Nations Unies

CCPR/C/122/D/2265/2013

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 mai 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5(par. 4) du Protocole facultatif, concernantla communication no 2265/2013 * , **

Communication présentée par :

Himal et Devi Sharma (représentés par un conseil, Philip Grant, de TRIAL: Track Impunity Always)

Au nom de :

Les auteurs3

État partie :

Népal

Date de la communication :

22 avril 2013

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 11 juillet 2013(non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

6 avril 2018

Objet :

Disparition forcée

Question(s) de procédure :

Griefs insuffisamment étayés ; épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Droit à la vie ; interdiction de la torture et des traitements cruels et inhumains ; droit à la liberté et à la sécurité de la personne ; respect de la dignité inhérente à l’être humain ; reconnaissance de la personnalité juridique ; droit de ne pas subir d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa famille ; droit à un recours utile

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3), 6, 7, 9, 10 (par. 1), 16 et 17

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

1.Les auteurs de la communication sont Himal Sharma et son épouse Devi Sharma, de nationalité népalaise, nés respectivement le 24 avril 1969 et le 14 avril 1970. Ils affirment que l’État partie a violé les droits que M. Sharma tient des articles 6, 7 et 9, du paragraphe 1 de l’article 10 et de l’article 16 du Pacte, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, et qu’il a également violé les droits qui sont reconnus à Mme Sharma par l’article 7, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 et l’article 17. Les auteurs sont représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1En février 1996, le Parti communiste du Népal (maoïste) a déclaré une « guerre du peuple » contre les classes dirigeantes et déclenché une insurrection armée contre le Gouvernement, laquelle s’est rapidement généralisée à l’ensemble du pays, marquant le début d’un conflit armé qui devait durer dix ans. Du 26 novembre 2001 au 20 août 2002, l’état d’urgence a été imposé au vu de la situation grave dans laquelle se trouvait le pays, aux prises avec les attentats terroristes perpétrés par les maoïstes. Pendant l’état d’urgence, l’exercice des droits susceptibles de dérogation reconnus par le Pacte a été suspendu en application de l’article 4 de cet instrument. Le 26 novembre 2001, le Gouvernement a adopté la loi relative à la prévention et à la répression des activités terroristes et subversives, qui conférait de vastes pouvoirs à l’Armée royale népalaise de sorte que celle‑ci puisse arrêter les personnes soupçonnées de participer à des activités terroristes et les maintenir en détention pendant quatre-vingt-dix jours sans inculpation. L’état d’urgence levé, des violations graves des droits de l’homme, notamment des cas de détention arbitraire, de disparition forcée, de torture et d’exécutions extrajudiciaires, ont continué d’être commises par les deux camps dans le cadre du conflit.

2.2Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a fait savoir qu’en 2003 et 2004, le Népal avait fait l’objet d’un plus grand nombre de plaintes pour disparition forcée que tout autre pays. Dans son rapport de 2004, le Groupe de travail a fait état d’un recours fréquent à la disparition forcée, les auteurs jouissant d’une impunité tant politique que juridique. Entre 2003 et 2006, dans la capitale, les personnes soupçonnées d’appartenance au Parti communiste du Népal (maoïste) étaient illégalement détenues, pour la plupart, à la caserne du bataillon Bhairabnath, située à Maharajgunj (Katmandou) et administrée par l’armée, où elles étaient victimes de disparition forcée, torturées ou exécutées sommairement.

2.3Lorsque les événements qui sont à l’origine de la présente affaire ont eu lieu, M. Sharma était Secrétaire général du Syndicat national indépendant étudiant du Népal (révolutionnaire), d’obédience maoïste. Il dit avoir été arrêté le 21 octobre 2003 à Katmandou par des militaires en civil. Les yeux bandés et les mains liées, il a été conduit à la caserne de Maharajgunj dans une jeep banalisée, escortée par des camionnettes de l’armée.

2.4Le 29 octobre 2003, Mme Sharma a introduit un recours en habeas corpus auprès de la Cour suprême du Népal au nom de son époux, affirmant que celui-ci avait été arbitrairement arrêté et qu’on l’avait fait disparaître. Le même jour, Mme Sharma s’est ensuite rendue au Bureau administratif de district de Katmandou pour demander où se trouvait son époux. Le directeur du Bureau a nié toute implication dans l’arrestation de M. Sharma, refusant d’enregistrer la plainte de Mme Sharma et menaçant de l’arrêter, elle et sa famille, si elle faisait quoi que ce soit au sujet de la disparition de son mari. Le 30 octobre 2003, comme suite au recours en habeas corpus, la Cour suprême a ordonné aux autorités publiques de communiquer toutes les informations dont elles disposaient au sujet du lieu où se trouvait M. Sharma. Le même jour, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires ont lancé conjointement un appel d’urgence concernant M. Sharma.

2.5En novembre 2003, comme suite à l’ordonnance de la Cour suprême, toutes les autorités publiques ont nié toute implication dans la disparition de M. Sharma, dont elles ont dit ne rien savoir. Le même mois, Mme Sharma a tenté une nouvelle fois de déposer une plainte au sujet de l’arrestation et de la disparition de son époux au bureau de la police de district de Katmandou, mais la police a refusé d’enregistrer sa plainte. Le 3 novembre 2003, Mme Sharma s’est rendue au quartier général de l’armée pour signaler la disparition de son mari, mais on ne l’a pas laissée entrer et on l’a menacée de l’arrêter.

2.6M. Sharma dit avoir été gardé au secret dans la caserne du bataillon Bhairabnath, à Maharajgunj. Au cours des vingt premiers jours de détention, il n’a pas eu à manger. Le premier mois, il était détenu dans une petite cellule sans fenêtre où il pouvait à peine se tenir debout ou dormir. Il a ensuite été placé dans une cellule plus grande, où il a été détenu dans des conditions d’hygiène déplorables et maintenu dans un état de sous-alimentation grave. Il était menotté et avait les yeux bandés en permanence, et n’était pas autorisé à communiquer avec les autres détenus. M. Sharma a été à de nombreuses reprises victime de torture et de mauvais traitements de la part de ses gardiens, qui entendaient lui soutirer des informations sur le Parti communiste du Népal (maoïste) ; il a ainsi été battu à coups de barre de plastique, flagellé et soumis à des simulacres de noyade ; on lui a également administré des décharges électriques et planté des punaises dans les ongles. M. Sharma était interrogé et battu jusqu’à 15 fois par jour au début de sa détention, puis deux ou trois fois par jour. Il était régulièrement menacé de mort, et vivait donc en permanence dans un état de peur et d’angoisse. Un jour, M. Sharma a été contraint d’uriner sur un radiateur électrique à haut voltage. Il a subi une décharge électrique et a perdu connaissance. Il n’a reçu aucun traitement médical en détention, à l’exception des analgésiques qu’on lui a donnés après l’électrocution de ses parties génitales. Du fait des actes de violence graves qu’il a subis, l’auteur est aujourd’hui atteint de handicaps physiques permanents et est impuissant ; ayant pris trop d’analgésiques sans être suffisamment nourri, il souffre également d’un dysfonctionnement du rein droit.

2.7En détention, alors qu’il était soumis à des interrogatoires, torturé et victime de mauvais traitements, M. Sharma a reconnu plusieurs des militaires qui avaient participé à son arrestation.

2.8Un soir, à la fin du mois de décembre 2003, M. Sharma a été informé que d’autres détenus et lui-même seraient conduits dans un lieu tenu secret. Les personnes visées avaient été séparées du reste du groupe, mais peu après, M. Sharma et quelques autres détenus ont été renvoyés à la caserne. M. Sharma a appris par la suite que les autres avaient été abattus et enterrés dans la jungle.

2.9Le 12 octobre 2004, la loi relative à la prévention et à la répression des activités terroristes et subversives a été remplacée par un décret du même nom, qui a porté la durée maximale de la détention provisoire à six mois, renouvelables une fois. L’état d’urgence a été imposé de nouveau du 1er février au 5 mai 2005, ce qui s’est traduit, une fois encore, par la suspension de l’exercice des droits susceptibles de dérogation reconnus par le Pacte.

2.10Le 4 février 2005, l’avocat de M. Sharma a demandé à la Cour suprême d’ordonner à la Commission nationale des droits de l’homme de mener une enquête sur la disparition forcée de son client. La Cour suprême a fait droit à la demande le jour même.

2.11En février 2005, M. Sharma a été transféré à la caserne du bataillon Mahendradal, dans le district de Gorkha. Le 8 mars 2005, le Gouvernement népalais a enfin répondu à l’appel urgent lancé par le Rapporteur spécial sur la torture et le Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, affirmant que M. Sharma avait été arrêté le 14 février 2005 et qu’il se trouvait en détention provisoire à la caserne de Gorkha.

2.12M. Sharma a été maintenu en détention à la caserne du bataillon Mahendradal, où il était toujours victime de mauvais traitements de la part de ses gardiens. Les 20 et 28 mars 2005, son épouse et son avocat ont enfin pu lui rendre visite.

2.13Le 19 mai 2005, la Commission nationale des droits de l’homme, à laquelle la Cour suprême avait donné ordre d’enquêter sur la disparition de M. Sharma, a constaté que celui‑ci était détenu dans la caserne du bataillon Mahendradal, à Gorkha, depuis le 25 mars 2005 au moins et qu’il avait été victime de torture psychologique et physique d’une extrême violence en détention.

2.14En août 2005, M. Sharma a été conduit à l’hôpital militaire Birendra, à Katmandou, où au lieu d’être soigné, il a été contraint de signer des documents les yeux bandés. Juste après, il a été confié à la garde du bataillon Jagadal de la première brigade de l’Armée royale népalaise, à Chhauni, où il a été détenu pendant trois jours. Le premier jour, on ne lui a rien donné à manger. Lorsqu’il s’en est plaint, on l’a violemment battu, lui brisant la mâchoire du côté droit et lui perforant le tympan. Aujourd’hui encore, son tympan reste perforé.

2.15Le 5 décembre 2005, les représentants du Bureau administratif de district ont déclaré que M. Sharma était détenu sur le fondement de l’article 9 du décret de 2004 relatif à la prévention et à la répression des activités terroristes et subversives. Il avait au départ été détenu pour une durée de six mois, qui avait été renouvelée en août 2005, les autorités publiques estimant qu’il risquait encore de se livrer à des activités terroristes. Le 19 décembre 2005, M. Sharma a été libéré en exécution d’une ordonnance rendue le 15 décembre 2005 par la Cour suprême, dans laquelle la Cour concluait à l’illégalité de la détention. Le même jour, alors qu’il quittait le tribunal, il a été arrêté de nouveau par plusieurs hommes en civil. Son épouse et lui-même ont été conduits au commissariat de la police de district. Mme Sharma a ensuite été libérée, mais un mandat d’arrêt pour actes de terrorisme a été émis contre M. Sharma, qui a été maintenu en détention. Le 5 février 2006, M. Sharma a été officiellement inculpé de plusieurs infractions terroristes par la Cour d’appel et transféré à la prison de Nakkhu, à Katmandou.

2.16Le 14 juillet 2006, M. Sharma a été libéré et les poursuites intentées contre lui ont été abandonnées dans le cadre de la négociation de l’Accord de paix global, signé le 21 novembre 2006 par le Gouvernement népalais et le Parti communiste du Népal (maoïste). Le 27 juillet 2006, M. Sharma et trois codétenus également remis en liberté ont déposé une requête devant la Cour suprême, dévoilant publiquement des informations pertinentes concernant leur arrestation, les actes de torture qu’ils avaient subis et leur disparition, et citant nommément les principaux auteurs. Le 1er juin 2007, la Cour suprême s’est prononcée sur les requêtes introduites au nom de 83 personnes disparues, notamment sur la requête de M. Sharma. Elle a rendu une ordonnance de mandamus prescrivant l’incrimination des disparitions forcées, la constitution d’une commission de haut niveau chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises dans la caserne du bataillon Bhairabnath, à Maharajgunj, et la mise en œuvre de mesures de réparation adéquates en faveur des victimes.

2.17Outre la décision de la Cour suprême, l’Accord de paix global et la Constitution provisoire de 2007 font tous deux obligation à l’État partie d’enquêter sur les disparitions forcées et de garantir des recours aux victimes et à leur famille. Aucune enquête n’a pourtant été ouverte, et aucune sanction pénale ni disciplinaire n’a été prise à l’égard de personnes désignées comme coupables de disparition forcée et de torture. Au contraire, à compter d’octobre 2008, le Gouvernement a adopté une politique d’abandon des poursuites pénales au titre du paragraphe 2 7) de la clause 5 de l’Accord de paix global ; dans plus de 1 000 affaires, les poursuites ont ainsi été abandonnées avant la fin de la procédure.

2.18En 2008, le Ministère de la paix et de la reconstruction a mis en place un programme d’indemnisation provisoire. M. Sharma a pu bénéficier de cette initiative, mais seulement en tant que victime du conflit (catégorie « blessés »). Le 17 juin 2011, il a reçu la somme de 100 000 roupies à titre d’indemnisation provisoire. L’indemnisation des victimes de torture n’étant pas prévue dans le cadre de ce programme, il n’a toutefois pas été indemnisé de l’ensemble des mauvais traitements qu’il avait subis. Les autorités refusent encore d’admettre que M. Sharma a été victime de disparition forcée du 21 octobre 2003 au 14 février 2005, période au cours de laquelle il était détenu à la caserne de Maharajgunj, et de lui transmettre un registre officiel de sa situation pendant cette période.

2.19Le 27 décembre 2009, M. Sharma et deux anciens codétenus de la caserne de Maharajgunj ont introduit une requête devant la Cour suprême contestant la promotion du major général Toran Jung Bahadur Singh, qui commandait les militaires responsables des disparitions forcées et des actes de torture commis à la caserne. Le 19 octobre 2011, la Cour suprême a estimé que la requête ne pouvait être examinée au fond puisque Toran Jung Bahadur Singh avait pris sa retraite.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que l’arrestation et la détention illégales de M. Sharma du 21 octobre 2003 au 8 mars 2005 constituent une disparition forcée et, partant, une violation par l’État partie du paragraphe 1 de l’article 6, de l’article 7, des paragraphes 1 à 4 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10 et de l’article 16 du Pacte. Ils soutiennent que le cas de M. Sharma s’inscrit dans le cadre de disparitions forcées commises en série par les forces de sécurité dans l’État partie au cours de la « guerre du peuple » et que, pour cette raison, pareille infraction peut être qualifiée de crime contre l’humanité, engageant la responsabilité aggravée de l’État.

3.2M. Sharma n’est pas mort au cours de sa disparition forcée, du 21 octobre 2003 au 8 mars 2005, mais il a été soustrait à la protection de la loi et sa vie a été gravement menacée. L’État partie a donc violé le paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte. L’épisode de la fin décembre 2003 (par. 2.8), qui illustre le recours généralisé aux exécutions arbitraires, montre bien que M. Sharma était menacé de mort.

3.3Les auteurs estiment que la disparition forcée constitue en soi un acte de torture et une violation de l’article 7 du Pacte. Ils soutiennent que les innombrables actes de torture et autres mauvais traitements subis par M. Sharma constituent également une violation de l’article 7. Ils affirment, de surcroît que, de façon générale, M. Sharma était détenu dans des conditions tout à fait déplorables et dégradantes, et que le fait qu’il n’ait à aucun moment bénéficié de soins de santé ou d’une aide médicale, même après avoir été torturé, constitue également une violation de l’article 7.

3.4Pendant sa disparition forcée, M. Sharma n’a pas été informé des raisons pour lesquelles il était détenu, et a été maintenu en détention sans être inculpé pendant une période excédant largement la durée maximale de détention prévue par la loi en vigueur à l’époque (cent quatre-vingts jours, et cent quatre-vingts jours supplémentaires sur autorisation du Ministre de l’intérieur). Il n’est fait état de sa détention dans aucun registre officiel et sa famille et son avocat n’étaient pas informés du lieu où il se trouvait et pas autorisés à lui rendre visite. M. Sharma n’a jamais été déféré devant un juge ou autre responsable habilité. Il n’a pas non plus pu contester la légalité de sa privation de liberté. Les auteurs soutiennent que le recours en habeas corpus introduit par Mme Sharma le 29 octobre 2003 était inutile, puisqu’il n’a abouti qu’au bout de deux ans. Les auteurs estiment que ces faits sont constitutifs d’une violation des paragraphes 1 à 4 de l’article 9 du Pacte. Du 8 mars 2005 au 19 décembre 2005, pendant la période suivant immédiatement sa disparition forcée, M. Sharma a été maintenu en détention. La détention de M. Sharma, jugée illégale par la Cour suprême dans une ordonnance datée du 15 décembre 2005, constitue là aussi une violation de l’article 9.

3.5Les auteurs estiment que les conditions tout à fait déplorables dans lesquelles était détenu M. Sharma ont porté gravement atteinte à sa dignité, en violation du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte.

3.6Les auteurs estiment que la disparition forcée de M. Sharma constitue un déni de reconnaissance de sa personnalité juridique puisque l’État a refusé de donner des informations sur son sort et de divulguer l’endroit où il se trouvait, le soustrayant ainsi à la protection de la loi. Ils avancent donc que l’État partie a violé les droits que M. Sharma tient de l’article 16.

3.7Les auteurs affirment que le fait que les autorités n’aient toujours pas ouvert d’office une enquête diligente, impartiale et indépendante sur la détention arbitraire, la disparition et les actes de torture dont M. Sharma a été victime pour veiller à ce que celui-ci bénéficie de mesures de réparation adéquates, et pour poursuivre et punir les auteurs de ces actes, constitue également une violation du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 6, l’article 7, les paragraphes 1 à 4 de l’article 9, le paragraphe 1 de l’article 10 et l’article 16 du Pacte.

3.8Les auteurs affirment que Mme Sharma a subi une violation de l’article 7 du Pacte en raison de la grande détresse morale et de l’angoisse profonde dont elle a souffert au cours de la disparition forcée de son époux et du fait de l’hostilité des autorités de l’État partie, qui l’ont humiliée et malmenée. Aujourd’hui encore, elle souffre d’accès d’angoisse, d’insomnie et fait de temps à autre des crises de dépression nerveuse.

3.9Profondément traumatisée, Mme Sharma devait s’occuper seule de leurs trois jeunes enfants. La disparition forcée de son époux a gravement perturbé sa vie de famille, constituant par conséquent une violation de l’article 17 du Pacte.

3.10Mme Sharma ne peut pas demander réparation, ni être indemnisée, la législation nationale ne prévoyant pas cette possibilité. Puisqu’aucune enquête n’a été menée et qu’elle n’a pas pu être indemnisée, elle est victime d’une violation des droits qui lui sont reconnus par l’article 7, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2.

3.11S’agissant des recours internes, Mme Sharma affirme que compte tenu de l’hostilité dont ont fait preuve les autorités nationales à son égard lorsqu’elle a introduit un recours en habeas corpus devant la Cour suprême (par. 2.4 et 2.5), elle a jugé inutile, sinon dangereux, de porter plainte auprès de la police au sujet des manœuvres d’intimidation et des menaces d’arrestation dont elle faisait l’objet. N’étant pas considérée comme une victime aux fins du programme d’indemnisation provisoire, elle n’a pas pu bénéficier de l’aide accordée dans le cadre de ce programme.

3.12Les auteurs affirment en outre qu’aucune voie de recours interne utile ne leur était ouverte. La loi de 1996 relative à l’indemnisation en cas de torture ne traite pas de la question de la responsabilité pénale ; elle prévoit uniquement une indemnisation, soumise à un délai de prescription de trente-cinq jours. M. Sharma ayant été immédiatement arrêté de nouveau après sa première remise en liberté, le 19 décembre 2005, il n’a pas eu la possibilité de dénoncer les actes de torture commis sur sa personne d’octobre 2003 à mars 2005. En tout état de cause, les juridictions civiles ne sont pas compétentes pour enquêter de façon indépendante, ni pour se prononcer utilement sur la responsabilité des auteurs de faits d’une telle gravité. L’État n’a, qui plus est, jamais appliqué les dispositions de l’Accord de paix global, ni celles de la Constitution provisoire, et n’a jamais exécuté l’ordonnance rendue par la Cour suprême le 1er juin 2007 ; selon ces trois textes, les disparitions forcées doivent faire l’objet d’une enquête et les victimes doivent obtenir réparation.

3.13Le 14 mars 2013, le Président du Népal a pris le décret no 2069 (2012) portant création de la Commission d’enquête sur les personnes disparues, et de vérité et réconciliation. Dans la pratique, la Commission n’est pas encore opérationnelle. De plus, les auteurs affirment qu’elle ne saurait être considérée comme une voie de recours utile puisqu’elle est simplement habilitée à saisir le Procureur général, qui est nommé par le Gouvernement et n’est donc pas indépendant. En outre, lorsqu’elle le juge « raisonnable », la Commission peut recommander d’amnistier certains auteurs de violations des droits de l’homme.

3.14Les auteurs ont attendu que les autorités honorent leur engagement en faveur de la justice transitionnelle, jusqu’à ce qu’il leur apparaisse clairement qu’on ne leur offrirait aucun recours utile. À ce jour, les autorités nationales continuent même de nier avoir fait disparaître l’auteur d’octobre 2003 à mars 2005.

3.15Les auteurs demandent au Comité de recommander à l’État partie : a) de traduire devant les autorités civiles compétentes les auteurs de la privation arbitraire de liberté, des actes de torture et de la disparition forcée dont a été victime M. Sharma afin qu’ils soient poursuivis, jugés et punis, et de rendre publics les résultats de ces mesures ; b) de mettre à pied, en attendant les conclusions de l’enquête, tous les militaires à l’égard desquels il existe un commencement de preuve qu’ils ont pris part aux crimes commis contre M. Sharma ; c) de modifier le décret portant création de la Commission d’enquête sur les personnes disparues, et de vérité et réconciliation pris le 14 mars 2013, pour faire en sorte que les personnes accusées de violations graves des droits de l’homme, notamment de torture, de disparition forcée et d’exécution arbitraire, ne puissent pas se prévaloir de dispositions prévoyant la possibilité d’une amnistie, et être ainsi exonérées de leur responsabilité pénale ; d) de veiller à ce que les personnes soupçonnées d’avoir commis de tels crimes ne soient pas en mesure d’influer sur le déroulement de l’enquête au moyen de pressions, d’actes d’intimidation ou de représailles contre les plaignants, les témoins, leurs familles, leurs avocats ou d’autres personnes participant à l’enquête ; e) de veiller à ce que les auteurs obtiennent pleinement réparation, notamment à ce qu’ils soient rapidement, équitablement et suffisamment indemnisés ; f) de veiller à ce que les mesures de réparation couvrent les préjudices matériel et moral ; g) d’adopter des mesures de restitution et de réadaptation, ainsi que d’autres mesures susceptibles de donner satisfaction aux auteurs, et de prévoir des garanties de non-répétition. Les auteurs demandent en particulier que l’État partie reconnaisse sa responsabilité internationale au cours d’une cérémonie publique qui se tiendrait en leur présence et en la présence des autorités, et qu’on leur présente des excuses officielles. L’État partie devrait également assurer aux auteurs une prise en charge médicale et psychologique immédiate et gratuite par l’intermédiaire de ses institutions spécialisées, et leur donner accès à l’aide juridictionnelle, selon que de besoin, afin de leur garantir des recours utiles et suffisants. Pour garantir que de tels actes ne se reproduisent pas, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que les disparitions forcées et les actes de torture, ainsi que les différentes formes de participation à ces crimes, constituent des infractions autonomes en droit pénal et soient punis de peines à la mesure de leur extrême gravité. Enfin, l’État partie devrait mettre en place dès que possible des programmes d’enseignement du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire à l’intention de l’ensemble des membres de l’armée, des forces de sécurité et du corps judiciaire.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale datée du 10 septembre 2013, l’État partie a soumis ses observations, contestant la recevabilité de la communication pour défaut de fondement et non-épuisement des recours internes.

4.2L’État partie soutient que les allégations des auteurs concernant les circonstances dans lesquelles l’arrestation et la détention supposées de M. Sharma auraient eu lieu ne sont étayées par aucune preuve directe ou indirecte. M. Sharma a été arrêté sur le fondement de l’article 9 du décret de 2004 relatif à la prévention et à la répression des activités terroristes et subversives, en exécution d’un mandat d’arrêt qui lui a été dûment remis. La durée de la détention a été prolongée de six mois le 17 août 2005. M. Sharma était détenu dans une caserne de l’armée, où il était traité avec humanité. Il a été soigné à l’hôpital militaire Birendra. Il a reçu la visite de ses parents et de ses proches, ainsi que d’un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), dont la venue a été officiellement consignée au registre. Les allégations selon lesquelles M. Sharma aurait été victime de disparition forcée sont donc fausses et sans fondement. L’État partie fait observer que l’état d’urgence avait été déclaré au moment où M. Sharma a été arrêté et détenu.

4.3La détention arbitraire et la torture sont des infractions interdites par la Constitution provisoire de 2007. La loi de 1996 relative à l’indemnisation en cas de torture prévoit un dispositif permettant de demander une indemnisation en cas de torture. Il s’agit là d’un recours utile dont les auteurs ont choisi de ne pas se prévaloir dans le délai de prescription de trente-cinq jours à compter de la date des faits. Les auteurs n’ont pas davantage déposé de premier rapport d’information auprès de la police pour dénoncer les blessures qui auraient été infligées à M. Sharma. Mme Sharma n’a jamais été arrêtée, détenue, harcelée ni torturée par des représentants des autorités publiques.

4.4Le Népal est résolu à remédier aux violations des droits de l’homme commises au cours du conflit armé. En conséquence, il a décidé de créer une commission chargée d’enquêter sur les cas de disparition, ainsi qu’une commission vérité et réconciliation, en application de la Constitution provisoire. C’est pourquoi le Gouvernement a pris le décret no 2069 (2012) portant création de la Commission d’enquête sur les personnes disparues, et de vérité et réconciliation. Cette commission peut recommander au Procureur général d’engager des poursuites contre tel ou tel auteur, ou au Gouvernement d’élaborer les lois voulues pour que les auteurs soient poursuivis. Elle peut également recommander la mise en œuvre de mesures de réparation. Dès que la commission aura été constituée, les violations commises pendant le conflit seront effectivement traitées par le mécanisme de justice transitionnelle et, une fois que la commission aura soumis un rapport, des poursuites judiciaires pourront être intentées contre les auteurs de violations graves des droits de l’homme.

4.5M. Sharma a déjà reçu 100 000 roupies à titre d’indemnisation provisoire. Les auteurs pourraient avoir droit à réparation en fonction des conclusions de l’enquête une fois que le mécanisme de justice transitionnelle aura été créé. Les auteurs n’ont donc pas épuisé les recours internes.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernantla recevabilité

5.1Les 14 octobre 2013 et 10 janvier 2014, les auteurs ont soumis leurs commentaires sur les observations de l’État partie. Ils soulignent que l’État partie soutient que leurs allégations sont fausses sans pour autant étayer ses accusations.

5.2Les auteurs avancent que, bien que la Constitution provisoire interdise la torture et les mauvais traitements, ces actes ne sont pas précisément définis par la loi, qui ne les réprime pas. En outre, la loi relative à l’indemnisation en cas de torture n’offrait pas un recours utile aux auteurs : M. Sharma, disparu depuis le 21 octobre 2003 et arrêté une nouvelle fois le 19 décembre 2005, n’aurait en effet pas pu porter plainte dans le délai de trente-cinq jours fixé par cette loi. Les auteurs ajoutent que ce délai de prescription n’est pas conforme aux normes internationales. Ils affirment en outre que, selon la jurisprudence du Comité, les voies de recours administratives, disciplinaires ou civiles ne sont pas appropriées dans le cas de crimes graves tels que la torture et la disparition forcée.

5.3Pour ce qui est du fait qu’ils n’ont pas rempli de premier rapport d’information, les auteurs font observer que la torture et la disparition forcée ne sont pas des infractions susceptibles de faire l’objet de ce type de rapport, ce recours étant réservé aux infractions visées à l’annexe 1 de la loi de 1992 sur les affaires dans lesquelles l’État est partie, laquelle ne mentionne pas la torture. Ils font valoir qu’on ne saurait attendre d’eux qu’ils dénoncent des infractions autres que celles dont ils ont été victimes. En outre, la police a refusé d’enregistrer le premier rapport d’information que Mme Sharma a tenté de déposer (par. 2.4 et 2.5). Les auteurs font observer que le Comité a estimé par le passé que le premier rapport d’information ne constituait pas un recours utile aux fins du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif. Pour eux, en outre, l’État partie a admis qu’ils n’auraient pas pu user de ces deux recours lorsqu’il a déclaré que des poursuites judiciaires pourraient être intentées contre les auteurs de violations des droits de l’homme une fois que la commission aurait soumis un rapport.

5.4Les auteurs font observer en outre que, bien qu’ils n’aient pas pu déposer de premier rapport d’information, ni de plainte, ils ont cherché à obtenir justice par d’autres voies (voir par. 2.16 et 2.19). L’État n’a toutefois pas expliqué pourquoi aucune enquête n’avait été ouverte d’office.

5.5Les auteurs expliquent que le 2 janvier 2014, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnel le décret no 2069 (2012) du 14 mars 2013 portant création de la Commission d’enquête sur les personnes disparues, et de vérité et réconciliation. La Cour a ordonné aux autorités népalaises de créer une nouvelle commission dans les meilleurs délais. En outre, bien qu’ils soient essentiels pour établir la vérité, les processus d’établissement des faits par des organes non juridictionnels ne sauraient en aucun cas, pour les victimes de violations graves des droits de l’homme, remplacer l’accès à la justice et à des mesures de réparation, le système de justice pénale constituant la meilleure voie pour obtenir l’ouverture immédiate d’une enquête sur des actes criminels et la punition des auteurs. En conséquence, la future commission ne saurait être considérée comme un recours utile devant être épuisé par les auteurs.

5.6Les auteurs disent avoir produit plusieurs documents à l’appui de leurs allégations, bien que l’État partie affirme le contraire. Leur récit des faits a été corroboré par un ancien codétenu de M. Sharma, M. Jit Man Basnet, dans le témoignage que celui-ci a livré à la Commission nationale des droits de l’homme. Dans un rapport du bureau népalais du HCDH, M. Sharma est cité nommément comme faisant partie des personnes détenues de la fin novembre à la mi-décembre 2003. Les auteurs ont également joint une photographie où M. Sharma apparaît le corps coincé dans un pneu, à l’intérieur duquel des militaires l’ont fait entrer de force. D’après eux, en outre, la suite donnée à leur recours en habeas corpus montre bien que les autorités ne reconnaissent pas que M. Sharma a été détenu et qu’elles ont cherché à dissimuler les faits. Puisqu’une disparition forcée se caractérise par la privation de liberté de l’intéressé et le refus de l’État d’admettre les faits, les auteurs affirment, une fois de plus, que M. Sharma a été arbitrairement arrêté et qu’on l’a fait disparaître. Ces allégations s’inscrivent dans le cadre d’un recours généralisé à la torture et à la disparition forcée à l’égard des membres du Syndicat national indépendant étudiant du Népal (révolutionnaire), d’obédience maoïste. Enfin, les auteurs font valoir qu’en l’espèce, la charge de la preuve ne saurait leur incomber à eux seuls, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence du Comité.

5.7Les auteurs contestent l’argument de l’État partie selon lequel un mandat d’arrêt aurait été présenté à M. Sharma avant son arrestation, en février 2005, et soutiennent qu’on a d’abord fait disparaître M. Sharma, puis qu’on l’a arbitrairement détenu du 8 mars 2005 au 19 décembre 2005. Ils soutiennent que le fait qu’une détention ne constitue pas une infraction au regard du droit interne ne signifie pas qu’elle soit conforme au droit international des droits de l’homme. En l’espèce, M. Sharma, par deux fois détenu, n’a jamais été inculpé ; on ne lui a jamais donné la possibilité de contester la légalité de sa détention et Mme Sharma, en introduisant un recours en habeas corpus le 29 octobre 2003, n’a obtenu la libération de son époux que le 19 décembre 2005.

5.8Les auteurs disent avoir prétendu non pas que Mme Sharma avait été arrêtée, détenue, harcelée ou torturée, mais que la disparition de son mari l’avait traumatisée, angoissée et stressée.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Dans ses observations datées du 5 mars 2014, l’État partie affirme que les auteurs n’ont pas apporté la preuve du caractère arbitraire de la détention de M. Sharma. Il dit, une fois de plus, qu’un mandat d’arrêt a été dûment présenté à M. Sharma et que celui-ci était traité avec humanité en détention. Il fait observer que l’état d’urgence avait été déclaré le 26 février 2001, conformément au Pacte. La détention de M. Sharma était conforme à la loi en vigueur au Népal et ne constituait pas une disparition forcée.

6.2L’État partie affirme que les auteurs n’ont pas pu apporter la preuve de leurs allégations de torture et rejette les dires du Rapporteur spécial sur la torture et du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires selon lesquels la torture aurait été systématiquement pratiquée par la police et l’armée. Si M. Sharma avait été victime de torture, il aurait demandé réparation au titre de la loi relative à l’indemnisation en cas de torture ou aurait porté plainte auprès de la Commission nationale des droits de l’homme, organe indépendant et autonome institué conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). La loi ne limite pas dans le temps la possibilité de porter une affaire de torture devant la Commission.

6.3L’État partie soutient qu’il est résolu à mettre en place un mécanisme de justice transitionnelle. Le Gouvernement a pris un décret portant création d’une commission d’enquête sur les personnes disparues, et de vérité et réconciliation, mais le 2 janvier 2014 la Cour suprême lui a enjoint de ne pas appliquer ce décret et de le modifier pour le rendre conforme à la Constitution et aux principes de la justice. Le processus sera poursuivi par l’Assemblée constituante fraîchement élue. L’État partie juge inopportun que le Comité poursuive l’examen de la communication puisque celui-ci a pour objet de compléter les mécanismes internes, et non de s’y substituer. Il convient de tenir compte du contexte national difficile dans le cadre de l’évaluation des progrès réalisés par le Népal aux fins de la mise en place du mécanisme de justice transitionnelle. Le Gouvernement élabore actuellement des projets de loi visant à incriminer la torture et les disparitions forcées.

6.4D’après l’État partie, les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes et les questions soulevées peuvent être traitées dans le cadre du mécanisme de justice transitionnelle.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Le 10 avril 2014, les auteurs ont soumis leurs commentaires sur les observations de l’État partie concernant le fond. S’agissant du non-épuisement des recours internes, ils reprennent les arguments invoqués le 14 octobre 2013.

7.2Dans leurs commentaires, les auteurs font observer que l’État partie ne conteste pas les allégations concernant les violations subies par Mme Sharma et qu’il semble admettre que celle-ci a été victime d’une violation des droits qu’elle tient de l’article 7 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 et l’article 17.

7.3Les auteurs affirment, une fois de plus, que M. Sharma a été victime de disparition forcée (par. 5.6 et 5.7). En outre, l’arrestation ayant eu lieu le 21 octobre 2003, la privation de liberté ne pouvait pas être conforme au décret relatif à la prévention et à la répression des activités terroristes et subversives, pris en 2004. Aucun mandat d’arrêt n’a jamais été présenté à M. Sharma et l’État partie n’a pas apporté la preuve de l’existence d’un tel document. Le caractère arbitraire de la détention de M. Sharma a été confirmé par la Cour suprême le 19 décembre 2005.

7.4Les auteurs font observer que, bien qu’il ait été emmené à l’hôpital militaire Birendra, M. Sharma n’y a pas été soigné et souffre désormais de problèmes de santé permanents.

7.5Les auteurs rappellent que M. Sharma a été victime de torture et de mauvais traitements, ce que l’État partie n’a pas pu contester. Ils disent avoir fourni comme moyen de preuve une photographie prise après une séance de torture et relèvent que l’État partie n’a pas contesté le fait que M. Sharma avait été gardé au secret pendant dix-sept mois. Ils soulignent qu’il existe un lien direct entre la détention au secret et les mauvais traitements et qu’une longue période de détention au secret peut être en soi constitutive de torture, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence des organes conventionnels.

7.6Les auteurs font observer que le caractère généralisé et systématique de la torture au Népal a été constaté par le Rapporteur spécial sur la torture, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et le Comité contre la torture. Ils relèvent en outre que, d’après le Comité des droits de l’homme, le délai de prescription au-delà duquel il n’est plus possible d’introduire de requête au titre de la loi relative à l’indemnisation en cas de torture (trente-cinq jours à compter de la date des faits) est « sans commune mesure avec la gravité de l’infraction ».

7.7M. Sharma a reçu une indemnisation provisoire, mesure temporaire qui n’est ni équitable, ni suffisante au regard du préjudice qu’il a subi du fait des violations graves des droits de l’homme dont il a été victime. L’indemnisation temporaire ne constitue pas non plus une mesure de réparation, de réadaptation ou de restitution, ou autre mesure permettant de donner satisfaction aux auteurs, ni une garantie de non-répétition. Le cas de M. Sharma n’est pas isolé au Népal, ainsi que l’a noté le Comité.

7.8Les auteurs confirment que la Commission nationale des droits de l’homme a été saisie de l’affaire, mais que cela ne leur a pas permis d’accéder à la justice, ni d’obtenir réparation. En outre, d’après le Comité, la Commission nationale des droits de l’homme ne devrait pas être considérée comme un recours juridictionnel.

7.9Les auteurs rappellent que le mécanisme de justice transitionnelle est encore inexistant et qu’on ne saurait leur demander d’épuiser un recours qui, parce qu’il est inexistant, ne peut être épuisé. Ils estiment que l’État partie a eu suffisamment de temps pour faire le nécessaire, depuis les faits, afin de leur permettre d’obtenir justice et réparation.

Réponses complémentaires de l’État partie

8.Dans des notes verbales datées du 24 juin 2014, d’août 2014 et du 11 décembre 2014, l’État partie a informé le Comité que la loi no 2071 (2014) relative à la Commission d’enquête sur les personnes disparues, et de vérité et réconciliation avait été adoptée par le Parlement en avril 2014, et que la Commission vérité et réconciliation et la Commission d’enquête sur les disparitions forcées seraient bientôt instituées. L’État partie a décrit brièvement les principales dispositions de cette loi et expliqué qu’il s’agissait d’un instrument clef pour résoudre le problème des violations des droits de l’homme commises par le passé par des acteurs tant étatiques que non étatiques. Il a aussi indiqué que des projets de loi réprimant la torture et les disparitions forcées avaient été élaborés et allaient être à nouveau présentés au Parlement. Le système de justice pénale ne pouvait pas offrir une réparation intégrale aux victimes du conflit armé en l’absence de mécanismes de justice transitionnelle. Les griefs des auteurs seraient donc pleinement traités après la création de ces mécanismes.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3Concernant la règle de l’épuisement des recours internes, le Comité prend note des arguments de l’État partie, qui soutient que les auteurs n’ont pas rempli cette condition, n’ayant pas déposé de premier rapport d’information auprès de la police, ni de plainte au titre de la loi de 1996 relative à l’indemnisation en cas de torture, et que l’affaire devrait être traitée par les mécanismes de justice transitionnelle créés en application de la Constitution provisoire de 2007. Il prend également note des arguments des auteurs, qui affirment : que le premier rapport d’information n’est pas un recours envisageable, car il a été exclusivement prévu pour permettre de dénoncer les infractions visées à l’annexe 1 de la loi de 1992 sur les affaires dans lesquelles l’État est partie, laquelle ne mentionne ni les disparitions forcées, ni la torture ; que la loi relative à l’indemnisation en cas de torture ne traite pas de la question de la responsabilité pénale, et que le délai de prescription a empêché les auteurs de se prévaloir du dispositif prévu par cette loi ; et que les mécanismes de justice transitionnelle ne remplacent pas l’accès à la justice et ne sauraient être considérés comme un recours utile à épuiser. Le Comité observe que Mme Sharma a tenté de porter plainte au commissariat de la police de district de Katmandou, mais que les policiers ont refusé d’enregistrer sa plainte. Il note en outre que le 29 octobre 2003, Mme Sharma a introduit un recours en habeas corpus devant la Cour suprême, qui ne lui a néanmoins pas permis d’apprendre où se trouvait son époux. Le 4 février 2005, l’avocat de M. Sharma a également déposé une requête devant la Cour suprême pour demander qu’une enquête soit ouverte sur la disparition de son client. Dans sa jurisprudence, le Comité a considéré que, dans les affaires de violations graves des droits de l’homme, notamment de torture ou de disparition forcée, l’accès à un recours juridictionnel était indispensable. À ce sujet, le Comité observe que les organes de justice transitionnelle créés par la loi no 2071 (2014) relative à la Commission d’enquête sur les personnes disparues, et de vérité et réconciliation ne sont pas des organes juridictionnels. En ce qui concerne le recours qui aurait pu être introduit en vertu de la loi de 1996 relative à l’indemnisation en cas de torture, le Comité relève qu’en application du paragraphe 1 de l’article 5 de cette loi, les demandes d’indemnisation doivent être déposées dans un délai de trente-cinq jours après l’acte de torture ou après la remise en liberté. Il considère qu’en raison du délai de prescription de trente-cinq jours au-delà duquel il n’est plus possible de déposer une plainte pour torture au titre de la loi précitée, délai sans commune mesure avec la gravité de l’infraction, ce recours n’était pas disponible dans le cas des auteurs. Il note en outre qu’à plusieurs reprises, les auteurs ont essayé en vain de dénoncer les violations de leurs droits et qu’ils ont notamment saisi la Cour suprême. En conséquence, il considère que les auteurs ont épuisé tous les recours internes disponibles et conclut que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la communication.

9.4Le Comité prend note des observations de l’État partie selon lesquelles les allégations des auteurs ne sont pas étayées. Il estime toutefois qu’aux fins de la recevabilité, les auteurs ont apporté suffisamment d’arguments plausibles à l’appui de leurs allégations. Vu qu’il est satisfait à toutes les conditions requises pour la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable et passe à son examen quant au fond.

Examen au fond

10.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

10.2Le Comité prend note des allégations des auteurs selon lesquelles M. Sharma a été victime de disparition forcée du 21 octobre 2003 au 8 mars 2005. Il prend note également des arguments de l’État partie selon lesquels : les allégations des auteurs ne sont pas étayées ; M. Sharma n’a été arrêté que le 14 février 2005, sur le fondement de l’article 9 du décret relatif à la prévention et à la répression des activités terroristes et subversives.

10.3Le Comité relève qu’il a eu par le passé à connaître de nombreuses affaires similaires, dont certaines concernaient l’État partie. Dans le droit fil de ces précédents, il réaffirme que la charge de la preuve ne saurait incomber uniquement aux auteurs de la communication, d’autant que les auteurs et l’État partie n’ont pas toujours un accès égal aux éléments de preuve et que, souvent, seul l’État partie dispose des renseignements nécessaires. Il ressort implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte formulées contre lui et ses représentants, et de transmettre au Comité les informations qu’il détient. Dans les cas où l’auteur a communiqué à l’État partie des allégations corroborées par des éléments de preuve crédibles et où tout éclaircissement supplémentaire dépend de renseignements que l’État partie est seul à détenir, le Comité peut estimer ces allégations fondées si l’État partie ne les réfute pas en apportant des preuves et des explications satisfaisantes.

10.4En l’espèce, le Comité prend note des allégations des auteurs, qui affirment : que M. Sharma a été arrêté sans mandat le 21 octobre 2003, qu’il a été gardé au secret à la caserne du bataillon Bhairabnath, à Maharajgunj, et n’a pas été déféré devant un juge ou un autre agent public habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ; que M. Sharma n’a pas non plus pu former de recours juridictionnel pour contester la légalité de sa détention avant le 15 décembre 2005, date à laquelle la Cour suprême a conclu à l’illégalité de la détention. Le Comité observe que peu après avoir perdu le contact avec son époux en octobre 2003, Mme Sharma s’est rendue au commissariat de la police de district de Katmandou pour demander où celui-ci se trouvait et qu’elle a formé un recours en habeas corpus le 29 octobre 2003. À ce propos, il note que dans un rapport du bureau népalais du HCDH, M. Sharma est cité nommément comme faisant partie des personnes détenues de la fin novembre à la mi‑décembre 2003. Il relève en outre que, comme suite au recours en habeas corpus introduit devant la Cour suprême, toutes les autorités ont nié que M. Sharma ait jamais été détenu par la police. Ce n’est que le 8 mars 2005 que les autorités, reconnaissant que l’auteur était détenu depuis le 14 février 2005, ont dévoilé où celui-ci se trouvait. Le Comité note que l’État partie affirme que M. Sharma n’a pas été arrêté avant le 14 février 2005 et qu’un mandat d’arrêt lui a été présenté. L’État partie n’a toutefois produit aucun élément de nature à démontrer où se trouvait M. Sharma jusqu’au 14 février 2005, et n’a pas apporté la preuve de l’émission du mandat d’arrêt en cause. Le Comité considère donc que la privation de liberté de M. Sharma, que les autorités ont niée, s’efforçant de dissimuler le sort qui avait été réservé à l’intéressé, constituait une disparition forcée.

10.5Le Comité note que si l’expression « disparition forcée » n’est expressément employée dans aucun des articles du Pacte, la disparition forcée constitue un ensemble unique et intégré d’actes qui représente une violation continue de plusieurs droits consacrés par cet instrument.

10.6Le Comité rappelle que dans les cas de disparition forcée, la privation de liberté, suivie du refus de reconnaître celle-ci ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue, soustrait cette personne à la protection de la loi et fait peser sur sa vie un risque constant et grave, dont l’État est comptable. En l’espèce, l’État partie n’a fourni aucun élément démontrant que, du 21 octobre 2003 au 8 mars 2005, il s’était acquitté de son obligation de protéger la vie de M. Sharma. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a manqué à son obligation de protéger la vie de M. Sharma, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte.

10.7Le Comité prend note des allégations des auteurs selon lesquelles la détention et la disparition forcée de M.Sharma constituent en elles-mêmes un traitement contraire à l’article 7. Il reconnaît le degré de souffrance qu’entraîne le fait d’être détenu indéfiniment, privé de tout contact avec le monde extérieur. Dans son observation générale no 20 (1992) concernant l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Comité recommande aux États parties de prendre des dispositions pour interdire la détention au secret. Il relève qu’en l’espèce, M. Sharma a été gardé au secret entre le 21 octobre 2003 et le 8 mars 2005. Il note également que, selon les auteurs, M. Sharma a été torturé, en particulier au cours des vingt premiers jours de sa détention à la caserne de Maharajgunj, et que les auteurs ont produit des photographies comme moyen de preuve à l’appui de leurs allégations. M. Sharma souffre désormais de problèmes de santé permanents. En l’absence d’explications satisfaisantes de l’État partie sur ce point, le Comité estime que la disparition forcée de M. Sharma et les actes de torture qui ont été infligés à celui-ci par la suite constituent une violation de l’article 7 du Pacte. Étant parvenu à cette conclusion, il n’examinera pas les griefs que les auteurs tirent du paragraphe 1 de l’article 10, griefs qui portent sur les mêmes faits.

10.8Le Comité estime que la disparition forcée dont M. Sharma a été victime constitue une violation des droits que celui‑ci tient de l’article 9 du Pacte.

10.9Le Comité considère que la soustraction délibérée d’un individu à la protection de la loi constitue un déni de la reconnaissance de sa personnalité juridique, en particulier si toute démarche entreprise par les parents de la victime pour tenter de se prévaloir de recours utiles a été systématiquement entravée. Il conclut donc que la disparition forcée de M. Sharma a privé celui-ci de la protection de la loi et de son droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en violation de l’article 16 du Pacte.

10.10Le Comité prend note de l’angoisse et de la détresse causées à Mme Sharma par la disparition de son époux, depuis le moment de son arrestation jusqu’au 8 mars 2005, date à laquelle les autorités ont indiqué où il se trouvait. Il observe que pendant cette période, Mme Sharma a dû s’occuper seule de leurs trois jeunes enfants. Il observe également que peu après la disparition de M. Sharma, Mme Sharma a cherché, à plusieurs reprises, à savoir où se trouvait son mari, et qu’elle s’est heurtée à l’hostilité des autorités, qui ont officiellement nié que M. Sharma était détenu. Il note que l’État partie a nié que les autorités aient arrêté, détenu, torturé ou harcelé Mme Sharma, mais que les auteurs n’ont à aucun moment prétendu que celle-ci avait subi pareil traitement. Il note également que l’État partie n’a pas contesté les allégations selon lesquelles les autorités avaient fait preuve d’hostilité à l’égard de Mme Sharma, ni remis en question les dires de celle-ci concernant l’angoisse et la détresse que lui avaient causées la disparition de son mari. Dans les circonstances particulières de l’espèce, le Comité considère donc que les faits dont il est saisi font aussi apparaître une violation de l’article 7 du Pacte à l’égard de Mme Sharma. Compte tenu de ce qui précède, le Comité n’examinera pas séparément les griefs que les auteurs tirent de l’article 17.

10.11S’agissant des griefs que les auteurs tirent du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, qui impose aux États parties l’obligation de garantir un recours utile à toute personne dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés, le Comité note qu’il attache de l’importance à la mise en place par les États parties de mécanismes judiciaires et administratifs appropriés pour examiner les plaintes faisant état de violations des droits de l’homme. Dans son observation générale no 31 (2004) concernant la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, le Comité déclare que le fait pour un État partie de ne pas mener d’enquête sur des violations présumées pourrait en soi donner lieu à une violation distincte du Pacte. En l’espèce, il relève que M. Sharma n’a eu accès à un recours utile ni pendant sa détention ni après sa remise en liberté. Pendant la détention de son époux, Mme Sharma s’est rendue dans un commissariat pour obtenir des informations sur la situation de celui-ci. Elle a par la suite formé un recours en habeas corpus devant la Cour suprême et saisi la Commission nationale des droits de l’homme. En dépit des tentatives des auteurs, et bien que la Commission ait recommandé d’enquêter sur l’affaire et que la Cour suprême ait rendu une ordonnance de mandamus pour que le Gouvernement ouvre une enquête sur les circonstances de la détention et de la disparition forcée de M. Sharma et offre des mesures de réparation appropriées, rien de tout cela n’a été fait. Plus de onze ans après les faits, l’État partie n’a toujours pas enquêté sur l’affaire de manière diligente et approfondie en vue de faire toute la lumière sur les circonstances de la détention et de la disparition forcée de M. Sharma et n’a pas ouvert d’enquête judiciaire pour traduire en justice les auteurs des violations dont M. Sharma a été victime. La somme de 100 000 roupies reçue par M. Sharma à titre d’indemnisation provisoire ne constitue pas une réparation à la mesure de la gravité des violations dont son épouse et lui-même ont été victimes. En conséquence, le Comité conclut que, pour ce qui est de M. Sharma, les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 6, et les articles 7, 9 et 16 et, s’agissant de Mme Sharma, une violation du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec l’article 7.

11.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les informations dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, à l’égard de M. Sharma, et de l’article 7, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, à l’égard de Mme Sharma.

12.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile. Cela suppose qu’il répare intégralement le préjudice subi par les personnes dont les droits au titre du Pacte ont été violés. L’État partie est donc tenu, notamment, de prendre les mesures suivantes : a) mener une enquête approfondie et efficace sur les circonstances de la détention de M. Sharma et le traitement infligé à celui-ci en détention ; b) poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises et rendre publics les résultats de ces mesures ; c) communiquer aux auteurs des informations détaillées sur les résultats de l’enquête ; d) veiller à ce que les auteurs bénéficient des mesures de réadaptation psychologique nécessaires et d’un traitement médical adéquat ; e) assurer aux auteurs une réparation effective pour les violations subies, notamment sous la forme d’une indemnisation suffisante et de mesures appropriées susceptibles de leur donner satisfaction. L’État partie est également tenu de prendre des mesures pour que pareilles violations ne se reproduisent pas. En particulier, il devrait faire en sorte que sa législation : a) permette d’engager des poursuites pénales contre les responsables de violations graves des droits de l’homme telles que les actes de torture, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées ; b) garantisse que toute disparition forcée donne rapidement lieu à une enquête impartiale et efficace ; c) définisse et incrimine les actes de torture et prévoie des peines et des mesures de réparation à la mesure de la gravité de l’infraction ; d) soit modifiée de façon à rendre conforme aux normes internationales le délai de prescription de trente-cinq jours applicable aux demandes d’indemnisation en cas de torture.

13.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’il est établi qu’une violation a été commise, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans sa langue officielle.