Nations Unies

CCPR/C/129/D/2922/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 décembre 2020

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2922/2016 * , **

Communication présentée par :

J.A.N. C. (représenté par unconseil, VíctorMosqueraMarín)

Victime(s) présumée(s) :

J. A. N. C.

État partie :

Colombie

Date de la communication :

1er août 2016 (date de la lettre initiale)

Date de la décision :

24 juillet 2020

Objet :

Déclaration de culpabilité d’un haut fonctionnaire prononcée en premier et dernier ressort par l’organe juridictionnel le plus élevé

Question(s) de procédure :

Examen de la même question devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement ; abus du droit de présenter une communication ; épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Droit à une procédure régulière ; droit d’être entendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial ; droit à la présomption d’innocence ; droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation ; égalité devant la loi ; droit à la liberté et à la sécurité de la personne

Article(s) du Pacte :

2, 3, 9, 10, 14 (par. 1, 2, 3 et 5) et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2 a) et b))

1.1L’auteur de la communication est J. A. N. C., de nationalité colombienne, né le 25 septembre 1963. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 2, 3, 9, 10, 14 (par. 1, 2, 3 et 5) et 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 23 mars 1976. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Le 21 décembre 2017, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé de ne pas demander à l’État partie de prendre des mesures provisoires en faveur de l’auteur, conformément à l’article 94 de son règlement intérieur.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Du 16 août 2002 au 25 octobre 2005, l’auteur a occupé la fonction de directeur du Département administratif de la sûreté.

2.2À la fin de 2004, l’auteur a été informé par des fonctionnaires du Département administratif de la sûreté que R. G., directeur informatique de ce même département, donnait des instructions irrégulières qui menaçaient la sécurité nationale et étaient susceptibles de constituer des infractions. L’auteur a donc signalé les faits au Parquet général et constitué une équipe pour aider ce dernier à mener ses investigations. Après que suffisamment d’éléments ont été réunis par le Parquet général, R. G. a été arrêté sous les chefs d’accusation de blanchiment d’argent avec enrichissement illicite de fonctionnaire, d’association de malfaiteurs, de faux en écriture publique, de destruction, suppression ou dissimulation de documents publics et d’escroquerie au jugement.

2.3Le 13 octobre 2005, en représailles contre l’auteur, R. G. l’a accusé d’avoir mis le Département administratif de la sûreté au service du groupe criminel connu sous le nom de « Bloque Norte » des Milices d’autodéfense unies de Colombie. Faute d’éléments suffisants, le Parquet général a décidé de ne pas ouvrir d’enquête préliminaire. Le 13 décembre 2005, R. G. a de nouveau accusé l’auteur d’autres actes criminels tels que des meurtres de journalistes, de militants des droits de l’homme et de dirigeants syndicaux. Ces accusations ont été portées à la connaissance de militants des droits de l’homme, des principaux responsables de l’opposition au Gouvernement de M. Uribe, alors Président de la Colombie, et des médias, ce qui a déclenché un « scandale médiatique » au début de 2006. L’auteur affirme que pendant plus de deux semaines consécutives, les médias colombiens se sont fait l’écho des accusations de R. G., qui ont été reprises en une de magazines et de journaux, mais aussi par des émissions de radio et de télévision, des reportages et des éditoriaux.

2.4Le 17 avril 2006, le Procureur général de la Nation a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire et la recherche d’éléments de preuve liés aux accusations dont l’auteur faisait l’objet. L’auteur soutient que le Parquet général, en ouvrant l’enquête, « a cédé aux pressions de la presse tendant à ce qu’il montre son indépendance vis-à-vis du Gouvernement ». Le 19 mai 2006, le Procureur général a délégué l’instruction pénale au deuxième Procureur délégué à la Cour suprême de justice, J. A. M. R. Le 1er juin 2006, le deuxième Procureur délégué a chargé la Procureure adjointe, M. L. S., de recueillir les éléments de preuve et de recevoir les témoignages, les déclarations et les rapports d’enquête.

2.5Le 20 octobre 2006, après avoir admis et reconnu les infractions dont il était accusé, R. G. a été condamné à dix-huit ans de prison.

2.6Le 22 janvier 2007, le deuxième Procureur délégué, après avoir analysé les éléments de preuve, a décidé d’ouvrir une information judiciaire au titre de l’article 331 du Code de procédure pénale (loi no600 de 2000), dans le but d’établir l’implication éventuelle de l’auteur dans des atteintes à la vie, à l’intégrité physique et à la sûreté publique.

2.7Le 27 février 2007, le deuxième Procureur délégué a rendu contre l’auteur une ordonnance de placement en détention provisoire, demandant qu’il soit placé dans une cellule de sécurité maximale afin d’assurer sa sécurité, en tant qu’ancien haut fonctionnaire. Le 23 décembre 2008, l’auteur a été transféré au centre pénitentiaire de « La Picota » à Bogota.

2.8Le 6 mai 2009, le Procureur général a mis en accusation l’auteur en tant que coauteur présumé des infractions d’association de malfaiteurs, de meurtre aggravé, d’utilisation d’informations soumises à l’obligation de réserve, de destruction, suppression ou dissimulation de documents publics, d’abus d’autorité par acte arbitraire et injuste, de concussion et de corruption.

2.9Le 14 septembre 2011, la Chambre de cassation pénale de la Cour suprême de justice, agissant en premier et dernier ressort, a déclaré l’auteur de la communication pénalement responsable en tant qu’« auteur de l’infraction d’association de malfaiteurs aggravée, auteur médiat de l’infraction d’homicide, auteur médiat de l’infraction de destruction, suppression ou dissimulation de documents publics et auteur de l’infraction de divulgation d’informations soumises au secret », et l’a condamné à une peine privative de liberté de vingt-cinq ans, à une amende d’un montant équivalant à 6 510 salaires minimums légaux, à la privation de ses droits civiques et à l’interdiction d’exercer des fonctions publiques pendant vingt ans.

2.10L’auteur affirme qu’il a épuisé les recours internes, étant donné qu’il n’existe aucune possibilité de recours contre la déclaration de culpabilité prononcée en premier et dernier ressort par la Chambre pénale de la Cour suprême de justice, dont il ressort que « cette décision n’est pas susceptible d’appel ». Il précise que la Chambre de cassation pénale de la Cour suprême de justice est la seule juridiction compétente pour le juger en tant qu’ancien directeur du Département administratif de la sûreté. En outre, l’auteur fait valoir que le droit interne de l’État partie et sa jurisprudence ne permettent pas au bénéficiaire d’une immunité constitutionnelle de demander la levée de cette immunité afin d’obtenir la garantie juridique d’un deuxième degré de juridiction.

2.11Par ordonnance du 30 novembre 2012, la Cour constitutionnelle a décidé de rejeter l’action en amparo introduite par l’auteur. L’auteur de la communication soutient que les faits dont il est question dans sa communication ne sont pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 2, 3, 9, 10, 14 et 26 du Pacte.

3.2L’auteur soutient que l’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent au titre des articles 2 et 3 du Pacte, puisque, en raison de son statut de haut fonctionnaire, il n’a pas garanti mais au contraire entravé et nié le droit qui lui est reconnu par l’article 14 (par. 5) du Pacte de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées contre lui.

3.3L’auteur affirme également s’être trouvé, durant la procédure judiciaire, en situation d’inégalité due au règlement interne de procédure, ce qui est contraire à la première phrase du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Il explique que la loi no 600 de 2000, en vertu de laquelle il a été jugé, dispose que le procureur chargé d’instruire l’enquête sur l’inculpé est également celui qui détermine si l’intéressé doit être ou non privé de sa liberté. Il affirme ensuite que le droit à un tribunal compétent, énoncé dans la deuxième phrase du paragraphe 1 de l’article 14, a été violé puisque, selon le droit interne, seul le Procureur général est compétent pour diriger l’instruction et engager les poursuites pénales, et que malgré cela, celui-ci a transféré cette compétence à des subordonnés. L’auteur note que cette violation a été reconnue en partie par la Cour suprême de justice, qui a décidé d’annuler sa mise en accusation, mais pas les preuves recueillies par les procureurs qui n’étaient pas compétents pour cela. En outre, l’auteur considère que l’État partie a violé son droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial, en raison, d’une part, du parti pris dont a fait preuve le juge rapporteur qui, malgré les faits établis exposés dans la plainte, a « maintenu ses préjugés » dans la procédure engagée contre l’auteur et pris des décisions subjectives sans s’appuyer sur un raisonnement suffisamment étayé et, d’autre part, par le fait que M. L. S., qui avait participé à l’instruction pénale en tant que Procureure adjointe, a également joué un rôle actif dans le déclenchement de la procédure en tant que juge auxiliaire.

3.4L’auteur affirme que l’État partie a également violé les droits qu’il tient des articles 3, 9 et 14 (par. 1, 2 et 3) du Pacte, puisqu’il a été jugé et condamné sur la base du faux témoignage de R. G., qui a l’habitude de « mentir aux autorités » et d’« inventer des histoires fantaisistes ». L’auteur fait observer que le Parquet général n’a rien fait pour que R. G. se soumette à une deuxième évaluation psychiatrique, après que l’on a relevé les nombreuses irrégularités de la première évaluation. Cette deuxième évaluation aurait permis d’éviter sa condamnation injuste, car elle aurait mis en évidence le comportement psychopathique du principal témoin à charge.

3.5L’auteur considère également que le droit à la présomption d’innocence qu’il tient du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte a été violé par les opinions exprimées par les médias et par sa détention provisoire prolongée. Il affirme également que, durant la procédure engagée contre lui, les garanties énoncées par le paragraphe 3 de l’article 14 ont été violées, pour les raisons suivantes : a) il a été condamné pour des infractions dont il n’était pas formellement accusé ; b) plusieurs demandes de report, rendues nécessaires par l’épais dossier judiciaire, ont été rejetées ; c) il a fait l’objet d’une enquête et d’une procédure pénales qui ont duré plus de quatre ans ; d) il n’a pas pu faire appel à son avocat personnel pour certaines étapes de la procédure ; e) son avocat n’a pas été autorisé à interroger un témoin utile à sa défense.

3.6L’auteur affirme que l’État partie a également violé le droit qu’il tient du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité, au motif qu’en droit colombien, la Cour suprême de justice a compétence pour connaître, en premier et dernier ressort, des affaires concernant les bénéficiaires d’immunité constitutionnelle et de statuer sur celles-ci, et que sa décision n’est pas susceptible d’appel.

3.7En ce qui concerne la violation des articles 9 et 10 du Pacte, l’auteur affirme que sa liberté a été restreinte par la détention provisoire dont il a fait l’objet pendant quatre ans, six mois et vingt jours. Cette privation de liberté n’était pas nécessaire puisque comme en dispose la législation interne, la détention de l’auteur n’était pas nécessaire pour assurer sa comparution à l’audience, la préservation des éléments de preuve et la protection de la société. Il explique qu’il a été arrêté en vertu du mandat délivré par un procureur qui n’avait pas la compétence pour cela, ce qui l’a mis dans une situation particulièrement vulnérable. En outre, il affirme avoir été placé en détention provisoire dans un lieu inadapté, à savoir dans un établissement pénitentiaire destiné aux détenus qui purgent leur peine après avoir été jugés et condamnés.

3.8En ce qui concerne l’article 26 du Pacte, l’auteur affirme que, du fait de son statut social, l’État partie a exercé contre lui une discrimination avant, pendant et après son audience de jugement, violation qui s’est notamment caractérisée par la restriction de son droit de faire appel d’une décision de justice devant une juridiction supérieure.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Par une note verbale en date du 2 février 2017, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité de la communication et demandé au Comité de déclarer celle‑ci irrecevable.

4.2L’État partie affirme que la communication de l’auteur constitue un abus du droit de présenter une communication étant donné que cette question est déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il fait valoir que la requête p-1331-11 de l’auteur, reçue le 30 septembre 2011 par la Commission interaméricaine des droits de l’homme, énonce des faits et des griefs identiques à ceux dont le Comité est saisi. L’État partie soutient que la requête lui a été transmise dans son intégralité le 26 avril 2016 et qu’elle en est au stade de l’examen de la recevabilité. Il joint une communication de la coordonnatrice du groupe de suivi des décisions des organismes internationaux datée du 19 janvier 2017, selon laquelle les faits de l’espèce ont trait à la violation présumée du droit aux garanties judiciaires (art. 8), à la protection judiciaire (art. 25) et à l’obligation d’adopter des mesures de droit interne (art. 2) eu égard à l’obligation de respecter les droits et les garanties (art. 1 (par. 1)) énoncée par la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Ces décisions sont la conséquence d’irrégularités qui auraient été commises lors de l’enquête menée contre l’auteur par le Parquet général de la Nation et dans la procédure pénale no 32000 engagée par la Chambre pénale de la Cour suprême de justice, à l’issue de laquelle l’auteur a été déclaré coupable de l’infraction d’association de malfaiteurs aggravée, de l’homicide d’Alfredo Rafael Francisco Correa de Andreis et des infractions de destruction, suppression ou dissimulation de documents publics et de divulgation d’informations soumises au secret.

4.3L’État partie fait en outre valoir que le Conseil des droits de l’homme a également été saisi du cas de l’auteur. Par la note verbale G/SO 215/1 COL 222 du 22 mai 2016, le Conseil a fait référence à la communication visant l’État partie soumise par le parti Centre démocratique, dans laquelle celui-ci dénonce la persécution dont lui-même et ses membres feraient l’objet et aborde expressément la situation de l’auteur, notamment. Dans la note verbale, le Groupe de travail des communications du Conseil des droits de l’homme se déclare satisfait des observations apportées par la Colombie concernant la plainte qui, selon lui, semblait avoir des motivations politiques, et informe l’État partie de sa décision de clore l’examen de la communication.

4.4L’État partie fait valoir également que la communication de l’auteur constitue un abus du droit de soumettre une communication. Le Comité a estimé qu’un retard injustifié dans la soumission d’une communication pouvait constituer un abus du droit de présenter une plainte, compte tenu des difficultés qu’un tel retard pouvait causer tant au Comité qu’à l’État partie pour apprécier les éléments soumis. En l’espèce, le jugement prononcé contre l’auteur date du 14 septembre 2011. Plus de cinq ans se sont donc écoulés entre la décision de justice objet de la communication et la soumission de celle-ci.

4.5L’État partie soutient en outre que la communication doit être déclarée irrecevable au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés. L’auteur a été déclaré coupable en premier et dernier ressort en sa qualité de fonctionnaire jouissant de l’immunité constitutionnelle et cette décision n’est effectivement pas susceptible d’appel. Toutefois, l’auteur n’a pas épuisé les recours internes puisqu’il a légalement la possibilité d’exercer un recours en révision, comme le prévoit l’article 32 du Code de procédure pénale. La Cour constitutionnelle a fait ressortir le rôle de cette procédure dans les termes suivants : « dans la tradition juridique pénale, le recours en révision est conçu comme un instrument de protection des droits fondamentaux de la personne condamnée, en raison de la nature des biens compromis dans ce domaine, en particulier la liberté personnelle ». L’État partie ajoute que l’auteur ayant été reconnu coupable d’infractions sans rapport avec les fonctions publiques exercées, il a eu la possibilité de renoncer à son immunité constitutionnelle et de se soumettre à la compétence des juridictions ordinaires inférieures. L’immunité juridictionnelle est une garantie qui permet aux hauts fonctionnaires d’être jugés par les magistrats les plus compétents et les plus expérimentés, réunis en formation collégiale. Enmatière pénale, cette procédure judiciaire est conduite par la Chambre de cassation pénale de la Cour suprême de justice.

4.6L’État partie affirme qu’il appartient au pouvoir judiciaire national de se prononcer sur les situations telles que celle dans laquelle l’auteur se trouve, conformément au droit, en toute sécurité et dans le respect des principes universels, constitutionnels et juridiques du droit à une procédure régulière, des garanties judiciaires et de la légitime défense. Il soutient que les institutions de l’État partie garantissent, dans toutes les instances judiciaires, le respect des règles inhérentes au droit à une procédure régulière et aux garanties judiciaires, au moyen de mécanismes de contrôle mis en place par les organes judiciaires eux-mêmes dans le cadre de leur gestion publique, auxquels s’ajoutent la supervision exercée par les organismes de contrôle conformément à la loi, notamment par le Ministère public, garant du devoir sacré d’administrer la justice avec rigueur, transparence et impartialité.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans des commentaires en date du 2 avril 2017, l’auteur soutient que, contrairement à ce qu’affirme l’État partie, la communication devrait être déclarée recevable puisqu’aucun des motifs d’irrecevabilité ne saurait prospérer. Il fait valoir qu’il n’y a pas eu de double examen, puisque le mécanisme régional de la Commission interaméricaine des droits de l’homme n’a pas encore été saisi de la question visée par la communication à l’examen. La requête soumise à titre individuel par l’auteur à la Commission en septembre 2011, qui porte sur différents faits et griefs, est toujours en phase initiale d’examen, ce qui atteste d’une procédure indûment prolongée, puisqu’il s’est écoulé plus de soixante-quatre mois sans que la Commission ne reconnaisse le bien-fondé de la plainte et n’examine l’affaire au fond, et plus de treize mois sans que l’État partie ne se prononce. Par conséquent, c’est à tort que l’État partie affirme que la communication soumise au Comité porte sur les mêmes faits et griefs que celle dont est saisie la Commission. Faisant valoir le principe onus probandi, l’auteur estime que l’État partie n’a pas fourni la moindre preuve au Comité à cet égard. Il note que l’État partie n’a pas agi de bonne foi, s’est trompé sur la date à laquelle la Commission a été saisie de sa plainte et a caché au Comité que les faits et les griefs étaient différents. Il ajoute qu’il n’est pas certain que l’État partie ait déjà répondu à la Commission. Selon l’auteur, il est établi que « pour assurer l’efficacité de la procédure, le Comité du Pacte offre une protection plus large ».

5.2Pour ce qui est de la plainte soumise au Conseil des droits de l’homme, l’auteur soutient que l’État partie n’a pas démontré que la personne qui a soumis la plainte l’a fait en son nom, ni que cette plainte porte sur des éléments visés dans la communication à l’examen. Il s’est borné à dire que pour démontrer de manière irréfutable la réalité d’un déni systématique du droit au double degré de juridiction, il y était fait mention du nom de l’auteur, comme de celui d’autres fonctionnaires au service de l’ancien Président de l’État partie. L’État partie a dissimulé au Comité que dans cette plainte il était explicitement dit que la plainte devant le Conseil des droits de l’homme était sans préjudice des actions que les membres du parti Centre démocratique pourraient décider d’intenter à titre individuel devant les organes internationaux quasi-judiciaires. Il souligne en outre que le Conseil des droits de l’homme, contrairement au Comité, peut seulement faire des recommandations aux États, le conseiller sur les politiques à mettre en œuvre ou inviter instamment le Gouvernement concerné à apporter des changements dans l’application des normes relatives aux droits de l’homme, et que, par conséquent, aucune de ses actions n’est contraignante pour les États et ses recommandations ne peuvent en aucun cas être considérées comme un recours international qui aurait été épuisé. L’auteur constate que l’État partie ignore les décisions et de la jurisprudence constante du Comité selon lesquelles ni le Conseil des droits de l’homme ni les rapporteurs spéciaux ou groupes de travail ne sont considérés comme des organes internationaux quasi-judiciaires et qu’à ce titre, l’irrecevabilité ne saurait être invoquée au motif qu’une autre procédure d’examen serait engagée devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, ainsi que le prévoit l’article 96 du règlement intérieur.

5.3En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel la communication a été soumise plus de cinq ans après la décision de justice, l’auteur affirme que cette allégation est fausse, puisqu’il a soumis la communication le 1er août 2016, soit quatre ans et onze mois après ladite décision, ce qui ne peut donc constituer un motif d’irrecevabilité, les délais requis ayant été respectés, ni un abus du droit de présenter une communication. Il note que s’il est vrai qu’il n’existe pour cette décision, rendue en premier et dernier ressort, aucun recours interne, il a néanmoins introduit une action en protection constitutionnelle, sur laquelle il a été statué le 30 novembre 2012. Il souligne qu’en application du principe de la loi pénale la plus favorable, c’est cette date qui devrait être retenue. Il affirme que l’État partie, en lui faisant grief d’un abus de droit au motif du délai écoulé avant la soumission de la communication, méconnaît la jurisprudence constante du Comité.

5.4L’auteur souligne que l’issue du recours extraordinaire en révision est déterminée par le même tribunal qui a rendu la décision en premier et dernier ressort et que, en application de la loi no 600 de 2000, un tel recours est le plus souvent rejeté car il ne peut être formé que dans un nombre strictement limité de cas.

5.5Pour ce qui est de l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteur aurait pu renoncer à son immunité, celui-ci soutient qu’elle ne correspond ni à la réalité ni à la jurisprudence en vigueur au moment des faits. Il fait valoir que, par ordonnance du 1er septembre 2009, la Cour suprême de justice a déterminé que le fait de renoncer à la charge couverte par l’immunité ne constitue pas un motif suffisant pour que la Cour perde sa compétence pour instruire et juger l’affaire, même si l’infraction incriminée a été commise par l’intéressé avant qu’il ou elle n’exerce ses fonctions ou est sans rapport avec l’exercice de ces fonctions. Cette décision a servi de fondement pour juger et condamner tous les bénéficiaires d’immunité, quand bien même ceux-ci avaient renoncé à leur immunité. Prétendre, comme le fait l’État partie, que ces personnes peuvent s’adresser à une juridiction dont les décisions ont un rang supérieur à l’arrêt de la Cour suprême est contraire à la réalité normative et constitutionnelle de l’État partie. La Cour étant la plus haute juridiction, il est clair qu’aucune instance n’a autorité sur elle, de sorte que ses décisions ne sont pas susceptibles d’appel qui, par essence, doit être formé devant une juridiction de degré supérieur.

5.6L’auteur rappelle que l’action en protection constitutionnelle n’est pas à proprement parler un recours, mais une procédure nouvelle, différente, qui ne vise pas à contester une décision de justice. Alors qu’un recours peut être déposé dans le cadre de la procédure pour examiner un aspect particulier de la décision attaquée, l’action en amparo est une procédure nouvelle, au cours de laquelle le juge détermine si la décision rendue viole ou non les droits fondamentaux de la personne. Il n’a pas vocation à contester la décision elle-même. En outre, il n’est pas opportun que la Cour Suprême se prononce sur un recours formé contre une décision qu’elle a elle-même rendue, faisant d’une telle procédure une simple formalité et non pas un véritable recours.

5.7L’auteur note avec satisfaction que l’État partie ne se prévaut pas, comme dans d’autres communications, du fait que d’autres actions ont été déclarés recevables pour justifier le refus du droit au double degré de juridiction ou affirmer que l’action en protection constitutionnelle est un recours interne. Il fait valoir que l’absence d’un deuxième degré de justice pénale pour juger certaines personnes relevant de la juridiction de l’État partie constitue une « discrimination négative de restriction et de limitation ». Afin de protéger le droit d’interjeter appel de la déclaration de culpabilité, l’auteur renvoie à la jurisprudence du Comité à cet égard.

5.8L’auteur réaffirme que l’État partie a violé les droits garantis par l’article 3 du Pacte en n’assurant pas aux hommes et aux femmes l’égalité de jouissance de tous les droits civils et politiques énoncés dans le Pacte, en particulier l’égalité de jouissance du droit visé au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il réaffirme également que l’État partie, en refusant à certaines catégories d’agents de la fonction publique le droit reconnu au paragraphe 5 de l’article 14, a également violé le droit qu’il tient de l’article 26, qui consacre l’égalité devant la loi et l’égale protection de la loi.

5.9Dans une note en date du 12 juin 2017, l’auteur affirme que des hauts fonctionnaires du Gouvernement de l’État partie ont reconnu la violation du droit d’accès des bénéficiaires d’immunité à un deuxième degré de juridiction. Il soutient que le Ministre de la justice, Enrique Gil Botero, a fait en ce sens plusieurs déclarations publiques, faisant valoir que la mise en place d’un deuxième degré de juridiction pour les bénéficiaires d’immunité « est une nécessité que beaucoup ressentent en Colombie, puisqu’il s’agit d’un droit universel qui a des conséquences sur le droit à une procédure régulière et le principe d’égalité. Notre pays est en retard par rapport aux normes du droit international. L’article 8 de la Convention interaméricaine relative aux droits de l’homme consacre ce principe du double degré de juridiction. Par conséquent, la Cour interaméricaine et le système interaméricain peuvent contraindre l’État colombien à le mettre en œuvre ». L’auteur ajoute que le Ministre estimait que cette situation désavantageait les bénéficiaires d’immunité et a déclaré devant le Congrès de la République que « la Cour interaméricaine se prononcera très prochainement sur le non-respect du principe du double degré de juridiction et des révisons de jugements pourraient être possibles, avec toutes les conséquences que cela pourrait entraîner ». Il souligne également que le Vice-Ministre de l’intérieur, Guillermo Rivera, a déclaré « qu’il ne s’agit pas de faire un cadeau, ni de faire une concession au Congrès ou aux bénéficiaires de l’immunité constitutionnelle mais d’un droit que nous dev[ons] impérativement reconnaître ». Le Procureur général, Nestor Humberto Martinez, a déclaré que « l’absence du double degré de juridiction choque de nombreux universitaires et juristes, qui considèrent qu’elle nuit à l’intégrité des enquêtes dont font l’objet les membres du Congrès ».

5.10Selon l’auteur, ces déclarations sont la preuve de la reconnaissance expresse que le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte relatif au droit de faire examiner par une juridiction supérieure la condamnation a effectivement été violé. L’État partie n’a d’autre choix que de reconnaître les lacunes de son ordre juridique interne en ce qui concerne le droit en question et de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’exercice de ce droit.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Par une note verbale en date du 14 juin 2017, l’État partie a demandé de nouveau au Comité de rejeter la communication de l’auteur comme étant manifestement irrecevable. Il fait valoir que les expressions contenues dans les derniers commentaires de l’auteur nuisent au sérieux du différend juridique. Des insinuations comme celles selon lesquelles l’État partie n’agit pas de bonne foi, entend induire le Comité en erreur ou lui cacher des informations, ou fait de fausses déclarations, sont totalement inadmissibles et illustrent l’incapacité de l’auteur à présenter des arguments de fond. Il demande au Comité de ne pas examiner de telles communications, qui portent atteinte à la dignité de l’État ainsi que de ses institutions et représentants.

6.2L’État partie rappelle que l’auteur a déjà saisi la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme. Il rappelle également que la communication constitue un abus de droit, puisqu’elle a été soumise au Comité plus de cinq ans après la dernière décision de justice qui l’a motivée. Il fait valoir qu’aux termes de l’article 96 (al. c)) du règlement intérieur du Comité, il peut y avoir abus du droit de plainte si la communication est soumise cinq ans après l’épuisement des recours internes par son auteur ou, selon le cas, trois ans après l’achèvement d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement, sauf s’il existe des raisons justifiant le retard compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire.

6.3Dans une note verbale en date du 22 juin 2017, l’État partie soutient que la procédure pénale engagée contre l’auteur devant la Cour suprême de justice est pleinement légitime et s’inscrit dans le cadre du système juridique colombien, dans le strict respect de la Constitution, de la législation et de la jurisprudence, ainsi que dans le respect des droits de l’homme dont jouit l’auteur en tant que citoyen et accusé.

6.4En ce qui concerne l’absence d’un deuxième degré de juridiction dans la procédure engagée contre l’auteur, l’État partie fait valoir que selon la jurisprudence constitutionnelle, la procédure de jugement des hauts fonctionnaire par la Cour suprême de justice apporte « la plus grande garantie d’une procédure régulière », puisqu’il s’agit de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, dont le caractère collégial, selon les termes de la Cour constitutionnelle, offre des avantages tels que la possibilité d’éviter que des erreurs soient commises par les juges ou tribunaux inférieurs, outre la possibilité d’exercer un recours en révision lorsque la décision est exécutoire.

6.5L’État partie souligne que, lors d’une audience préliminaire, la Chambre pénale de la Cour suprême de justice a déclaré la nullité du chef de certaines des infractions imputées à l’auteur pour violation du droit à une procédure régulière et des droits de la défense, et a écarté la circonstance aggravante du crime d’homicide, de sorte que l’affirmation générale de l’auteur selon laquelle cette situation a conduit à la violation de ses droits est dénuée de fondement. Il indique que l’action pénale a été encadrée par les règles de procédure fixées par la loi no 600 de 2000, la loi no 906 de 2004 n’étant en vigueur à l’époque des faits et affirme que, indépendamment des avantages que procure cette dernière pour l’auteur, la loi no 600 respecte également les droits de l’homme et les libertés fondamentales des personnes poursuivies au pénal.

6.6L’État soutient que, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, la décision n’a pas reposé sur un seul témoignage. En effet, il est aisé de déduire de sa lecture que de nombreux éléments de preuve (témoignages, documents, inspections judiciaires) ont été recueillis pendant l’enquête et le procès, et ont été appréciées, ensemble, selon les règles de la logique et de la rationalité.

6.7Les affirmations comme celles qui attribuent à la Procureure adjointe, nommée magistrate auxiliaire de la Chambre depuis, la double fonction d’accusatrice et de juge ou qui accordent aux magistrats auxiliaires le soin de décider de l’issue des poursuites ne font que dénoter une méconnaissance des questions procédurales et constitutionnelles et du fonctionnement interne de la Chambre de cassation pénale, lesdits magistrats n’ayant ni l’autorité ni la compétence nécessaires pour statuer dans des affaires qui relèvent exclusivement des procureurs, des juges et des tribunaux pénaux colombiens. Ils ont pour seules attributions de collaborer à la conduite des débats et à l’élaboration de projets menés et décidés par les services compétents, à tel point qu’ils sont souvent considérés comme des employés et non comme des membres de l’appareil judiciaire.

6.8L’État partie souligne que, comme il ressort des documents de procédure soumis au Comité, il est incontestable que les droits garantis à l’auteur au titre du Pacte n’ont pas été violés au cours de la procédure. Il fait valoir que lorsque des irrégularités de procédure ont été constatées, des nullités ont été prononcées afin que ses droits fondamentaux soient respectés. L’auteur a bénéficié de toutes les dispositions favorables du droit pénal colombien. L’État partie en veut pour preuve la décision du 11 juin 2008, par laquelle la Chambre pénale de la Cour suprême de justice a déclaré la nullité de l’ensemble des mesures prises depuis l’ouverture de l’instruction, au motif que cet acte de procédure émanait d’un fonctionnaire qui n’avait pas compétence pour l’accomplir, et par conséquent annule le placement en détention provisoire et ordonne la remise en liberté immédiate de l’auteur.

6.9L’État partie soutient qu’il n’y a pas eu violation des articles 2 et 3 du Pacte puisqu’il a respecté et garanti, sans aucune distinction, les droits que l’auteur tient du Pacte.

6.10En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 9 du Pacte, l’État partie estime qu’à l’évidence, l’auteur a été privé de sa liberté pour des motifs prévus par la loi et conformément à la procédure établie par celle-ci, et que, par conséquent, toute allégation contraire est totalement dénuée de fondement. De même, l’État partie considère que le grief de violation de l’article 26 du Pacte est sans fondement, car il est incontestable que durant la procédure pénale, comme il ressort du dossier, l’auteur a été traité de manière équitable, juste et respectueuse de sa liberté, et n’a fait l’objet d’aucune discrimination.

6.11Il rappelle qu’en ce qui concerne les hauts fonctionnaires, la garantie d’une procédure régulière devant la Cour suprême de justice est décrite par la Cour constitutionnelle comme suit : « La procédure de jugement des hauts fonctionnaires par la Cour suprême de justice offre, dans l’ensemble, la plus grande garantie d’une procédure régulière, pour les raisons suivantes : i) elle garantit la tenue d’un procès qui corresponde au niveau hiérarchique de l’intéressé, compte tenu de l’importance de l’institution à laquelle ce dernier appartient, de ses responsabilités et de l’importance de son mandat. C’est pourquoi la Charte elle-même énumère en son article 235 les hauts fonctionnaires de l’État qui jouissent de cette immunité ; ii) elle a lieu devant une formation collégiale spécialisée en la matière, réunissant des professionnels qui remplissent les conditions requises pour être juges de l’organe le plus élevé de la juridiction ordinaire ; iii) elle a lieu devant l’organe de clôture de la juridiction ordinaire, qui est chargé d’interpréter la loi pénale et d’en assurer le respect au moyen du recours en cassation. ».

6.12L’État partie rappelle que l’auteur a la possibilité de contester le jugement devant cette même Cour, qui est la plus haute juridiction de l’État, au moyen d’un recours en révision, comme le prévoit le Code de procédure pénale. Il prend note de l’allégation de l’auteur selon laquelle il a été jugé et condamné sur la base d’un faux témoignage et considère qu’à cet égard, l’auteur doit intenter les actions en justice prévues par le droit interne pour contester sa condamnation au moyen d’un recours en révision qui, si il devait être introduit, serait jugé formellement recevable.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité prend note de l’allégation de l’État partie selon laquelle l’auteur a déposé, le 30 septembre 2011, une plainte auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme concernant les mêmes faits et griefs que ceux dont le Comité est saisi. En particulier, le Comité prend note de la communication du 19 janvier 2017 de la coordonnatrice du groupe de suivi des décisions des organismes internationaux de l’État partie, selon laquelle les faits de l’espèce soumis à la Commission ont trait à la violation présumée du droit aux garanties judiciaires, à la protection judiciaire et à l’obligation d’adopter des mesures de droit interne, eu égard à l’obligation de respecter les droits et les garanties prévue par la Convention américaine relative aux droits de l’homme, et sont la conséquence d’irrégularités qui auraient été commises lors de l’enquête menée contre l’auteur au titre de l’enquête et de la procédure pénales qui font l’objet de la communication à l’examen.

7.3Le Comité note que lorsque l’auteur a présenté sa plainte initiale, il a déclaré que les faits exposés dans sa communication n’avaient été soumis à aucune autre instance internationale d’enquête ou de règlement, et que dans ses commentaires du 2 avril 2017, l’auteur précise que la requête soumise à titre individuel à la Commission interaméricaine des droits de l’homme en septembre 2011 portait sur des faits et des griefs différents. Néanmoins, le Comité constate que l’auteur n’a fourni aucune information précise ou copie de la communication soumise à la Commission à l’appui de son affirmation selon laquelle ladite communication portait sur des faits et des griefs différents de celle soumise au Comité.

7.4Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’expression « la même question » vise les mêmes auteurs, les mêmes faits et les mêmes droits substantiels. Compte tenu de ce que l’État partie soutient que la plainte présentée à la Commission interaméricaine des droits de l’homme concerne les mêmes faits et griefs que ceux dont il est saisi, et de ce que l’auteur n’a pas donné de renseignements sur la teneur concrète de la plainte soumise à la Commission, qui auraient pu réfuter en détail l’argument de l’État partie, le Comité considère qu’il doit accorder le poids voulu aux affirmations de l’État partie. À cet égard, le Comité regrette que l’auteur ait dans un premier temps omis de signaler qu’il avait saisi la Commission interaméricaine et que, par la suite, il ne lui ait fourni aucun élément d’information à l’appui de son affirmation selon laquelle ladite plainte portait sur des faits et griefs différents. Par conséquent, compte tenu des circonstances de l’espèce, le Comité considère que la communication est irrecevable au regard de l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, car la même question est déjà en cours d’examen par la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui est une instance régionale de règlement des conflits, ainsi qu’au regard de l’article 3 du Protocole facultatif, en ce qu’il constitue un abus du droit de présenter des communications puisque l’auteur n’a pas présenté au Comité de renseignements sur la plainte qu’il avait déposée auprès de la Commission.

8.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 3 et 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.