Nations Unies

CRPD/C/23/D/40/2017

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

25 septembre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 5 duProtocole facultatif, concernant la communication no40/2017 * , **

Communication présentée par :

F. O. F. (non représenté par un conseil)

Victime(s) présumée(s) :

F. O. F.

État partie :

Brésil

Date de la communication :

21 décembre 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 70 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 16 mars 2017 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

2 septembre 2020

Objet :

Discrimination faute d’aménagement raisonnable et de rémunération égale pour un travail de valeur égale

Questions de procédure :

Épuisement des recours internes ; fondement des griefs

Questions de fond :

Discrimination fondée sur le handicap ; accès à la justice ; protection de l’intégrité de la personne ; droit aux services de santé ; travail et emploi

Article(s) de la Convention :

2, 5, 13, 17, 25 et 27 (par. 1 a), b) et i))

Article(s) du Protocole facultatif :

2 d) et e)

1.1L’auteur de la communication est F. O. F., de nationalité brésilienne, né le 27 juillet 1968. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 2, 5, 13, 17, 25 et 27 (par. 1 a), b) et i)) de la Convention. Il n’est pas représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 1er septembre 2008.

1.2Le 16 mars 2017, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications, agissant au nom du Comité, a demandé à l’État partie d’adopter des mesures provisoires consistant à fournir à l’auteur des aménagements raisonnables en assouplissant ses horaires de travail de sorte qu’il puisse faire la navette entre son domicile et son lieu de travail et suivre la physiothérapie dont il avait besoin. Le 3 avril 2018, le Rapporteur spécial a réitéré la demande de mesures provisoires.

A.Résumé des renseignements fournis et des arguments avancés par les parties

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Depuis 1992, l’auteur souffre d’une raideur du genou due à une ostéomyélite chronique de la jambe gauche. Il souffre également d’une thrombose à la jambe gauche et d’une hernie discale, conséquences du fait que son mobilier de bureau n’est pas adapté à ses besoins. Depuis le 9 juin 2008, il travaille au Conseil régional d’ingénierie et d’agronomie de São Paulo, connu sous le nom de Crea-SP. Tous les jours, il prend le bus pour faire les allers-retours entre son domicile et son lieu de travail, distants de 74 kilomètres.

2.2Le 1er septembre 2009, l’auteur a demandé à bénéficier d’aménagements raisonnables au travail afin d’éviter une aggravation de son état de santé. Il souhaitait que son employeur lui permette d’adopter des horaires flexibles et lui accorde une autorisation d’absence pour le temps passé dans les trajets entre son domicile et son lieu de travail et le temps nécessaire à la physiothérapie (3 heures et 20 minutes) sans lui imposer une retenue sur salaire. Le 30 juillet 2010, Crea-SP a rejeté sa demande.

2.3Le 9 mai 2012, l’auteur a été victime d’un accident sur le chemin du travail, mais Crea-SP a estimé que ce n’était pas un accident de service. Il a déposé plainte auprès du Ministère du travail de l’État de São Paulo. Le 23 février 2016, le Ministère a décidé de classer la plainte au motif que la blessure au genou gauche de l’auteur ne pouvait pas être considérée comme un accident de service ou un accident dû au travail, d’autant que, selon un rapport médical du 26 septembre 2011, l’intéressé souffrait d’une rigidité de l’articulation du genou gauche depuis 1992.

Procédure engagée devant les tribunaux du travail pour faire valoir le droit à l’égalité de rémunération à travail égal

2.4Le 30 juillet 2013, l’auteur a engagé une procédure pour faire valoir son droit àl’égalité de rémunération à travail égal, arguant que son collègue B. C percevait un salaire plus élevé que lui alors qu’il exerçait les mêmes fonctions et faisait un travail de même qualité avec un taux de productivité identique. Le 28 novembre 2013, le juge de première instance a rejeté sa plainte, estimant que B. C. était plus qualifié, et l’a condamné aux dépens. Le 16 septembre 2014, le tribunal régional du travail a rejeté le recours de l’auteur. Le 1er octobre 2014, l’intéressé s’est plaint au Ministère fédéral du travail et de l’emploi que les deux personnes qui avaient témoigné à son procès avaient fait de fausses déclarations au sujet du parcours professionnel de B. C. Une procédure administrative a été engagée, mais l’auteur n’a jamais été informé de l’issue. Le 22 septembre 2015, le Tribunal supérieur du travail a confirmé la décision de première instance selon laquelle l’auteur ne pouvait pas prétendre au même salaire que B.C. car ce dernier était plus expérimenté. Le 11 octobre 2017, avec l’assistance d’avocats du service juridique du syndicat compétent (le Sindicato dos Trabalhadores das Autarquias de Fiscalização do Exercício Profissional e Entidades Coligadas no Estado de São Paulo, connu sous le nom de SINSEXPRO), l’auteur a intenté une action extraordinaire en nullité contre les décisions rendues en première instance et en appel. Le 22 mars 2018, le tribunal régional du travail a déclaré la demande de l’auteur irrecevable et a condamné l’intéressé aux dépens. Le 27 août 2018, il a débouté l’auteur de son recours. L’appel interjeté par l’auteur sur des points de droit a été rejeté le 21 septembre 2018.

2.5À une date inconnue en 2018, l’auteur a déposé plainte auprès du bureau du procureur du travail de la deuxième région pour dénoncer des erreurs commises par les avocats de SINSEXPRO dans le cadre de la procédure extraordinaire. Le 16 octobre 2019, le procureur a estimé qu’il n’appartenait pas à ses services d’apprécier les connaissances juridiques des avocats du syndicat ou la qualité de l’assistance juridique qu’ils fournissaient, et a recommandé à l’auteur de demander réparation dans le cadre d’une procédure en responsabilité civile ou de saisir le conseil de l’ordre du barreau brésilien pour qu’il intente une procédure disciplinaire. Le procureur a de surcroît constaté que l’intéressé invoquait un droit individuel alors que seules les violations présumées de droits collectifs relevaient de sa compétence. Partant, il a rejeté la demande tendant à ce qu’il engage une procédure civile.

Procédure engagée devant la justice administrative pour dénoncer l’absence d’aménagements raisonnables

2.6Le 27 septembre 2013, l’auteur a saisi le Secrétariat national aux droits de l’homme, faisant valoir qu’il était victime de discrimination parce que, contrairement à certains de ses collègues, il n’était pas autorisé à suivre une physiothérapie pendant ses heures de travail sans se voir imposer une retenue sur salaire. L’auteur, qui vit dans la municipalité de Santos, soutenait que les employés non handicapés résidant dans la municipalité de São Paulo ont droit à autorisation d’absence de 3 heures et 20 minutes. Le Secrétariat aux droits de l’homme a transmis la demande de l’auteur au Ministère du travail de l’État de São Paulo, qui l’a à son tour transmise au Ministère fédéral du travail et de l’emploi.

2.7Le 3 mars 2014, l’auteur a engagé une procédure auprès du Ministère du travail, alléguant que Crea-SP avait refusé de lui accorder des aménagements raisonnables. Le 10 mars 2015, le bureau du procureur du travail de la deuxième région a rejeté sa requête, estimant que rien ne venait démontrer l’existence d’une discrimination. Il a tenu compte du fait que l’auteur avait été recruté par concours, en conséquence de quoi Crea-SP était tenu uniquement de lui apporter une assistance spéciale, et non de le faire bénéficier d’arrangements particuliers, l’obligation légale d’autoriser des horaires de travail différenciés concernant exclusivement les personnes handicapées embauchées grâce au placement spécialisé, qui voyaient d’ailleurs leur rémunération ajustée en fonction des horaires pratiqués. Il a jugé que, faute d’élément justifiant des mesures de discrimination positive en sa faveur, l’auteur devait se voir appliquer les mêmes règles que les autres employés, conformément au principe de l’égalité. De surcroît, il a estimé qu’il était loisible à l’auteur de demander à son employeur, certificats médicaux à l’appui, de lui accorder du temps pour suivre une physiothérapie, et que, en cas de refus, la procédure à suivre était de déposer plainte auprès des tribunaux du travail, et non d’intenter une action administrative devant le Ministère du travail.

2.8En ce qui concerne la possibilité de porter ses griefs devant les tribunaux du travail, l’auteur déclare que, n’ayant ni les connaissances nécessaires en droit du travail, ni les moyens d’engager un avocat, il comptait sur l’aide des syndicats et du procureur rattaché au Ministère du travail. Il signale que, le 4 octobre 2016, il a de nouveau porté plainte pour discrimination auprès du Ministère du travail, dénonçant le refus de Crea-SP de lui accorder des aménagements raisonnables mais, le 4 novembre 2016, le Ministère a refusé de donner suite à sa démarche. C’est en vain aussi qu’il a sollicité l’assistance du Procureur général de la République et de la commission des droits des personnes handicapées de l’ordre des avocats de São Paulo.

2.9Le 3 avril 2014, l’auteur a déposé plainte auprès du Ministère du travail, lui demandant d’intervenir pour empêcher que son état de santé s’aggrave. Le 13 octobre 2014, un procureur rattaché au Ministère du travail a demandé à Crea-SP de lui fournir les pièces suivantes : les rapports médicaux montrant l’évolution de l’état de santé de l’auteur depuis qu’il avait commencé à travailler pour Crea-SP ; toutes études réalisées depuis l’embauche de l’auteur en vue d’établir si les allers-retours quotidiens de l’intéressé entre son domicile et son lieu de travail étaient un facteur d’aggravation de son état de santé ; toutes études réalisées depuis l’embauche de l’auteur en vue d’établir si l’utilisation du mobilier de bureau mis à sa disposition (fauteuils et bureaux, notamment) était un facteur d’aggravation de son état de santé ; l’adresse du centre de physiothérapie le plus proche de Crea-SP offrant des soins remboursés par le régime d’assurance maladie ; la distance entre les bureaux de Crea-SPA et cet établissement et le moyen de transport à utiliser pour faire le trajet ; un rapport du physiothérapeute qui avait recommandé que l’auteur fasse soigner sa sténose lombaire pendant les heures de travail puis prenne à 17 h 50 un bus dans lequel il lui fallait rester assis pendant plus de quatre-vingts minutes avant d’arriver à Santos. Toutefois, d’après l’auteur, Crea-SP n’a jamais donné suite à cette demande.

2.10Le 4 mai 2015, le procureur a demandé aux deux syndicats auxquels l’auteur était affilié − le Sindicato dos Engenheiros no Estado de São Paulo (SEESP) et le SINSEXPRO − de lui donner leur avis sur les faits dénoncés par l’auteur le 3 avril 2014. Il a en outre ordonné à Crea-SP de lui fournir des informations sur le régime de travail applicable à ses employés. D’après l’auteur, ni le SEESP ni le SINSEXPRO n’ont répondu à la demande qui leur avait été adressée et, en conséquence, aucune mesure n’a légalement pu être prise. Le 29 avril 2016, le Ministère du travail a clos la procédure. Les 6 mai et 18 juin 2015, l’auteur a sollicité l’assistance du SEESP, et les 24 février et 8 août 2016, il a sollicité celle du SINSEXPRO. Toutefois, selon lui, aucun des deux syndicats n’a manifesté un intérêt quelconque à le défendre.

2.11Le 11 juillet 2015, l’auteur a fourni au Ministère du travail un rapport médical daté du 8 juillet 2015 qui indiquait qu’il présentait des symptômes d’un syndrome post‑thrombotique chronique dans les veines fémorale et poplitée de la jambe gauche et devrait prendre des médicaments et porter à vie des bas de compression. Selon lui, il ressortait aussi de ce rapport qu’il avait commencé à souffrir d’une autre pathologie parce que Crea-SP n’avait rien fait pour éviter d’aggraver l’état de santé des employés souffrant de handicaps physiques, et que Crea-SP devait donc prendre en charge les frais liés à l’achat des compresses dont il avait besoin.

Procédure concernant l’accès à la justice

2.12Le 7 août 2015, l’auteur et sa femme ont intenté une action contre une entreprise du nom de Tenda afin qu’il lui soit ordonné de respecter les normes d’accessibilité selon lesquelles des emplacements doivent être réservés aux personnes handicapées sur les parkings des lieux d’habitation. Invoquant l’article 13 de la Convention, ils ont demandé à être exonérés des frais de justice au motif qu’ils ne disposaient pas de ressources financières suffisantes. Le 2 septembre 2015, le tribunal de justice de São Paulo a rejeté leur demande au motif que la femme de l’auteur était associée dans deux entreprises et que l’auteur lui-même avait un revenu bien supérieur à la moyenne, de sorte que ni l’un ni l’autre ne remplissaient les conditions d’indigence prévues par la loi. Le 6 octobre 2015, le tribunal de São Paulo a débouté les époux. Le 29 mars 2016, le Tribunal suprême fédéral a rejeté l’appel qu’ils avaient interjeté sur des points de droit. L’auteur et sa femme ont alors formé un recours spécial et extraordinaire. Le 16 février 2018, le Tribunal suprême fédéral a rejeté la nouvelle demande d’exonération des frais de justice présentée par les intéressés. Ceux-ci ont fait appel, mais le 23 mars 2018, le Tribunal supérieur de justice a jugé, à la lumière de leurs déclarations d’impôts, que leurs revenus étaient supérieurs à la moyenne, et que le handicap physique de l’auteur ne suffisait pas à justifier une exonération. Le 14 avril 2018, l’auteur et sa femme ont contesté cette décision, invoquant le droit à l’accès à la justice garanti à l’article 13 de la Convention et le droit à la confidentialité de leurs revenus. Le 20 avril 2020, le Tribunal suprême fédéral a rejeté l’appel qu’ils avaient interjeté sur des points de droit.

Procédure administrative

2.13Le 2 janvier 2016, une nouvelle loi sur l’insertion des personnes handicapées est entrée en vigueur au Brésil (loi no 13.146 du 6 juillet 2015). L’auteur soutient toutefois que, si cette loi punit la discrimination fondée sur le handicap due à l’absence d’aménagements raisonnables, le Ministère du travail n’a néanmoins pas établi tous les mécanismes nécessaires à la protection des personnes handicapées. En conséquence, il n’a plus la force de continuer à se battre pour les droits qui lui sont garantis par la Convention. Il soutient que c’est au procureur général ou au conseil de l’ordre du barreau fédéral d’engager une procédure pour dénoncer la violation du principe fondamental de l’aménagement raisonnable.

2.14Le 26 janvier 2016, l’auteur a déposé plainte auprès du bureau du procureur du travail de la deuxième région au motif, entre autres, que Crea-SP ne lui pas encore donné l’autorisation écrite de suivre une physiothérapie pendant les horaires de travail et de bénéficier, comme les résidents de São Paulo, d’une compensation salariale pour des absences pouvant aller jusqu’à 3 heures et 20 minutes. Il a demandé au procureur régional du travail de prendre des mesures en vue de mettre fin à ce traitement discriminatoire. De surcroît, il s’est plaint que Crea-SP ne s’était pas penché sur la question de savoir si son poste de travail était adapté à son handicap et si ses horaires de travail étaient conformes à ses besoins et a dénoncé une violation de son droit à l’égalité de rémunération à travail égal, faisant référence à son collègue B.C.

2.15L’auteur souffrait d’une douleur constante dans le coude droit et, le 17 février 2016, un médecin a diagnostiqué une épicondylite médiale du coude nécessitant une physiothérapie. Le 18 février 2016, il s’est présenté au centre médical situé dans les locaux de Crea-SP, où il a été examiné par un médecin du travail, qui a ensuite inspecté ses deux espaces de travail et a conclu qu’ils étaient inadaptés car le bureau était trop bas (l’auteur mesure 1,91 m) et les accoudoirs du fauteuil n’étaient pas réglables à la hauteur voulue.

2.16Le 21 février 2016, l’auteur a demandé au bureau du procureur du travail de la deuxième région d’enjoindre à Crea-SP de lui faire savoir dans quel centre médical il pourrait suivre une physiothérapie sans que cela ait de conséquences sur son salaire. Le 26 février 2016, l’auteur a fait savoir à Crea-SP qu’il avait commencé à souffrir d’une nouvelle pathologie parce que son poste de travail était inadapté et a de nouveau demandé à être autorisé à suivre une physiothérapie dans la municipalité où il résidait et à bénéficier de l’autorisation d’absence de 3 heures et 20 minutes accordée aux employés résidant à São Paulo.

2.17À une date inconnue en 2016, l’auteur a porté plainte pour faute administrative, mais sa demande tendant à ce que le Ministère fédéral du travail et de l’emploi et le bureau du procureur général ouvrent une enquête a été rejetée faute d’éléments justifiant pareille mesure.

2.18Également à une date inconnue en 2016, l’auteur a déposé plainte auprès du Ministère du travail contre le président de Crea-SP, arguant d’une discrimination fondée sur le handicap au motif qu’une procédure disciplinaire pour violation du code de conduite avait été engagée contre lui. Le Ministère du travail a estimé que rien ne venait démontrer que l’auteur était victime de discrimination fondée sur le handicap car il n’avait pas subi de préjudice particulier en conséquence de la procédure administrative engagée.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 2, 5, 13, 17, 25 et 27 (par. 1 a), b) et i)) de la Convention parce qu’il a été privé des aménagements raisonnables dont il avait besoin sur son lieu de travail pour que sa santé ne se dégrade pas davantage. Il demande des ajustements qui permettraient de satisfaire aux besoins des personnes souffrant de handicaps comme le sien sans entraîner de grosses dépenses pour l’employeur, notamment l’autorisation de s’absenter du travail pendant le temps nécessaire pour suivre une physiothérapie dans la municipalité dans laquelle il réside et pour faire les allers-retours entre son domicile et son lieu de travail et l’adoption de mesures d’accessibilité. À force de travailler dans des conditions qui ne sont pas ergonomiques, il souffre de thrombose dans la jambe gauche, d’une hernie discale et d’une épicondylite médiale du coude droit.

3.2L’auteur soutient que le refus d’offrir aux personnes handicapées des aménagements raisonnables sur leur lieu de travail constitue une discrimination fondée sur le handicap. Selon lui, le Ministère du travail de l’État de São Paulo a clos plusieurs procédures administratives parce qu’il n’estimait pas nécessaire que des mesures d’accessibilité soient prises sur les sites où il n’y avait pas de travailleurs handicapés. En conséquence, Crea-SP a pu regrouper tous ses employés handicapés dans un nombre limité de locaux − situés dans quelques municipalités de l’État de São Paulo − soi-disant accessibles, et les employés en question ne peuvent pas demander un transfert dans une autre municipalité, contrairement à leurs collègues non handicapés. De surcroît, l’auteur avance que les personnes handicapées sont traitées différemment selon qu’elles sont embauchées à l’issue d’un concours ou d’un placement spécialisé.

3.3L’auteur allègue une violation du droit à l’égalité de rémunération à travail égal qu’il tient de l’article 27 (par. 1 b)) de la Convention. Les autorités nationales ont jugé qu’il n’avait pas droit à l’égalité de rémunération au motif que les employés qui passaient davantage de temps au travail accumulaient davantage d’expérience professionnelle, alors que l’article 27 (par. 1 b)) ne prévoit pourtant aucune restriction de ce type. Par conséquent, toutes les décisions rendues dans le cadre de la procédure engagée devant la justice interne pour obtenir l’égalité de rémunération (par. 2.4) sont contraires à la Convention, les tribunaux n’ayant pas correctement examiné le parcours professionnel de B.C. De surcroît, l’auteur soutient qu’il est victime d’une violation du droit à l’accès à la justice garanti à l’article 13 de la Convention car la décision du 22 mars 2018 par laquelle le tribunal régional du travail a déclaré son recours extraordinaire irrecevable est fondée sur les dispositions du Code de procédure civile, hiérarchiquement inférieur à la Constitution fédérale, et le tribunal n’a pas examiné son recours au fond. Il soutient également qu’il a aussi été porté atteinte aux dispositions de l’article 13 en ce que les tribunaux n’ont pas protégé les droits qu’il tient de la Convention et l’ont condamné aux dépens.

3.4L’auteur déclare que, même si d’autres recours internes étaient encore à sa disposition, il est probable que les procédures seraient excessivement longues et ne lui apporteraient pas une réparation suffisamment effective pour empêcher son état de santé de s’aggraver.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 25 janvier 2018, l’État partie a soumis des observations sur la recevabilité et sur le fond, dans lesquelles il reconnaît que l’auteur relève des lois et règlements nationaux applicables aux personnes handicapées, qui consacrent notamment le droit à des aménagements raisonnables sur le lieu de travail.

4.2L’État partie déclare que, lorsqu’il a été engagé par Crea-SP, l’auteur a subi un examen médical dont il est ressorti qu’il était effectivement handicapé. Toutefois, le rapport d’examen ne contenait aucune recommandation relative à l’aménagement de son environnement de travail ou à des ajustements de sa charge de travail ou de ses conditions de travail en général. L’État partie explique que l’auteur a été embauché à l’issue d’un concours, ce qui signifie que Crea-SP est tenu uniquement de lui apporter une assistance spéciale, et non de le faire bénéficier d’arrangements particuliers, l’obligation légale d’autoriser des horaires de travail différenciés concernant exclusivement les personnes handicapées embauchées grâce au placement spécialisé, qui voient d’ailleurs leur rémunération ajustée en fonction des horaires pratiqués.

4.3Crea-SP a déclaré avoir proposé à ses employés, au cas par cas, tous les aménagements et ajustements nécessaires et appropriés ne lui imposant pas une charge disproportionnée et indue, afin que les personnes handicapées puissent exercer tous les droits et libertés fondamentaux sur un pied d’égalité avec les autres et bénéficient de l’égalité des chances. En outre, Crea-SPA a fait faire des travaux dans tous ses bureaux régionaux afin que ses locaux soient conformes à la législation relative à l’accessibilité, et s’est engagé à réduire la charge de travail journalière de l’auteur pour autant que celui-ci accepte que son salaire soit diminué en conséquence, conformément à la loi. Les instances que l’auteur a saisies ont jugé que les faits dénoncés ne faisaient apparaître aucune irrégularité. On retiendra en particulier que le temps que l’auteur demandait à voire déduire de sa journée de travail afin de pouvoir suivre une physiothérapie (3 heures et 20 minutes) dépassait la limite prévue (deux heures), alors que deux heures suffiraient si l’intéressé choisissait un centre médical spécialisé situé à proximité de son lieu de travail, comme Crea-SP lui a suggéré. Enfin, Crea-SPA a permis à l’auteur de télétravailler pendant quelques jours, notamment après qu’il a été opéré de l’ostéomyélite.

4.4L’État partie soutient que, lorsqu’il est arrivé au travail, le 9 mai 2012, après son accident, l’auteur est allé se faire examiner au service médical, mais a refusé de suivre la recommandation de l’infirmier de service de consulter un médecin. Il a donc été soigné avec de la glace et des analgésiques seulement, et il est resté au travail jusqu’à la fin de son service. Selon l’État partie, cet événement a contribué à l’aggravation de l’état de santé de l’auteur.

4.5L’État partie renvoie aux plaintes adressées au Ministère du travail dans lesquelles l’auteur soutient que Crea-SP a rejeté sa demande d’aménagements raisonnables et a refusé de lui accorder l’égalité de rémunération à travail égal, ainsi qu’à l’argument selon lequel Crea-SP doit garantir l’accessibilité de ses 176 installations. Il fait observer que le Ministère du travail a estimé que Crea-SP n’était en rien responsable de l’« accident de service » subi par l’auteur le 9 mai 2012 et que cet accident était dû aux conditions préexistantes dont l’intéressé souffrait.

4.6L’État partie informe le Comité que, le 2 mai 2017, sur la base d’un rapport d’experts, le Ministère du travail a adopté un plan d’aménagement suivant lequel Crea-SP devait rendre ses installations accessibles aux personnes handicapées. Au moment où l’État parti a fourni ces informations, il suivait encore l’avancement des travaux devant être réalisés dans les 176 installations de Crea-SP.

4.7En ce qui concerne l’allégation de l’auteur selon laquelle les deux syndicats qu’il a contactés ne se sont pas préoccupés de sa situation, l’État partie avance que, dans la procédure pour discrimination fondée sur le handicap engagée en 2016, l’auteur était représenté par un avocat désigné par le SINSEXPRO. Au cours de la procédure engagée par le Ministère du travail, le SINSEXPRO a signalé que la question d’une compensation salariale était en cours de discussion avec Crea-SP. L’autre syndicat, le SEESP, a expliqué à l’auteur qu’il ne pouvait pas compter sur son aide parce qu’il n’avait pas travaillé à Crea‑SP comme ingénieur, mais a néanmoins défendu ses intérêts face à son employeur, y compris en justice. L’État partie reconnaît néanmoins que l’auteur n’a reçu aucune réponse de l’ordre des avocats brésiliens.

4.8En ce qui concerne le grief relatif à l’égalité de rémunération à travail égal, l’État partie explique que, aux termes de l’article 461 du texte consolidé des lois sur le travail, les employeurs sont tenus de rémunérer à égalité les salariés dont la différence d’ancienneté ne dépasse pas deux ans et qui exercent sur le même site des fonctions identiques avec la même productivité et le même niveau de « perfection technique », sans distinction de sexe, de nationalité ou d’âge. Or, B. C., le collègue de l’auteur, était un des employés les plus expérimentés de Crea-SP, et avait d’ailleurs occupé le poste juste en-dessous de celui de président. L’expérience et les connaissances de B.C. sont donc différentes de celles de l’auteur, qui n’exerce pas toutes les fonctions exercées par son collègue et a de surcroît vingt-neuf ans d’ancienneté en moins.

4.9L’État partie fait observer que la plainte dont l’auteur a saisi le Secrétariat aux droits de l’homme le 27 septembre 2013 a été transmise au Ministère du travail de l’État de São Paulo qui, après examen, l’a à son tour adressée au Ministère fédéral du travail et de l’emploi. Le Ministère fédéral de la femme, de la famille et des droits de l’homme suit l’évolution de la situation. Le 22 juillet 2014, l’auteur a de nouveau soumis cette plainte, insistant pour que le Secrétariat intervienne afin que Crea-SP lui permette de suivre une physiothérapie. Le Ministère de la femme, de la famille et des droits de l’homme lui a répondu que sa capacité d’action était limitée par le silence de la loi, mais lui a fait savoir que la Convention et les autres textes applicables se prêtaient à différentes interprétations et qu’il pourrait vouloir se pourvoir en justice. Toutefois, l’auteur est resté insatisfait et a continué de soumettre des demandes, et le Ministère de la femme, de la famille et des droits de l’homme a fini par l’informer qu’il n’était pas compétent ratione materiae pour proposer des mesures relevant de l’autorité d’autres institutions.

4.10Ayant examiné les très nombreux documents fournis par l’auteur, l’État partie soutient que les institutions concernées ont agi correctement. À plusieurs reprises, l’auteur a bénéficié d’une assistance qui ne lui était pas légalement due, notamment de la part des deux syndicats.

4.11Le Ministère du travail − gardien de la loi et doté de pouvoirs constitutionnels − s’est employé et continue de s’employer à faire la lumière sur les faits dénoncés par l’auteur, notamment en ce qui concerne l’accessibilité des installations de Crea-SP, et a publié des avis sur les mesures prises par cette institution. L’État partie est conscient que l’auteur et Crea-SP sont en total désaccord quant à l’efficacité des solutions adoptées. Les tribunaux nationaux s’emploient à trouver l’équilibre entre les besoins biopsychosociaux des salariés sur le lieu de travail et les mesures que les employeurs peuvent prendre, notamment d’un point de vue juridique. À cet égard, il apparaît que la notion d’aménagement raisonnable telle qu’elle est définie en droit brésilien laisse la porte ouverte à des conflits d’interprétation.

4.12Pour l’employeur, la notion d’aménagement raisonnable est très vaste. Le respect du droit à l’aménagement raisonnable doit être mis en balance avec les coûts qu’il représente et la nécessité d’éviter les différences de traitement entre les salariés, interdites par la loi. Les ajustements et modifications raisonnables qui n’imposent pas une charge disproportionnée ou indue à l’employeur et s’avèrent nécessaires dans un cas donné peuvent être effectués, mais il faut que toutes les parties aient préalablement exprimé leur point de vue. Les organes du pouvoir exécutif − y compris le Secrétariat aux droits des personnes handicapées, qui dépend du Ministère de la femme, de la famille et des droits de l’homme − ne peuvent pas enjoindre à un employeur de prendre telles ou telles mesures, car ils n’ont pas toutes les informations ni tous les moyens nécessaires pour prendre une décision informée et contraignante.

4.13En l’espèce, les opinions divergent quant à l’efficacité des mesures prises par l’employeur de l’auteur. Cela étant, les autorités judiciaires − qui ont le dernier mot − ont accordé foi aux déclarations de Crea-SP. L’obligation imposée à l’article 27 (par. 1 i)) de la Convention s’applique à toutes les entités nationales, qu’elles soient publiques ou privées. Crea-SP a démontré aux autorités administratives et judiciaires qu’il avait agi dans le respect de la loi. Le litige qui l’oppose à l’auteur participe d’une différence d’interprétation des mesures qu’il a prises en faveur de l’intéressé, et notamment du refus de permettre à celui-ci d’adopter des horaires réduits sans conséquences sur son salaire. Or, cette question a déjà été examinée dans le cadre de procédures administratives et judiciaires.

4.14L’État partie soutient qu’il n’y a pas eu violation de l’article 27 (par. 1 i)) de la Convention. En désaccord avec les décisions défavorables à son égard rendues par les autorités administratives et judiciaires, l’auteur cherche un autre moyen de faire prévaloir son interprétation de ce qui constitue un aménagement raisonnable et donc des mesures que son employeur doit prendre en sa faveur. Toutefois, le Comité ne saurait agir comme un organe d’appel. Par l’intermédiaire du Secrétariat aux droits des personnes handicapées, l’État partie continuera de suivre l’évolution des procédures engagées devant les instances nationales.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Les 26 mars, 15 avril et 7 mai 2018, l’auteur a soumis des commentaires sur les observations de l’État partie dans lesquels il maintient que l’État partie a violé le droit à l’égalité de rémunération à travail égal qu’il tient de l’article 27 (par. 1 b)) de la Convention. L’auteur signale qu’il a formé un recours extraordinaire pour faire annuler les jugements rendus dans le cadre de la procédure engagée pour obtenir l’égalité de rémunération, mais le tribunal régional du travail l’a débouté le 22 mars 2018 (par. 2.4). Il conteste le raisonnement suivi par les juges, qui n’ont selon lui pas tenu compte du fait qu’il est handicapé, ce qui n’est pas le cas de son collègue B. C., et dénonce un défaut de diligence de la part des avocats du SINSEXPRO qui l’ont représenté pendant la procédure extraordinaire.

5.2L’auteur allègue de nouveau qu’il est victime d’une violation du droit à l’accès à la justice consacré l’article 13 de la Convention car les tribunaux ont refusé de l’exempter des frais de justice liés à la procédure engagée contre la société Tenda concernant l’accessibilité des places de stationnement résidentiel aux personnes handicapées (par. 2.12). De surcroît, il soutient que les tribunaux ont divulgué le montant de ses revenus et de ceux de sa femme en rejetant sa demande d’exemption par des décisions qui n’étaient pas confidentielles.

5.3L’auteur avance que l’État partie n’a pas pris les mesures provisoires ordonnées par le Comité et demande à celui-ci de transmettre la communication à la Commission interaméricaine des droits de l’homme afin qu’elle puisse demander à l’État partie de prendre des mesures provisoires de nature à protéger son droit de l’auteur à des aménagements raisonnables et à l’égalité de rémunération à travail égal.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 27 décembre 2018, l’État partie a réitéré ses précédentes observations, rappelant que le grief de l’auteur concernant l’égalité de rémunération à travail égal avait déjà été examiné par la justice interne et que le Comité ne devait pas s’immiscer dans les affaires tranchées par les autorités judiciaires.

6.2Selon l’État partie, traiter séparément la question des compléments de ressources et celle des prestations de compensation du handicap est un moyen d’éviter que les aides sociales accordées aux personnes handicapées incitent ces personnes à ne pas rechercher un emploi. Cette question et les autres questions de fond sont dûment examinées par les autorités judiciaires et administratives compétentes, comme l’auteur lui-même le reconnaît.

6.3Dans ce contexte, l’État partie invoque l’article 2 du Protocole facultatif, selon lequel les communications toujours en cours d’examen par les autorités nationales compétentes sont irrecevables, et soutient que le Comité ne devrait pas formuler de conclusions sur le traitement de l’affaire par les autorités nationales tant que la procédure interne n’a pas abouti.

Nouveaux commentaires de l’auteur

7.1Les 26 mai 2019 et 8 juillet 2020, l’auteur a soumis de nouveaux commentaires. Il soutient en particulier que, contrairement à ce qu’affirme l’État partie, il a épuisé tous les recours internes lui permettant de faire valoir les droits qu’il tient de la Convention et tous ses griefs ont été examinés par les tribunaux, et que l’État partie ne saurait le tenir pour responsable de l’inaction du ministère public, seul compétent pour prendre des mesures contre ceux qui ont contribué à la dégradation de son état de santé. Il prie le Comité de demander à l’État partie de préciser quels recours internes sont encore à sa disposition.

7.2L’auteur allègue que l’État partie n’a pas cherché à savoir si son état de santé s’était dégradé parce que l’ergonomie de son poste de travail n’était pas adaptée à ses besoins.

B.Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions de l’alinéa c) de l’article 2 du Protocole facultatif, qu’il n’avait pas déjà examiné la même question et que la question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité note que, si l’État partie soutient que la communication devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 2 d)) du Protocole facultatif au motif que les recours internes disponibles n’ont pas tous été épuisés, il ne mentionne néanmoins aucun recours efficace encore disponible. Le Comité note également que l’auteur soutient que, même si d’autres recours internes étaient encore à sa disposition, il est probable que les procédures seraient excessivement longues et ne lui apporteraient pas une réparation suffisamment effective pour empêcher son état de santé de s’aggraver (par. 3.4).

8.4Le Comité rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence que, s’il n’est pas obligatoire d’épuiser les recours internes qui n’ont aucune chance raisonnable d’aboutir, les auteurs de communications doivent néanmoins faire preuve de toute la diligence voulue pour exercer les recours disponibles, le simple fait d’avoir des doutes ou des présomptions quant à l’utilité de ces recours ne faisant pas disparaître l’obligation de les épuiser. En l’espèce, le Comité constate que le Ministère du travail a clairement expliqué à l’auteur que la voie de recours appropriée pour dénoncer l’absence d’aménagements raisonnables lui permettant de suivre une physiothérapie était la saisine des tribunaux du travail, et non le dépôt d’une plainte administrative auprès du Ministère du travail (par. 2.7). Il constate également que l’auteur s’est plaint auprès du procureur régional du travail du fait que son mobilier de bureau n’était pas adapté, mais n’a pas soulevé ce grief devant les tribunaux du travail. À cet égard, il note que l’auteur dit n’avoir ni les connaissances nécessaires en matière de droit du travail pour se représenter lui-même, ni les moyens d’engager un avocat, et avoir donc eu besoin de l’aide du procureur du travail et de celle des syndicats pour ester devant les tribunaux du travail (par. 2.8). Il note aussi que, en août 2015, l’auteur et sa femme ont engagé une autre procédure et se sont vu refuser l’exemption des frais de justice au motif que leurs revenus étaient largement supérieurs à la moyenne nationale. Par ailleurs, il constate que l’auteur n’a fourni aucune information permettant de penser que les procédures à sa disposition seraient excessivement longues ou autrement inefficaces.

8.5Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles car il n’a pas saisi les tribunaux du travail pour dénoncer l’absence d’aménagements raisonnables lui permettant de suivre une physiothérapie ou de disposer d’un mobilier de travail adapté. Partant, le Comité déclare irrecevable au regard de l’article 2 d) du Protocole facultatif le grief tiré des articles 17, 25 et 27 (par. 1 i)) de la Convention, lu conjointement avec l’article 2, selon lequel l’État partie n’a pas pris les aménagements raisonnables permettant d’empêcher la dégradation de l’état de santé de l’auteur.

8.6Le Comité note que, le 10 mars 2015, le bureau du procureur régional du travail a rejeté les allégations selon lesquelles l’auteur avait été victime de discrimination fondée sur le handicap parce qu’il n’avait pas bénéficié des mêmes aménagements raisonnables que des personnes non handicapées, estimant que rien ne venait démontrer l’existence d’une quelconque discrimination. Le Comité note également que les allégations en question ont été formulées en termes généraux et que l’auteur n’explique pas en quoi l’application d’une disposition de loi qui prévoit qu’une personne handicapée peut entrer sur le marché du travail soit par voie de concours, soit par voie de placement spécialisé lui a personnellement porté préjudice. Partant, il estime que le grief relatif à l’absence d’aménagements raisonnables permettant d’empêcher la dégradation de son état de santé que l’auteur tire des articles 5 et 27 (par. 1 a), b) et i)) de la Convention, lus conjointement avec l’article 2, est irrecevable au regard de l’article 2 e) du Protocole facultatif.

8.7Le Comité prend note des allégations selon lesquelles l’auteur n’a pas bénéficié de l’égalité de rémunération à travail égal (art. 27 (par. 1 b)) de la Convention) et a de surcroît été privé d’accès à la justice (art. 13 de la Convention) car les tribunaux nationaux ont rejeté sa demande d’exemption des frais de justice en s’appuyant sur les dispositions du Code de procédure civile, hiérarchiquement inférieur à la Constitution fédérale. À cet égard, il note que les tribunaux nationaux ont examiné ces deux griefs dans le cadre de procédures ordinaires et extraordinaires (par. 2.4 et 2.12). En outre, il rappelle que c’est généralement aux juridictions des États parties à la Convention qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, à moins qu’il ne soit établi que l’appréciation a été clairement arbitraire ou a constitué un déni de justice. En l’espèce, le Comité n’est pas en mesure de conclure, sur la base des éléments dont il dispose, que les décisions rendues par les juridictions de l’État partie sont arbitraires ou constituent un déni de justice. En conséquence, il estime que les griefs soulevés au titre des articles 13 et 27 (par. 1 b)) de la Convention sont insuffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables au regard de l’article 2 e) du Protocole facultatif.

8.8Enfin, le Comité note que, sans invoquer un article particulier de la Convention, l’auteur se plaint de ce que les avocats du syndicat qui l’ont assisté dans la procédure extraordinaire engagée en vue d’obtenir l’égalité de rémunération ont manqué à leur devoir de diligence et les tribunaux saisis de la procédure engagée contre la société Tenda ont divulgué ses revenus et ceux de sa femme dans les décisions par lesquelles il ont rejeté sa demande d’exemption des frais de justice, qui n’étaient pas confidentielles. À cet égard, le Comité constate que les avocats du syndicat ont assisté l’auteur dans le cadre d’une procédure extraordinaire et que l’intéressé ne précise pas s’il a utilisé les recours que le procureur régional du travail lui a recommandé d’utiliser pour dénoncer les manquements présumés de ces avocats (par. 2.5) ni, dans la négative, les raisons pour lesquelles il ne l’a pas fait. De surcroît, le Comité note que l’auteur n’explique aucunement en quoi la divulgation de ses revenus a porté atteinte aux droits qu’il tient de la Convention et ne précise pas non plus s’il a porté plainte devant les tribunaux nationaux à ce sujet. Le Comité estime donc que ce grief n’est pas suffisamment étayé aux fins de la recevabilité, et le déclare irrecevable au regard de l’article 2 e) du Protocole facultatif.

C.Conclusion

9.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 2 d) et e) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.