Nations Unies

CCPR/C/120/D/2326/2013/Rev.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

10 janvier 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations révisées adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par.4) du Protocole facultatif, concernant la communication no2326/2013 * , **

Communication présentée par :

N. K. (représentée par un conseil, Johannes Jeremias Weldam)

Au nom de :

L’auteure

État partie :

Pays-Bas

Date de la communication :

10 décembre 2013

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 9 janvier 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

18 juillet 2017

Objet :

Établissement obligatoire du profil génétique d’un enfant en conflit avec la loi

Question(s) de procédure :

Lis pendens

Questions(s) de fond :

Immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée, garanties d’une procédure régulière pour les enfants en conflit avec la loi

Article(s) du Pacte :

14 (par. 4) et 17

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 2 a))

1.L’auteure de la communication est N. K., de nationalité néerlandaise, née en 1994. Elle se dit victime d’une violation par l’État partie du paragraphe 4 de l’article 14, et de l’article 17 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 11 mars 1979. L’auteure est représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1Le 18 mars 2009, le juge des enfants du tribunal de district d’Almelo a reconnu l’auteure coupable d’un acte de violence publique − qui consistait en une agression verbale − et de vol en réunion, et l’a condamnée à trente-six heures de travaux d’intérêt général, remplaçables par une peine de dix-huit jours d’emprisonnement dans un centre de détention pour mineurs. Le même jour, le parquet du district a ordonné à l’auteure de se présenter au poste de police de son quartier pour se soumettre à un prélèvement d’ADN. Il agissait sur le fondement du paragraphe 1 de l’article 2 de la loi néerlandaise sur les tests ADN pour les condamnés (loi sur les tests ADN), qui oblige le procureur près le tribunal de première instance qui a rendu le jugement à ordonner le prélèvement d’un échantillon d’ADN sur les personnes ayant été reconnues coupables d’une infraction susceptible de justifier la mise en détention provisoire ou d’une infraction pour laquelle la loi prévoit une peine maximale d’au moins quatre années d’emprisonnement.

2.2Le 8 avril 2009, l’auteure s’est soumise à un prélèvement salivaire, qui devait permettre d’établir son profil génétique, lequel serait ensuite enregistré dans la base de données prévue à cet effet.

2.3.Le 17 avril 2009, l’auteure a introduit un recours devant le tribunal de district d’Almelo contre la décision d’établissement et d’enregistrement de son profil génétique, dénonçant une violation des droits qui lui étaient reconnus par l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et par les articles 3 (intérêt supérieur de l’enfant) et 40 (protection des enfants en conflit avec la loi pénale) de la Convention relative aux droits de l’enfant. L’auteure a également fait valoir que, compte tenu de son âge et puisqu’elle avait été reconnue coupable d’une infraction mineure de violence verbale, elle relevait de l’exception prévue au paragraphe 1 b) de l’article 2 de la loi sur les tests ADN. Selon cette disposition, le prélèvement d’ADN ne peut être ordonné si, « compte tenu de la nature de l’infraction ou des circonstances particulières dans lesquelles celle-ci a été commise, il peut être raisonnablement supposé que l’établissement et l’enregistrement du profil génétique ne seront d’aucune utilité aux fins de la prévention, de la détection, de la poursuite et du jugement des infractions pénales commises par l’intéressé ».

2.4Le 14 mai 2009, le tribunal de district d’Almelo, siégeant en formation de trois juges, a déclaré sans fondement le recours de l’auteure. Il a estimé que la loi sur les tests ADN n’établissait aucune distinction entre les adultes et les enfants condamnés et que l’exception prévue au paragraphe 1 b) de l’article 2 n’exigeait pas du procureur qu’il motive sa décision en y introduisant une argumentation sur le point de savoir si ladite exception s’appliquait au cas d’espèce. Le procureur devait toutefois indiquer différents éléments tels que la nature et la gravité réelle de l’infraction, ainsi que les circonstances dans lesquelles celle-ci avait été commise, la sévérité de la peine prononcée, et l’ampleur du risque possible de récidive, et donner des précisions complémentaires sur la situation personnelle de l’intéressé. L’auteure fait valoir qu’il n’existe pas de recours permettant de contester la décision rendue par la formation collégiale de trois juges du tribunal de district d’Almelo et qu’elle a donc épuisé tous les recours internes utiles qui lui étaient ouverts.

2.5Le 7 septembre 2009, l’auteure a introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme, dénonçant une violation de son droit au respect de la vie privée et familiale. Le 2 mai 2013, la Cour a déclaré la requête irrecevable.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme avoir fait l’objet d’une immixtion arbitraire dans sa vie privée, en violation de l’article 17 du Pacte. La loi sur les tests ADN ne permet pas au procureur de prendre en compte les différents intérêts en jeu. En témoigne, en l’espèce, le fait que le 26 novembre 2008, le procureur a, par erreur, adressé à l’auteure une convocation lui ordonnant de se soumettre à un test ADN, alors même qu’à cette date, celle-ci n’avait pas encore été reconnue coupable. Il semble que l’on ordonne de manière systématique l’analyse d’ADN, sans examiner les circonstances de chaque espèce. Les motifs justifiant l’application de l’exception prévue au paragraphe 1 b) de l’article 2 de la loi précitée ne sont pas examinés, sauf en cas de recours. Un recours peut être introduit dans un délai de quatorze jours à compter du prélèvement d’ADN, et porte sur l’établissement et l’enregistrement du profil génétique dans la base de données, et non sur le prélèvement lui-même.

3.2L’auteure avance que les autorités n’ont pas tenu compte de son intérêt supérieur ni du fait qu’elle était encore mineure au moment où le prélèvement d’ADN a été ordonné et réalisé, en violation du paragraphe 4 de l’article 14 du Pacte, qui dispose que la procédure applicable aux enfants en conflit avec la loi tient compte de leur âge et de l’intérêt que présente leur réadaptation. Elle avance également qu’il n’a pas été tenu compte de son âge aux fins de la pondération des intérêts en jeu dans la réalisation du prélèvement d’ADN.

3.3L’auteure affirme en outre que l’échantillon d’ADN n’a pas été prélevé par un médecin, mais par un officier de la police scientifique. Un échantillon d’ADN peut être prélevé par une personne qui n’est ni médecin ni infirmier si l’intéressé l’autorise expressément. Dans le rapport d’analyse génétique, il est indiqué que l’auteure n’a pas refusé de se soumettre au prélèvement effectué par un policier. L’auteure affirme toutefois qu’elle n’a pas signé le rapport, ni expressément donné son autorisation. Le rapport n’a été signé que par la personne qui a effectué le prélèvement et par un témoin, tous deux inspecteurs de la police scientifique d’Hengelo. Le fait que l’auteure n’ait pas pris l’initiative de refuser le prélèvement ne signifie pas qu’elle y a expressément consenti. On ne pouvait s’attendre à ce que l’auteure, mineure, sache qu’elle avait la possibilité de refuser le prélèvement. Quand bien même elle l’aurait su, on ne pouvait s’attendre à ce qu’elle prenne l’initiative de le faire, qui plus est en présence de deux policiers. L’auteure dit qu’on aurait dû lui expliquer qui allait effectuer le prélèvement et quelle méthode serait utilisée, et solliciter expressément son consentement au prélèvement de son ADN par la personne désignée. En outre, étant donné que l’auteure était mineure, le rapport aurait également dû être signé par un représentant légal.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.Le 27 février 2014, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication au motif que l’affaire avait déjà été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme. Il argue que, devant la Cour, l’auteure a affirmé que l’on n’avait pas tenu compte des différents intérêts en jeu avant de procéder au prélèvement de son ADN et que la manière dont ce prélèvement avait été effectué était contraire aux dispositions de la loi sur les tests ADN. La Cour a déclaré la requête irrecevable. Cette décision devrait être prise en compte par le Comité, puisque l’auteure a exposé des arguments semblables à ceux avancés devant le Comité : elle a invoqué les mêmes motifs et s’est référée, dans une certaine mesure, aux mêmes dispositions conventionnelles. Dans l’éventualité où le Comité parviendrait à des conclusions différentes de celles de la Cour, l’État partie se trouverait face à deux décisions contradictoires. Si le Comité déclarait la communication recevable, ou même fondée, les constatations du Comité seraient extrêmement difficiles à concilier avec les conclusions de la Cour.

Observations de l’État partie sur le fond

5.1Le 9 juillet 2014, l’État partie a relevé que l’auteure avait fait appel du jugement du 18 mars 2009 par lequel le tribunal de district l’avait condamnée à une peine de trente-six heures de travaux d’intérêt général ou de dix-huit jours d’emprisonnement. Le 4 mai 2010, la cour d’appel d’Arnhem a annulé le jugement rendu par le tribunal de district et, bien qu’elle ait estimé que la culpabilité de l’auteure avait été établie, a commué sa peine en une amende d’un montant de 100 euros ou en une peine de deux jours de détention dans un centre pour mineurs en conflit avec la loi. Cette décision était définitive. L’auteure, ainsi condamnée, ne relevait plus de la catégorie des « condamnés » au sens de l’alinéa c) de l’article premier de la loi sur les tests ADN. Le 11 juin 2010, le ministère public a donc demandé à l’Institut médico-légal des Pays-Bas de détruire le profil génétique de l’auteure. Le 18 août 2010, il a confirmé à celle-ci que l’échantillon de tissu qui avait été prélevé, ainsi que son profil génétique, avaient été détruits.

5.2S’agissant des griefs que l’auteure tire de l’article 17 du Pacte, l’État partie relève que si le droit au respect de la vie privée est reconnu par la législation néerlandaise, il n’est pas absolu. Le Comité a déjà déclaré que des immixtions pouvaient être autorisées à condition qu’elles soient légales, proportionnées et raisonnables, et qu’elles soient conformes aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte. La législation nationale répond à ces critères.

5.3La loi sur les tests ADN a pour objet de faciliter la prévention des infractions susceptibles d’être commises par des condamnés, ainsi que les enquêtes menées sur ces infractions et les poursuites auxquelles elles peuvent donner lieu. Le test ADN est un outil extrêmement efficace qui a grandement contribué au maintien de l’ordre ces dernières années. Le prélèvement de matériel génétique tel qu’il est autorisé par la loi précitée remplit donc une fonction légitime, à savoir qu’il permet de faire avancer les enquêtes menées sur des infractions pénales, et garantit les droits et les libertés d’autres personnes, telles que les victimes de crimes sexuels et de faits de violence graves. Aucun autre outil d’investigation ne permet à l’heure actuelle d’obtenir des résultats semblables. Le prélèvement d’ADN est donc une mesure appropriée et nécessaire dans une société démocratique.

5.4Les tests ADN ainsi prévus constituent une mesure proportionnée puisque la loi précitée garantit l’immixtion la plus réduite possible en limitant son champ d’application aux personnes ayant été condamnées à une peine privative de liberté, au placement dans un centre de détention pour mineurs ou à une peine de substitution pour des infractions dont la gravité peut justifier la mise en détention provisoire. On ne peut pas procéder au prélèvement de matériel génétique pour des infractions pénales de moindre gravité ou pour des infractions passibles d’une amende. Selon le paragraphe 1 b) de l’article 2 de la loi sur les tests ADN, on ne peut procéder au prélèvement d’échantillons de tissu, même en cas d’infraction grave, lorsqu’il peut être raisonnablement supposé que l’établissement et l’enregistrement du profil génétique ne seront d’aucune utilité aux fins de la prévention des infractions pénales susceptibles d’être commises par le condamné, des enquêtes menées sur ces infractions et des poursuites auxquelles elles pourront donner lieu. Le respect de cette règle peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. Par souci d’efficacité, la disposition en cause n’est toutefois appliquée qu’à titre exceptionnel, notamment lorsqu’il est véritablement impossible pour l’intéressé de récidiver (par exemple, en raison de lésions corporelles). Onne saurait se contenter, en la matière, d’une simple manifestation de repentir ou d’une promesse du condamné. La loi précitée fait obligation au procureur d’évaluer − dans une certaine mesure − les intérêts en jeu avant d’ordonner le prélèvement d’ADN. En l’espèce, le procureur n’a pas estimé que l’exception prévue s’appliquait ; il était, par conséquent, contraint d’imposer cette mesure à l’auteure. L’immixtion dans la vie privée de l’auteure était légale et proportionnée, cette dernière ayant été reconnue coupable d’une infraction grave − violence de rue −pour laquelle elle avait été condamnée à une peine de substitution.

5.5La loi sur les tests ADN donne au condamné la possibilité d’introduire un recours devant le tribunal de district contre l’établissement et l’enregistrement de son profil génétique. Un profil génétique ne peut être établi tant qu’il n’a pas été statué sur le recours introduit. La loi sur les tests ADN ne prévoit pas de voie de recours permettant de contester le prélèvement lui-même. Cette absence de voie de recours repose sur l’idée qu’une personne tombant sous le coup de la loi précitée subit essentiellement les conséquences de l’établissement et de l’enregistrement de son profil génétique, et non simplement du prélèvement de tissu. C’est pourquoi aucune voie de recours particulière ne permet de contester le prélèvement d’ADN. L’intéressé a toutefois la possibilité d’introduire une requête au civil. En l’espèce, l’auteure aurait ainsi pu saisir le juge des référés pour faire interdire le prélèvement au moyen d’une injonction au motif qu’en recueillant un échantillon de tissu aux fins de l’analyse d’ADN, l’État commettrait un acte illégal.

5.6La méthode d’obtention de l’échantillon d’ADN tient suffisamment compte des intérêts de la personne concernée. Le prélèvement, très peu invasif, respecte autant que possible l’intégrité physique ; des cellules sont recueillies sur la paroi interne de la joue à l’aide d’un écouvillon buccal. Cette méthode est utile et efficace dans le cadre des enquêtes menées sur des infractions pénales et le prélèvement d’ADN et l’enregistrement du profil génétique n’ont aucune conséquence néfaste pour la personne concernée, à condition que celle-ci ne commette pas de nouvelle infraction. L’échantillon de tissu et le profil génétique sont codés et conservés anonymement. Cette procédure s’applique tant aux adultes qu’aux enfants.

5.7L’immixtion dans la vie privée de l’auteure était légale. Cette dernière avait été reconnue coupable d’une infraction grave, à savoir de violence de rue, pour laquelle elle avait été condamnée à une peine de substitution. Le prélèvement de son ADN, qui trouvait son fondement dans la loi, visait un objectif légitime, et des garanties étaient prévues pour que cette mesure soit proportionnée.

5.8S’agissant du grief que l’auteure tire du paragraphe 4 de l’article 14 du Pacte, l’État partie estime que le prélèvement d’un échantillon de tissu aux fins de l’analyse d’ADN, ainsi que l’établissement du profil génétique de l’auteure et son enregistrement dans la base de données prévue à cet effet ne sont pas contraires à la disposition précitée.

5.9L’État partie indique que la loi sur les tests ADN ne s’applique pas aux enfants âgés de moins de 12 ans (âge de la responsabilité légale). Cette loi n’établit aucune distinction entre les enfants et les adultes ; il n’y a en effet aucune raison de distinguer juridiquement les uns des autres aux fins de la prévention des infractions pénales, et des enquêtes menées et des poursuites intentées en cas d’infraction de cette nature. Les dispositions de cette loi ne sont donc pas contraires à l’intérêt de l’enfant. Le procureur a toutefois la possibilité d’évaluer les intérêts en jeu avant d’ordonner le prélèvement d’un échantillon de tissu et les tribunaux de district peuvent à leur tour examiner le bien-fondé de son appréciation. Cela ne signifie pas que, dans une affaire donnée mettant en cause un mineur, le tribunal ne peut pas déclarer fondé un recours introduit contre l’établissement et l’enregistrement d’un profil génétique. On trouve dans la jurisprudence des cas dans lesquels le tribunal a estimé, après avoir examiné un recours de cette nature, qu’en l’espèce, la mesure contestée ne répondrait pas aux objectifs de la loi sur les tests ADN.

5.10S’agissant des griefs de l’auteure concernant la manière dont les échantillons ont été prélevés, l’État partie fait valoir que conformément à la loi sur les tests ADN, les échantillons de tissu doivent être prélevés par un médecin ou un infirmier. Le paragraphe 3 de l’article 3 du décret relatif aux tests ADN en matière pénale dispose toutefois que « sous réserve que le condamné n’y soit pas opposé, un officier de police judiciaire, désigné à cette fin par le procureur, […] qui satisfait aux conditions fixées par arrêté ministériel peut procéder au prélèvement d’échantillons de cellules buccales ou de follicules pileux ». L’article 8 du décret dispose que, pour satisfaire les conditions précitées, l’officier de police judiciaire : i) doit avoir suivi une formation sur le prélèvement d’ADN dispensée par la faculté d’enquête judiciaire et agréée par le Centre d’examen de la police ; ii) ne doit pas participer à l’enquête dans le cadre de laquelle est effectué le prélèvement. L’article 4 du décret prévoit que le prélèvement d’ADN doit être effectué en présence d’un officier de police judiciaire, qui doit rédiger un rapport officiel. Si le prélèvement n’est pas effectué par un médecin ou un infirmier, le rapport devrait indiquer que le condamné ne s’y est pas opposé. En l’espèce, le rapport officiel n’indique pas que l’auteure a exprimé un refus au moment du prélèvement. La loi n’exige pas l’obtention du consentement exprès de l’intéressé. Le simple fait que, dans un cas donné, un échantillon de tissu soit prélevé sur la personne d’un enfant ne saurait justifier que l’on applique une autre procédure. Qui plus est, l’auteure n’a pas démontré en quoi le fait que le prélèvement ait été effectué par un officier de police judiciaire l’avait pénalisée. Le condamné n’est pas tenu de signer le rapport de prélèvement d’ADN. Dans ce rapport, l’officier de police judiciaire consigne les procédures appliquées ou toute information portée à son attention. Étant donné que l’officier signe le rapport sur l’honneur, les informations que celui-ci contient doivent en principe être considérées comme exactes. Compte tenu de la nature du rapport, il n’est pas nécessaire de le faire signer par le condamné et, si celui-ci est un enfant, par son représentant. En outre, l’auteure n’a pas expliqué en quoi le fait de ne pas avoir signé le rapport était contraire à ses intérêts.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

6.1 Le 10 septembre 2014, l’auteure a fait observer que dans sa décision, la Cour européenne des droits de l’homme n’avait pas précisé les raisons pour lesquelles elle avait déclaré sa requête irrecevable. En outre, l’affaire n’était plus en instance devant la Cour.

6.2L’auteure relève que ni elle, ni ses représentants n’ont été informés de la destruction de son profil génétique et qu’elle n’a jamais reçu la lettre datée du 18 août 2010 qu’a évoquée l’État partie.

6.3L’auteure conteste les allégations de l’État partie selon lesquelles le stockage de son matériel génétique n’aurait pour elle aucune conséquence négative à moins qu’elle ne récidive. Elle note qu’une fois le matériel génétique stocké, il risque en effet d’être utilisé à mauvais escient. Selon une étude réalisée en 2011 à la demande du Ministère de la justice et de la sécurité, 1 700 erreurs ont ainsi été mises en évidence dans des documents de l’Institut médico-légal des Pays-Bas entre 1997 et 2010 ; ces erreurs concernaient 1,3 % des enquêtes menées pendant cette période.

6.4L’auteure conteste en outre l'allégation de l’État partie selon laquelle elle aurait été reconnue coupable d’une infraction grave de violence de rue, notant qu’il s’agissait simplement d’un « incident scolaire ». Dans son arrêt du 4 mai 2010, la cour d’appel d’Arnhem avait estimé qu’il s’agissait de « violence directe ». Elle avait considéré qu’il s’agissait d’un premier délit et que les parents de l’auteure et l’école avaient déjà puni l’auteure, qui du reste était encore très jeune au moment des faits. L’auteure précise qu’elle n’a pas été condamnée pour violence directe, mais uniquement pour vol, infraction pour laquelle elle avait été poursuivie par un autre service du parquet ; les jugements rendus dans les deux affaires avaient fait l’objet d’un recours commun devant la cour d’appel. La décision d’ordonner le prélèvement d’un échantillon de tissu et d’établir, puis d’enregistrer le profil génétique de l’auteure ne concernait pas l’infraction de vol. En outre, au vu de la peine prononcée en appel (une amende d’un montant de 100 euros), on peut conclure qu’il ne s’agissait pas d’une infraction grave.

6.5La loi sur les tests ADN ne fait aucune distinction entre les adultes et les enfants, ainsi que l’a admis l’État partie, et dans la pratique, on ne tient pas compte des intérêts de la personne concernée − même s’il s’agit d’un enfant − avant d’ordonner une analyse d’ADN. En réalité, les intérêts de la personne visée ne sont pris en considération que si celle-ci introduit un recours contre l’établissement et l’enregistrement de son profil génétique.

6.6L’auteure fait valoir, une fois de plus, qu’elle n’a pas été informée de son droit de refuser de se soumettre à un prélèvement salivaire réalisé par la personne désignée. On ne saurait s’attendre à ce qu’un enfant connaisse ses droits. L’État a donc l’obligation d’informer les enfants de leurs droits et d’obtenir leur consentement exprès ou celui de leur représentant. Lorsque le délinquant est un enfant, des garanties doivent être prévues aux fins de la prise en considération de son intérêt supérieur.

6.7L’auteure demande une indemnisation en réparation de la violation de ses droits et pour couvrir les honoraires de son avocat. Elle précise en outre être ouverte à la possibilité d’un règlement à l’amiable.

Observations complémentaires de l’État partie

7.1Dans sa lettre du 24 novembre 2014, l’État partie fait valoir, une nouvelle fois, que l’affaire a déjà été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme et que la question est désormais sans objet puisque le profil génétique de l’auteure a été détruit.

7.2Pour ce qui est des déclarations de l’auteure concernant les erreurs commises dans les analyses ADN, l’État partie fait observer que l’Institut médico-légal des Pays-Bas est habilité à pratiquer des tests ADN et que la qualité de son travail est soumise à des contrôles annuels. Le système de contrôle repose sur la consignation des anomalies ; on entend par « anomalies » aussi bien les problèmes techniques que les erreurs humaines ou encore l’altération d’échantillons, aucune de ces anomalies n’ayant de répercussions au regard du droit pénal. Les mesures prises pour remédier à ces anomalies sont également consignées. L’augmentation du nombre de signalements (1 900) au cours de la période considérée (1997-2010) s’explique simplement par l’augmentation du nombre d’analyses ADN réalisées chaque année et par l’usage d’un équipement de plus en plus sensible.

7.3L’État partie insiste sur le fait qu’un acte de violence de rue commis en réunion contre des personnes ne saurait être mis sur le compte de « l’impétuosité de la jeunesse ». Le juge des enfants du tribunal de district d’Almelo et la cour d’appel d’Arnhem ont tous deux estimé que la culpabilité de l’auteure était établie. La cour d’appel a tenu compte du fait que l’auteure n’avait pas de casier judiciaire et qu’elle était très jeune au moment des faits. C’est pour ces raisons qu’elle a réduit la peine prononcée, et non parce qu’elle a estimé que l’infraction commise était sans gravité.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la même affaire a déjà été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a rendu une décision d’irrecevabilité. Il fait cependant observer que l’affaire n’est plus en instance devant cette Cour. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que rien ne s’oppose à ce que la communication soit déclarée recevable au regard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.3Le Comité estime que l’auteure a suffisamment étayé les griefs qu’elle tire des articles 14 (par. 4) et 17 du Pacte aux fins de la recevabilité. En l’absence d’autres questions concernant la recevabilité, il déclare la communication recevable en ce qu’elle semble soulever des questions au regard du paragraphe 4 de l’article 14 et de l’article 17 du Pacte, et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité prend note de l’argument de l’auteure selon lequel le fait de l’avoir soumise à un test ADN constituait une immixtion arbitraire dans sa vie privée, contraire à l’article 17 du Pacte. L’auteure affirme, en particulier : que le procureur n’a tenu compte ni de son âge, ni de la nature de l’infraction dont elle avait été reconnue coupable lorsqu’il a ordonné qu’on la soumette à un test ADN ; que l’on ordonne de façon systématique l’analyse d’ADN, sans examiner les circonstances de chaque espèce ; que les recours existants ne portent pas sur le prélèvement lui-même.

9.3Le Comité estime que le prélèvement d’ADN à des fins d’analyse et de stockage dans une base de données qui pourrait être utilisée à l’avenir aux fins des enquêtes pénales est un acte suffisamment intrusif pour constituer une « immixtion » dans la vie privée de l’auteure au regard de l’article 17 du Pacte. Même si, comme l’indique l’État partie, le profil ADN de l’auteure a été détruit après la nouvelle condamnation en appel, le Comité considère que l’immixtion dans la vie privée de l’auteure s’était déjà produite. La question qui se pose est donc celle de savoir si une telle immixtion était arbitraire ou illégale au sens de l’article 17 du Pacte.

9.4Le Comité note que l’État partie fait valoir que la réalisation de tests ADN telle qu’elle est régie par la loi néerlandaise sur les tests ADN a un but légitime, qui est d’enquêter sur les infractions pénales graves, de poursuivre et juger leurs auteurs et de protéger les droits d’autrui, y compris les victimes potentielles de crimes violents ou sexuels. Elle est proportionnée, étant donné qu’elle permet de garantir une immixtion la plus réduite possible, l’échantillon étant prélevé selon la méthode la moins invasive ; que l’échantillon est stocké de façon anonyme pour une période de temps limitée ; que la procédure ne concerne que les personnes condamnées pour des infractions d’une certaine gravité ; et qu’elle est nécessaire dans une société démocratique, étant donné l’absence d’un autre outil aussi efficace pour prévenir ces crimes et enquêter sur ceux-ci.

9.5Le Comité rappelle que même une immixtion prévue par la loi doit être conforme aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte et être raisonnable eu égard aux circonstances particulières. Il rappelle que la notion d’« arbitraire » comprend des éléments tels que le caractère inapproprié, l’injustice, le manque de prévisibilité et le non-respect des garanties judiciaires, ainsi que les principes du caractère raisonnable, de la nécessité et de la proportionnalité. Même si, en société, la protection de la vie privée est nécessairement relative, les autorités publiques compétentes ne doivent pouvoir obtenir d’informations touchant la vie privée de l’individu que si ces informations sont indispensables dans l’intérêt de la société, au sens du Pacte. Même pour les immixtions qui sont conformes au Pacte, la législation pertinente doit exposer dans le détail les cas précis dans lesquels elles peuvent être autorisées. La décision de procéder à ces immixtions autorisées doit être prise par l’autorité désignée par la loi, et au cas par cas.

9.6En l’espèce, le Comité note que, le 18 mars 2009, l’auteure a été condamnée à trente-six heures de service communautaire pour un acte de violence verbale et de vol. Le même jour, le Procureur de district a ordonné qu’elle soit soumise à des tests ADN et l’échantillon de tissu a été prélevé le 8 avril 2009. Bien que l’État partie ait fourni des explications sur le contenu et l’application générale de la loi sur les tests ADN, il n’a pas indiqué pourquoi il était nécessaire, compte tenu de l’objectif légitime déclaré par l’État partie, de soumettre l’auteure à un test ADN obligatoire, au vu de sa participation aux actes criminels et de la nature de ces actes.

9.7Le Comité note que l’auteure indique qu’en vertu de la loi sur les tests ADN, ces tests sont automatiquement ordonnés pour les personnes qui font l’objet d’une peine privative de liberté, d’une ordonnance de détention pour mineurs ou d’une peine de substitution pour une infraction dont la gravité peut justifier une détention avant jugement. L’État partie a reconnu que cette loi ne prévoyait qu’un examen limité des intérêts par le ministère public avant l’émission de l’ordonnance de prélèvement d’ADN. Le Comité note en outre que, comme le reconnaît l’État partie, même si le paragraphe 1 b) de l’article 2 de la loi sur les tests ADN prévoit des exceptions à la réalisation des tests, celles-ci sont interprétées de manière très restrictive et ne prennent pas en considération, par exemple, l’âge du délinquant. Selon l’État partie, le paragraphe 1) b) de l’article 2 de la loi s’applique uniquement dans des cas exceptionnels, par exemple dans les cas où il est effectivement impossible pour la personne de récidiver (en raison de lésions corporelles, par exemple) (voir par. 5.4 ci-dessus).

9.8Le Comité note également que la loi ne prévoit pas de recours contre le prélèvement d’un échantillon de tissu mais seulement contre l’établissement et l’enregistrement du profil ADN de la personne. L’État partie fait valoir que la personne concernée peut introduire une requête au civil contestant le prélèvement d’un échantillon de tissu au motif que l’État commet un acte illégal en obtenant un échantillon aux fins de test ADN. Cependant, l’État partie n’a pas démontré qu’un tel recours serait efficace, compte tenu, en particulier, du fait que le prélèvement d’échantillons de tissu est « légal » en droit interne. Le Comité note également qu’il n’y a pas de recours possible contre une décision de justice rejetant l’objection à l’établissement du profil ADN d’une personne.

9.9Le Comité note que l’État partie considère qu’un prélèvement d’ADN n’implique qu’une immixtion très minime dans la vie privée, car l’échantillon de tissu et le profil ADN sont codés et stockés de manière anonyme. Toutefois, le Comité note également que l’échantillon de tissu et le profil sont conservés pendant trente ans en cas d’infraction grave, et vingt ans pour les infractions de moindre gravité.

9.10 Enfin, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la loi n’établit pas de distinction entre enfants et adultes parce qu’il n’y a aucune raison d’opérer cette distinction aux fins de la prévention, des enquêtes et des poursuites concernant les infractions pénales, et la loi n’est pas contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Comité considère toutefois que les enfants diffèrent des adultes par leur degré de développement physique et psychologique, ainsi que par leurs besoins affectifs et éducatifs. Comme le disposent, entre autres, les articles 24 et 14 (par. 4) du Pacte, les États parties ont l’obligation de prendre des mesures spéciales de protection. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions prises au titre de l’administration de la justice pour mineurs. Une attention particulière devrait être accordée à la nécessité de protéger la vie privée des enfants dans les procès pénaux. Comme l’a expliqué l’auteure, son âge n’a jamais été pris en considération, y compris tout au long du processus de prélèvement d’échantillons de tissu, durant lequel elle n’a pas été informée qu’elle avait le droit d’objecter au prélèvement de l’échantillon par un policier, ni qu’elle pouvait être accompagnée par son représentant légal.

9.11En conséquence, le Comité considère que, bien que licite en droit interne, l’immixtion dans la vie privée de l’auteure n’était pas proportionnée au but légitime de prévention et d’enquête sur les crimes graves. En conséquence, il conclut que cette immixtion a été arbitraire et contraire à l’article 17 du Pacte.

9.12Ayant conclu à une violation de l’article 17 du Pacte, le Comité décide de ne pas examiner séparément les griefs que l’auteure tire du paragraphe 4 de l’article 14.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 17 du Pacte.

11.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux personnes dont les droits au titre du Pacte ont été violés un recours utile et une réparation intégrale. En l’espèce, l’État partie est notamment tenu d’accorder à N. K. une indemnisation appropriée. Il est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans la langue officielle de l’État partie.

Annexe I

Opinion individuelle (dissidente) de Yadh Ben Achour

1.Dans la présente affaire (no 2326/2013, N. K. c. Pays-Bas), le Comité a retenu une violation de l’article 17 du Pacte, au motif que l’immixtion de l’État partie, du fait du prélèvement par frottis buccal d’un échantillon cellulaire ordonné par un procureur en vue d’établir le profil ADN de l’auteure, constituait une ingérence disproportionnée. Cette immixtion est jugée disproportionnée par rapport au but légitime recherché par la loi néerlandaise sur les tests ADN, qui consiste à prévenir et poursuivre les crimes graves. Je voudrais expliquer dans la présente opinion les raisons pour lesquelles je suis en désaccord avec le Comité.

2.Je voudrais d’emblée souligner que le présent cas n’est pas similaire à celui qui a été jugé par la Cour européenne des droits de l’homme, le 4 décembre 2008, en l’affaire S. et Marper c. Royaume-Uni, et qui semble avoir eu quelque influence sur les présentes recommandations. En effet, dans l’affaire S. et Marper, les requérants reprochaient aux autorités d’avoir « conservé leurs empreintes digitales, échantillons cellulaires et profils génétiques après la conclusion, respectivement par un acquittement et par une décision de classement sans suite, des poursuites pénales menées contre eux ». La différence est de taille, à tous points de vue.

3.Comme le Comité le reconnaît, l’ingérence en question répond à toutes les conditions de validité requises normalement pour les restrictions aux droits fondamentaux reconnus par le Pacte. Elle est prévue par la loi, répond à un but légitime et présente des garanties suffisantes (détermination précise du champ d’application de la loi sur les tests ADN, test ordonné par un organe judiciaire, possibilité d’objection au prélèvement, recours toujours possible devant un tribunal, anonymat et limitation dans le temps de la conservation des données). Elle respecte par conséquent les prérequis d’une société démocratique. Le Comité ne reproche pas tant à la loi elle-même mais à l’acte de prélèvement et son stockage d’être disproportionnés. C’est ce point qui me paraît discutable. Ni la loi, ni l’ordre du Procureur de procéder au prélèvement, ni son effet dans le temps sur les droits de l’auteure, ne présentent un caractère disproportionné par rapport à l’objectif recherché.

4.Tout d’abord, le Comité lui-même a estimé que le prélèvement d’échantillons cellulaires pour établir le profil ADN était justifié et a été jugé comme nécessaire dans une société démocratique. Par ailleurs, le prélèvement d’échantillon ADN par frottis de l’épithélium buccal n’est pas une atteinte invasive, mais une intervention minimale, en particulier si on l’évalue par rapport au but légitime recherché par la loi. L’auteure reproche à l’État partie de ne pas avoir tenu compte de son âge et de l’intérêt supérieur de l’enfant, internationalement protégé. Cependant, dans son arrêt du 4 mai 2010, la cour d’appel n’a pas ignoré l’âge de la requérante (par. 6.4). Ensuite, la conservation des données est anonyme et n’est donc pas de nature à constituer une atteinte à la vie privée. Par ailleurs, cette conservation des données est limitée dans le temps. Enfin, et surtout, les données personnelles conservées dans la banque de données génétiques concernant l’auteure ont été supprimées, après l’arrêt de la cour d’appel d’Arnhem du 4mai 2010, réduisant les peines prononcées en première instance.

5.Pour rejeter l’argument de l’État partie concernant la destruction des données relatives à l’auteure après l’arrêt de la cour d’appel, le Comité considère que : « Même si, comme l’indique l’État partie, le profil ADN de l’auteure fut plus tard détruit à la suite de la nouvelle condamnation en appel, […] l’ingérence dans la vie privée de l’auteure avait déjà eu lieu ». Certes, le prélèvement « avait déjà eu lieu », mais la situation doit être appréciée globalement et dans son ensemble. Nous ne pouvons pas objectivement apprécier ce cas, si l’on procède par fragmentation chronologique, en se focalisant sur le fait que le prélèvement a déjà eu lieu et en oubliant que ce même acte a été tout simplement annulé et réparé par le jeu des mécanismes internes de l’État partie. Pour cette raison, plus aucun reproche ne peut être adressé à l’État partie.

6.Pour l’ensemble des considérations présentées aux paragraphes 3, 4 et 5, le principe de proportionnalité a donc été respecté. Le Comité n’a pas donné suffisamment de poids à l’ensemble de ces données.

Annexe II

Opinion individuelle (partiellement concordante et partiellement dissidente) de Yuval Shany

1.Je regrette de ne pouvoir partager entièrement le raisonnement qui a amené la majorité des membres du Comité à conclure que l’État partie avait violé les droits reconnus à l’auteure par l’article 17 du Pacte.

2.Je souscris entièrement à l’idée selon laquelle l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions prises au titre de l’administration de la justice pour mineurs et l’importance voulue doit être accordée aux besoins physiques, psychologiques, affectifs et éducatifs particuliers de l’enfant (par. 9.10). J’estime par conséquent que l’État partie aurait dû faire bénéficier l’auteure de mesures spéciales de protection dans le cadre de la procédure de prélèvement de son échantillon d’ADN, notamment en veillant à ce qu’elle ait la possibilité d’objecter au prélèvement par un officier de police et à ce qu’elle puisse être accompagnée par un représentant légal au moment du prélèvement. J’admets que l’État partie semble ne pas s’être acquitté de son obligation de prendre des mesures spéciales de protection − il n’a pas contesté le grief de l’auteure selon lequel ni elle, ni son représentant légal n’ont été informés du droit d’objecter au prélèvement de l’échantillon d’ADN par un officier de police − et qu’en conséquence, la soumission de l’auteure à un prélèvement salivaire aux fins du prélèvement de l’échantillon peut avoir entraîné, dans les circonstances de l’espèce, une violation de l’article 17 du Pacte.

3.Je ne suis en revanche pas convaincu par l’affirmation de la majorité des membres selon laquelle la décision même de prélever et de conserver un échantillon d’ADN de l’auteure ne satisfaisait pas à l’obligation de protection spéciale due à celle-ci.

4.Bien que la loi néerlandaise sur les tests ADN n’établisse pas de distinction entre les enfants et les adultes délinquants, une telle distinction est inhérente à son application. Dans la mesure où cette loi s’applique aux personnes qui ont été reconnues coupables d’une infraction grave (passible d’une peine maximale d’au moins quatre années d’emprisonnement) et qui ont été condamnées à une peine de privation de liberté, elle s’applique uniquement aux jeunes délinquants dont la conduite a été estimée suffisamment grave par la justice des mineurs pour justifier une privation de liberté selon les normes juridiques appliquées par le système de justice pour mineurs. Il n’a pas été porté à notre connaissance d’allégation selon laquelle l’âge de l’auteure n’aurait pas été dûment pris en considération par la justice des mineurs dans la détermination de sa peine, et, par extension, dans la détermination de l’applicabilité à l’auteure de la loi sur les tests ADN. En réalité, la décision prise par la Cour d’appel d’Arnhem le 4 mai 2010 de commuer la peine de travaux d’intérêt général en une amende a eu pour conséquence que la loi sur les tests ADN a cessé de s’appliquer à l’auteure et que son échantillon d’ADN a été détruit.

5.En outre, l’auteure n’a pas été en mesure de réfuter l’argument de l’État partie (par. 5.9) selon lequel les tribunaux nationaux pouvaient déclarer fondé un recours contre le prélèvement d’échantillons d’ADN de mineurs délinquants compte tenu de leur âge et des circonstances de l’infraction et l’avaient fait dans le passé. Il n’est en outre pas contesté qu’un tribunal national a examiné la situation personnelle de l’auteure au moment de décider si une exception à l’application de la loi était justifiée et qu’il a conclu que ce n’était pas le cas (par. 2.4).

6.Je ne peux donc pas souscrire à l’affirmation de la majorité des membres selon laquelle les autorités de l’État partie n’ont pas pris en considération l’âge de l’auteure dans la décision de prélever un échantillon de son ADN.

7. En outre, il ne nous a pas été soumis d’informations qui devraient nous amener à remettre en question l’affirmation de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle le système de base de données choisi par les Pays-Bas pour enregistrer les profils génétiques offre des garanties suffisantes s’agissant du respect de la vie privée (les données sont codées et stockées de manière anonyme et sont utilisées uniquement aux fins de la résolution d’affaires criminelles), même dans le cas de mineurs.

8. Compte tenu de ce qui précède, je ne considère pas qu’il soit établi que l’équilibre trouvé par l’État partie, dans les circonstances particulières de l’espèce, entre la nécessité de protéger le public de la récidive de comportements criminels et la nécessité d’accorder aux mineurs des protections de la vie privée adaptées à leur âge a été déraisonnable. En conséquence, je ne souscris pas à la conclusion du Comité selon laquelle la décision même de prélever un échantillon d’ADN de l’auteure a violé les droits reconnus à celle-ci par l’article 17 du Pacte.