Nations Unies

CCPR/C/128/D/2057/2011

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

21 mai 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2057/2011 * , **

Communication présentée par :

V. P.

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Bélarus

Date de la communication:

17 mai 2010 (lettre initiale)

Références:

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 2 mai 2011 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

13 mars 2020

Objet :

Impossibilité de faire appel de la décision d’un tribunal de première instance dans le cadre d’un contentieux électoral ; non-respect du droit à un procès équitable et absence de recours utile

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes ; fondement des griefs ; recevabilité ratione personae

Question(s) de fond :

Droit à un procès équitable ; recours utile

Article(s) du Pacte:

2 (par. 2 et 3) et 14 (par. 1)

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est V. P., de nationalité bélarussienne, né en 1969. Il affirme être victime d’une violation par le Bélarus des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec les paragraphes 2 et 3 b) de l’article 2 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est membre du Parti civique uni et président de la section régionale de Gomel de ce parti. En 2010, la section régionale de Gomel du Parti civique uni a élu la personne dont elle proposerait qu’elle siège à la Commission électorale de district, qui était en cours de constitution, en prévision des élections au conseil local de 2010. L’auteur soutient que sur les 13 membres de la Commission, 5 devaient être des représentants de partis politiques. Seuls quatre candidats avaient été proposés par des partis politiques, dont l’auteur, proposé par le Parti civique uni. Le 28 janvier 2010, le Présidium du Conseil des députés du district de Gomel et le Comité exécutif de Gomel ont pris une décision concernant la composition de la Commission, laquelle ne prévoyait pas que le représentant du Parti civique uni y siège.

2.2Le 30 janvier 2010, en sa qualité de président de la section régionale du parti de Gomel, l’auteur a, au nom du Parti civique uni, saisi le tribunal de district de Gomel d’une plainte concernant la décision du Conseil des députés et du Comité exécutif. Il y affirmait que les droits du Parti avaient été violés car son représentant n’avait pas été nommé à la Commission électorale de district. Il soutenait également que l’absence d’un représentant d’un parti démocratique à la Commission électorale compromettrait le processus électoral. Sa plainte a été rejetée le 4 février 2010. Le tribunal de district a conclu que la décision du Conseil des députés et du Comité exécutif avait été prise conformément à la loi.

2.3Le 5 février 2010, l’auteur a formé un recours en cassation devant la chambre civile de la Cour suprême. Le 10 février 2010, le tribunal régional de Gomel l’a informé par lettre que la décision du tribunal de district n’était pas susceptible de recours en cassation, conformément à l’article 343 du Code de procédure civile et à l’article 34 du Code électoral, qui disposent que la décision d’un tribunal de première instance concernant la décision d’un organe chargé de constituer une commission électorale passe immédiatement en force de chose jugée et n’est pas susceptible de recours.

2.4Le 1er mars 2010, l’auteur a saisi le Président de la Cour suprême d’un recours au titre de la procédure de contrôle. Son recours a été rejeté le 19 mars 2010. Après avoir examiné les griefs soulevés dans sa plainte, le Vice-Président de la Cour suprême a conclu qu’il n’y avait pas de motif de contester la décision du tribunal de district au titre de la procédure de contrôle. Le 23 mars 2010, l’auteur a soumis une plainte à la Cour constitutionnelle. Cette plainte a été rejetée le 5 avril 2010 au motif que le Conseil constitutionnel ne connaît pas des plaintes soumises par les particuliers.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que le refus des tribunaux internes d’examiner son recours en cassation contre la décision du tribunal de première instance viole son droit à ce que sa cause civile soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal de cassation compétent, indépendant et impartial, conformément au paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec les paragraphes 2 et 3 de l’article 2 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Par une note verbale du 28 décembre 2018, l’État partie a soumis ses observations, dans lesquelles il affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes car il n’a pas soumis de demande de contrôle au Bureau du Procureur, et que ses griefs sont irrecevables au regard des articles 2 et 3 du Protocole facultatif. L’État partie fait valoir que, bien que selon la législation en vigueur à l’époque, la décision du Conseil des députés et du Comité exécutif en date du 28 janvier 2010 n’était pas susceptible de recours en cassation, elle pouvait faire l’objet d’un recours au titre de la procédure de contrôle. Il affirme qu’au cours des neuf premiers mois de 2018, le Bureau du Procureur a soumis 180 contestations au titre de la procédure de contrôle, dont 173 ont été examinées par les tribunaux. Les tribunaux ont fait droit à 129 demandes de contrôle (74,5 %).

4.2En tant que représentant du Parti civique uni, l’auteur a saisi la Cour suprême d’une telle demande de contrôle. Le 19 mars 2010, après avoir vérifié que la décision du tribunal de première instance était légale et justifiée, la Cour suprême a rejeté cette demande. L’État partie conclut que l’auteur a bien eu la possibilité d’être entendu équitablement et que les griefs qu’il soulève au titre du paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec les paragraphes 2 et 3 de l’article 3 du Pacte, ne sont pas fondés.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.Le 15 avril 2019, l’auteur a soumis ses commentaires au sujet des observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la communication. En ce qui concerne l’observation de l’État partie selon laquelle il n’a pas soumis de demande de contrôle au Bureau du Procureur, il fait valoir que, selon la jurisprudence du Comité, cette procédure a un caractère discrétionnaire et n’est pas considérée comme un recours utile. L’auteur souligne qu’il a bien soumis une demande de contrôle au Président de la Cour suprême. Il souligne également que les données statistiques fournies par l’État partie n’indiquent pas le nombre de contestations soumises par le Bureau du Procureur ou par le Président de la Cour suprême au titre de la procédure de contrôle dans des affaires civiles concernant la protection des droits civils et politiques. L’auteur indique qu’il n’a pas connaissance de tel cas.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Comme le prévoit le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle il a été victime d’une violation du droit qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec les paragraphes 2 et 3 de l’article 2 du Pacte parce qu’il n’a pas eu accès à la juridiction de cassation. Le Comité constate toutefois, s’agissant des procédures internes menées, que l’auteur a engagé une action civile devant les tribunaux au nom du Parti civique uni, qui possède une personnalité juridique propre, affirmant qu’il y avait eu une violation des droits du Parti. L’auteur n’explique pas en quoi les droits que lui-même tient du Pacte ont été violés, et n’indique pas non plus quelles lacunes précises dans la procédure menée devant le tribunal de district de Gomel seraient constitutives d’une violation du paragraphe 1 de l’article 14. En conséquence, le Comité considère que la présente communication n’est pas suffisamment étayée et qu’elle est donc irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.