travail forcé, protection de l’intimité du foyer et d’autres biens, protection des droits de propriété des époux, protection contre la spoliation, protection des droits de la femme et de l’enfant, protection des droits des patients et des personnes handicapées, respect de la dignité humaine, protection du droit à un procès équitable et des libertés fondamentales générales telles que le droit à la liberté de parole et d’expression, à la liberté de pensée et à la liberté universitaire, le droit d’association, le droit de réunion, le droit à la liberté de circulation, les droits économiques et le droit à l’éducation.

24.S’il devient nécessaire de supprimer ou de restreindre la liberté ou les droits de l’homme d’une personne, la Constitution dispose que cela doit être décidé par un tribunal et être raisonnablement justifié dans l’intérêt de la défense, de la sécurité publique, de la santé publique ou de l’ordre public ou s’appliquer à cette personne si elle a été reconnue coupable d’une infraction pénale en vertu des lois du Ghana ou s’il s’agit de faire en sorte qu’elle se présente devant un tribunal à une date ultérieure pour y être jugée d’une infraction pénale ou encore s’il s’agit de l’extrader ou de l’expulser légalement du Ghana.

25.Lorsque l’imposition de restrictions résulte d’une enquête criminelle, une personne qui est arrêtée, restreinte dans ses déplacements ou détenue doit être informée immédiatement, dans une langue qu’elle comprend, des motifs de son arrestation, des restrictions à sa liberté d’aller et de venir ou de sa détention et de son droit d’être assistée de l’avocat de son choix.

26.Si une personne est arrêtée, soumise à une mesure restrictive ou détenue:

a)Dans le but de la traduire en justice en exécution de l’ordonnance d’un tribunal; ou

b)Du fait qu’elle est légitimement soupçonnée d’avoir commis ou d’être sur le point de commettre une infraction pénale au regard des lois du Ghana, et si elle n’est pas remise en liberté, elle doit être présentée à un tribunal dans les quarante-huit heures suivant son arrestation, la prise d’une mesure restrictive à son encontre ou son placement en détention.

27.Lorsqu’une personne est arrêtée, soumise à une mesure restrictive ou détenue et qu’elle n’est pas jugée dans un délai raisonnable, sans préjudice de toutes autres poursuites susceptibles d’être engagées contre elle, elle doit être libérée, soit sans conditions, soit sous des conditions raisonnables, notamment sous des conditions s’imposant légitimement pour veiller à ce qu’elle comparaisse à une date ultérieure en vue de son jugement ou de l’accomplissement de procédures préalables à son jugement.

28.La Constitution dispose que lorsqu’une personne est arrêtée, soumise à une mesure restrictive ou détenue illégalement par une autre personne, elle a le droit d’être indemnisée par cette autre personne. En outre, lorsqu’une personne est reconnue coupable et condamnée à une peine d’emprisonnement, a exécuté cette peine en tout ou partie et est ultérieurement acquittée en appel par une juridiction autre que la Cour suprême, cette juridiction peut certifier à la Cour suprême que la personne acquittée devrait être indemnisée et la Cour suprême peut rendre un arrêt en ce sens.

29.La protection des droits et libertés fondamentaux de l’homme est consacrée par la Constitution en son article 290, dont les dispositions sont entourées de garanties particulières. La modification de ces dispositions rigides est extrêmement difficile. Elle nécessite le renvoi de la question à un référendum national qui doit se tenir sur l’ensemble du territoire ghanéen. Au moins 40 % des personnes ayant le droit de vote doivent avoir participé à ce référendum et l’amendement ne peut être adopté qu’à une majorité d’au moins 75 % des votes exprimés. Ceci est très différent de la modification d’une disposition non rigide, qui ne nécessite pas de référendum.

30.Hormis la Déclaration universelle, le Ghana a ratifié de très nombreuses conventions internationales relatives aux droits de l’homme. Quelques-unes méritent d’être mentionnées:

a)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

b)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

c)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

d)La Convention relative aux droits de l’enfant;

e)La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

f)La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

g)La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide;

h)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille;

i)La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples;

j)Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples;

k)Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits des femmes en Afrique.

II.Cadre juridique général de l’interdiction de la torture

31.La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (la Convention) est entrée en vigueur le 26 juin 1987. Le Ghana a adhéré à la Convention le 7 septembre 2000. En vertu de la Convention, les États parties doivent prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture, etc., ne soient commis dans tout territoire sous leur juridiction. Les États parties sont tenus de présenter au Comité contre la torture, par l’intermédiaire du Secrétaire général de l’ONU, des rapports sur les mesures qu’ils ont prises pour donner effet aux engagements qu’ils ont souscrits en vertu de la Convention, dans le délai d’un an après l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie concerné. L’État partie est tenu en outre de présenter des rapports supplémentaires tous les quatre ans sur toutes nouvelles mesures prises ou de présenter d’autres rapports demandés par le Comité.

32.Le Ghana n’a malheureusement pas été en mesure de remplir ces obligations, qu’il a souscrites lorsqu’il a adhéré à la Convention en 2000.

33.Le présent rapport est donc le premier à être présenté par le Ghana, et l’on espère qu’il continuera dorénavant à honorer les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

34.Depuis avril 2009, date à laquelle le Comité a demandé au Ghana de présenter son rapport, et la décision prise par la suite de reporter la présentation de ce rapport à novembre 2009 sur la demande du Procureur général et du Ministre de la justice, celui-ci n’a ménagé aucun effort pour en mener à bien l’établissement.

35.Le Bureau du Procureur général a engagé un processus de consultation dans le cadre duquel il a invité les organisations du service public comme celles de la société civile à discuter de la situation des droits de l’homme dans le pays d’une manière générale et à rechercher des informations sur les cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ont pu parvenir à leur connaissance ainsi que sur les mesures prises pour faire face à de telles situations lorsqu’elles se présentent.

36.Ont participé à ce processus de consultation des institutions publiques telles que le Service de la police du Ghana, le Service des prisons du Ghana, les Forces armées du Ghana et la Commission des droits de l’homme et de la justice administrative, de même que des organisations de la société civile, notamment Human Rights Advocacy Centre, Commonwealth Human Rights Initiative et la branche ghanéenne d’Amnesty International.

37.Bien que les informations reçues aient été insuffisantes, elles montrent que le Ghana fait des efforts considérables pour traiter de tels abus lorsqu’ils se produisent (un catalogue de certains des cas recensés figure en annexe au présent rapport).

38.Il est instructif de noter que, même avant de devenir un État partie à la Convention, le Ghana, en vertu de la Constitution de 1992, avait mis la torture hors la loi en en inscrivant l’interdiction dans la Constitution. Celle-ci, en son article 15, défend le respect de la dignité humaine: «Aucune personne, qu’elle soit ou non arrêtée, soumise à une mesure restrictive ou détenue, ne doit être soumise:

a)À la torture, ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)À tout autre traitement portant atteinte ou susceptible de porter atteinte à sa dignité et à sa valeur en tant qu’être humain.».

39.Deuxièmement, dès 1975, le décret sur la preuve (NRCD 323) a rendu impossible d’extorquer des informations au moyen d’aveux involontaires. En conséquence, un tribunal n’est pas tenu de considérer comme recevables des éléments de preuve obtenus par la torture ou par d’autres moyens cruels.

40.La Constitution dispose en son article 11 que les lois du Ghana comprennent:

a)La Constitution;

b)Les textes promulgués par le Parlement ou sous son autorité;

c)Les ordonnances, règles et règlements établis par toute personne ou autorité en vertu de pouvoirs conférés par la Constitution;

d)Les lois en vigueur; et

e)La common law, qui se compose des règles qui la constituent, des règles appelées généralement règles de l’equity et des règles du droit coutumier, y compris celles qui sont fixées par la Cour supérieure de justice.

41.En vertu de l’article 11 de la Constitution, les règles du droit international, y compris les principes des droits de l’homme énoncés dans les conventions internationales, ne font pas partie des lois du Ghana. Ces principes doivent être incorporés dans le système juridique ghanéen par une loi. La Convention n’a pas été transposée dans le droit interne, mais la définition de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a, comme cela a été mentionné plus haut, été érigée en un principe constitutionnel en vertu des dispositions relatives aux droits de l’homme que contient la Constitution. Comme ce sont des dispositions rigides de la Constitution, l’État ne peut pas déroger aux principes consacrés par la Convention.

42.Comme cela a été indiqué plus haut, la Haute Cour peut être saisie de violations des principes relatifs aux droits de l’homme consacrés par la Constitution. Elle a compétence exclusive en première instance en la matière et ses décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel et la Cour suprême.

43.Bien que certaines lois internes n’émanent pas directement de la Convention, les principes qui y sont inscrits sont conformes aux principes énoncés dans la Convention. Il s’agit notamment des lois suivantes:

a)Loi de 1998 relative à l’enfance (loi no 560) − protection des droits de l’enfant;

b)Loi de 1998 portant modification de la loi relative aux infractions pénales (loi no 554) − protection de l’enfant contre les agressions sexuelles, l’enlèvement et le délaissement;

c)Loi de 2007 sur la violence familiale − protection des individus contre la violence dans le cadre de la famille;

d)Loi de 2006 sur les personnes handicapées (loi no 715) − réaffirme les droits des personnes handicapées inscrits dans la Constitution;

e)Loi de 2005 sur la traite des êtres humains (loi no 694) − protection de la liberté de la personne;

f)Loi de 1997 sur le système d’aide juridique (loi no 542) − sur l’aide juridique;

g)Loi de 2001 modifiant le Code pénal (abrogation de la loi relative à la diffamation et la sédition) (loi no 602) − promeut la liberté de la presse et de l’expression;

h)Loi de 2007 portant modification du Code pénal (loi no 741) − protection des droits de la femme et de l’enfant;

i)Loi de 2003 relative à la justice pour mineurs (loi no 653) − protection des droits de l’enfant.

44.Il convient de mentionner ici que le Ghana a engagé une procédure d’adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Cabinet a déjà examiné le Protocole et un instrument d’adhésion a déjà été déposé devant le Parlement conformément à l’article 75 de la Constitution.

45.Bien que la Convention n’ait pas encore été incorporée dans l’ordre juridique interne, le Code pénal de 1960 (loi no 29), tel que modifié à plusieurs reprises, contient certaines dispositions traitant des cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Un agent ou un fonctionnaire de l’État qui use de sa qualité pour commettre un tel acte s’expose à être inculpé de toute une gamme d’infractions allant de la tentative de voies de fait, au meurtre dans des cas extrêmes, en passant par l’infliction de lésions corporelles, l’utilisation d’une arme offensive et l’homicide involontaire. En outre, le Ghana, comme la plupart des pays de common law, ne connaît pas la prescription des infractions pénales. Toute personne qui commet une infraction peut donc, lorsqu’elle est arrêtée, être poursuivie et punie conformément au Code pénal en tout temps.

46.La Constitution protège aussi la vie et la liberté des personnes qui se trouvent en détention pour une raison ou pour une autre. Les règles régissant la durée de détention des suspects, la garde à vue, la détention au secret et la possibilité pour les suspects de consulter l’avocat de leur choix ont été exposées plus haut et l’on n’y reviendra pas ici. Les personnes faisant l’objet d’une mesure restrictive ou détenues peuvent être examinées par un médecin. L’article 171 des Instructions à l’intention des services de police donne dans ses sections 10 à 13 les instructions suivantes concernant le traitement des personnes faisant l’objet d’une mesure restrictive:

a)Lorsque toute personne placée en garde à vue par la police semble être gravement malade ou souffre de toute blessure grave récente, le responsable du poste de police doit faire en sorte qu’elle soit examinée le plus tôt possible par un médecin, même si elle ne s’est pas plainte de sa maladie ou de sa blessure;

b)Lorsqu’une personne placée en garde à vue se plaint d’une maladie, elle doit se voir donner la possibilité de consulter un médecin officiel des services de santé publique. Toutes les précautions doivent être prises, toutefois, pour écarter le risque d’une évasion au cours de la visite médicale ou sur le trajet entre la cellule et la salle de consultation;

c)Lorsqu’une personne est placée en garde à vue pour ébriété ou pour avoir conduit ou s’être trouvée au volant d’un véhicule automobile en état d’ivresse, le responsable du poste de police doit prendre toutes les mesures possibles pour veiller à ce qu’elle soit immédiatement examinée par un médecin officiel;

d)Lorsqu’une personne se trouvant dans cette situation déclare qu’elle souhaite consulter un autre médecin que le médecin officiel des services de santé publique du district, et si ce médecin est immédiatement disponible, celui-ci doit être informé sans délai de la demande du détenu. Il doit être précisé clairement tant à la personne en garde en vue qu’au médecin requis que la police n’est responsable d’aucun des frais exposés dans le cadre de cet examen médical et qu’il sera demandé au médecin officiel d’être présent lors de l’examen.

47.Concernant les lois d’exception, la Constitution dispose en son article 32 que:

a)La personne soumise à une mesure restrictive ou détenue en vertu d’une loi adoptée par suite de la promulgation d’un état d’exception doit se voir notifier dès que possible − en tout état de cause dans les vingt-quatre heures suivant le début de la mesure restrictive ou de la détention − une déclaration précisant par écrit et dans le détail les motifs pour lesquels elle est soumise à une mesure restrictive ou détenue, et cette déclaration doit lui être lue ou traduite.

b)Le conjoint, un parent, un enfant, ou tout autre proche de la personne soumise à une mesure restrictive ou détenue qu’il est possible de contacter, doit être informé de la détention ou de la mesure restrictive dans les vingt-quatre heures qui suivent le début de la détention ou de la mesure restrictive et être autorisé à rendre visite à cette personne dans les meilleurs délais − en tout état de cause dans les vingt-quatre heures suivant le début de la mesure restrictive ou de la détention;

c)Dans les dix jours qui suivent le début de la mesure restrictive ou de la détention, une notification doit être publiée au Journal officiel et dans la presse de ce que la personne est soumise à une mesure restrictive ou détenue et détaillant la disposition législative en vertu de laquelle la mesure restrictive ou la détention est autorisée ainsi que les motifs de cette mesure restrictive ou de cette détention;

d)Dix jours au plus tard après le début de la mesure restrictive ou de la détention et, après ce délai, au cours de la mesure restrictive ou de la détention, à intervalles inférieurs à trois mois, le cas de cette personne doit être examiné par un tribunal composé d’au maximum trois juges de la Cour supérieure de justice nommés par le Président de la Cour suprême, étant entendu que le même tribunal ne doit pas examiner plus d’une fois le cas d’une personne soumise à une mesure restrictive ou détenue;

e)Cette personne doit se voir donner toutes possibilités de consulter l’avocat de son choix, lequel sera autorisé à présenter des réclamations au tribunal chargé d’examiner son cas;

f)À l’audience, elle doit être autorisée à comparaître en personne ou à être représentée par l’avocat de son choix.

48.L’article 32 de la Constitution dispose en outre que lors de l’examen du cas, le tribunal peut soit ordonner la remise en liberté et l’indemnisation équitable de la personne soumise à une mesure restrictive ou détenue, soit confirmer les motifs de la mesure restrictive ou de la détention.

49.La Constitution dispose par ailleurs que pendant les mois de session du Parlement, un ministre d’État autorisé par le Président (normalement le ministre de l’intérieur) doit rendre compte au Parlement du nombre de personnes soumises à une mesure restrictive ou détenues et du nombre de cas dans lesquels l’autorité qui a ordonné la mesure restrictive ou la détention a agi en application des décisions du tribunal nommé en vertu de l’article 32.

50.Le ministre est aussi tenu de publier tous les mois au Journal officiel et dans les médias les éléments d’information suivants:

a)Le nombre et les noms et adresses des personnes faisant l’objet d’une mesure restrictive ou détenues;

b)Le nombre de cas examinés par le tribunal;

c)Le nombre de cas dans lesquels l’autorité qui a ordonné la mesure restrictive ou la détention a agi en application des décisions du tribunal nommé en vertu de l’article 32.

51.Ceci garantit que toute information donnée par le ministre ou l’autorité qui a ordonné la mesure restrictive ou la détention peut être contestée. En tout état de cause, le paragraphe 5 de l’article 32 de la Constitution dispose que toute personne faisant l’objet d’une mesure restrictive ou détenue par suite de la promulgation de l’état d’exception doit être libérée dès la levée de celui-ci.

52.Ainsi que cela est énoncé dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés à laquelle le Ghana est partie, aucun réfugié ne devrait être rapatrié de quelque manière que ce soit dans un pays où il risquerait d’être persécuté. Le Ghana est aussi partie au Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés et à la Convention de l’Union africaine régissant les aspects propres au problème des réfugiés en Afrique (1969). L’article 3 de la Convention contre la torture offre la même protection lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’une personne susceptible d’être rapatriée risque d’être soumise à la torture.

53.En tant qu’État partie à la Convention relative au statut des réfugiés et à la Convention contre la torture, le Ghana respecte le principe du non-refoulement et ne rapatriera donc pas une personne qui risquerait d’être soumise à la torture. La loi de 1992 relative aux réfugiés (PNDCL 305D) stipule en son article premier qu’une personne réfugiée au sens de la loi ne doit pas se voir refuser l’entrée sur le territoire de la République, ni expulsée, extradée ou reconduite aux frontières d’un territoire si par suite de ce refus, de cette expulsion ou de ce refoulement, cette personne est forcée de retourner ou de demeurer dans un pays où:

a)Sa vie ou sa liberté seraient menacées en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques; ou

b)Sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient menacées en raison d’une agression extérieure, d’une occupation, d’une domination étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public sur tout ou partie de son territoire.

54.En vertu de l’article 11 de la loi, toute personne ayant reçu le statut de réfugié dans la République possède les droits et est tenue des devoirs spécifiés dans les textes suivants:

a)Les articles de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés;

b)Le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés; et

c)La Convention de l’Union africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.

55.Ces trois instruments internationaux sont entrés en vigueur en vertu des lois du Ghana du fait qu’ils ont été joints en annexe à la loi relative aux réfugiés.

56.Les non-ressortissants arrêtés disposent dans le système de justice pénale de facilités pour se mettre en rapport avec les fonctionnaires de l’ambassade ou de la représentation diplomatique de leur pays. Ceci permet aux ambassades d’offrir des services consulaires aux personnes visées. D’après les statistiques de septembre 2009, 663 personnes ne possédant pas la nationalité ghanéenne ont été détenues dans 18 centres de détention différents répartis sur l’ensemble du territoire.

57.Lorsqu’un étranger dont le pays est représenté par une ambassade ou une représentation diplomatique est arrêté pour une infraction pénale, détenu dans un poste de police en tant que suspect, ou assigné au pénal, ceci doit être communiqué immédiatement au chef du district, qui en informe immédiatement le commissaire de police judiciaire par télégramme ou téléphone si nécessaire, en exposant sommairement les faits, et qui fait savoir au préfet de la région qu’il s’est acquitté de cette démarche.

58.Tout étranger placé en garde à vue ou en état d’arrestation doit être autorisé à se mettre en rapport immédiatement, s’il le désire, par lettre, télégramme ou téléphone, avec l’ambassade ou le siège de la représentation diplomatique du pays dont il est ressortissant.

59.Si l’étranger désire s’entretenir avec un fonctionnaire de l’ambassade ou de la représentation diplomatique de son pays, toute facilité doit lui être accordée pour qu’un tel entretien ait lieu, et cet entretien est autorisé hors de portée d’ouïe, mais pas hors de portée de vue, d’un agent de police.

60.S’il est demandé que l’entretien se tienne hors de portée de vue d’un agent de police, la décision d’autoriser l’entretien dépend des circonstances, par exemple de la nature du chef d’inculpation retenu contre l’étranger. Toute demande de ce type doit être déférée à un haut responsable avant qu’une décision ne soit prise.

61.Les Forces armées du Ghana sont une institution régie par la loi de 1962 relative aux forces armées (loi no 105). Cette loi n’autorise en aucune façon la torture. Il n’existe aucun cas signalé de torture qui aurait été autorisée par le commandement au sein des Forces armées du Ghana au cours de la période examinée.

62.La partie II de la loi no 105 traite de la discipline et énonce les formes et la gravité des punitions infligées pour violation du règlement.

63.Il existe deux formes de détention. Un membre des Forces armées peut être placé aux arrêts de rigueur ou mis en détention sous un régime de semi-liberté.

64.Il y a eu des cas, toutefois, où des soldats ont perpétré de leur propre initiative des actes de torture sur la personne de civils. Dans tous ces cas, cependant, le haut commandement militaire a agi avec diligence pour prendre à leur égard des mesures disciplinaires dissuasives. Parmi les cas spontanés de ce type, on peut citer l’affaire de la morgue de l’Hôpital militaire no 37, l’affaire Swedru et l’incident du rond-point Kwame Nkrumah à Accra.

65.Les Forces armées du Ghana sont composées de l’armée, de la marine et de l’aviation ainsi que de tous autres corps que le Parlement peut décider de mettre en place. Elles sont généralement équipées et entretenues de sorte à assurer la défense du Ghana et à remplir toutes autres fonctions qui pourraient leur être assignées. Les Forces armées disposent d’un hôpital militaire ouvert au public communément connu sous le nom de «Hôpital militaire no 37». Cet hôpital se trouve dans une zone militaire d’accès restreint où sont appliquées certaines mesures de sécurité.

1.L’affaire de la morgue de l’Hôpital militaire no 37

66.Il s’agit d’une affaire dans laquelle quelques soldats auraient arrêté des conducteurs de minibus commerciaux (communément appelés tro-tro) et leurs assistants ou camarades de travail, et les auraient brutalisés, les forçant notamment à embrasser et à caresser des cadavres dans la morgue de l’Hôpital militaire no 37.

67.Le haut commandement militaire a mis en place une commission d’enquête pour établir les faits. Celle-ci a montré que l’affaire avait été fortement exagérée, non seulement pour provoquer une vive émotion dans les médias et obtenir leur soutien, mais aussi pour exiger des indemnités. Il est également apparu que l’on avait fait croire à certaines des victimes supposées de l’incident qu’elles pouvaient être indemnisées en proportion de la gravité de leurs souffrances.

68.Il s’est avéré que les conducteurs avaient l’habitude de se garer devant l’entrée de l’hôpital où ils chargeaient des passagers sans se préoccuper des règles de circulation. Il en était résulté des blocages de l’accès à l’hôpital, et aussi des collisions.

69.Des soldats, sans en avoir reçu l’ordre de leurs supérieurs, ont arrêté les conducteurs et les ont emmenés à l’entrée de la morgue où ils leur ont montré les résultats de leurs actes, qui avaient causé mort d’homme.

70.Il est également ressorti de l’enquête que ce sont des civils travaillant à la morgue comme assistants qui avaient obligé les conducteurs à balayer et à passer des serpillères sur le plancher de la morgue.

71.Après l’incident, les auteurs présumés ont tous été punis. Les soldats ont été dégradés et les civils licenciés. Par ailleurs, les victimes présumées ont été indemnisées par les Forces armées du Ghana.

2.L’affaire Issah Mohammed alias Molbila

72.Alhaji Issah Mohammed, alias Molbila, était un national Burkinabè qui avait vécu à Tamale dans la région du Nord du Ghana pendant quarante ans avant de décéder prématurément dans la nuit du 9 décembre 2004.

73.Les éléments de preuve disponibles laissent penser que le 9 décembre 2004, ayant appris que le défunt fournissait des armes et des munitions aux jeunes de Tamale, le commandement de la police de la région du Nord a envoyé des policiers à son domicile pour l’arrêter. Il n’était pas chez lui, mais il s’est rendu par la suite dans les locaux du Bureau des investigations nationales (BNI) où il a été arrêté par la police du quartier général régional et placé dans une cellule de garde à vue.

74.Ayant appris que ses partisans se mobilisaient pour venir à son secours, le Conseil de sécurité régional a ordonné de le placer en détention militaire. Il a donc été transféré à la caserne et placé dans la salle de police no 3. Les militaires de garde étaient le caporal Appiah, le soldat de deuxième classe Éric Modzaka et le soldat de deuxième classe Seth Goka. Dans la nuit du 9 décembre 2004, la police a été informée qu’Issah Molbila avait eu un malaise et était décédé dans la salle de police.

75.L’autopsie a montré qu’il y avait des marques de violence sur le corps. Il a été déterminé que la cause de la mort était un collapsus du poumon gauche avec épanchement sanguin. Des côtes étaient fracturées et le corps présentait de multiples écorchures importantes. Les trois soldats suspects ont admis l’avoir pris sous leur garde mais nié être responsables de sa mort. Ils ont été depuis inculpés de meurtre et le Procureur général a ouvert des poursuites pénales à leur encontre.

3.Le Service de police du Ghana

76.Le Service de police du Ghana maintient l’ordre dans le pays. C’est l’institution chargée d’appliquer les lois de la République qui a pour fonctions de prévenir et de découvrir les infractions, d’appréhender les délinquants, de maintenir l’ordre et de garantir la sécurité des personnes et des biens.

77.Les traités et conventions internationaux signés et ratifiés par la République pour promouvoir les droits de l’homme ont une incidence directe sur les attributions du Service de la police.

78.Le Service de la police du Ghana, pour garantir que tous ses agents remplissent leurs obligations et devoirs tout en promouvant, protégeant et respectant les droits de l’homme, a élaboré dans le cadre de son organisation certaines politiques ayant pour but de tenir compte des normes internationales en matière de droits de l’homme. Il a entrepris une série de programmes de formation visant à faire en sorte que son personnel, dans tout le pays, soit sensibilisé et formé aux principes qui régissent le respect des droits de l’homme aux échelons international et régional.

79.Il a été créé un bureau du renseignement et des normes professionnelles de la police qui est chargé de vérifier les incidents dus à des fautes professionnelles de ses agents. Il enquête sur les violations des droits de l’homme et les fautes commises par les policiers dans l’exercice de leurs fonctions. Il y a eu de nombreuses plaintes faisant état de harcèlements, d’arrestations arbitraires et de détentions accompagnées de violations des droits de l’homme. Cette unité administrative veille à ce que les individus qui sont victimes d’abus de la part des agents de police ou qui doivent porter plainte contre des agents puissent s’adresser à un organe réservé à cet effet et auquel ils puissent demander réparation. Ses archives indiquent que les dépositions auxquelles il a été donné suite ont abouti à des licenciements, des dégradations et des mutations. Lorsque les policiers en cause sont pénalement responsables, ils subissent toutes les rigueurs de la loi.

80.Cherchant à améliorer leurs résultats, le Service de la police du Ghana, en collaboration avec l’Université Fordham des États-Unis et l’Université des sciences et techniques Kwame Nkrumah (KNUST), a formé une centaine d’enquêteurs de la police dans le but d’affiner leurs aptitudes. Une série de programmes de formation continuent d’être organisés à l’intention des agents de l’Unité d’appui aux victimes de violences familiales (DOVVSU), au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi relative à la violence familiale.

4.Le Service des prisons

81.Le Service des prisons est l’une des principales composantes de l’administration de la justice pénale au Ghana. Ses attributions sont énoncées au paragraphe 1 de l’article premier du décret sur le Service des prisons de 1972 (NRCD 46). Dans l’exercice de ses fonctions, le Service des prisons agit dans le cadre des lois nationales et des traités et conventions internationaux.

82.Le Service des prisons ne ménage rien pour garantir que les droits des personnes détenues soient respectés pendant qu’elles exécutent leur peine. En conséquence, tous les efforts sont déployés pour traiter les détenus d’une manière humaine et digne, de leur mise sous écrou à leur libération. Les détenus condamnés sont informés des règlements qui s’appliquent à eux, de leurs droits et de leurs obligations pendant leur séjour en prison.

83.La torture physique ou mentale d’un détenu par des surveillants est interdite. L’article 25 du décret NRCD 46 stipule que tout surveillant qui torture un détenu ou lui fait subir un traitement cruel de quelque manière que ce soit est coupable d’une infraction et passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans au plus (ceci en vertu du paragraphe 2 de l’article 15 de la Constitution).

84.Le recours à la force par un surveillant sur la personne d’un détenu est strictement réglementé. En vertu de l’article 46 du décret NRCD 46, la force ne peut être utilisée à l’encontre d’un détenu que si elle est légitimement nécessaire pour obliger le détenu à obéir à un ordre légal auquel il a refusé d’obtempérer. Les châtiments corporels sont interdits.

85.Les besoins sanitaires des détenus sont généralement satisfaits. Les malades sont soignés dans les infirmeries des prisons et envoyés dans des hôpitaux ou en consultation chez des spécialistes en cas de maladie grave.

86.Les détenus sont autorisés à pratiquer leur religion sans entrave et ceux qui le souhaitent ont la possibilité de suivre un enseignement universitaire.

87.Les détenus ont le droit de recevoir des visites et sont autorisés à correspondre avec leurs proches.

88.La capacité d’accueil des prisons du pays est actuellement insuffisante. Le Bureau du Procureur général, travaillant en collaboration avec la magistrature, et les services de la police et des prisons, a lancé un programme intitulé «Justice pour tous». Il s’agit de décongestionner les prisons en tenant des audiences dans les lieux de détention provisoire. Les inculpés sont représentés par des avocats commis d’office.

89.Un autre programme fournit une aide juridique aux indigents pour ce qui concerne la protection et la défense de leurs droits individuels. Ce programme a des bureaux dans tous les chefs-lieux des régions et il existe en outre des centres de médiation communautaire qui ont été mis en place dans diverses communautés pour assurer la représentation légale des indigents.

5.Difficultés rencontrées

90.Les lieux de détention réservés aux personnes qui ont commis des infractions graves sont surpeuplés et dans un état tout à fait déplorable. De fait, 26 des 42 centres de détention du pays accueillent une population carcérale supérieure à la capacité autorisée. Un rapport de septembre 2009 indiquait que le pourcentage de surpopulation était de 75,1 %. À l’heure actuelle, la population carcérale totale est d’un peu plus du double de la population carcérale autorisée. On espère que la situation s’améliorera avec la construction d’une nouvelle prison moderne à Ankaful, dans la région centrale, qui pourrait accueillir 3 000 détenus.

91.Les détenus sont nourris par l’État une fois par jour, car celui-ci dépense quotidiennement moins d’un dollar des États-Unis pour leur entretien. Les proches des détenus complémentent leur alimentation en leur apportant de la nourriture au cours des heures de visite.

92.La probabilité pour que des actes de torture soient perpétrés dans les centres de détention est très élevée, ce qui a amené l’État à créer des salles d’interrogatoire dans certains centres de détention à titre expérimental. Les interrogatoires qui se déroulent dans ces installations sont conduits sous la supervision de hauts responsables pour garantir que l’on n'y pratique pas la torture. Ces installations doivent encore être généralisées à l’échelle du pays.

93.Les instructions internes du Service de la police visent à faire en sorte que les personnes détenues fassent l’objet d’une inspection toutes les heures et qu’on leur enlève tous les objets qu’elles risquent d’utiliser pour s’automutiler. Cette mesure peut être interprétée par certains comme une forme de torture émotionnelle mais le Service est d’avis qu’elle est dans l’intérêt supérieur du détenu et de ses codétenus.

94.Selon les statistiques disponibles en septembre 2009, dans 42 centres de détention du pays, les mineurs sont séparés des adultes.

95.La plupart des établissements pénitentiaires sont anciens et inhabitables. Ils ont été édifiés à l’époque coloniale et étaient destinés à une petite population carcérale. Certains des châteaux construits par les Européens du XVe au XVIIe siècle et qui ont été utilisés comme prisons, par exemple les prisons d’Ussher et de Fort James, ont été restitués à la Commission nationale de la culture qui les a classés sites culturels. Ceci a réduit la superficie des locaux disponibles pour être utilisés comme prisons. Il y a actuellement une augmentation de la population carcérale sans expansion correspondante des infrastructures carcérales, d’où la surpopulation des prisons.

96.La question des détenus provisoires suscite toujours de vives préoccupations quant à l’amélioration du respect des droits de l'homme dans les maisons d’arrêt. Les détenus de cette catégorie n’ont été reconnus coupables d’aucune infraction mais ils demeurent en détention pendant de longues périodes, ce qui viole leurs droits.

97.Pour décongestionner les prisons, le Service des prisons ouvre un certain nombre de camps d’emprisonnement. Ces camps ne sont pas clos de murs, ce qui rend le milieu carcéral moins hostile. Cela sert aussi à réduire le surpeuplement des établissements fermés.

98.Comme on l’a dit plus haut, le Bureau du Procureur général, en collaboration avec le Service des prisons et la magistrature, a mis en place un système intitulé «Justice pour tous» dans lequel les juges se rendent dans les maisons d’arrêt pour entendre les détenus provisoires et statuer rapidement sur leur affaire.

99.On espère que ces efforts, parmi d’autres, permettront dans une certaine mesure de réduire les effectifs de la population carcérale et d’améliorer par là même les conditions inhumaines dans lesquelles vivent les détenus.

100.Il ressort de ce qui précède que la République du Ghana prend au sérieux les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Des mesures d’ordre législatif, administratif et judiciaire ont été mises en place pour garantir que les stipulations de la loi soient appliquées.

101.Le problème de l’absence de législation spécifique concernant l’incorporation de la Convention dans le droit interne sera traité. On espère que lorsque le Ghana présentera son rapport suivant, cette législation sera en place.