Nations Unies

CCPR/C/126/D/2306/2013

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 août 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2306/2013 * , **

Communication présentée par :

V. K.(nonreprésentéparunconseil)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Fédération de Russie

Date de la communication :

21 septembre 2013 (date de la lettre initiale)

Références :

Décisionpriseenapplicationdel’article92duRèglementintérieurduComité,communiquéeàl’Étatpartiele3décembre2013(nonpubliéesouslaformededocument)

Date de la décision :

26 juillet 2019

Objet :

Tortureetdétentionillégale

Question(s) de procédure :

Défautdefondementdesgriefs,non‑épuisementdesrecoursinternes

Question(s) de fond :

Torture,détentionillégale,vieprivée,conditionsdedétention

Article(s) du Pacte :

2(par. 3b)),5(par. 2),7,9,14(par. 3e)etg)etpar. 5),17(par. 1)et23

Article(s) du Protocole facultatif :

2et5(par. 2b))

1.L’auteur de la communication est V. K., de nationalité russe, né en 1978. Il affirme que la Fédération de Russie a violé les droits qu’il tient des articles 2 (par. 3 b)), 5 (par. 2), 7, 9, 14 (par. 3 e) et g) et par. 5), 17 (par. 1) et 23 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la Fédération de Russie le 1er janvier 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En 2010, l’auteur travaillait comme agent pénitentiaire dans le village de Chkalovsk, situé dans le territoire du Primorié, en Fédération de Russie. Le 31 août 2010, vers 20 heures, alors qu’il était en service, il a été arrêté par des inconnus. Sans présenter de décision d’un tribunal ni de mandat d’arrêt, ces inconnus l’ont menotté, l’ont forcé à monter dans leur voiture et l’ont conduit à son domicile. Ils ont fouillé son appartement pendant environ une heure et l’ont menacé de « le conduire, tel qu’il était, en uniforme, dans un centre de détention temporaire et de l’enfermer dans une cellule avec des criminels endurcis ». La perquisition a été menée sans qu’un tribunal ou un procureur ait délivré un mandat.

2.2L’auteur a ensuite été conduit dans la ville de Spassk-Dalny. Dans la nuit du 31 août 2010, sans qu’un conseil soit présent, des policiers l’ont contraint à avouer qu’il avait vendu de la drogue. Ils l’ont menotté et menacé de dire, s’il n’avouait pas, que de la drogue avait été trouvée chez lui et que son père était impliqué dans le trafic. Ils ont affirmé qu’ils étaient capables de tout, surtout pour venger leurs collègues, et ont dit à l’auteur qu’il n’aurait pas dû témoigner contre eux. Ils ne lui ont pas permis de prendre ses médicaments pour son ulcère et sa pancréatite chronique. Ils l’ont forcé, par la torture, à avouer par écrit qu’il avait vendu de la drogue à V. V., un agent de l’organisme russe de contrôle des stupéfiants. Ensuite, ils l’ont laissé partir.

2.3Le 9 septembre 2010, un enquêteur a informé l’auteur des accusations portées contre lui. Il a refusé d’enregistrer sa déclaration concernant les circonstances exactes dans lesquelles les aveux avaient été obtenus. Par la suite, l’auteur et sa famille ont commencé à recevoir des menaces, ce que l’auteur a mentionné au cours des audiences. Toutefois, le procureur et le tribunal n’ont pris aucune mesure. Le tribunal a en particulier refusé d’écouter l’enregistrement que l’auteur avait fait de sa conversation avec les policiers qui l’avaient menacé chez lui. L’auteur affirme en outre que ses déclarations n’ont été que partiellement reflétées dans les minutes du procès, qui reproduisaient en grande partie l’acte d’accusation.

2.4L’auteur affirme aussi qu’en violation de ses droits, plusieurs témoins, dont V. V., n’ont pas été interrogés par le tribunal du district de Spassky. De plus, les déclarations de V. V. ont été lues au cours de l’audience, alors que l’auteur s’y était opposé. L’auteur a contesté la teneur des minutes devant le tribunal du district de Spassky, auquel il a également demandé de lui fournir une copie des objections qu’il avait formulées et d’autres documents pertinents. Le tribunal n’a toutefois pas accédé à sa requête, alors qu’il avait mis ces documents à la disposition du chef du Bureau du procureur du district de Spassky.

2.5Le 2décembre2011,letribunaldudistrictdeSpasskyadéclarél’auteurcoupabledetentativedeventededrogues,envertuduparagraphe3del’article30etdesparagraphes1 et 3 de l’article 228 du Code pénal de la Fédération de Russie, et l’a condamné à une peine de huit ans et six mois d’emprisonnement. À l’issue du jugement et de la condamnation, l’auteur a été placé en détention dans le centre de détention provisoire 4 (ci-après « le SIZO-4 ») de Spassk-Dalny. Il affirme que la déclaration de culpabilité n’était étayée par aucune preuve, telle que des empreintes digitales, que l’enregistrement audio n’a pas été examiné par le tribunal, que V. V., le principal témoin qui avait agi en tant qu’acheteur, n’avait pas été interrogé à l’audience, et que lui-même était au travail au moment des faits, de sorte qu’il avait un alibi.

2.6Le 27 février 2012, le tribunal du territoire du Primorié a confirmé la condamnation de l’auteur en appel. L’auteur affirme que ses plaintes concernant les aveux forcés et les menaces continues n’ont été prises en compte ni par le tribunal du territoire du Primorié, ni ensuite par le Président de ce même tribunal dans le cadre du recours au titre de la procédure de contrôle, pas plus que par la Cour suprême de la Fédération de Russie, le Conseil présidentiel pour les droits de l’homme et la Douma d’État.

2.7À une date non précisée, l’auteur, a tenté d’envoyer à la Cour européenne des droits de l’homme, depuis le SIZO-4, une requête dans laquelle il se plaignait de ses conditions de détention. Il avançait, en particulier, que sa cellule était mal éclairée, que le couchage était très inconfortable, que l’eau était de mauvaise qualité et qu’il était interdit de recevoir de membres de la famille d’autres fruits que des pommes. Il affirmait en outre que son état de santé s’était détérioré, en particulier parce que la nourriture était de mauvaise qualité et qu’il ne pouvait pas suivre un régime spécial et un traitement médical régulier, et notamment avoir des rendez-vous médicaux. Il avait commencé à souffrir d’hémorroïdes en détention. Un jour, le directeur du SIZO-4 est venu le voir et lui a dit, en lui montrant l’enveloppe ouverte contenant sa requête devant la Cour européenne, qu’aucune plainte faisant état de torture ou de toute autre violation qui se serait prétendument produite dans le centre ne serait envoyée. Le directeur a ajouté que c’était le procureur CH., qui avait pris part au procès de l’auteur, qui était chargé de contrôler le SIZO-4 et que l’état de santé de l’auteur pourrait se détériorer à cause de ses plaintes. Par la suite, deux autres personnes du SIZO-4 ont averti l’auteur qu’il n’avait pas intérêt à se plaindre s’il ne voulait pas qu’il lui arrive des choses en détention.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que les faits décrits précédemment démontrent qu’il a été victime d’une violation par l’État partie des droits qu’il tient des articles 2 (par. 3 b)), 5 (par. 2), 7, 9, 14 (par. 3 e) et g) et par. 5), 17 (par. 1) et 23 du Pacte. Il affirme en outre, sans se référer à une disposition du Pacte en particulier, que son droit à la défense n’a pas été respecté.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dansdesnotesverbalesdatéesdu29janvier,du16juilletetdu24novembre2014,l’Étatpartieaprésentésesobservationssurlarecevabilitéetlefonddelacommunication.Ilrappelleque,le2décembre2011,l’auteuraétécondamnépouravoirtentédevendredesstupéfiantsinterditsenquantitéstrèsimportantes.L’auteursoutientqu’iln’apascommiscetteinfraction,qu’onl’aforcéàavoueretquesesdroitsontétévioléspendantsadétention.

4.2Aucoursdel’enquêteetdesaudiencesautribunal,l’auteurareconnuqu’ilavaitdonnéuneseringuecontenantdesstupéfiantsàplusieurshommesqu’ilneconnaissaitpas,maisaniéavoirreçudel’argentenéchange.Pendantlesaudiences,ilaaffirméquel’enquêteurl’avaitcontraintàsignerdesaveux.Lajuridictiondepremièreinstance,àsavoirletribunaldudistrictdeSpassky,arejetésesargumentsetl’adéclarécoupabledesfaitsquiluiétaientreprochés.Le27février2012,lajuridictiondecassationaconfirmélejugementetlapeine.Le10décembre2012etle29janvier2013,letribunalduterritoireduPrimoriéarejetélademandederéexamenprésentéeparl’auteurautitredelaprocéduredecontrôle.Le29août2013etle11juillet2014,laCoursuprêmedeFédérationdeRussieaelleaussirejeté une telle demande. L’auteur ne dispose actuellement d’aucune autre voie de recours.

4.3L’État partie note que l’auteur n’a jamais formulé de plainte concernant « le recours à des méthodes illégales d’enquête », ni auprès du Bureau du procureur ni auprès des enquêteurs. Au cours de son séjour au SIZO-4, il n’a jamais déposé de plainte auprès de l’administration du centre au sujet de conditions de détention « inappropriées », notamment en ce qui concerne les conditions de vie et l’accès aux services médicaux. Au cours de sa détention à la colonie pénitentiaire no 3, située dans la région d’Irkoutsk, il n’a pas non plus déposé de plainte auprès de l’administration de la prison, des tribunaux, du Bureau du procureur ou de tout autre organisme public. Il n’a donc pas épuisé tous les recours internes disponibles et la communication qu’il a présentée au Comité devrait donc être considérée comme irrecevable.

4.4S’agissant du fond, l’État partie affirme que les droits de l’auteur ont été respectés tout au long de l’enquête et de sa détention. En application du paragraphe 3 de l’article 182 du Code de procédure pénale, toute perquisition au domicile d’une personne doit être réalisée sur décision de justice. Le mandat de perquisition est délivré à la demande de l’enquêteur, qui doit solliciter l’autorisation d’un procureur ou du responsable de l’entité chargée de l’enquête. Les demandes de mandat de perquisition doivent être examinées par un juge dans les vingt-quatre heures suivant leur dépôt. Conformément au paragraphe 5 de l’article 165 du Code de procédure pénale, lorsque la perquisition et la saisie ne peuvent être ni reportées ni retardées, dans des circonstances exceptionnelles, elles peuvent être réalisées sans mandat judiciaire.

4.5En pareil cas, l’enquêteur dépose une notification auprès du tribunal concerné et du procureur dans les vingt-quatre heures suivant la perquisition non autorisée. Le tribunal examine alors la légalité des actions en question et rend une décision. Si la perquisition est considérée comme illégale, les preuves ainsi obtenues sont déclarées irrecevables par la justice, conformément à l’article 75 du Code de procédure pénale. Le 31 août 2010, entre 20 h 30 et 21 h 30, le logement de l’auteur a été fouillé sur décision de l’enquêteur, qui a estimé que les circonstances étaient telles que la perquisition ne pouvait être différée. L’auteur lui‑même, ainsi que deux témoins, étaient présents pendant la perquisition. L’auteur s’est vu présenter une décision concernant la perquisition et on lui a expliqué qu’il avait le droit d’être assisté d’un conseil et de ne pas s’auto-incriminer. Il ressort clairement des procès‑verbaux que l’auteur a refusé de bénéficier de l’assistance d’un avocat.

4.6En application de l’article 52 du Code de procédure pénale, le suspect ou l’accusé a le droit de refuser de bénéficier de l’assistance d’un avocat à tout moment de l’enquête. Ce droit n’est accordé qu’au suspect ou à l’accusé, dont la décision doit être officialisée par écrit. Si le refus est annoncé au cours de l’enquête, l’enquêteur doit le consigner dans le procès-verbal. Le 1er septembre 2010, l’enquêteur a informé un juge du tribunal du district de Spassky de la perquisition menée le 31 août et, le 2 septembre, le juge a déclaré que celle-ci était valide.

4.7LePactedisposequechacunaledroitd’interrogerlestémoinsetd’obtenirquedestémoinsàdéchargecomparaissentdanslesmêmesconditionsquelestémoinsàcharge.Selonleprocès-verbaldesoninterrogatoire,V. V.,témoinquiétaitaumomentdesfaitsunagentchargédesinfractionsliéesauxstupéfiants,aexpliquéqu’ilparticipaitàuneenquêteimpliquantdes«achats-test».Ilaaffirméque,le14juillet2010,sonpartenaire,E.A.,etlui‑mêmeavaientachetédesstupéfiantsàquelqu’unquisefaisaitappelerViktor.V. V.aétérenvoyédelapolicele11mai2011.Ilnes’estpasprésentéautribunalpourtémoignerauxaudiencesquidevaientsetenirle13mai,les1eret30aoûtetles16et27septembre2011.Ces audiences ont donc été reportées et la justice a ordonné des mesures supplémentaires visant à garantir la présence du témoin. V. V. n’a toutefois pas été retrouvé.

4.8En application du paragraphe 1 de l’article 281 du Code de procédure pénale, les dépositions des témoins ou des victimes peuvent être lues pendant l’audience avec l’accord du prévenu et du procureur, si la présence du témoin ou de la victime en question ne peut être garantie. Le 11 octobre 2011, le tribunal a demandé s’il y avait une quelconque objection à ce qu’il soit donné lecture de la déposition de V. V. Aucune objection n’a été exprimée et la déposition a été lue. L’auteur et son avocat n’ont formulé aucune objection. Ils ont en outre posé des questions à E. A., qui avait participé à « l’achat-test », ainsi qu’à un autre agent, S. A., et à un témoin, R. K.

4.9À l’issue de la première perquisition, l’auteur a été interrogé en tant que suspect, en présence d’un avocat, et il a reconnu à ce moment-là qu’il avait manié des stupéfiants le 14 juillet 2010. Il n’a toutefois pas indiqué que les policiers avaient été violents ou menaçants envers lui.

4.10Dans sa communication au Comité, l’auteur affirme qu’il a été inculpé le 9 septembre 2010 et qu’au cours des interrogatoires, il a dit aux enquêteurs qu’il avait avoué sous la contrainte, que ses proches recevaient des menaces, qu’il n’avait jamais manié de drogues et qu’il n’en n’avait jamais donné à personne. Le procès-verbal indique néanmoins que l’auteur a été inculpé le 10 septembre 2010 et que son avocat était présent ce jour-là, et il ne fait état d’aucun mauvais traitement infligé à l’auteur. Au cours de cet interrogatoire, l’auteur a pleinement admis sa culpabilité. Pendant un interrogatoire mené le 26 octobre 2010, il a reconnu qu’il avait vendu de la drogue. Lors d’un autre interrogatoire, le 16 février 2011, il a confirmé ses déclarations précédentes. Tous les procès-verbaux sont signés par l’auteur et par son avocat.

4.11Lorsqu’il a été entendu au tribunal (minutes de l’audience du 13 mai 2011), l’auteur a, une fois encore, reconnu sa culpabilité. L’État partie affirme donc qu’il n’y a pas eu violation des droits que l’auteur tient du Pacte.

4.12Après avoir soumis sa communication au Comité, l’auteur a également déposé une plainte datée du 19 mai 2014 contre les enquêteurs chargés de l’affaire, affirmant qu’ils avaient outrepassé leurs pouvoirs. En conséquence, le 22 octobre 2014, le Bureau du procureur de Spassk-Dalny a ouvert une enquête, qui est toujours en cours, et aucune décision définitive n’a été prise.

4.13L’Étatpartieconfirmeque,entrele18juinetle2juillet2014,l’auteuraétéprisenchargeparl’hôpitalno1dusystèmepénitentiairefédéralpourune«exacerbationdesacholécystitelithiasiquechronique».Ilaétésoignéetapusortirdel’hôpital.Onluiaditdesuivrelesrecommandationsdumédecin,notammentd’observerunrégime.Enconséquence,onluiaservidesalimentsmoinsgrasetmoinsépicés.L’auteurnes’estpasplaintdelanourritureàl’administrationdelaprison.Ilestrégulièrementexaminépardesmédecins.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond, l’auteur affirme qu’il a avoué parce qu’il avait été « torturé et menacé », mais que le tribunal n’a pas tenu compte de ses plaintes et que cela apparaît dans les minutes. L’auteur affirme également qu’il détient des enregistrements audios sur CD de ses conversations avec des policiers. Il a demandé que ce CD fasse l’objet d’une analyse technique et scientifique qui permette de déterminer si les voix appartenaient bien aux policiers, mais sa demande a été rejetée.

5.2Toutes les plaintes que l’auteur a déposées depuis qu’il est au SIZO-4 ont été envoyées au Bureau du procureur. Cependant, celui-ci a toujours cherché à protéger les agents de cet établissement. L’auteur s’est plaint du manque de soins médicaux et des conditions de détention au SIZO-4, mais toutes ses requêtes sont restées lettre morte. À l’appui de ce qu’il avance, l’auteur fait parvenir une copie des plaintes envoyées au Bureau du procureur le 16 décembre 2011 et le 30 janvier 2012.

5.3L’auteur appelle en outre l’attention sur le fait que l’infraction présumée a été commise le 14 juillet 2010 selon les autorités et que la perquisition a été réalisée le 31 août 2010. Le but de la descente nocturne était d’emmener l’auteur au poste de police de Spassk‑Dalny, de le soumettre à la torture et de le contraindre à signer des aveux. L’auteur s’en est d’ailleurs plaint pendant les audiences au tribunal. Il présente les copies de deux plaintes, datées de mars et de juillet 2014, mais affirme n’avoir jamais reçu de réponse.

5.4L’auteur affirme également que V. V., le policier qui avait fait office d’« acheteur », a par la suite été renvoyé de la police parce qu’il avait falsifié des preuves dans le cadre d’une enquête sur une affaire de stupéfiants. Il ne pouvait pas témoigner au tribunal parce qu’à ce moment-là, il était en fuite et recherché par les autorités.

5.5L’auteur soutient en outre qu’il a été libéré après avoir été détenu une première fois pendant vingt-quatre heures et qu’il a dû parcourir 50 kilomètres pour rentrer chez lui. Au cours de ces vingt-quatre heures de détention, il a été contraint de signer « différents documents ». Dans toutes ses plaintes, l’auteur a affirmé qu’il avait été torturé et menacé et que des preuves avaient été falsifiées pour l’incriminer. L’auteur affirme que le tribunal a lui aussi falsifié son jugement définitif, comme il ressort clairement des copies présentées au Comité.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2LeComités’estassuré,commeilesttenudelefaireconformémentauparagraphe2a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité note que l’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes utiles disponibles. L’État partie soutient que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles étant donné qu’il ne s’est plaint ni auprès du Bureau du procureur, ni auprès de l’administration du centre de détention provisoire, et pas davantage auprès des enquêteurs. Le Comité fait observer que, selon sa jurisprudence bien établie, l’obligation d’épuiser tous les recours internes disponibles concerne en premier lieu les recours judiciaires. Il prend note du fait que l’auteur a déposé plusieurs demandes de réexamen au titre de la procédure de contrôle auprès du tribunal du territoire du Primorié et de la Cour suprême. Étant donné le contenu des décisions de justice, et en l’absence de précisions ou d’arguments supplémentaires de l’État partie sur ce point, le Comité considère que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la communication.

6.4Le Comité note que l’auteur affirme qu’il a été emmené au poste de police et contraint d’avouer sa culpabilité, en violation de l’article 7 du Pacte, et que ses aveux ont ensuite été utilisés pour le faire condamner. L’État partie a réfuté ces allégations, en particulier en faisant observer que l’auteur avait avoué, à plusieurs reprises au cours de l’enquête et au tribunal, qu’il était coupable d’infractions liées à la drogue. L’auteur soutient dans plusieurs des plaintes qu’il a soumises aux tribunaux qu’il a « fait l’objet de pressions » mais ne donne aucune précision concernant les actes de torture ou les mauvais traitements qu’il aurait subis. Le Comité note en outre que l’auteur a par exemple affirmé que les membres de sa famille étaient menacés. Il constate toutefois que, d’après les minutes, l’épouse et le père de l’auteur ont témoigné au cours du procès (l’épouse de l’auteur était présente et la déposition qu’elle avait faite auprès de l’enquêteur a été lue au tribunal, avec son consentement et celui de l’auteur et de son avocat). Le Comité note que ces dépositions ne font état d’aucune menace de quelque nature que ce soit de la part de la police ou des enquêteurs. En l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, en particulier une description des mauvais traitements subis par l’auteur ou des menaces dont les membres de sa famille ont fait l’objet, il considère que cette partie de la communication n’est pas suffisamment étayée et qu’elle est par conséquent irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Enoutre,leComitéprendnotedesgriefsquel’auteurtiredesarticles2(par. 3b))et5(par. 2)duPacte.Ilfaitnéanmoinsobserverquecesarticlesnepeuventpasêtreinvoquésisolément.Ilprendégalementnotedesgriefsquel’auteurtiredesarticles9,14(par. 3g)ete)etpar. 5),17(par. 1)et23duPacte.Cependant,enl’absencedetouteautreinformationpertinentedansledossier,leComitéestimequel’auteurn’apassuffisammentétayécesallégationsauxfinsdelarecevabilité.Enconséquence,ildéclarecettepartiedelacommunicationirrecevableauregarddel’article2duProtocolefacultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.