Nations Unies

CCPR/C/122/D/2199/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

27 avril 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2199/2012 * , **

Communication présentée par :

K. M. (non représenté par un conseil)

Au nom de :

K. M.

État partie :

Bélarus

Date de la communication :

17 septembre 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 4 octobre 2012 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

6 avril 2018

Objet :

Demande d’une réponse officielle rédigée dans la langue maternelle de l’auteur ; droit de rechercher et de recevoir des informations ; discrimination fondée sur la langue

Question(s) de procédure :

Degré de fondement des griefs ; épuisement des recours internes ; défaut de coopération de l’État partie ; statut de victime

Question(s) de fond :

Droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; droit de rechercher et de recevoir des informations ; droit de prendre part à la direction des affaires publiques ; droit à une égale protection de la loi, sans discrimination

Article(s) du Pacte :

14 (par.1), 19 (par. 2), 25 (par. 1) et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

1, 2 et 5 (par. 2 b))

1.1L’auteur de la communication est K. M., de nationalité bélarussienne, né en 1970. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14, du paragraphe 2 de l’article 19, du paragraphe 1 de l’article 25 et de l’article 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 9 janvier 2013, en application du paragraphe 3 de l’article 97 du règlement intérieur du Comité, l’État partie a demandé au Comité d’examiner la question de la recevabilité de la communication séparément du fond. Le 21 juin 2013, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, le Comité a décidé de ne pas faire droit à la demande de l’État partie.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 15 août 2012, l’auteur a demandé par écrit à la commission électorale de district de la circonscription électorale rurale no 21 de Vitebsk qu’elle l’autorise à assister en tant que spectateur à la vérification des signatures de soutien aux candidats désignés pour les élections des députés à la Chambre des représentants, chambre basse du Parlement du Bélarus. La demande était présentée en biélorusse, une des langues officielles du Bélarus et langue maternelle de l’auteur qui l’utilise tous les jours. L’auteur fait valoir que sa connaissance d’autres langues, notamment le russe, est insuffisante. Le 17 août 2012, les Président et Secrétaire de la commission électorale de district lui ont répondu dans une lettre rédigée en russe que sa demande avait été rejetée en application de l’article 13 du Code électoral du Bélarus, qui prévoit les modalités de la présence d’observateurs aux séances de la commission électorale de district, mais ne prévoit pas la présence à ces séances de « spectateurs ». Il était précisé que l’auteur pouvait faire appel de cette décision devant la Commission électorale centrale, conformément aux articles 7 et 20 de la loi du 18 juillet 2011 relative aux demandes présentées par les citoyens et les entités légales. Pour pouvoir comprendre la réponse et être en mesure de la contester, l’auteur a dû faire appel à un traducteur professionnel rémunéré.

2.2Le 23 août 2012, l’auteur a fait appel de la décision de la commission électorale de district auprès de la Commission électorale centrale du Bélarus. Dans son recours, il contestait la légalité de la décision prise par la commission électorale de district et le fait qu’elle avait été prise par les seuls Président et Secrétaire de la Commission, et non à la majorité de ses membres. Il demandait en conséquence à la Commission électorale centrale de prendre une décision concernant la réélection du Président et du Secrétaire de la commission électorale de district, et de les faire répondre des violations qu’ils avaient commises. L’auteur priait aussi la Commission électorale centrale d’obliger la commission électorale de district à lui présenter des excuses écrites pour avoir manqué de répondre en biélorusse à sa demande du 15 août 2012. S’agissant de la mention, dans la lettre de la commission électorale de district en date du 17 août 2012, des modalités de la procédure d’appel énoncées dans la loi relative aux demandes présentées par les citoyens et les entités légales, l’auteur affirmait que, conformément à l’article 18 de la même loi, la réponse à toute demande doit être rédigée dans la langue de la demande. Il relevait toutefois que, d’après la réponse qui lui avait été adressée le 14 août 2012 par la Présidente de la Commission électorale centrale, la loi relative aux demandes présentées par les citoyens et les entités légales ne s’appliquait pas aux commissions électorales, parce que celles-ci n’avaient pas le statut juridique d’organisation. L’auteur en concluait en conséquence dans son appel que soit la commission électorale de district soit la Commission électorale centrale donnait une interprétation erronée de l’applicabilité aux commissions électorales de la loi relative aux demandes présentées par les citoyens et les entités légales.

2.3Le 27 août 2012, la Présidente de la Commission électorale centrale a répondu à l’appel de l’auteur, en indiquant que, conformément à l’article 491 du Code électoral, les séances des commissions électorales étaient consacrées à l’examen des recours formés contre des décisions prises par lesdites commissions. Le Code ne fait pas obligation aux commissions électorales d’examiner d’autres types de demandes émanant des citoyens. C’est la raison pour laquelle la décision de la commission électorale de district en date du 17 août 2012 n’était signée que par les Président et Secrétaire de ladite commission, conformément aux prescriptions du Code électoral. De plus, la liste des observateurs qui sont autorisés à assister aux réunions des commissions électorales figure dans la partie 4 de l’article 13 du Code électoral. L’auteur n’ayant pas été accrédité en tant qu’observateur de la commission électorale de district, la décision de rejeter sa demande d’assister aux séances a été prise en toute légalité.

2.4La Présidente de la Commission électorale centrale a expliqué que la mention, par la commission électorale de district dans sa lettre du 17 août 2012, de la possibilité de contester la décision devant la Commission électorale centrale était correcte en soi, puisqu’une telle procédure était prévue dans la partie 7 de l’article 37 du Code électoral. Elle relevait toutefois que c’est à tort que la loi relative aux demandes présentées par les citoyens et les entités légales était mentionnée dans la même lettre, cette loi ne s’appliquant pas aux commissions électorales, lesquelles n’ont pas le statut juridique d’organisation. Par conséquent, l’obligation de répondre aux demandes dans la langue dans laquelle elles ont été présentées, énoncée dans la loi relative aux demandes présentées par les citoyens et les entités légales, ne s’appliquait pas aux commissions électorales. C’est pourquoi le grief de l’auteur quant au fait que la commission électorale de district n’avait pas répondu à sa demande du 15 août 2012 en biélorusse était dénué de fondement.

2.5Le 31 août 2012, l’auteur a contesté la décision de la Commission électorale centrale auprès de la Cour suprême du Bélarus. Dans son recours, il réfutait l’explication donnée par la Présidente de la Commission électorale centrale, à savoir que la loi relative aux demandes présentées par les citoyens et les entités légales ne s’appliquait pas aux commissions électorales. L’auteur soutenait en outre qu’en répondant à sa demande en russe, la Commission électorale avait exercé à son égard une discrimination fondée sur son appartenance ethnique (langue), en violation de la Constitution et des obligations internationales du Bélarus. Selon lui, le Code électoral n’interdisait pas aux électeurs légitimes d’assister en qualité d’observateuraux séances des commissions électorales de district, auxquelles les présidents des commissions électorales restreignaient l’accès de manière arbitraire et artificielle. Le 6 septembre 2012, la Cour suprême a décidé de ne pas examiner le recours de l’auteur, invoquant la partie 2 de l’article 247 du Code de procédure civile. L’auteur soutient qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient que l’État partie a violé les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14, du paragraphe 2 de l’article 19, du paragraphe 1 de l’article 25 et de l’article 26 du Pacte.

3.2L’auteur soutient que les autorités de l’État partie ne lui ont pas rendu justice, alors même que la législation interne garantit que ses droits, en tant que citoyen du Bélarus, sont protégés par des tribunaux compétents, indépendants et impartiaux. Il affirme que les commissions électorales lui ont refusé l’accès à des informations relatives à l’élection des députés de la Chambre des représentants dans la circonscription électorale rurale no 21 de Vitebsk, et ont ainsi porté atteinte à son droit de prendre part à la direction des affaires publiques par l’intermédiaire d’un représentant choisi librement et dans la transparence. Il soutient que l’État partie a en outre exercé à son égard une discrimination fondée sur la langue et ne l’a pas protégé de l’acte discriminatoire de la commission électorale de district.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale du 9 janvier 2013, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité de la communication. Bien que la décision de la Cour suprême en date du 6 septembre 2012 ne puisse pas faire l’objet d’un recours en cassation, l’auteur n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles étant donné qu’il n’avait pas contesté la décision dans le cadre d’une procédure de contrôle. La communication était donc irrecevable au regard de l’article 2 et de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.2L’État partie indique en outre que la communication est irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif, car l’auteur a abusé de son droit de présenter une communication en ne fournissant pas au Comité tous les documents pertinents en l’espèce. En particulier, l’État partie invoque la décision de la Cour suprême en date du 24 août 2012, dans laquelle la Cour a rejeté la demande d’ouverture d’une procédure civile déposée par l’auteur (voir par. 5.4 ci-après) et a motivé ce rejet. L’État partie maintient que cette décision revêt la plus grande importance dans le cadre de la communication de l’auteur. Or celui-ci n’a soumis au Comité que la décision de la Cour suprême en date du 6 septembre 2012, qui avait été rendue à la suite de ses demandes répétées d’ouverture d’une procédure civile.

4.3L’État partie fait observer que l’auteur a saisi la Cour suprême contre la décision de la Commission électorale centrale avant de recevoir copie de ladite décision, qui est datée du 27 août 2012.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 18 mars 2013, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie, maintenant qu’il avait épuisé tous les recours internes disponibles. Les juges de la Cour suprême qui avaient examiné l’affaire avaient compétence pour statuer sur ses recours contre la décision de la Commission électorale centrale. L’auteur affirme qu’un appel au Président de la Cour suprême et au Procureur général du Bélarus est une procédure purement bureaucratique qui ne lui garantit aucunement que ses droits civils et politiques seront rétablis.

5.2L’auteur réaffirme son argument selon lequel l’État partie a exercé à son égard une discrimination fondée sur la langue et les tribunaux internes ne l’ont pas protégé contre les actes discriminatoires répétés de la commission électorale de district. Il rappelle que, sa maîtrise du russe étant insuffisante, il a dû faire appel à un traducteur professionnel rémunéré pour comprendre la réponse du Président de la commission électorale de district en date du 17 août 2012.

5.3L’auteur ajoute que, le 31 août 2012, il a intenté une action civile devant le tribunal du district Jeleznodorojny de Vitebsk contre les Président et Secrétaire de la commission électorale de district pour les motifs exposés succinctement plus haut, au paragraphe 2.2, réclamant 1 559 000 roubles biélorusses à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral. Le 19 octobre 2012, le tribunal du district Jeleznodorojny a débouté l’auteur, concluant que la loi relative aux demandes présentées par les citoyens et les entités légales, selon laquelle la réponse aux demandes devrait être donnée dans la langue dans laquelle elles ont été soumises, ne s’appliquait pas aux commissions électorales de district. Le 6 décembre 2012, la chambre civile du tribunal régional de Vitebsk a rejeté le recours du 6 novembre 2012 que l’auteur avait formé contre la décision du tribunal du district Jeleznodorojny, indiquant notamment que la réponse de la commission électorale de district avait été rédigée dans une langue officielle du Bélarus.

5.4L’auteur produit une traduction en langue russe de la décision de la Cour suprême du 24 août 2012 (voir plus haut par. 4.2). Ladite décision se réfère au recours de l’auteur contre la décision de la Commission électorale centrale, dans lequel l’auteur indiquait que, à une date non précisée, un groupe d’électeurs avait adressé demandé à la commission électorale de district qu’elle le nomme observateur à ses séances. Les Président et Secrétaire de la commission électorale de district ont rédigé en russe une réponse rejetant la demande en question, en violation de la loi relative aux demandes présentées par les citoyens et les entités légales. Après que la Commission électorale centrale eut rejeté son recours contre la décision de la commission électorale de district, l’auteur s’est adressé à la Cour suprême. Le 24 août 2012, la Cour suprême a refusé d’engager une procédure civile en application de la partie 1 de l’article 245 du Code de procédure civile, le Code électoral ne prévoyant pas, au nombre des moyens d’appel, le fait que la réponse de la commission électorale de district a été donnée en russe. La décision de la Cour suprême précisait que l’auteur ne pouvait pas former de recours en cassation.

5.5En conclusion, l’auteur prie le Comité de déclarer sa communication recevable et de conclure que le Bélarus a violé les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14, du paragraphe 2 de l’article 19, du paragraphe 1 de l’article 25 et de l’article 26 du Pacte. Il ajoute que le Comité devrait recommander à l’État partie de le rétablir dans ses droits et de lui accorder une juste réparation ainsi qu’une indemnisation financière pour préjudice moral.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une note verbale datée du 22 avril 2015, l’État partie fait observer qu’en adhérant au Protocole facultatif, il a accepté de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction qui se déclarent victimes de violation par l’État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte. L’État partie ajoute cependant qu’il part de l’hypothèse que, selon un principe bien établi du droit international, les intéressés doivent se prévaloir de tous les recours internes avant de s’adresser aux mécanismes internationaux. Conformément à l’article 2 et à l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, seules les personnes qui ont épuisé tous les recours internes disponibles peuvent adresser une communication écrite au Comité, pour examen. L’État partie renvoie à l’article 61 de la Constitution selon lequel, conformément aux traités internationaux ratifiés par l’État partie, toute personne a le droit, après avoir épuisé les recours internes disponibles, de s’adresser aux organisations internationales en vue de faire protéger ses droits et libertés.

6.2L’État partie rappelle qu’au moment du dépôt de la communication, l’auteur n’avait pas fait appel de la décision de la Cour suprême dans le cadre d’une procédure de contrôle et n’avait pas déposé de demande d’ouverture d’une procédure de contrôle auprès du Bureau du Procureur général.

6.3L’État partie constate avec regret que l’interprétation par le Comité des articles 2 et 5 du Protocole facultatif est arbitraire et abusive, ne découle pas des dispositions du Pacte et du Protocole facultatif et est contraire aux principes d’interprétation établis dans la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il affirme que, si le Comité continue de se consacrer à l’examen de la communication, il y verra un encouragement incitant l’auteur à prendre des mesures contraires au Protocole facultatif et à la Constitution du Bélarus. En conséquence, l’État partie cesse toute autre correspondance avec le Comité au sujet de la communication à l’examen.

Observations complémentaires de l’auteur

7.1Le 23 juin 2015, l’auteur a maintenu avoir épuisé tous les recours internes disponibles. Il a précisé que sa demande d’ouverture d’une procédure de contrôle avait été rejetée par la Cour suprême, ce qui prouvait bien que la Cour suprême, en sa qualité d’organe de supervision, réservait un traitement sommaire à ce type de demande, que les tribunaux inférieurs aient respecté ou non les règles de procédure. Étant donné que les questions de droit, dont le rétablissement des droits civils et politiques d’un individu, échappent au champ d’application de la procédure de contrôle au Bélarus, l’auteur fait valoir qu’une telle procédure ne constitue pas un recours utile. Il affirme que c’est pour la même raison qu’il n’a pas demandé au Bureau du Procureur général d’engager une procédure de contrôle concernant cette affaire.

7.2L’auteur réaffirme ses allégations précédentes selon lesquelles l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 14 et 26 du Pacte.

Délibérations du Comité

Défaut de coopération de l’État partie

8.1Le Comité prend note des affirmations de l’État partie, à savoir qu’il n’existe pas de fondement juridique à l’examen de la communication de l’auteur, étant donné qu’elle a été enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif, que toute autre suite que le Comité donnerait à la communication à l’examen sera considérée par l’État partie comme un encouragement incitant l’auteur à prendre des mesures contraires au Protocole facultatif et à la Constitution du Bélarus, et que l’État partie cesse toute autre correspondance avec le Comité au sujet de la communication à l’examen.

8.2Le Comité fait observer qu’en adhérant au Protocole facultatif, tout État partie au Pacte reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui se déclarent victimes de violations de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte (préambule et article premier du Protocole facultatif). Ce faisant, les États parties s’engagent implicitement à coopérer de bonne foi avec le Comité pour lui permettre et lui donner les moyens d’examiner les communications qui lui sont soumises et, après cet examen, de faire part de ses constatations à l’État partie et au particulier concernés (art. 5 (par. 1 et 4)). Pour un État partie, l’adoption d’une mesure, quelle qu’elle soit, qui empêche le Comité de prendre connaissance d’une communication et d’en mener l’examen à bonne fin, et l’empêche de faire part de ses constatations, est incompatible avec ces obligations. C’est au Comité qu’il appartient de déterminer si une communication doit être enregistrée. Le Comité fait observer qu’en n’acceptant pas la compétence du Comité s’agissant de déterminer l’opportunité d’enregistrer une communication et en déclarant à l’avance qu’il n’acceptera pas la décision du Comité concernant la recevabilité ou le fond de la communication, l’État partie a violé les obligations qui lui incombent au titre de l’article premier du Protocole facultatif.

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel, au moment du dépôt de la communication à l’examen, l’auteur n’avait pas contesté la décision de la Cour suprême en demandant une procédure de contrôle et n’avait pas déposé de demande d’examen de sa cause au titre de la procédure de contrôle auprès du Bureau du Procureur général. Renvoyant à sa jurisprudence, le Comité rappelle que l’introduction auprès du ministère public d’une demande de contrôle d’une décision de justice définitive ne fait pas partie des recours qui doivent être épuisés aux fins de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif. Il considère également que les demandes d’examen au titre de la procédure de contrôle adressées au président d’un tribunal qui portent sur des décisions de justice définitives et qui dépendent du pouvoir d’appréciation d’un juge constituent un recours extraordinaire et que l’État partie doit montrer qu’il existe une perspective raisonnable que de telles requêtes puissent constituer un recours utile dans les circonstances de l’espèce. En l’espèce, le Comité note que l’État partie n’a pas fait d’autres observations à la suite du rejet par la Cour suprême de la demande de l’auteur d’ouvrir une procédure de contrôle de sa cause. En conséquence, le Comité considère que les dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

9.4Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle, en violation du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte, les commissions électorales n’ont pas respecté son droit d’accès à l’information dans le contexte de l’élection des députés à la Chambre des représentants dans la circonscription électorale rurale no 21 de Vitebsk, portant ainsi atteinte au droit qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 25 du Pacte de prendre part à la direction des affaires publiques par l’intermédiaire du représentant qu’il a choisi librement et dans la transparence. Le Comité prend note également des motifs qu’ont avancés la commission électorale de district et la Commission électorale centrale dans leurs décisions en date du 17 août 2012 et du 27 août 2012 pour justifier le rejet de la demande de l’auteur d’assister à la vérification des signatures de soutien aux candidats désignés pour les élections des députés à la Chambre des représentants (voir par. 2.1 et 2.3 ci-dessus). Le Comité note en outre que, bien que dans sa décision du 24 août 2012, la Cour suprême se réfère au rejet d’une demande adressée à la commission électorale de district par un groupe d’électeurs qui souhaitaient que l’auteur soit désigné comme observateur aux séances de la commission (voir par. 5.4 ci-dessus), la communication présentée par l’auteur au Comité ne contient pas d’informations complémentaires ou autres preuves documentaires concernant cette procédure judiciaire distincte et son lien éventuel avec la procédure relative au rejet de la demande de l’auteur d’assister à la vérification des signatures de soutien aux candidats désignés pour les élections des députés à la Chambre des représentants. Dans ces circonstances, le Comité considère que les griefs que l’auteur tire du paragraphe 1 de l’article 19 et du paragraphe 1 de l’article 25 du Pacte ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.5Le Comité prend note des griefs de l’auteur au titre de l’article 26 et du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte selon lesquels, en répondant à sa demande en russe, la commission électorale de district a exercé à son égard une discrimination fondée sur la langue, et les tribunaux internes ne l’ont pas protégé contre les actes discriminatoires répétés de la commission électorale de district. Le Comité rappelle à cet égard que, pour qu’une personne puisse affirmer être victime d’une violation d’un droit protégé par le Pacte, elle doit prouver soit que l’acte ou l’omission de l’État partie a déjà eu des conséquences négatives sur l’exercice de ce droit, soit que la menace de telles conséquences est réelle. Le Comité fait observer que, selon les informations qui figurent au dossier, l’auteur a pu soumettre toutes ses demandes écrites et tous ses recours aux commissions électorales et aux tribunaux en biélorusse, exerçant ainsi son droit de s’exprimer dans la langue de son choix sans restrictions ni limitations. Le Comité fait observer en outre que, bien que la Commission électorale centrale et les tribunaux aient estimé que l’obligation, prévue par la législation nationale, de répondre à l’auteur dans la langue dans laquelle il avait formulé sa demande, c’est-à-dire en biélorusse, ne s’appliquait pas aux commissions électorales, les décisions de la Commission électorale centrale concernant les recours présentés par l’auteur avaient en fait été rédigées en biélorusse. De plus, toutes les décisions rendues par les tribunaux internes au sujet des recours formés par l’auteur avaient aussi été rédigées en biélorusse. Au vu de ce qui précède et après un examen attentif des arguments et des éléments dont il est saisi, le Comité estime que l’auteur n’a pas montré qu’il avait le statut de « victime », au sens de l’article premier du Protocole facultatif, d’une violation présumée des droits qu’il tient de l’article 26 et du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, et que cette partie de la communication est par conséquent irrecevable au regard de l’article premier du Protocole facultatif.

10.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 1 et 2 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.