Nations Unies

CCPR/C/124/D/2734/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 février 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2734/2016 * , ** , ***

Communication présentée par :

Fahmo Mohamud Hussein (représentée par un conseil du Conseil danois pour les réfugiés puis par Marie Louise Frederiksen)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteure et son fils

État partie :

Danemark

Date de la communication :

15 février 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 18 février 2016 (non publiée sous forme de document)

Date de s constatations :

18 octobre 2018

Objet :

Expulsion vers l’Italie

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs

Question(s) de fond :

Risque d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Article(s) du Pacte :

7

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.1L’auteure de la communication est Fahmo Mohamud Hussein, née le 7 novembre 1991. Elle présente la communication en son nom propre et au nom de son fils X, né le 27 novembre 2015. De nationalité somalienne et demandeuse d’asile au Danemark, elle est sous le coup d’une mesure d’expulsion vers l’Italie après avoir été déboutée par les autorités danoises au motif qu’elle avait déjà un permis de séjour en Italie. Elle affirme qu’en la renvoyant de force en Italie avec son enfant, l’État partie violerait les droits qu’elle tient de l’article 7 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Danemark le 23 mars 1976. L’auteure est représentée par un conseil.

1.2Le 18 février 2016, en application de l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteure et son enfant vers l’Italie tant que la communication les concernant serait à l’examen. Le 8 décembre 2017, le Rapporteur spécial a refusé d’accéder à la demande de l’État partie qui souhaitait la levée des mesures provisoires.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure a fui la Somalie en 2008 et a demandé l’asile à son arrivée à Lampedusa (Italie), le 23 août 2008. Elle a été transférée dans un centre pour demandeurs d’asile, où elle est restée pendant environ une année en attendant qu’il soit statué sur sa demande. En 2009, elle a obtenu une protection subsidiaire en Italie et s’est vu délivrer un permis de séjour valable trois ans. Le permis de séjour expirait en 2012, mais il a été prorogé jusqu’au 9 avril 2015.

2.2Lorsqu’elle a reçu son permis de séjour, l’auteure a été informée qu’elle ne pouvait plus loger dans le centre d’accueil. Elle n’avait que 17 ans. Pendant une longue période, elle a trouvé refuge dans un « centre d’entraide », où elle pouvait coucher s’il restait de la place. Lorsqu’elle arrivait trop tard ou qu’il n’y avait plus de place, elle devait dormir dans la rue. Elle a tenté d’obtenir l’assistance des autorités italiennes et de trouver un emploi, sans succès. Elle était donc entièrement tributaire de l’aide fournie par les bénévoles du centre d’entraide et de l’unique repas quotidien qu’elle y recevait.

2.3L’auteure aurait été harcelée par des jeunes dans la rue. Elle aurait également été témoin d’agressions subies par d’autres jeunes femmes qui tentaient de se défendre face à de tels actes de harcèlement et insultes. Même si elle vivait en Italie depuis plusieurs années, sa situation n’était pas tenable. En l’absence de solution de long terme, l’auteure a décidé de se rendre au Danemark en 2015, lorsqu’elle a appris que des membres de sa famille y vivaient.

2.4L’auteure est entrée au Danemark le 7 juin 2015 et a demandé l’asile trois jours plus tard. Elle était déjà enceinte lorsqu’elle est arrivée dans le pays et, le 27 novembre 2015, elle a donné naissance à un garçon. Sa mère, son père et ses six frères et sœurs ont tous des permis de résidence au Danemark. Ils lui ont été d’un grand soutien sur place et l’ont aidée à s’occuper de son enfant.

2.5Le 22 décembre 2015, le Service danois de l’immigration a rejeté la demande d’asile de l’auteure, au motif que celle-ci avait un permis de séjour en Italie. Le 11 février 2016, la Commission danoise de recours des réfugiés a confirmé cette décision.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme qu’en la renvoyant de force en Italie avec son enfant, l’État partie violerait les droits qu’elle-même et son fils tiennent de l’article 7 du Pacte. Elle craint de se retrouver seule avec son fils en cas de retour en Italie, ce qui serait extrêmement difficile à gérer. Elle ne sait pas comment elle pourrait subvenir aux besoins de son fils alors qu’elle n’est déjà pas en mesure de pourvoir aux siens propres. Elle se heurterait à des difficultés encore plus grandes que la première fois, étant donné qu’elle a maintenant un enfant à élever. Son permis de séjour a expiré et son fils n’est pas enregistré en Italie parce qu’il est né au Danemark. Compte tenu de son expérience passée, il lui sera encore plus difficile d’avoir accès à une assistance de la part des autorités italiennes.

3.2Depuis qu’elle a été obligée de quitter le centre d’accueil en 2009, l’auteure n’a pas trouvé de logement ni de travail ni aucune solution humanitaire durable en Italie. Dans sa conclusion no 58 (XL), le Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés souligne que le principe du premier pays d’asile ne devrait s’appliquer que si le demandeur d’asile, à son retour dans son pays, est autorisé à y rester et s’il y est traité conformément aux normes humanitaires reconnues comme fondamentales jusqu’à ce qu’une solution durable soit trouvée (A/44/12/Add.1, par. 25). Les conditions d’accueil en Italie et les normes humanitaires fondamentales concernant les réfugiés détenteurs d’un permis de séjour en cours de validité ou venu à expiration ne sont pas conformes aux obligations internationales en matière de protection. Il est indiqué dans plusieurs rapports que les personnes sollicitant une protection internationale qui retournent en Italie alors qu’elles y avaient déjà reçu une forme de protection et bénéficié du dispositif d’accueil n’ont pas droit à un hébergement dans les structures d’accueil du pays. De plus, il n’existe pas de procédure légale pour identifier les personnes vulnérables − ni dans le système d’accueil italien ni dans le système d’asile − et les demandeurs d’asile en Italie éprouvent de graves difficultés à avoir accès aux services de santé.

3.3Dans son observation générale no 20 (1992) sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Comité a affirmé que les États parties ont le devoir d’assurer à toutes les personnes une protection contre les actes prohibés par l’article 7 du Pacte, et qu’ils ne doivent pas exposer des individus à un risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en les renvoyant dans un autre pays en vertu d’une mesure d’extradition, d’expulsion ou de refoulement. La Cour européenne des droits de l’homme, en particulier dans son arrêt concernant l’affaire M. S. S. c.  Belgique et Grèce, a estimé qu’il était de la responsabilité des autorités belges de ne pas présumer simplement que le requérant recevrait un traitement conforme aux normes de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) dans le premier pays d’asile, la Grèce, et que ces autorités auraient dû au contraire s’enquérir d’abord de la manière dont les autorités grecques appliquaient la législation en matière d’asile dans la pratique. Si elles l’avaient fait, elles auraient pu constater que les risques auxquels était exposé le requérant étaient suffisamment réels et personnels pour relever de l’article 3 de la Convention européenne.

3.4Dans la décision d’irrecevabilité qu’elle a rendue en l’affaire Samsam Mohammed Hussein et autres c. Pays-Bas et Italie , la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que le renvoi d’une demandeuse d’asile somalienne et de ses deux enfants des Pays-Bas vers l’Italie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a toutefois fait observer que les autorités néerlandaises avertiraient les autorités italiennes du transfert de la requérante et de ses enfants, de manière à leur permettre de préparer l’arrivée des intéressés. Elle a en outre noté que la requérante, mère isolée de deux enfants en bas âge, pourrait faire l’objet d’une attention particulière en tant que personne vulnérable, pour ce qui était de l’admission dans une structure d’accueil pour demandeurs d’asile. Dans l’affaire Tarakhel c.  Suisse, la même Cour a conclu qu’il y aurait violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme si la famille en question devait être renvoyée en Italie sans que les autorités suisses aient au préalable obtenu des autorités italiennes des garanties individuelles concernant la prise en charge des intéressés, en particulier des enfants.

3.5Par conséquent, si l’auteure et son fils étaient renvoyés en Italie, ils seraient exposés à un risque réel de subir un traitement inhumain et dégradant contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, étant donné qu’on pouvait s’attendre, compte tenu de l’expérience passée de l’auteure et de l’évolution ultérieure de la situation, à ce qu’ils se retrouvent dans le dénuement, sans abri et sans aucun espoir de trouver une solution humanitaire durable. L’auteure appelle l’attention sur le fait qu’elle est une mère célibataire avec un enfant en bas âge et rappelle que les autorités italiennes ne lui ont fourni aucune assistance et n’ont rien fait pour l’aider à satisfaire des besoins essentiels tels que la nourriture, le logement ou l’emploi ou lui permettre de s’intégrer dans la société italienne.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note du 18 août 2016, l’État partie présente ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il affirme que la communication n’est pas étayée, l’auteure n’ayant pas fait la démonstration que son expulsion vers l’Italie risquait de donner lieu à une quelconque violation du Pacte.

4.2L’État partie décrit la structure, la composition et le fonctionnement de la Commission danoise de recours des réfugiés ainsi que la législation applicable aux procédures d’asile en Italie. En ce qui concerne la recevabilité de la communication, il affirme que l’auteure n’a pas établi qu’à première vue sa communication était recevable au regard de l’article 7 du Pacte, car elle n’a pas montré qu’il existait des motifs sérieux de croire qu’elle courrait le risque d’être soumise à des traitements inhumains ou dégradants si elle était renvoyée en Italie.

4.3En ce qui concerne le fond de la communication, l’État partie affirme que l’auteure n’a pas démontré que son renvoi en Italie constituerait une violation de l’article 7 du Pacte. Il ressort de la jurisprudence du Comité que les États parties ont l’obligation de ne pas extrader, déplacer ou expulser une personne de leur territoire ou la transférer par d’autres moyens si cette mesure a pour conséquence nécessaire et prévisible de l’exposer à un risque réel de préjudice irréparable, comme les traitements visés à l’article 7 du Pacte, que ce soit dans le pays vers lequel doit être effectué le renvoi ou dans tout autre pays vers lequel l’intéressé pourrait être renvoyé par la suite. Le Comité a en outre établi que le risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable.

4.4L’État partie rappelle qu’il ne peut être exigé que les demandeurs d’asile bénéficient exactement du même niveau de vie que les nationaux d’un pays. Ce qui est essentiel dans la notion de protection, c’est que la sécurité personnelle des intéressés soit assurée aussi bien au moment de leur entrée que pendant leur séjour dans le premier pays d’asile. En outre, il découle de la jurisprudence du Comité et de celle de la Cour européenne des droits de l’homme que les conditions d’accueil en Italie ne sont généralement pas d’une nature telle que le renvoi de personnes en Italie en application du principe du premier pays d’asile serait contraire à l’article 7 du Pacte.

4.5L’auteure a affirmé qu’à son retour en Italie, elle et son fils n’auraient pas accès à un logement et se retrouveraient donc sans abri et dans le dénuement. Elle n’a pas étayé ni rendu vraisemblable cette affirmation, qui de plus ne concorde pas avec les informations disponibles sur les conditions de vie des personnes ayant le statut de réfugié en Italie, ni avec l’expérience de l’auteure elle-même. Après avoir étudié les documents de référence pertinents sur l’Italie, la Commission danoise de recours des réfugiés a estimé que la situation socioéconomique générale des réfugiés ayant obtenu un permis de séjour ne pouvait pas à elle seule mener à la conclusion que l’auteure ne pouvait pas être renvoyée en Italie, en tant que premier pays d’asile.

4.6Les informations de base auxquelles renvoie l’auteure ne contiennent aucun élément nouveau sur les conditions générales de vie en Italie pour les personnes ayant déjà obtenu un permis de séjour, autres que les renseignements dont disposait la Cour européenne des droits de l’homme lorsqu’elle a statué dans l’affaire Samsam Mohammed Hussein et autres que le renvoi des intéressés en Italie dans ce cas d’espèce ne constituerait pas un traitement interdit par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. En outre, les rapports et autres documents relatifs aux conditions d’accueil en Italie que cite l’auteure concernent essentiellement les demandeurs d’asile, notamment les personnes renvoyées en Italie conformément au règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Règlement Dublin III), et non les personnes qui, comme elle, ont déjà obtenu une protection subsidiaire.

4.7En ce qui concerne les conditions de vie matérielles et sociales de l’auteure pendant son séjour en Italie de 2008 à 2015, le compte rendu de l’entretien préliminaire mené par le Service danois de l’immigration le 23 juillet 2015 dans le cadre de la procédure d’asile indique que l’auteure a été hébergée tantôt en centre d’accueil tantôt au centre d’entraide de Cartegna. L’auteure a eu un emploi à certaines périodes, son permis de séjour a été renouvelé une fois et elle a reçu un traitement médical. De plus, elle n’a pas eu de problèmes avec les autorités ni avec des particuliers ou des groupes au cours de son séjour en Italie.

4.8En ce qui concerne la référence que fait l’auteure à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Samsam Mohammed Hussein et autres, l’État partie relève que, dans sa décision, la Cour a réaffirmé que le simple renvoi d’une personne vers un pays où sa situation économique serait pire que dans l’État qui expulse ne suffisait pas à atteindre le seuil des mauvais traitements prohibés par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour a établi que l’article 3 ne pouvait être interprété comme faisant obligation aux États parties de fournir un logement à toute personne relevant de leur juridiction et que l’on ne pouvait en tirer un devoir général de fournir aux réfugiés une assistance financière pour leur permettre de maintenir un certain niveau de vie. De plus, elle a indiqué qu’en l’absence de considérations humanitaires exceptionnellement impérieuses militant contre l’expulsion, le fait qu’en cas d’expulsion de l’État contractant le requérant connaîtrait une dégradation importante de ses conditions de vie matérielles et sociales n’était pas en soi suffisant pour emporter violation de l’article 3. En outre, on ne saurait déduire de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Tarakhel c.  Suisse, qui concernait une famille de demandeurs d’asile en Italie, que les États sont tenus d’obtenir des garanties individuelles auprès des autorités italiennes avant d’expulser une personne ou une famille ayant besoin d’une protection qui est déjà titulaire d’un permis de séjour en Italie.

4.9Les autorités danoises ont consulté les autorités italiennes pendant l’été 2015 sur la possibilité pour les demandeurs d’asile d’entrer en Italie comme premier pays d’asile si leur permis de séjour avait expiré. Les autorités italiennes ont confirmé qu’un étranger titulaire d’un permis de séjour en Italie dont le statut de réfugié avait été reconnu ou qui bénéficiait d’une protection pouvait, même après expiration de son permis de séjour, en demander le renouvellement à son retour en Italie. Un étranger dont le permis de séjour avait expiré pouvait aussi entrer légalement en Italie aux fins de son renouvellement. Toutefois, au cours de l’entretien préliminaire du 23 juillet 2015, l’auteure avait déclaré qu’elle trouvait pesante la procédure de renouvellement de son permis de séjour parce qu’elle devait se rendre au Bureau de l’immigration et y faire la queue pendant longtemps. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas fait renouveler son dernier permis de séjour en Italie, elle a répondu qu’elle aurait dû présenter une nouvelle demande le 6 juillet 2015 mais qu’elle avait autre chose à faire ce jour-là. La Cour européenne des droits de l’homme a aussi statué à plusieurs reprises que l’Italie pouvait être considérée comme premier pays d’asile pour les personnes dont le permis de résidence avait expiré et les personnes ayant des enfants.

4.10La Commission danoise de recours des réfugiés a également conclu que le fait que le fils de l’auteure n’avait pas été enregistré en Italie parce qu’il était né au Danemark ne pouvait conduire à une appréciation différente de son cas. Il n’y avait aucune raison de penser qu’il ne serait pas possible pour l’auteure de faire enregistrer son fils en Italie. L’auteure elle-même a déclaré au cours de l’entretien préliminaire mené dans le cadre de la procédure d’asile que sa grossesse avait été confirmée par un médecin généraliste en Italie, ce qui porte à croire que les autorités italiennes n’ignoraient pas qu’elle était sur le point d’avoir un enfant.

4.11Compte tenu des informations générales sur l’Italie dont dispose la Commission danoise de recours des réfugiés et des renseignements fournis par l’auteure au Service danois de l’immigration, l’État partie conteste les allégations de l’auteure, qui prétend que les autorités italiennes ne lui avaient apporté aucune assistance ni aucun soutien pour l’aider à satisfaire à des besoins essentiels tels que la nourriture, le logement ou l’emploi après qu’elle avait reçu son permis de séjour. Dans une mise à jour, publiée en décembre 2015, du rapport de pays de l’Asylum Information Database sur l’Italie auquel l’auteure renvoie dans sa plainte (par. 3.2), il est indiqué que les réfugiés et les étrangers bénéficiant d’une protection subsidiaire − comme dans le cas de l’auteure − ont le même droit à un traitement médical que les Italiens. De plus, il suffirait aux réfugiés et aux bénéficiaires d’une protection internationale de se déclarer sans ressources pour bénéficier de services de santé gratuits. Il apparaît également que le droit à une aide médicale est acquis dès l’enregistrement de la demande d’asile, et maintenu durant la procédure de renouvellement du titre de séjour. Cette information est confirmée par les renseignements fournis par l’auteure elle-même au sujet de son séjour en Italie, puisque l’intéressée a déclaré au cours de l’entretien préliminaire qu’elle s’était fait poser gratuitement des bagues dentaires en Italie, intervention qui avait été prise en charge par le service public de santé dentaire. L’auteure a également déclaré qu’elle était en bonne santé, ne souffrait d’aucune maladie chronique et n’avait été soignée pour aucune maladie pendant son séjour en Italie. Elle a néanmoins précisé qu’elle avait reçu des soins médicaux en rapport avec sa grossesse.

4.12En ce qui concerne son intégration dans la société italienne, l’auteure a déclaré au cours de son entretien préliminaire qu’elle avait suivi un cours d’un an en Italie, à l’issue duquel elle avait atteint le niveau de fin de primaire, puis étudié pendant un an dans une école hôtelière du pays. Pour ce qui est de sa crainte de vivre dans la rue, l’auteure a déclaré pendant cet entretien qu’elle s’était enregistrée auprès d’un centre d’entraide à Cartegna, où il était possible de rester de 19 heures à 7 heures le lendemain. Elle a ajouté qu’elle imaginait qu’il lui aurait été difficile de trouver un autre hébergement si elle n’arrivait pas au centre avant 19 heures. Dans sa communication au Comité, l’auteure évoque aussi le harcèlement subi dans la rue, alors que pendant l’entretien elle avait déclaré qu’elle n’avait pas eu de démêlés avec les autorités italiennes ni avec des particuliers ou des groupes pendant son séjour en Italie.

4.13En réponse à l’affirmation de l’auteure, selon qui elle et son fils en bas âge sont dans une situation de vulnérabilité, l’État partie fait observer que le fait de bénéficier d’une protection subsidiaire en Italie donne à l’auteure la possibilité de chercher du travail pour gagner sa vie et subvenir à ses besoins et à ceux de son fils. Il relève que l’auteure indique dans sa communication au Comité qu’elle a postulé en vain à des emplois en Italie mais a déclaré au cours de l’entretien préliminaire mené dans le cadre de la procédure d’asile qu’elle avait travaillé pour une vieille dame pendant quatre mois, jusqu’à ce que cette personne décède. De plus, elle ne peut pas être considérée comme une mère célibataire, parce que, selon ses propres dires, elle est mariée, et son conjoint, qui est aussi le père de son fils, se trouve toujours en Italie. En outre, d’après les renseignements fournis dans sa communication au Comité, l’auteure a pris contact avec des organismes de secours locaux, qui lui ont apporté une assistance. Elle a également déclaré au Service danois de l’immigration que la raison pour laquelle elle avait choisi de quitter l’Italie après y être restée plusieurs années était qu’elle avait appris qu’elle avait de la famille au Danemark. Pour l’État partie, le fait que certains membres de la famille de l’auteure vivent au Danemark ne permet pas de conclure qu’elle risque d’être soumise en Italie à des traitements contraires à l’article 7 du Pacte.

4.14En conclusion, l’Italie peut servir de premier pays d’asile pour l’auteure et son enfant et, par conséquent, leur expulsion vers l’Italie n’entraînerait pas une violation de l’article 7 du Pacte. La communication ne contient aucun nouvel élément d’information précis sur la situation de l’auteure. Les allégations de l’auteure, qui affirme qu’elle a été victime de harcèlement et craint de se retrouver sans abri et de ne pas pouvoir recevoir de l’aide des autorités italiennes, sont dénuées de fondement. Cette crainte n’est pas étayée par son expérience antérieure en Italie ni par les informations générales disponibles. En outre, il ressort de la jurisprudence constante du Comité qu’il convient d’accorder un poids considérable à l’analyse qu’a faite l’État partie de l’affaire, sauf s’il peut être établi que son appréciation a été manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et concernant le fond

5.1Dans ses commentaires du 12 octobre 2016, l’auteure affirme que son renvoi en Italie avec son fils mineur constituerait une violation de l’article 7 du Pacte et soutient que l’État partie n’a pas fourni de motifs suffisants pour établir que la communication est manifestement dénuée de fondement. Elle rappelle la position du HCR concernant le niveau de preuve, selon laquelle l’autorité décisionnaire doit statuer sur la question de savoir si, sur la base des éléments de preuve fournis et de la véracité des déclarations du requérant, il existe une probabilité raisonnable que celui-ci soit fondé à craindre d’être persécuté. Ce point de vue a ensuite été adopté par d’autres organes internationaux, dont le dernier en date est le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, qui affirme dans sa recommandation générale no 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie (par. 50 g)) que les demandes d’asile devraient être acceptées non pas à l’aune du critère de probabilité mais à celle de l’éventualité raisonnable que l’intéressée ait des motifs sérieux de craindre d’être persécutée ou soit exposée à un risque de persécution à son retour.

5.2La Commission danoise de recours des réfugiés n’a pas cherché à déterminer si le fils de l’auteure pouvait être enregistré en Italie et s’il était connu des autorités italiennes. Elle n’a pas non plus suffisamment étudié la question de savoir si l’auteure et son fils mineur pouvaient entrer et résider légalement en Italie. L’auteure souligne que ses conditions de vie en Italie étaient précaires et incertaines. Elle n’a été hébergée qu’en 2008 et 2009, lorsqu’elle avait 17 ans et qu’elle était demandeuse d’asile. Une fois qu’elle a obtenu un permis de séjour, elle a été invitée à quitter le centre. Son travail en Italie était illégal et lui avait été procuré par des connaissances somaliennes, avec lesquelles elle n’était plus en contact. Elle dormait dans des centres d’hébergement ouverts de 19 heures à 7 heures et elle n’a jamais bénéficié d’aucune aide de la part des autorités. Si elle retourne en Italie, elle sera plus vulnérable encore avec son fils mineur. Ces centres ne conviennent pas pour un jeune enfant et l’État partie n’a pas démontré qu’elle et son fils ne risqueraient pas de se retrouver sans abri et dans le dénuement en cas de retour.

5.3Dans le cas de l’auteure, le problème n’est pas la dégradation de sa situation matérielle et sociale mais simplement l’accès à des conditions de vie décentes. Comme l’a souligné le Comité dans l’affaire Jasin c. Danemark , les États parties devraient accorder une attention suffisante au risque réel et personnel auquel une personne pourrait être exposée si elle était expulsée et non se fonder sur des informations d’ordre général et sur l’hypothèse que cette personne, puisqu’elle avait bénéficié d’une protection subsidiaire par le passé, aurait en principe le droit de travailler et de recevoir des prestations sociales.L’État partie aurait en outre dû procéder à un nécessaire examen individuel des risques en ce qui concerne l’enregistrement du fils de l’auteure en Italie.

5.4Quant au fait qu’elle n’a pas renouvelé son permis de séjour, l’auteure fait valoir qu’elle était accaparée par ses recherches d’emploi et de logement. Chaque fois que c’était possible, elle travaillait illégalement comme femme de ménage, et il était plus important pour elle de gagner de l’argent pour se nourrir que de faire renouveler un permis de séjour qui ne l’avait pas aidée quand elle vivait en Italie.

5.5Pour ce qui est de son expérience passée en Italie, l’auteure souligne qu’elle avait 17 ans lorsqu’on lui a posé des bagues orthodontiques et qu’elle a pu avoir accès à ce traitement grâce à l’aide de son professeur. Cela ne constitue pas une garantie personnelle et générale qu’en cas de retour, elle recevra les soins médicaux nécessaires. En outre, l’assertion de l’État partie, qui fait valoir que l’auteure a reçu un traitement médical, qu’elle s’est intégrée dans la société et qu’elle a pu obtenir un hébergement ne vaut que pour ses premières années en Italie, lorsqu’elle avait 17 ans et qu’elle était donc prise en charge en tant que mineure. On ne peut en déduire qu’elle recevrait aujourd’hui la même assistance, alors que le système d’asile italien croule sous l’afflux massif de réfugiés. Cette information n’est donc pas pertinente.

5.6En ce qui concerne sa vulnérabilité, l’auteure invoque l’affaire Jasin pour affirmer que les autorités danoises auraient dû tenir compte de toutes les circonstances au lieu de fonder leur décision sur l’hypothèse selon laquelle, étant donné qu’elle avait vécu en Italie pendant plusieurs années, elle serait probablement en mesure de prendre soin d’elle-même et de son fils. Elle indique qu’elle n’a eu aucun contact avec son mari, qui n’a pas montré le moindre intérêt pour elle ou pour leur fils. Même si elle ne souhaite pas rester mariée, les traditions religieuses et culturelles l’empêchent de demander le divorce.

5.7Enfin, en ce qui concerne le refus par l’État partie d’admettre sa crainte de se retrouver sans abri et de ne pas pouvoir recevoir de l’aide des autorités italiennes, l’auteure se réfère à la position du HCR, pour qui « une crainte doit être fondée, mais cela ne signifie pas qu’il doit effectivement y avoir eu persécution ».

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 13 juin 2018, l’État partie a fait parvenir au Comité des observations complémentaires, dans lesquelles il renvoie de façon générale à ses observations du 18 août 2016.

6.2Si, dans un certain nombre d’affaires visant le Danemark, le Comité a conclu que les décisions de la Commission de recours des réfugiés concernant le renvoi de personnes et de leurs enfants mineurs vers l’Italie constituaient une violation du Pacte, il ne peut pas parvenir à une conclusion différente en l’espèce. La jurisprudence de la Commission et son évaluation de la situation des personnes accompagnées d’enfants mineurs devant être renvoyées en Italie sont conformes à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, dans la décision d’irrecevabilité qu’elle a rendue dans l’affaire E. T. et N. T. c. Suisse et Italie , la Cour européenne des droits de l’homme n’exige pas des garanties individuelles de la part des autorités italiennes. L’État partie fait observer que le Centre opérationnel national pour les étrangers (Udlændingecenter Nordsjælland) de la police de Zélande du Nord (Nordsjællands Politi) informera à l’avance les autorités italiennes et collaborera avec celles-ci aux fins de l’expulsion de l’auteure et de son fils. La Cour européenne a déjà approuvé cette pratique.

6.3Dans ses observations en date du 18 août 2016, l’État partie avait abordé la question du renouvellement d’un permis de séjour venu à expiration. Dans l’affaire E. T. et N. T, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le fait que le deuxième requérant ne soit pas né en Italie ne faisait pas obstacle à l’expulsion de l’intéressé vers l’Italie. La Commission danoise de recours des réfugiés a également tenu compte de l’expérience passée de l’auteure en Italie. L’auteure n’a donc pas mis en évidence de vices de procédure dans la décision de la Commission.

6.4Enfin, l’État partie renvoie à un arrêt récemment rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a rappelé le principe général selon lequel il appartient aux autorités nationales d’apprécier les éléments de preuve dont elles sont saisies. En l’espèce, il n’a été apporté aucune nouvelle information dont la Commission de recours des réfugiés ne disposait pas au moment où elle a rendu sa décision.

Commentaires de l’auteure sur les observations complémentaires de l’État partie

7.Le 10 septembre 2018, l’auteure a de nouveau formulé ses observations et a renvoyé aux constatations du Comité citées par l’État partie (voir par. 6.2), faisant valoir que l’analyse que l’État partie faisait de cette jurisprudence n’était pas assez approfondie, et que celle-ci devait plutôt être interprétée en faveur de l’auteure.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité note que l’auteure affirme avoir épuisé tous les recours internes utiles qui lui étaient ouverts et que l’État partie n’a pas contesté cette assertion. En conséquence, il considère que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la présente communication.

8.4Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que le grief que l’auteure tire de l’article 7 du Pacte n’est pas étayé. Il considère toutefois qu’aux fins de la recevabilité, l’auteure a suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles elle craignait que son renvoi de force en Italie ne l’expose au risque de subir des traitements contraires à l’article 7 du Pacte. En l’absence d’autres obstacles à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité prend note du grief de l’auteure, qui affirme que son expulsion vers l’Italie avec son enfant mineur en application du principe du premier pays d’asile, énoncé dans le Règlement Dublin III, les exposerait tous deux à un risque de préjudice irréparable contraire à l’article 7 du Pacte.

9.3Le Comité renvoie à son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, dans laquelle il a rappelé l’obligation faite aux États de ne pas extrader, déplacer ou expulser une personne ou la transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existait des motifs sérieux de croire qu’il y avait un risque réel de préjudice irréparable, tel que celui envisagé à l’article 7 du Pacte. Le Comité a en outre établi que le risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. C’est pourquoi tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération, notamment la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur. Le Comité rappelle que c’est généralement aux organes des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée aux fins de déterminer l’existence d’un tel risque, à moins qu’il ne soit établi que cette appréciation a été clairement arbitraire, manifestement erronée ou a constitué un déni de justice.

9.4Le Comité note que l’auteure affirme qu’elle a obtenu une protection subsidiaire en Italie en 2009 et qu’un permis de séjour valable trois ans lui a alors été délivré, à la suite de quoi elle a dû quitter le centre pour demandeurs d’asile, et que, bien qu’ayant sollicité l’aide des autorités locales, elle n’a reçu aucune assistance sociale ni aide au logement et s’est retrouvée sans abri ni moyens de subsistance. Il relève également que l’auteure a déjà fait l’expérience de l’insécurité et de la violence, qui semblent être caractéristiques des conditions de vie des demandeurs d’asile sans abri en Italie.

9.5Le Comité note également que l’auteure se fonde sur différents rapports concernant la situation générale des demandeurs d’asile et des réfugiés en Italie, qui ont souligné le manque chronique de places dans les structures d’accueil destinées aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires d’une protection internationale. Il prend note en particulier de l’argument de l’auteure, qui affirme que les personnes renvoyées qui, comme elle, avaient déjà obtenu une forme de protection et bénéficié des structures d’accueil à leur arrivée initiale en Italie, n’ont plus le droit d’être hébergées dans les centres publics d’accueil pour demandeurs d’asile et ont souvent de grandes difficultés à avoir accès aux services de santé en cas de retour (par. 3.2).

9.6Le Comité prend aussi note de la conclusion de la Commission danoise de recours des réfugiés, qui estime que l’Italie devrait être considérée comme le premier pays d’asile en l’espèce. Il prend en outre note de la position de l’État partie, pour qui le premier pays d’asile est tenu de traiter les demandeurs d’asile conformément aux normes fondamentales en matière de droits de l’homme mais n’est pas obligé de leur accorder les mêmes conditions sociales et le même niveau de vie qu’à ses ressortissants (par. 4.4). Il note également que l’État partie affirme que l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ne peut être interprétée comme faisant obligation aux États parties de fournir un logement à toute personne relevant de leur juridiction et que l’on ne saurait en tirer un devoir général de fournir aux réfugiés une assistance financière pour leur permettre de maintenir un certain niveau de vie. Enfin, il prend note des informations communiquées par l’État partie qui indiquent que les réfugiés auxquels est accordée une protection subsidiaire ont accès aux services de santé dans les mêmes conditions que les ressortissants italiens et bénéficient de services de santé gratuits s’ils se déclarent sans ressources.

9.7Le Comité rappelle que, lorsqu’ils examinent des recours formés contre des décisions d’expulsion de leur territoire, les États parties devraient accorder un poids suffisant au risque réel et personnel auquel les personnes visées seraient exposées si l’expulsion avait lieu. En particulier, toute appréciation du risque que des personnes soient exposées à des conditions constituant un traitement cruel, inhumain ou dégradant en violation de l’article 7 du Pacte doit se fonder non seulement sur une évaluation de la situation générale dans le pays d’accueil mais aussi sur la situation personnelle des intéressés. Les circonstances à prendre en compte incluent les facteurs qui contribuent à la vulnérabilité de la personne et peuvent transformer une situation qui serait tolérable pour la plupart en une situation intolérable pour d’autres. Il convient également de prendre en compte, pour les cas examinés dans le cadre du Règlement Dublin III, de l’expérience qu’ont déjà vécue les personnes dans le premier pays d’asile, dont peuvent ressortir les risques particuliers auxquels elles seraient susceptibles d’être exposées si elles étaient renvoyées et qui pourraient faire de leur retour dans ce pays une expérience particulièrement traumatisante pour elles.

9.8Le Comité prend note des informations communiquées à l’État partie par les autorités italiennes en 2015 indiquant qu’un étranger ayant obtenu un permis de séjour en Italie en tant que réfugié ou ayant bénéficié d’une protection peut demander le renouvellement de son permis de séjour lorsqu’il retourne en Italie. Il note que l’auteure affirme que, compte tenu de sa situation personnelle, bien qu’elle ait déjà obtenu un permis de séjour en Italie, elle y aurait des conditions de vie intolérables. Il relève également que, au cours de l’entretien préliminaire du 23 juillet 2015, l’auteure a déclaré qu’elle voulait déposer une demande d’asile au Danemark plutôt qu’en Italie parce que ses parents, qu’elle n’avait pas vu depuis six ans, étaient au Danemark et parce qu’elle n’avait pas pu trouver un emploi en Italie.

9.9Le Comité note que, selon les documents dont il est saisi et les informations générales sur la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile en Italie, le nombre de places disponibles dans les structures d’accueil peut être insuffisant et les demandeurs d’asile et les personnes renvoyées y vivent souvent dans de mauvaises conditions sanitaires. D’après ces sources, les personnes renvoyées, comme l’auteure, n’ont parfois pas le droit d’être hébergées dans les centres pour demandeurs d’asile, car elles ont déjà bénéficié des facilités d’accueil lorsqu’elles étaient en Italie. Bien que les bénéficiaires de la protection aient généralement le droit de travailler et de recevoir des prestations sociales en Italie, le Comité constate que le système social est en général insuffisant pour prendre en charge toutes les personnes dans le besoin. Il constate également que la Commission danoise de recours des réfugiés a estimé que, lors de son précédent séjour en Italie, l’auteure avait pu trouver du travail et un logement pendant un certain temps, avait eu accès aux services médicaux et aux services éducatifs, et aussi qu’elle était en bonne santé. De plus, son mari, qui est le père de l’enfant, vit en Italie. Le Comité note en outre que l’auteure n’a pas expliqué pourquoi elle ne serait pas en mesure de demander la protection des autorités italiennes si elle ne parvenait pas à trouver un emploi. Bien que, dans la pratique, il soit difficile pour les réfugiés et les personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire d’accéder au marché du travail ou au logement, l’auteure n’a pas démontré qu’elle courrait un risque réel et personnel si elle rentrait en Italie. Le fait qu’elle puisse rencontrer des difficultés importantes à son retour ne signifie pas nécessairement, en soi, qu’elle se retrouverait dans une situation de vulnérabilité particulière − et notablement différente de celle de nombreuses autres familles de réfugiés − telle qu’il faudrait conclure que son renvoi en Italie constituerait une violation des obligations qui incombent à l’État partie en vertu de l’article 7 du Pacte.

9.10En outre, le Comité constate que, bien qu’elle soit en désaccord avec la décision des autorités de l’État partie de la renvoyer en Italie en tant que premier pays d’asile, l’auteure n’a pas expliqué pourquoi cette décision est manifestement déraisonnable ou arbitraire. Elle n’a pas non plus signalé d’irrégularités dans les procédures engagées devant le Service danois de l’immigration ou la Commission de recours des réfugiés. En conséquence, le Comité ne peut conclure que le renvoi de l’auteure en Italie par l’État partie constituerait une violation de l’article 7 du Pacte.

9.11Sans préjudice de la responsabilité qui incombe en permanence à l’État partie de tenir compte de la situation actuelle du pays vers lequel l’auteure serait expulsée, à la lumière des informations disponibles concernant la situation personnelle de l’auteure, le Comité considère que les informations dont il dispose ne montrent pas que l’auteure serait exposée à un risque personnel et réel de traitement contraire à l’article 7 du Pacte si elle était renvoyée en Italie.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que le renvoi de l’auteure en Italie par l’État partie ne violerait pas les droits qu’elle tient de l’article 7 du Pacte. Il est cependant convaincu que l’État partie informera dûment les autorités italiennes de l’expulsion de l’auteure, afin que celle-ci et son enfant ne soient pas séparés et soient pris en charge d’une manière adaptée à leurs besoins, compte tenu en particulier de l’âge du fils de l’auteure.

Annexe I

[Original : anglais]

Opinion individuelle (dissidente) de José Manuel Santos Pais

1.Je regrette de ne pouvoir souscrire à la décision du Comité, qui a estimé que le renvoi de l’auteure et de son fils en Italie ne constituerait pas une violation des droits qu’ils tiennent de l’article 7 du Pacte. De façon assez surprenante, les circonstances de l’espèce sont très similaires à celles d’une communication récente, Araya c. Danemark (CCPR/C/123/D/2575/2015), dans laquelle le Comité a au contraire conclu qu’il y avait eu violation de l’article 7.

2.L’auteure, qui a fui la Somalie et a demandé l’asile en Italie en 2008, présente la communication en son nom propre et au nom de son fils. Après que les autorités italiennes lui ont accordé une protection subsidiaire et un permis de séjour, elle a été informée qu’elle ne pouvait plus rester dans un centre d’accueil. Elle n’avait que 17 ans et, pendant une longue période, elle a donc dormi dans un « centre d’entraide » lorsqu’une place était disponible. Cependant, si elle arrivait trop tard ou s’il n’y avait plus de place, elle devait dormir dans la rue. Pendant plusieurs années, elle a cherché de l’aide auprès des autorités italiennes et a essayé de trouver un logement et un emploi régulier, mais sans succès. Elle était donc vouée à l’indigence et dépendait entièrement de l’aide de bénévoles et du seul repas qu’elle recevait au centre d’entraide. Elle a aussi été harcelée à plusieurs reprises par des jeunes dans la rue. Lorsque, en 2015, elle a appris que sa famille (sa mère, son père et ses six frères et sœurs, tous titulaires d’un permis de séjour) résidait au Danemark, elle a quitté l’Italie pour le Danemark. Elle était enceinte à son arrivée dans ce pays, et son fils y est né en 2015.

3.Depuis son arrivée, la famille de l’auteure lui a été d’un grand soutien et l’a aidée à prendre soin de son bébé. L’auteure dispose donc d’un environnement familial complet et fiable au Danemark. Si, toutefois, elle devait retourner en Italie, elle ne bénéficierait pas de ce milieu familial, étant donné que son mari, qui vit en Italie, n’a pas de bonnes relations avec elle et ne veut pas assumer le rôle de père de son nouveau-né.

4.Ainsi, si l’auteure et son fils étaient renvoyés en Italie, ils devraient faire face à des difficultés exceptionnelles, au dénuement et à des conditions de vie intolérables, semblables à celles que l’auteure avait déjà connues dans ce pays, ce qui constituerait un risque réel et personnel de préjudice irréparable. Il existe en effet un risque réel que l’auteure se retrouve dans la rue ou dans des conditions précaires et dangereuses, particulièrement inadaptées aux jeunes enfants.

5.En l’espèce, le Danemark n’a pas évalué correctement l’expérience personnelle que l’auteure a vécue par le passé en Italie, où elle s’est retrouvée sans-abri et dans le dénuement, ni les conséquences prévisibles de son renvoi dans ce pays, et il n’a pas non plus tenu dûment compte de sa vulnérabilité particulière et accrue par sa situation de mère isolée d’un nouveau-né. Il n’a pas non plus vérifié si l’auteure et son fils auraient effectivement accès à une assistance financière, médicale et sociale, et s’ils seraient protégés contre les risques pour leur sécurité personnelle. Or, il serait utile de déterminer si l’auteure serait effectivement en mesure de trouver un logement et de subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant en l’absence d’assistance de la part des autorités italiennes. Cette information serait particulièrement pertinente car l’auteure est un parent isolé qui devra chercher un emploi tout en s’occupant de son enfant, étant donné que le père n’a pas de ressources et n’a pas manifesté la moindre envie de subvenir à leurs besoins, qu’il n’a ni domicile ni emploi et qu’il vit souvent dans la rue.

6.En particulier, le Danemark n’a pas cherché à obtenir des autorités italiennes des assurances suffisantes que l’auteure et son fils seraient pris en charge dans des conditions compatibles avec leur situation de demandeurs d’asile ayant droit à une protection temporaire et dans le respect des garanties prévues à l’article 7 du Pacte. Il n’a pas non plus demandé à l’Italie de s’engager : a) à renouveler le permis de séjour de l’auteure, dans le cadre de sa protection subsidiaire, et à délivrer un permis de séjour à son enfant ; ou b) à accueillir l’auteure et son fils dans des conditions adaptées à l’âge de celui-ci et à la vulnérabilité de la famille, en leur permettant de rester ensemble s’ils rentraient en Italie.

7.Plus important encore, l’État partie n’a pas pris en considération la nécessité de respecter le droit à des mesures de protection appropriées que le fils de l’auteure tient de l’article 24 du Pacte, étant donné qu’il est né au Danemark et que plusieurs membres de sa famille y résident. Le renvoi de l’enfant en Italie, où il n’est jamais allé, ne serait pas dans son intérêt supérieur, qui devrait être une considération primordiale dans toute décision concernant les enfants, conformément à l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant à laquelle le Danemark est partie.

8.Enfin, le Danemark n’a pas tenu compte de la situation générale des droits de l’homme et de la situation politique qui existent actuellement en Italie, notamment des politiques de lutte contre l’immigration mises en place après les dernières élections générales et des conditions économiques particulièrement difficiles auxquelles le pays doit faire face au sein de l’Union européenne.

9.J’aurais donc conclu que l’État partie a violé l’article 7 du Pacte, car il n’a pas procédé à une appréciation approfondie et suffisante de la question de savoir si l’auteure et son fils seraient exposés à des conditions constituant un traitement cruel, inhumain ou dégradant s’ils étaient renvoyés en Italie, faisant ainsi de ce renvoi une expérience particulièrement traumatisante pour eux, spécialement pour l’enfant.

Annexe II

Opinion individuelle (dissidente) d’Olivier de Frouville

1.Ces constatations s’inscrivent dans la lignée d’une jurisprudence du Comité des droits de l’homme désormais bien établie, qui concerne les renvois de personnes demandant le statut de réfugié ou bénéficiant d’une protection subsidiaire entre deux pays de l’Union européenne. Toutes les affaires présentées au Comité concernent un seul État partie, le Danemark. Dans une majorité de cas le pays de renvoi est l’Italie. Le Comité a fixé un certain nombre de principes applicables à ces affaires à partir de ses constatations dans l’affaire Jasin c. Danemark, adoptées le 22 juillet 2015. Ces principes sont acceptés par la majorité des membres du Comité, mais l’application à certains cas d’espèce continue de diviser ses membres.

2.Conformément à sa jurisprudence générale en matière d’éloignement du territoire, le Comité accorde un poids considérable à l’appréciation par les autorités nationales d’un risque réel et personnel de préjudice tel qu’envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte. Le Comité considère qu’il appartient généralement aux organes de l’État d’apprécier les faits et les preuves en vue d’établir l’existence de ce risque, à moins que cette évaluation ne soit clairement arbitraire ou ne soit constitutive d’un déni de justice.

3.Par ailleurs, pour ces affaires en particulier, le Comité a défini quatre éléments d’appréciation. Le premier élément concerne la situation dans le pays de renvoi s’agissant de l’accueil et de la prise en charge des demandeurs d’asile ou des personnes bénéficiant de la protection subsidiaire. Le deuxième élément a trait à l’expérience passée des personnes concernées dans le pays de renvoi et par conséquent au traitement auquel ces personnes peuvent s’attendre en cas de retour dans ce pays. Le troisième élément porte sur la situation de vulnérabilité dans laquelle l’auteur se trouve au moment de l’examen de la demande par le Comité, situation à laquelle participe le fait d’être responsable d’enfants mineurs, dont l’intérêt supérieur doit être dûment pris en compte dans la décision. Enfin, le quatrième et dernier élément est la question de savoir si l’État partie a ou non cherché à obtenir de la part de l’État de renvoi des assurances que les personnes concernées seront prises en charge dans des conditions compatibles avec leur situation, mais aussi, lorsque les auteurs sont accompagnés d’enfants mineurs, qu’ils soient accueillis dans des conditions adaptées à l’âge des enfants et à la situation de vulnérabilité de la famille, sans les exposer à un risque de refoulement indirect.

4.Lorsque le Comité parvient à la conclusion que l’appréciation des autorités nationales est clairement arbitraire dans le cas d’espèce, il juge qu’il y aurait violation si l’État renvoyait les auteurs sans demande d’assurances telles que spécifiées par le Comité dans les motifs de ses constatations. Autrement dit, il s’agit toujours d’une violation potentielle que l’État pourrait éviter en procédant à une demande d’assurances personnalisées selon les conditions fixées par le Comité. Il faut remarquer que, malheureusement, depuis que le Comité est saisi de ce type d’affaires, le Danemark n’a jamais formulé de telles demandes.

5.J’estime que le Comité n’a pas correctement appliqué sa jurisprudence au cas particulier de l’espèce. Au titre des conditions dans le pays, le Comité prend note des différents rapports présentés par l’auteure et mentionnés dans le paragraphe 3.2, dont il ressort que les personnes qui retournent en Italie alors qu’elles y ont déjà reçu une forme de protection n’ont pas droit à un hébergement dans les structures d’accueil et qu’il n’existe pas de procédure légale pour identifier les personnes vulnérables. Des rapports plus récents montrent qu’il n’y a pas eu d’amélioration à cet égard et qu’au contraire des problèmes systémiques persistent. L’expérience passée de l’auteure est malheureusement comparable à celle d’autres cas que le Comité a eu à examiner : après avoir reçu son permis de séjour, l’auteure a été informée qu’elle ne pouvait plus rester dans le centre d’accueil pour réfugiés, alors même qu’elle était encore mineure. Entre 2009 et 2015, elle a donc vécu dans une situation d’extrême précarité, dormant dans la rue ou dans des centres d’hébergement et travaillant de temps à autre illégalement. Sur le plan personnel, l’auteure se trouverait particulièrement vulnérable si elle devait retourner en Italie, en tant que mère isolée d’un enfant en bas-âge né au Danemark, alors même que le reste de sa famille réside légalement dans ce pays (par. 2.4). L’auteure a par ailleurs clairement expliqué qu’elle n’avait aucun contact avec son mari, resté en Italie, que celui-ci n’avait pas montré le moindre intérêt pour elle ou pour leur fils et que seul le poids des traditions l’empêchait de demander le divorce (par. 5.6).

6Enfin, à propos des assurances, l’État partie invoque deux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme : E. T. et N. T. c. Suisse et Italie, dont il déduit que la Cour n’exigerait pas de garanties individuelles de la part des autorités italiennes, alors même que, dans cette affaire, l’Italie a fait parvenir une lettre garantissant la prise en charge des auteurs, ce dont la Cour a pris bonne note ; et F. M. et autres c. Danemark, qui concerne en réalité la procédure de renvoi au titre du Règlement Dublin III et n’est donc pas applicable au cas d’espèce.

7En définitive, l’appréciation par les autorités nationales n’a pas pris en compte de manière satisfaisante la situation personnelle de l’auteure et de son enfant au regard de la situation générale des personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire en Italie et de l’expérience passée de l’auteure dans ce pays. La décision est donc clairement arbitraire et il est justifié que le Comité constate une violation potentielle de l’article 7 en cas de retour sans demande d’assurance.

Annexe III

[Original : espagnol]

Opinion individuelle (dissidente) de Tania María Abdo Rocholl

1.L’auteure, Fahmo Mohamud Hussein, est arrivée en Italie en 2008 en provenance de la Somalie, son pays d’origine, et est restée dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile jusqu’en 2009, date à laquelle les autorités italiennes lui ont accordé une protection subsidiaire et un permis de séjour jusqu’en 2012, tout en l’obligeant à quitter le centre d’accueil. Son permis de séjour a ensuite été prolongé jusqu’en 2015. Pendant tout son séjour en Italie, l’auteure s’est trouvée dans l’impossibilité d’avoir un niveau de vie décent et d’obtenir un emploi légal et stable, sa survie dépendant de mécanismes d’aide et cette situation étant aggravée par des faits de violence occasionnels.

2.Il importe de ne pas perdre de vue le fait que l’auteure a soumis la communication en son nom propre, mais aussi au nom de son fils. L’enfant est né au Danemark en 2015, l’auteure ayant quitté l’Italie après avoir appris que sa famille − son père, sa mère et ses six frères et sœurs − résidait légalement au Danemark. Cette famille a efficacement soutenu l’auteure, en l’accueillant et en l’aidant à s’occuper de l’enfant, en lui donnant de l’affection dans un milieu familial, ce qui contraste avec le comportement du père, qui réside en Italie et n’a jamais tissé de liens avec son fils. Ces circonstances ont toutefois été négligées par les autorités lorsqu’elles ont analysé la demande d’asile qui leur était soumise.

3.À l’évidence, ces faits ont créé un état d’incertitude quant à l’avenir de l’auteure et de l’enfant qui, âgé aujourd’hui de trois ans et n’ayant connu que sa vie au Danemark entouré de toute sa famille, a besoin de mesures de protection à la hauteur de sa situation, conformément à l’article 24 du Pacte, et bénéficie en outre d’une reconnaissance juridique renforcée en tant que sujet de droit en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant. Par conséquent, l’enfant a droit à une protection différenciée de celle accordée aux adultes, de sorte que son intérêt soit considéré comme supérieur à tout autre intérêt légitime dans la prise de décisions et la résolution de conflits.

4.Malheureusement, l’enfant a été traité comme un prolongement de la personnalité juridique de l’auteure et non comme un sujet de droit. Dans la procédure d’asile, les décisions administratives relatives à l’enfant de l’auteure n’ont pas tenu compte en premier lieu de son intérêt supérieur. Or, chaque fois qu’une mesure concernant un enfant doit être prise, il est souhaitable qu’une évaluation des incidences possibles de cette mesure, tant positives que négatives, soit considérée comme nécessaire.

5.L’État partie n’a pas respecté son obligation de ne pas extrader, déplacer, expulser une personne ou la transférer par d’autres moyens de son territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable, comme indiqué au paragraphe 12 de l’observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, qui lui imposait de prendre en considération, entre autres circonstances, la situation générale des droits de l’homme en Italie. En effet, les autorités de l’État n’ont pas vérifié dans quelle situation de vulnérabilité se trouveraient l’auteure et son enfant en cas de retour dans ce pays.

6.Le déracinement imminent de la mère et de l’enfant résultant de la séparation de la famille élargie, la difficulté de la procédure régissant l’entrée et le séjour légal de l’auteure et de son enfant en Italie, l’incertitude de la situation socioéconomique et les effets négatifs sur le développement de l’identité et de la personnalité de l’enfant n’ont pas non plus été correctement évalués. De plus, et surtout, l’analyse de la politique migratoire actuellement mise en œuvre par le Gouvernement italien (protection des immigrés vulnérables, chiffres de la protection humanitaire, critères d’expulsion, conditions de séjour dans les centres d’accueil pour migrants, etc.) a été laissée de côté, ce qui permet de conclure que le renvoi de l’auteure et de son enfant en Italie n’est pas assorti de garanties minimales.

7.Il convient de noter que la présente communication est très similaire à des cas antérieurs dans lesquels le Comité a constaté une violation de l’article 7 du Pacte. Toutefois, si le Comité a toujours la possibilité de s’écarter de sa jurisprudence, le faire dans le cas d’espèce revient − à mon avis − à établir un précédent pour le moins préoccupant.