Nations Unies

CRPD/C/23/3

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

2 octobre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Rapport intérimaire sur la suite donnée aux communications émanant de particuliers *

A.Introduction

1.Le présent rapport a été établi en application de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qui dispose que le Comité examine à huis clos les communications qui lui sont adressées en vertu du Protocole et, après avoir examiné une communication, transmet ses suggestions et recommandations éventuelles à l’État partie intéressé et au pétitionnaire. Le rapport a aussi été établi en application de l’article 75 (par. 7) du Règlement intérieur du Comité, qui dispose que le Rapporteur spécial ou le groupe de travail fait périodiquement rapport au Comité sur ses activités de suivi afin de vérifier que les États parties ont pris des mesures pour donner effet aux constatations et aux recommandations du Comité.

2.Le présent rapport fait la synthèse des renseignements que la Rapporteuse spéciale chargée du suivi des constatations a reçus entre les vingt-deuxième et vingt-troisième sessions, conformément au Règlement intérieur du Comité, et des recommandations qu’elle a faites au Comité. Les critères d’évaluation étaient les suivants :

Critères d’évaluation

Respect des recommandations

ARéponse satisfaisante dans l’ensemble

Respect partiel des recommandations

BDes mesures concrètes ont été prises, mais des renseignements ou des mesures supplémentaires sont nécessaires

Non-respect des recommandations

CUne réponse a été reçue, mais les mesures prises ne donnent pas effet aux constatations ou recommandations

Absence de réponse

DAucune réponse n’a été reçue à l’ensemble ou à une partie des recommandations après un ou plusieurs rappel(s)

B.Communications

1. Makarov c. Lituanie (CRPD/C/18/D/30/2015)

Adoption des constatations :

18 août 2017

Première réponse de l’État partie :

Reçue le 12 février 2018 (voir CRPD/C/21/3)

Commentaires de l’auteur (première et deuxième séries) :

Reçus le 18 mars 2018 (voir CRPD/C/21/3)

Décision adoptée à la vingt et unième session :

Évaluation « B » : poursuivre le dialogue au titre du suivi

Mesures prises

Le 14 juin 2019, la Rapporteuse spéciale a envoyé à l’État partie une lettre de suivi dans laquelle elle fixait le délai de réponse au 13 août 2019. L’État partie a été prié de préciser au Comité dans le cadre de quelle procédure de droit interne l’auteur pourrait être indemnisé. Il a aussi été prié de fournir des renseignements sur les mesures qu’il avait prises, notamment sur les modifications qu’il avait apportées à sa législation, pour faire en sorte que les personnes handicapées bénéficient d’une aide juridictionnelle gratuite chaque fois que cela était nécessaire et pour contrôler que les aménagements raisonnables devant leur assurer un accès à la justice sur la base de l’égalité avec les autres étaient faits.

Deuxième réponse de l’État partie :

Reçue le 20 août 2019

L’État partie a rappelé l’observation qu’il avait faite dans sa première réponse, en date du 12 février 2018 (voir CRPD/C/21/3), à savoir que, le 21 décembre 2017, le Ministère de la justice avait demandé à l’auteur de lui soumettre toute information utile pour l’évaluation des dommages subis. Dans sa réponse, l’auteur avait déclaré que le montant des dommages-intérêts devrait être déterminé selon la loi et qu’il avait engagé une procédure pour faire valoir son droit à indemnisation. L’État partie a pris note que cette affaire civile était en instance d’appel devant le tribunal régional de Vilnius. Compte tenu des circonstances et conformément à la législation interne régissant l’indemnisation des dommages résultant d’un acte illicite de l’État, le Ministère de la justice examinerait la demande d’indemnisation de l’auteur après que le tribunal régional de Vilnius se serait prononcé.

L’État partie a appelé l’attention sur certaines dispositions de la législation interne régissant l’aide juridictionnelle garantie par l’État aux personnes handicapées, selon lesquelles une aide juridictionnelle peut être accordée aux personnes gravement handicapées, aux personnes déclarées dans l’incapacité de travailler et aux personnes ayant atteint l’âge de la retraite et dont les besoins particuliers avaient été évalués, ainsi qu’à leurs tuteurs.

L’État partie a mentionné la loi sur l’égalité des chances, qui interdit la discrimination directe ou indirecte, et fait observer que la définition de la discrimination couvrait, entre autres, le refus de procéder à des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées. Après la ratification de la Convention par l’État partie, la loi sur l’intégration sociale des personnes handicapées avait été modifiée afin que la définition de l’aménagement raisonnable figurant à l’article 2 de la Convention y soit incorporée. En outre, toute personne, y compris une personne handicapée, avait le droit de recevoir des prestations sociales en fonction de ses besoins.

Commentaires de l’auteur (troisième série) :

Reçus le 9 novembre 2019

L’auteur a estimé que la réponse de suivi de l’État partie était formaliste. Il a rappelé que, le 18 septembre 2017, il avait saisi le tribunal de district de Vilnius d’une demande d’indemnisation pour les dommages matériels et moraux qu’il avait subis. Le 29 décembre 2017, il avait reçu une proposition du Ministère de la justice visant à un règlement de l’affaire à l’amiable. L’auteur a affirmé que, selon la loi sur l’indemnisation des dommages résultant d’un acte illicite des institutions de l’État, il ne pouvait obtenir aucune indemnisation dans le cadre d’une procédure à l’amiable, à moins que le Comité lui-même ne complète la recommandation qu’il avait formulée dans ses constatations en précisant le montant des dommages-intérêts à verser.

L’auteur a indiqué qu’à la lumière des conclusions énoncées par le Comité dans ses constatations, il avait également saisi la Cour suprême d’un recours en révision de l’affaire pénale, le 15 février 2018. Le 23 avril 2018, la Cour suprême avait jugé que les constatations du Comité ne devaient pas être considérées comme pouvant servir de base pour le réexamen d’une affaire pénale. Le 22 février 2018, l’auteur avait déposé une demande d’indemnisation devant le tribunal de district de Vilnius. Le 13 février 2019, il avait été débouté. L’auteur avait fait appel de la décision du tribunal de district devant le tribunal régional de Vilnius, où la procédure était pendante.

L’auteur a allégué qu’en raison de la lourdeur des procédures établies par la loi, les personnes handicapées, et en particulier celles qui n’avaient pas de représentant légal, ne pouvaient généralement pas bénéficier d’une aide juridictionnelle gratuite dans l’État partie, même si le droit à cette aide était garanti de jure par la loi sur l’aide juridictionnelle garantie par l’État. L’auteur a contesté l’affirmation de l’État partie selon laquelle la loi sur l’égalité des chances interdisait toute discrimination à l’égard des personnes handicapées et soutenu que la loi sur l’intégration sociale des personnes handicapées n’était pas pertinente au regard de la nécessité de garantir le droit d’accès à la justice et l’égalité devant un tribunal. L’État partie n’avait pas donné suite à la recommandation du Comité, puisqu’il n’avait pas remboursé à l’auteur les frais de justice que celui-ci avait engagés, avec sa femme, tout au long de la procédure judiciaire, qu’il n’avait pas permis à l’auteur d’avoir accès aux minutes du procès et n’avait pas modifié sa législation en ce qui concerne les garanties judiciaires accordées aux personnes handicapées.

Recommandation de la Rapporteuse spéciale

Évaluation « B » : Poursuivre le dialogue au titre du suivi. La Rapporteuse spéciale recommande d’envoyer une lettre de suivi demandant à l’État partie de fournir au Comité des informations complémentaires concernant la procédure de droit interne par laquelle l’auteur peut exercer son droit à indemnisation et le contrôle des aménagements raisonnables faits en vue d’assurer l’accès des personnes handicapées à la justice sur la base de l’égalité avec les autres, suivant les recommandations du Comité.

2. Medina Vela c.  Mexique (CRPD/C/22/D/32/2015)

Adoption des constatations :

6 septembre 2019

Première réponse de l’État partie :

Attendue le 25 mars 2020. Reçue le 24 mars 2020

L’État partie s’est engagé à donner suite aux constatations du Comité. Il a reconnu que les recommandations générales du Comité portaient sur le long terme et que des efforts devaient être faits en vue d’harmoniser la législation interne avec les dispositions de la Convention.

L’État partie a informé le Comité que le Ministère de l’intérieur collaborerait avec des fonctionnaires du Tribunal supérieur de justice de Mexico, le Procureur général de Mexico et la Commission exécutive de l’aide aux victimes afin de parvenir à une proposition qui assure à l’auteur une réparation effective et intégrale.

L’État partie, en concertation avec l’auteur et son conseil, établirait une proposition visant à reconnaître publiquement les violations des droits dont l’auteur avait été victime, conformément aux constatations du Comité. Cette mesure devrait être à la fois réparatrice et symbolique. La reconnaissance des violations commises se ferait au cours d’une manifestation publique ou privée, à laquelle participeraient différents organismes publics de la ville de Mexico. Elle serait largement diffusée par les médias, aussi bien la presse écrite que la radio, la télévision et Internet.

L’État partie avait réuni des fonctionnaires de diverses administrations pour établir une version des constatations du Comité à l’intention des cadres de la fonction publique qui, sous réserve d’approbation, serait publiée par différentes sources gouvernementales, à la manière d’un quotidien de diffusion nationale. L’État partie avait prévu de créer des versions accessibles des constatations du Comité et de les diffuser dans tout le pays ; il veillerait à ce que les constatations soient disponibles en braille, en langue simplifiée, en vidéo avec bande son et sous-titres et en langue des signes mexicaine. Les constatations du Comité seraient également traduites dans deux langues autochtones.

L’État partie a fait observer qu’en 2019, les autorités judiciaires de Mexico avaient autorisé la création d’un programme axé sur les questions de genre et les droits de l’homme. Ce programme comprenait des cours en ligne, des cours en présentiel, des ateliers et des forums consacrés à l’égalité et aux droits humains des personnes handicapées. Il a permis aux fonctionnaires de comprendre les pratiques théoriques qui garantissaient l’accès à la justice aux groupes sous-représentés et reconnaissaient leurs droits fondamentaux.

L’État partie a aussi mis en avant diverses mesures que le Procureur général de Mexico avait prises en faveur des droits des personnes handicapées, comme la création de cours, la tenue d’ateliers et la publication d’une brochure. Le Bureau du Procureur général avait également collaboré avec l’Institut des personnes handicapées de Mexico à l’organisation de cours et d’ateliers sur les questions touchant aux personnes handicapées.

L’État partie a informé le Comité qu’il s’était entendu avec le conseil de l’auteur sur l’élaboration conjointe d’une proposition visant à donner suite aux constatations du Comité. Une fois qu’il aurait surmonté la crise sanitaire causée par la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), l’État partie serait à même de tenir la première réunion avec l’auteur et son conseil pour examiner les constatations du Comité.

Mesures prises

Le 25 mars 2020, le Comité a accusé réception des informations communiquées par l’État partie au titre du suivi et les a transmises à l’auteur en lui laissant jusqu’au 27 juillet 2020 pour faire part de ses commentaires.

Commentaires de l’auteur :

Reçus le 14 août 2020

L’auteur a affirmé que l’État partie n’avait pas encore donné suite aux constatations du Comité, bien que trois réunions aient été organisées entre les représentants de l’État partie et lui-même pour examiner la question toujours pendante des mesures de réparation.

L’auteur a affirmé que l’État partie ne s’était pas acquitté de l’obligation qui lui incombait d’accorder une réparation effective et intégrale adaptée à ses besoins, y compris le remboursement des frais de justice engagés pendant la procédure pénale, et une indemnisation. L’État partie avait dit qu’il donnait suite à la recommandation, mais il était loin de le faire, comme il ressortait du procès-verbal d’une réunion des autorités concernées, présenté à titre de preuve. L’auteur a indiqué que seule l’organisation Documenta le soutenait dans ses efforts pour obtenir réparation. Les représentants de l’État partie n’avaient engagé aucune démarche ni contacté directement l’auteur à ce sujet, ce qui était regrettable.

L’auteur a affirmé que l’État partie ne s’était pas acquitté de l’obligation qui lui incombait de reconnaître publiquement sa responsabilité, comme le montrait la réponse que celui-ci avait fournie, qui ne mentionnait l’adoption d’aucune mesure précise. L’État partie n’avait pas non plus donné suite à la recommandation qui lui avait été faite de publier et de diffuser les constatations du Comité.

L’auteur a noté qu’à en juger par sa réponse, l’État partie n’avait pas encore donné suite à la recommandation qui lui avait été faite de modifier la législation pénale afin de la rendre conforme aux principes de la Convention. L’État partie n’avait fourni aucune information portant à croire qu’il allait s’acquitter de cette obligation. En revanche, l’auteur a pris acte des mesures prises par le Tribunal supérieur de justice de Mexico en vue d’adapter la procédure au moyen d’un programme de facilitateurs, exemple de bonne pratique pour éliminer les obstacles rencontrés par les personnes handicapées dans le système judiciaire et reproductible dans d’autres États du Mexique et au niveau fédéral.

En ce qui concernait la recommandation visant à garantir que les juges, les fonctionnaires de justice, les représentants du ministère public et les fonctionnaires qui facilitent le fonctionnement de la justice reçoivent une formation sur la Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant, l’auteur a également pris acte des efforts que le Tribunal supérieur de justice de Mexico déployait depuis environ quatre ans pour former son personnel aux droits humains des personnes handicapées. L’auteur a toutefois fait observer que cette formation, si elle était louable, était surtout suivie par le personnel administratif, qui ne jouait pas un grand rôle dans la transformation des pratiques judiciaires à l’égard des personnes handicapées, et rarement par les juges. L’auteur a estimé que cette formation devrait également être dispensée aux membres des ministères publics, à la fois aux niveaux local et fédéral.

L’auteur a affirmé que l’État partie n’avait pas donné suite aux recommandations qui lui avaient été faites de reconsidérer l’application de mesures de sûreté impliquant l’internement à des fins de traitement médico-psychiatrique et de garantir que les personnes présentant un handicap intellectuel et psychosocial bénéficient des mesures d’accompagnement et d’aménagement raisonnable dont elles pouvaient avoir besoin pour exercer leur capacité juridique devant les tribunaux. L’auteur a allégué que les mesures de sûreté restaient la seule réponse de l’État partie face aux personnes handicapées en conflit avec la loi.

En ce qui concernait l’harmonisation de la législation, il n’y avait pas eu d’avancée dans les réformes, bien au contraire, des dispositions législatives en contradiction avec la Convention étaient proposées. Selon l’auteur, le 24 mars 2020, le Sénat s’est vu présenter pour adoption un projet de loi générale sur la santé mentale, qui tendait à reproduire une vision biomédicale de la santé mentale et à favoriser ainsi l’exclusion des personnes ayant recours aux services de santé mentale en les considérant comme des objets de traitement et non comme des sujets de droits. Le projet de loi en question n’avait fait l’objet d’aucune consultation qui légitimerait son approbation, comme le démontrait un communiqué joint par l’auteur. Les 26 juin et 17 juillet 2020, diverses organisations de la société civile avaient rencontré les législateurs favorables au projet de loi pour leur faire part de leur désaccord quant à la forme et à la teneur de ce texte, mais en vain. L’auteur a affirmé que l’État partie était tenu de créer les conditions législatives propres à garantir la non-répétition de violations des droits de l’homme et que le projet de loi sur la santé mentale était un nouvel obstacle à l’harmonisation de la législation avec la Convention.

Recommandation de la Rapporteuse spéciale

Poursuivre le dialogue. La Rapporteuse spéciale recommande d’envoyer une lettre de suivi demandant à l’État partie de fournir des informations complémentaires sur la suite donnée aux constatations du Comité, compte tenu des commentaires de l’auteur. Il s’agit notamment : d’obtenir des informations permettant de clarifier le droit de l’auteur au remboursement de ses frais de justice ; de déterminer si les violations des droits dont l’auteur a été victime ont été reconnues publiquement ; de déterminer si les constatations du Comité ont été publiées et diffusées sous des formes accessibles ; de savoir quelles mesures ont été prises pour que les lois des États fédérés et de l’État fédéral sur la procédure spéciale applicable aux personnes pénalement irresponsables soient conformes aux principes de la Convention ; et de savoir ce qui a été fait pour reconsidérer l’application de mesures de sûreté impliquant l’internement à des fins de traitement médico-psychiatrique et promouvoir des solutions de remplacement conformes aux principes de la Convention.

3. V. F. C. c. Espagne (CRPD/C/21/D/34/2015)

Adoption des constatations :

2 avril 2019

Première réponse de l’État partie :

Attendue le 9 octobre 2019Reçue le 7 octobre 2019

L’État partie a informé le Comité que le conseil municipal de Barcelone n’avait procédé à aucun changement normatif et estimait ne pas être en mesure de le faire, raisonnement auquel il souscrivait. Pour donner suite aux constatations du Comité, l’ordre juridique interne devrait être modifié, ce qui dépassait les compétences du conseil municipal.

L’État partie a fait observer que les conseils municipaux devaient se conformer à la législation nationale. La loi sur le statut des fonctionnaires disposait que les fonctionnaires avaient le droit de prendre leur retraite selon les modalités établies dans les règlements applicables. Selon l’article 63 de cette loi, la mise à la retraite entraînait la perte du statut de fonctionnaire. La mise à la retraite pouvait en outre être décidée si le fonctionnaire avait été déclaré en situation d’incapacité permanente et totale d’exercer ses tâches habituelles. Compte tenu de son handicap, l’auteur ne pourrait pas être affecté à des fonctions de substitution sans qu’il soit procédé à une réévaluation de ses capacités.

L’Institut national de sécurité sociale est l’autorité compétente pour évaluer l’incapacité permanente à exercer une activité professionnelle. L’auteur ayant été victime d’un accident du travail, l’Institut national de sécurité sociale était l’organisme compétent selon le droit espagnol pour procéder à la classification administrative de son handicap. Dans ses constatations, le Comité a souligné que l’auteur devait pouvoir se soumettre à une évaluation de ses capacités afin de déterminer s’il était à même d’exercer des fonctions de substitution, sans que cela ne remette nécessairement en question le taux d’incapacité qui lui avait été attribué. Cependant, le conseil municipal de Barcelone devait se conformer à la législation nationale.

L’État partie a allégué que le conseil municipal de Barcelone n’était pas compétent pour modifier la décision de l’Institut national de sécurité sociale relative au taux d’incapacité de l’auteur. Selon la Constitution, les administrations locales n’étaient pas habilitées à modifier des dispositions législatives. Or, c’est ce qu’elles devraient faire si l’on donnait suite aux constatations du Comité. La modification des lois concernant le statut des fonctionnaires, la sécurité sociale ou les retraités relevaient de la responsabilité de l’État. L’État partie a estimé que les constatations du Comité impliquaient de modifier la législation nationale. Or, il n’existait pas un consensus ni une volonté politique suffisante parmi les autorités compétentes pour le faire.

L’État partie a soumis la décision administrative rendue par l’Institut national de sécurité sociale concernant son obligation d’empêcher que des violations analogues ne se reproduisent. Cette décision expliquait comment étaient traitées les demandes d’affectation à des fonctions de substitution qui émanaient de personnes ayant été déclarées en situation d’incapacité permanente et totale. Suivant la doctrine de la Cour suprême, l’intéressé continuerait d’exercer la même profession que celle qui était la sienne lorsqu’il est devenu handicapé. Une procédure serait engagée afin de déterminer si le taux d’incapacité qui lui avait été initialement attribué devrait être réexaminé par la commission d’évaluation du handicap compétente. L’intéressé pourrait alors former un recours en amparo et faire valoir son droit au rétablissement de sa pension, au motif qu’une erreur avait été commise dans la détermination de son taux d’incapacité permanente.

Mesures prises

Le 25 octobre 2019, le Comité a accusé réception des informations communiquées par l’État partie au titre du suivi et les a transmises à l’auteur en lui laissant jusqu’au 26 décembre 2019 pour faire part de ses commentaires.

Commentaires de l’auteur :

Reçus le 23 décembre 2019

L’auteur a estimé que l’État partie n’avait pas donné suite aux constatations du Comité et qu’il aurait pu le faire sans modifier la législation nationale. Selon son interprétation, le décret-loi royal no 5/2015, du 30 octobre 2015, portant approbation du texte consolidé de la loi sur le statut des fonctionnaires, établissait qu’une déclaration d’incapacité permanente était compatible avec l’affectation à des fonctions de substitution. Ce texte disposait qu’une personne déclarée en situation d’incapacité permanente et totale pouvait exercer d’autres fonctions que celles qui étaient à l’origine de son handicap. Autrement dit, cette personne pouvait être affectée à des fonctions de substitution.

L’auteur a affirmé qu’il ressortait clairement de l’article 63 de la loi sur le statut des fonctionnaires que la mise à la retraite n’était pas automatique en cas d’incapacité permanente, contrairement à l’interprétation faite par le conseil municipal de Barcelone. Sa propre interprétation était étayée par une décision récente de la Haute Cour de Catalogne, qui avait estimé que la loi n’établissait pas l’automaticité de la mise à la retraite et avait reconnu aux policiers en situation d’incapacité permanente le droit d’être affectés à des fonctions de substitution, quel que soit leur taux d’incapacité. Dans les arrêts qu’elle a rendus, la Haute Cour de Catalogne a considéré que le conseil municipal de Barcelone devait autoriser l’affectation des policiers en situation d’incapacité permanente à des fonctions de substitution. Les juridictions supérieures d’autres communautés autonomes, comme celles de Madrid, de Murcie et de Valence, étaient arrivées à des conclusions similaires.

L’auteur a souligné que les législations de l’État et de la communauté autonome autorisaient l’affectation à des fonctions de substitution. Le droit pour les policiers en situation d’incapacité permanente d’être affectés à des fonctions de substitution avait été reconnu par d’autres conseils municipaux de Catalogne sans qu’il soit nécessaire de modifier la législation. Les conseils municipaux de Palafrugell et de Cerdanyola del Vallès avaient adopté des ordonnances sur l’affectation à des fonctions de substitution en conformité avec la Convention. On pouvait donc en déduire que le conseil municipal de Barcelone était en mesure de modifier sa réglementation ou de l’interpréter de manière à respecter la Convention.

L’auteur a estimé que l’État partie devrait demander au conseil municipal de Barcelone d’évaluer sans délai ses capacités afin qu’il soit procédé aux aménagements éventuellement nécessaires à son affectation à des fonctions de substitution. Il souhaitait que cette évaluation soit à la fois équitable et non discriminatoire. L’évaluation serait effectuée par un conseil médical ad hoc, sous l’autorité du conseil municipal de Barcelone. Selon la législation catalane, pour qu’une personne soit affectée à des fonctions de substitution, ses capacités effectives d’exercer les tâches essentielles liées à ces fonctions devaient être évaluées par un conseil médical. L’auteur a également noté que l’État partie ne se considérait pas dans l’obligation de l’indemniser pour les frais de justice engagés pour la soumission de la communication.

Recommandation de la Rapporteuse spéciale

Poursuivre le dialogue. La Rapporteuse spéciale recommande d’envoyer une lettre de suivi demandant à l’État partie de fournir des informations complémentaires sur la suite donnée aux constatations du Comité, compte tenu des commentaires de l’auteur. Il s’agit notamment d’obtenir des précisions sur le droit de l’auteur au remboursement de ses frais de justice, les mesures prises pour que l’auteur puisse se soumettre à une évaluation de ses capacités d’exercer d’autres fonctions et les mesures prises pour aligner les ordonnances et règlements applicables sur les principes consacrés par la Convention et les recommandations figurant dans les constatations du Comité.