Nations Unies

CCPR/C/127/D/2760/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

16 décembre 2019

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2760/2016 * , **

Communication présentée par  :

Carlos Moreno Zamora, María Enriqueta Pérez Barrera et Areli Moreno Pérez, en leur nom et au nom de Jesús Israel Moreno Pérez, fils et frère disparu ( représentés par I(DH)EAS Litigio Estratégico en Derechos Humanos et Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos )

Victime(s) présumée(s)  :

Les auteurs et leur fils et frère Jesús Israel Moreno Pérez

État partie  :

Mexique

Date de la communication  :

10 novembre 2015

Références  :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 6 avril 2016 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations  :

5 novembre 2019

Objet  :

Disparition

Question(s) de procédure  :

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond  :

Droit à un recours utile ; droit à la vie ; interdiction de la torture et des traitements cruels et inhumains ; droit à la liberté et à la sécurité de la personne ; reconnaissance de la personnalité juridique

Article(s) du Pacte  :

2 ( par.  3), 6 ( par.  1), 7, 9 et 16

Article(s) du Protocole facultatif  :

5 ( par.  2 b))

1.Les auteurs de la communication, datée du 10 novembre 2015, sont Carlos Moreno Zamora, María Enriqueta Pérez Barrera et Areli Moreno Pérez, tous majeurs et de nationalité mexicaine. Ils agissent en leur nom propre et au nom de Jesús Israel Moreno Pérez, fils des deux premiers auteurs et frère de la troisième, également de nationalité mexicaine, né le 23 novembre 1991 et disparu depuis le 8 juillet 2011. Les auteurs affirment que l’État partie a violé les droits que M. Moreno Pérez tient des articles 6(par. 1), 7, 9 et 16 du Pacte, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2. Ils affirment également que l’État partie a violé leurs droits au titre de l’article 7 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 15 juin 2002. Les auteurs sont représentés.

Exposé des faits

Contexte

2.1Les auteurs soutiennent que les faits en cause se sont produits dans un contexte de violations graves des droits de l’homme, résultant de la politique sécuritaire engagée par l’État partie en 2006, appelée « guerre contre le trafic de drogues », qui consiste en une confrontation directe de la police et des forces armées avec les groupes criminels organisés. Les violations graves des droits de l’homme ont sensiblement augmenté avec la mise en œuvre de cette politique, et elles n’ont pratiquement jamais fait l’objet d’enquêtes dignes de ce nom. Ce constat vaut pour l’État d’Oaxaca, huitième du pays par le nombre de plaintes pour violations des droits de l’homme.

2.2Les auteurs renvoient aux observations finales du Comité des disparitions forcées concernant le Mexique, qui rendent compte de la généralisation des disparitions dans une grande partie du pays. Le Comité des disparitions forcées a constaté que divers obstacles empêcheraient la réalisation d’enquêtes. Ainsi, dans plusieurs cas, les autorités compétentes : a) n’auraient pas ouvert une enquête avec la diligence requise ; b) avaient qualifié les faits sur la base d’autres infractions ; c) avaient détruit ou altéré des éléments de preuve.

2.3Les auteurs renvoient également au rapport établi par la Commission interaméricaine des droits de l’homme après sa visite au Mexique en 2015, qui confirme le caractère généralisé des disparitions forcées, et à la déclaration faite par le Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme après sa visite au Mexique la même année, dans laquelle il est fait état d’une « vague implacable de violations des droits de l’homme ».

Disparition de M. Moreno Pérez et déclarations de sa disparition

2.4Le 4 juillet 2011, M. Moreno Pérez (âgé de 19 ans au moment des faits et étudiant en géographie à l’Université nationale autonome du Mexique) a quitté la ville de Mexico, où il habitait, pour se rendre dans l’État d’Oaxaca, dont il comptait découvrir les plages pendant son mois de vacances. Ses proches ont communiqué avec lui pour la dernière fois le 8 juillet 2011, par échange de SMS à son arrivée sur une plage de Chacahua, dans l’État d’Oaxaca.

2.5Le 8 août 2011, comme il n’arrivait pas à joindre son fils, M. Moreno Zamora a déclaré sa disparition au Centre des personnes disparues et absentes du Bureau du Procureur général du District fédéral.

2.6Le 10 août 2011, après s’être déplacé de la ville de Mexico à celle d’Oaxaca, M. Moreno Zamora a déclaré la disparition de son fils au ministère public de San Pedro Tututepec (où se trouve la localité de Chacahua), ce qui a donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire. Face à l’inaction des autorités, et après avoir appris par le responsable de l’enquête que celle-ci n’avait pu être engagée faute d’argent pour payer l’essence, M. Moreno Zamora est parti lui-même à la recherche de son fils. Le 1er septembre 2011, il est parvenu à localiser son téléphone portable, toujours équipé de la même carte SIM. Le téléphone et son chargeur avaient été trouvés à la décharge municipale de Jamiltepec (à deux heures de trajet de Chacahua). Le 10 septembre 2011, M. Moreno Zamora a retrouvé le sac à dos de son fils dans un petit hôtel où celui-ci avait séjourné. Les objets ainsi trouvés ont été remis aux autorités.

2.7Le 8 octobre 2011, M. Moreno Zamora, n’ayant pas confiance dans le ministère public de San Pedro Tututepec, qui n’avait pas mené d’enquête, a aussi déclaré la disparition de son fils au ministère public de Puerto Escondido (commune de l’État d’Oaxaca également située à deux heures de Chacahua). Une autre enquête préliminaire a été ouverte, à laquelle a été jointe la précédente.

2.8Plus tard, M. Moreno Zamora a également déclaré la disparition de son fils au Bureau du Procureur adjoint chargé de la criminalité organisée, qui dépend du Bureau du Procureur général de la République, ce qui a donné lieu à une nouvelle enquête préliminaire.

Irrégularités dans l’instruction de l’affaire par le Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca

2.9Les auteurs soutiennent qu’une première irrégularité dans l’instruction de l’affaire a été la substitution, par les autorités, du téléphone du disparu par un autre téléphone de même marque et de même modèle, qui a permis la destruction d’un élément de preuve important pour l’enquête.

2.10Une deuxième irrégularité tient au crédit que les autorités ont accordé à la description qu’un pêcheur avait faite du cadavre présumé de M. Moreno Pérez. Le 20 juillet 2011, le pêcheur aurait vu flotter le corps d’une personne robuste, mesurant 1,50 m, apparemment chauve et âgée d’environ 35 ans ; or, M. Moreno Pérez est mince, mesure 1,70 m et a les cheveux longs et frisés.

2.11Les auteurs soulignent que les autorités ont élaboré une version erronée des faits à partir de déclarations contradictoires. Le 2 décembre 2011, les autorités ont arrêté Javier Rodríguez Peña − pêcheur et agriculteur originaire de Chacahua, âgé de 22 ans et ayant un niveau d’études primaires − qui a déclaré que, le 9 juillet 2011, lui et trois autres personnes des environs (Honorio Corcuera, Félix Gallardo et Ramiro Serrano) avaient tué M. Moreno Pérez sur la plage pour lui voler son téléphone portable, son appareil photo et son Ipod. Or, les auteurs précisent que M. Moreno Pérez n’a jamais possédé d’Ipod ni d’appareil photo et que ces objets n’ont pas été trouvés. Selon la déclaration, Honorio Corcuera a poignardé M. Moreno Pérez à la poitrine, puis lui et ses compagnons l’ont enterré et, deux jours plus tard, l’ont exhumé pour le jeter à la mer. Le 5 décembre 2011, dans le cadre de l’arraigo, Javier Rodríguez Peña a fait une nouvelle déclaration, dans laquelle il changeait de version et expliquait que l’homicide avait été commis le 10 juillet 2011, dans la lagune de Chacahua, sur une embarcation de couleur verte, où il se trouvait en compagnie de Honorio Corcuera, de Margarito González et d’Irene Méndez Graf. Honorio Corcuera avait frappé M. Moreno Pérez dans le but de lui dérober son téléphone portable, son appareil photo et son Ipod, et l’avait poignardé dans les flancs, au niveau des côtes, et à la poitrine, avant de le jeter à l’eau. Le même jour, Honorio Corcuera a déclaré que Javier Rodríguez Peña avait poignardé M. Moreno Pérez sur une route de Chacahua.

2.12Le 21 décembre 2011, les autorités ont publié un rapport de criminalistique de terrain, selon lequel M. Moreno Pérez était mort après avoir été gravement blessé par des objets contondants et tranchants, puis jeté à la mer.

2.13Le 22 décembre 2011, l’ancien Procureur général de l’État d’Oaxaca et l’ancien Procureur adjoint chargé de l’instruction des infractions graves de l’État d’Oaxaca ont informé le père du disparu que son fils avait été tué pendant un vol.

2.14Le 24 décembre 2011, une expertise chimico-légale a établi qu’il n’y avait pas de traces de sang dans l’embarcation. Le même jour, une procédure a été engagée pour retrouver le corps, sans résultat.

2.15Le 25 décembre 2011, un rapport a fourni une évaluation virtuelle des biens susceptibles d’avoir motivé le vol présumé, à savoir : a) un téléphone portable Sony Ericsson d’une valeur de 65 dollars des États-Unis environ ; b) un appareil photo numérique équipé d’un zoom, d’une valeur de 650 dollars environ ; c) un Ipod d’une valeur de 195 dollars environ.

2.16Le 29 décembre 2011, un rapport d’« autopsie verbale » a établi que la cause du décès était une hémorragie interne intense, due à des blessures au thorax et à l’abdomen infligées au moyen d’une arme pointue et tranchante. Un certificat de décès a été délivré.

2.17Le 2 janvier 2012, les quatre personnes déjà détenues dans le cadre de l’arraigo (Javier Rodríguez Peña, Honorio Corcuera, Margarito González et Irene Méndez Graf) ont été officiellement placées en détention.

2.18Le 4 janvier 2012, lors d’une conférence de presse, les autorités ont annoncé que l’affaire était résolue.

2.19Le même jour, dans sa première déclaration devant la juridiction pénale de Puerto Escondido, Javier Rodríguez Peña a nié les faits et a affirmé que le policier chargé de l’enquête auprès du ministère public d’Oaxaca, Juan Luis Vásquez Martínez, l’avait frappé pour qu’il dise que Honorio Corcuera avait tué M. Moreno Pérez. Il a déclaré : « [L]e commandant Juan, d’Oaxaca, qui m’a arrêté, m’a frappé autant qu’il a pu et m’a offert 1 million de pesos pour que je témoigne contre Honorio. ». Honorio Corcuera a déclaré au juge que le même policier l’avait frappé et l’avait menacé d’arrêter sa famille pour qu’il témoigne contre Javier Rodríguez Peña. « Il m’a mis un sac sur la tête et m’a versé de l’eau sur le visage ; il allait me donner 40 000 pesos. », a-t-il dit. Le même jour, le troisième accusé, Margarito González, a déclaré devant le juge : le policier m’a dit que, « bon gré, mal gré », il allait me conduire devant le juge ; « il m’a frappé et m’a dit que je devais accepter de suivre le garçon, que cela allait me convenir ; ils m’ont fait monter dans une camionnette, m’ont mis des sacs sur la tête pour me déstabiliser et j’ai signé des documents ; ensuite, quelqu’un d’autre m’a frappé et a menacé de dire que je faisais partie d’un cartel ; on a menacé de s’en prendre à ma famille ». Le juge n’a pas ouvert d’enquête d’office sur les faits dénoncés, mais a poursuivi la procédure pénale contre les quatre accusés, pour vol qualifié avec violence physique et pour homicide qualifié assorti des circonstances aggravantes de la préméditation et de l’exploitation d’un avantage.

2.20 Le 7 janvier 2012, le juge a rendu contre Javier Rodríguez Peña une ordonnance de mise en détention provisoire, qui a été confirmée en appel, le 17 janvier 2013. Le 10 janvier 2012, une ordonnance de mise en détention provisoire a été prononcée contre Honorio Corcuera, Margarito González et Irene Méndez Graf. Les deux premiers accusés ont interjeté appel ; ils ont été déboutés le 17 avril 2013. Irene Méndez Graf a engagé un avocat et a présenté un recours en amparo pour démontrer qu’elle ne se trouvait pas à Chacahua à la date de l’homicide présumé. Le 12 juin 2012, le juge a privé d’effet l’ordonnance de mise en détention prononcée contre elle et, le 2 juillet 2012, a ordonné sa remise en liberté, faute de charges suffisantes. Les trois autres accusés sont toujours en prison.

2.21M. Moreno Zamora a continué de chercher son fils. Il a rencontré deux personnes qui lui ont dit avoir vu celui-ci à Chacahua, le 6 août 2011, c’est‑à‑dire près d’un mois après la date de l’homicide présumé. Le responsable de l’enquête a refusé de prendre les dépositions de ces personnes et a menacé de tuer le père du disparu s’il revenait à Oaxaca. Il a aussi offert de l’argent au neveu, mineur, de Javier Rodríguez Peña pour qu’il déclare comment la carte d’électeur de M. Moreno Pérez avait été retrouvée : « Le commandant Juan m’a dit que si je déclarais qu’elle se trouvait sous le lit de ma maman, il me donnerait 5 000 pesos et ferait sortir mon oncle de prison, il m’a dit de signer et a pris mes empreintes, je ne sais pas ce que j’ai signé. ».

Plaintes et sanctions administratives contre les fonctionnaires du Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca pour irrégularités dans le cadre de l’enquête

2.22Le père du disparu a porté plainte contre plusieurs fonctionnaires qui étaient intervenus dans l’enquête. Le 11 janvier 2013, une procédure administrative a été engagée devant le Bureau du Procureur spécialisé dans l’instruction des infractions commises par des agents de la fonction publique, qui dépend du Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca.

2.23Le 29 janvier 2014, le Bureau du Procureur spécialisé dans l’instruction des infractions commises par des agents de la fonction publique a qualifié de fautes graves les manquements à la procédure, le non-respect de l’obligation d’enquêter, les abus d’autorité, les fausses déclarations devant la justice et les infractions contre la paix et la sécurité des personnes. Il a condamné plusieurs fonctionnaires du ministère public et de la police qui lui est rattachée à trente et quatre-vingt-dix jours de suspension de travail sans rémunération. À l’issue d’une autre enquête préliminaire, ouverte le 22 février 2015, la même instance a condamné le Procureur adjoint régional de la Costa alors en exercice à quatre‑vingt‑dix jours de suspension de travail sans rémunération et plusieurs experts à trente et quatre‑vingt-dix jours de suspension de travail sans rémunération.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs soutiennent que des conditions suffisantes sont réunies pour que l’exception à la règle de l’épuisement des recours internes, prévue au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif s’applique, car, bien que des plaintes aient été présentées devant les instances judiciaires compétentes, l’enquête n’a pas été diligente, impartiale, approfondie et indépendante, et elle s’est prolongée de manière injustifiée, de sorte que les moyens mis en œuvre n’ont pas permis de retrouver la victime ni d’identifier les vrais responsables.

3.2Les auteurs affirment que M. Moreno Pérez est victime d’une violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, et demandent au Comité d’appliquer sa jurisprudence selon laquelle l’expression « disparition forcée » peut être utilisée au sens large pour désigner les disparitions qui sont l’œuvre de forces indépendantes de l’État. Ils rappellent en outre que les États sont tenus de garantir la protection contre les violations commises par des particuliers. À cet égard, ils soutiennent que, depuis qu’elles ont eu connaissance de la disparition de M. Moreno Pérez, les autorités ont manqué à leur obligation d’engager immédiatement des recherches et ont altéré et fabriqué des éléments de preuve pour détourner l’enquête, créant des conditions qui mettaient gravement en danger la vie du disparu, si bien qu’il est raisonnable de présumer que le droit à la vie de M. Moreno Pérez a été violé.

3.3Les auteurs affirment également que M. Moreno Pérez est victime d’une violation de l’article 7 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, au regard de la jurisprudence constante du Comité selon laquelle la disparition constitue en soi une forme de torture pour la personne disparue. Ils soutiennent qu’il est raisonnable de présumer que, pendant sa privation de liberté, M. Moreno Pérez a éprouvé un sentiment d’angoisse et d’impuissance qui lui a causé de grandes souffrances. Ils soutiennent également qu’ils ont été eux-mêmes victimes d’une violation de l’article 7 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, en ce qu’on a tenté de les obliger à accepter la version de l’homicide en vue de freiner les recherches, et sont consternés par la rapidité avec laquelle les autorités ont clos l’affaire. À cet égard, le père du disparu a déclaré aux médias qu’il était opposé au « classement » de l’affaire. L’incertitude persistante qui a fait suite à la disparition de M. Moreno Pérez est pour les auteurs une source d’angoisse et de stress, et « mine leur existence ».

3.4Les auteurs affirment aussi que M. Moreno Pérez est victime d’une violation de l’article 9 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, en ce que le lieu où se trouve le disparu, ce qu’il lui est arrivé et la manière dont il a été privé de liberté demeurent non élucidés, et que les autorités se sont d’abord abstenues de le rechercher, puis ont fait obstruction aux recherches engagées, ce qui permet raisonnablement de penser que M. Moreno Pérez a été privé de liberté contre sa volonté.

3.5Les auteurs affirment en outre que M. Moreno Pérez est victime d’une violation de l’article 16 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, en ce qu’il a été soustrait à la protection de la loi du fait de son enlèvement ou de sa privation de liberté, et que des obstacles ont ensuite été systématiquement posés aux tentatives pour le retrouver.

3.6En conclusion, les auteurs affirment qu’il y a violation de tous les articles précités (6 (par. 1), 7, 9 et 16), lus conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, les autorités ayant cherché à dissimuler la disparition, en altérant et en fabriquant des éléments de preuve, en obtenant des aveux par la torture et en manipulant des témoins, dans le but de faire croire à un homicide motivé par le vol et, partant, de pouvoir classer l’affaire en accusant des innocents. Les auteurs rappellent que les dépositions et les aveux sont des éléments de preuve recevables dans le cadre d’une enquête pénale pour autant qu’on puisse en tirer des conclusions cohérentes sur les faits, mais que, lorsqu’ils ont été obtenus par la contrainte, la torture ou d’autres traitements inhumains ou dégradants, ils ne peuvent être invoqués à titre de preuve. Les auteurs rappellent aussi que les actes susmentionnés ont donné lieu à des sanctions administratives, mais non à des sanctions pénales. Ils rappellent en outre que le cadavre de M. Moreno Pérez n’a jamais été retrouvé, qu’un certificat de décès a été délivré en l’absence de corps et qu’une évaluation virtuelle a été faite des objets, pourtant inexistants, qui auraient motivé le vol. En conclusion, les auteurs constatent qu’il n’a pas encore été possible de déterminer où se trouve le disparu ni ce qu’il lui est arrivé.

3.7Les auteurs soutiennent qu’à titre de mesures de réparation, l’État partie doit : a) procéder à une enquête impartiale, approfondie et rigoureuse sur les faits, en tenant compte du contexte de disparitions forcées ; b) continuer de chercher M. Moreno Pérez ; c) leur fournir des informations détaillées sur les résultats de l’enquête ; d) remettre en liberté M. Moreno Pérez au cas où il serait encore détenu ; e) si M. Moreno Pérez est effectivement mort, rechercher ses restes et les leur restituer ; f) poursuivre et punir tous les responsables ; g) garantir une réparation intégrale du préjudice ; et h) adopter des mesures visant à empêcher que des violations analogues se reproduisent, en particulier réviser la législation qui a permis que les violations soient commises, notamment le Code de procédure pénale de l’État libre et souverain d’Oaxaca, en vertu duquel la cause du décès a pu être déterminée par la pratique d’une autopsie en l’absence de cadavre, ce qui a donné à l’État partie la possibilité de se soustraire à son obligation d’enquêter et a entravé l’accès à la justice.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 3 juin 2016, l’État partie a invité le Comité à déclarer que la communication était irrecevable au motif que tous les recours internes n’avaient pas été épuisés pour faire la lumière sur la disparition présumée de M. Moreno Pérez, puisque les enquêtes étaient toujours en cours.

4.2L’État partie signale, en particulier, que l’enquête préliminaire devant le Bureau du Procureur général de la République suit son cours et qu’un grand nombre de mesures sont engagées, en concertation avec les autorités locales et fédérales, pour savoir où se trouve la personne présumée disparue. De plus, même si aucun jugement n’a encore été prononcé contre les responsables présumés, les parties à la procédure pénale devant le tribunal de Puerto Escondido (Oaxaca) fournissent et présentent des éléments de preuve. L’État partie précise que la procédure pénale n’accuse pas de retard, mais que, pour contester les décisions de l’organe juridictionnel, qui étaient fondées et motivées, les accusés ont formé plusieurs recours en appel et en amparo qui ont été tranchés dans le respect des délais fixés par le cadre juridique national, ce qui a ralenti la procédure. Il indique que le recours en appel permettra aux auteurs d’obtenir l’annulation de la décision rendue s’ils la considèrent erronée et que le recours en amparo sera aussi un recours approprié et utile.

4.3L’État partie soutient qu’il incombe à ses tribunaux, et non au Comité, d’apprécier les faits et d’évaluer les éléments de preuve, car la procédure engagée devant les juridictions internes n’est pas arbitraire, ni équivalente à un déni de justice.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Le 12 septembre 2016, les auteurs ont présenté leurs commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité, dans lesquels ils insistent sur le fait qu’ils ont fait usage des recours internes disponibles et que ces recours ont été prolongés de manière injustifiée et se sont révélés inefficaces pour clarifier les circonstances de la disparition.

5.2Les auteurs rappellent qu’il incombe aux juridictions internes d’apprécier les faits et d’évaluer les éléments de preuve, sauf lorsque la procédure est manifestement arbitraire, qu’elle est constitutive d’un déni de justice ou qu’elle ne satisfait pas à l’obligation d’indépendance et d’impartialité. En l’espèce, non seulement ont été commises de sérieuses irrégularités, que la juridiction de contrôle a qualifié de « fautes graves », mais le juge n’a pas enquêté sur les allégations des responsables présumés, selon lesquelles ceux‑ci auraient été forcés à faire de fausses déclarations, qui restent les seuls éléments à l’appui de la version de l’homicide présumé. Les auteurs soutiennent que les allégations de traitements contraires à l’article 7 doivent faire l’objet d’une enquête sans délai et réaffirment que les informations obtenues par la torture ne doivent pas être recevables à titre de preuve. Ils rappellent en particulier que le Comité contre la torture a regretté qu’au Mexique, « certains tribunaux continuent d’accepter […] des aveux qui pourraient avoir été obtenus par la contrainte ou la torture » et a recommandé à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour « [g]arantir que les aveux obtenus par la torture ou par des mauvais traitements ne soient utilisés comme preuve dans aucune procédure ».

5.3De plus, les auteurs soutiennent que l’État partie ne fournit pas d’informations précises et pertinentes sur les mesures adoptées pour mener à bien l’enquête préliminaire devant le Bureau du Procureur général de la République, puisqu’il ne fait mention d’aucune des démarches qui seraient accomplies.

5.4Enfin, en ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel il n’y a pas de retard dans la procédure pénale, les auteurs rappellent que la procédure a été engagée en janvier 2012 et qu’elle n’a pas avancé depuis cette date.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Dans ses observations en date du 20 octobre 2016, l’État partie a invité le Comité à constater qu’il n’avait violé aucun des articles du Pacte.

6.2En particulier, l’État partie affirme qu’il ne peut pas être considéré comme responsable par action, car on ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour établir que les auteurs de la disparition sont des fonctionnaires, et qu’il ne peut pas non plus être considéré comme responsable par omission car, non seulement il n’est pas tenu de savoir tout ce qui se passe sur son territoire, mais son obligation de prévenir la commission d’actes illicites suppose qu’il ait connaissance de l’existence d’une situation de risque, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

6.3De plus, l’État partie affirme que les enquêtes satisfont aux normes et aux obligations établies par le Pacte, puisqu’elles sont effectuées avec la diligence voulue, de manière impartiale et approfondie, et rappelle que l’obligation d’enquêter est une obligation de moyen, et non une obligation de résultat.

6.4À cet égard, l’État partie affirme que les enquêtes ont été menées sans retard depuis que les faits ont été connus, le 10 août 2011, puisque c’est à cette date qu’a été ouverte l’enquête qui a ensuite abouti à une procédure pénale, dans le cadre de laquelle trois personnes sont actuellement poursuivies.

6.5L’État partie affirme également que les enquêtes ont été menées de manière impartiale, car il n’existe pas de conflit d’intérêts avec les autorités qui en sont chargées, celles-ci n’ayant pas participé à la disparition présumée.

6.6De plus, l’État partie affirme que les enquêtes ont été menées de manière approfondie, compte tenu de la longue liste des démarches de recherche accomplies (recueil de dépositions, visites des lieux, demande d’informations auprès du Secrétariat à la marine sur la trajectoire des courants et l’éventuelle découverte d’un corps ; demande du relevé de la carte de débit de M. Moreno Pérez ; appels à la mobilisation des commissariats dans les activités de recherche ; communications écrites aux hôpitaux et aux centres de santé ; enquête sur le terrain ; pose d’affiches et offre d’une récompense ; demande d’établissement du profil psychocriminologique des personnes placées en détention).

6.7L’État partie signale qu’il a donné suite aux allégations de torture visant le fonctionnaire Juan Luis Vásquez Martínez. À cet égard, une enquête préliminaire a été ouverte auprès du Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca pour responsabilité présumée dans la commission des infractions de menace et d’abus d’autorité, et d’autres faits illicites.

6.8Enfin, l’État partie signale que, le 14 juin 2015, une autre enquête préliminaire a été ouverte devant le Bureau du Procureur général de la République (Bureau du Procureur spécialisé dans l’instruction des infractions de disparition forcée, qui relève du Bureau du Procureur général adjoint chargé des droits de l’homme, de la prévention des infractions et des services à la collectivité), dans le cadre de laquelle différentes démarches ont été accomplies, notamment des examens sanguins pour obtenir le profil génétique du disparu, une demande d’informations sur ses antécédents, et le contrôle des sorties du territoire et entrées dans le pays.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Dans leurs commentaires datés du 3 juillet 2017, les auteurs rappellent que « les États parties ont une obligation positive d’assurer la protection des personnes contre les violations des droits consacrés par le Pacte qui peuvent être commises non seulement par leurs agents, mais aussi par des personnes privées, physiques ou morales ». De plus, ils affirment que des fonctionnaires ont effectivement commis des actes qui engagent la responsabilité internationale de l’État partie dans la disparition de M. Moreno Pérez, à la fois par action et par omission.

7.2En ce qui concerne la responsabilité de l’État partie par action, les auteurs soutiennent que des fonctionnaires du ministère public et de la police du Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca ont participé, en altérant et en fabriquant des éléments de preuve, et partant, en détournant l’enquête. À cet égard, ils citent la Cour interaméricaine des droits de l’homme, selon laquelle l’utilisation du pouvoir de l’État pour la destruction de moyens de preuve directs des faits, avec pour but l’obtention d’une impunité totale ou la commission d’une sorte de crime parfait, porte à croire que la disparition est imputable à l’État. Les auteurs signalent aussi que, selon le Bureau du Défenseur des droits de l’homme de la localité d’Oaxaca, les résultats de l’autopsie ont été établis sur la base de « documents dont la date est postérieure à celle qui figure sur le rapport d’autopsie, comme le compte rendu du transport de justice, de l’inspection complémentaire, de la reconstitution des faits et de l’inspection en haute mer » et qu’il en résulte que le rapport d’autopsie « n’apporte pas une pleine certitude juridique, à moins d’admettre que d’autres éléments qui n’existaient pas encore au moment où il a été établi puissent être pris en considération ». Le Bureau du Défenseur des droits de l’homme estime que « des doutes sérieux subsistent quant à la manière dont les faits ont été établis et quant à la responsabilité des personnes poursuivies, notamment parce que les règles de préservation des éléments de preuve n’ont pas été respectées dans le cas du téléphone portable de la victime, que d’autres pistes mises au jour par les indices recueillis n’ont pas été suivies, que des éléments n’ont pas été correctement versés au dossier, que des témoins ont été influencés et que des dépositions ont été très probablement obtenues par la contrainte, si bien qu’il existe des contradictions manifestes dans les déclarations figurant dans le rapport d’enquête préliminaire ». Le Bureau du Défenseur des droits de l’homme estime en outre qu’au vu de la manière dont M. Moreno Pérez aurait perdu la vie, on pouvait présumer que des traces de sang seraient trouvées dans l’embarcation ; or, tel n’a pas été le cas. De plus, le fait qu’Irene Méndez Graf a recouvré la liberté après avoir prouvé qu’elle ne se trouvait pas à Chacahua le jour des faits présumés « démontre une nouvelle fois combien les preuves sont fragiles ». En conclusion, le Bureau du Défenseur des droits de l’homme « constate qu’il n’y a pas d’enquête solide qui confirme les infractions de vol et d’homicide imputées aux personnes poursuivies, dans la mesure où l’enquête a reposé sur des déclarations et des témoignages contradictoires, et sur des expertises d’un cadavre et d’objets inexistants ».

7.3En ce qui concerne la responsabilité de l’État partie par omission, les auteurs signalent qu’aucune enquête pénale n’a été ouverte pour altération et fabrication d’éléments de preuve et que c’est précisément pour cette raison que le Bureau du Défenseur des droits de l’homme a estimé qu’il fallait reprendre l’enquête, et mener à bien l’enquête visant le fonctionnaire accusé des chefs de menace, de torture et de création de fausses déclarations et, s’il y a lieu, le poursuivre au pénal.

7.4Les auteurs soutiennent qu’en fin de compte, les faits susmentionnés ont permis d’occulter la manière dont le disparu avait été privé de liberté. Ils considèrent que les actes des agents de l’État sont constitutifs d’une disparition forcée par : a) la privation de liberté, dans la mesure où M. Moreno Pérez a disparu sans que l’État partie ait déterminé le lieu où il se trouvait ni le lieu où se trouvait son corps ; b) la participation, l’appui ou le consentement d’agents de l’État, dans la mesure où des fonctionnaires sont directement intervenus dans l’altération et la fabrication d’éléments de preuve et dans l’élaboration de faux témoignages ; et c) la dissimulation du sort réservé à la personne disparue et du lieu où elle se trouve, dans la mesure où des éléments de preuve ont été altérés ou fabriqués pour détourner l’enquête.

7.5En ce qui concerne les enquêtes d’une manière générale, les auteurs insistent sur l’incohérence de l’État partie, qui engage dans le même temps une procédure pénale pour homicide présumé et des enquêtes préliminaires pour disparition.

7.6En ce qui concerne l’observation de l’État partie selon laquelle les enquêtes ont été menées conformément aux dispositions du Pacte, les auteurs affirment au contraire qu’elles n’ont été ni immédiates ni approfondies. À cet égard, ils font remarquer que l’État partie a eu connaissance de la disparition dès le 8 août 2011, date de la première déclaration de disparition (supra, par. 2.5), et que les enquêtes restaient toujours à engager après la deuxième déclaration de disparition, le 10 août 2011 (supra, par. 2.6), raison pour laquelle, précisément, le père du disparu a présenté une troisième déclaration de disparition auprès du ministère public de Puerto Escondido (supra, par. 2.7). De plus, les auteurs estiment qu’en concluant à de graves irrégularités, le Bureau du Procureur spécialisé dans l’instruction des infractions commises par des agents de la fonction publique a établi que l’enquête n’était pas approfondie. Enfin, les auteurs signalent que la dernière enquête préliminaire, ouverte en 2015 devant le Bureau du Procureur général de la République (supra, par. 6.8), n’a pas non plus été une enquête diligente et approfondie, compte tenu de l’absence totale de démarches pertinentes.

7.7Les auteurs reprennent la conclusion du Bureau du Défenseur des droits de l’homme, selon laquelle « il y a eu un manquement à l’obligation d’enquêter, car les autorités auraient dû commencer par recueillir des informations précises et elles ne l’ont pas fait, si bien que le père du disparu a mené sa propre enquête, allant jusqu’à retrouver la personne qui avait hébergé son fils avant sa disparition et récupérer le sac à dos de celui-ci et d’autres biens lui appartenant », qu’il a ensuite remis au ministère public. Le Bureau du Défenseur des droits de l’homme estime que « l’enquête a été menée dans des conditions institutionnelles telles qu’elle n’a pas pu remplir son objectif » et qu’il en résulte que la famille du disparu ne sait toujours pas aujourd’hui avec certitude ce qui est arrivé ; il conclut donc à une violation du droit à une procédure régulière, en particulier du droit à une enquête diligente et approfondie.

Renseignements complémentaires communiqués par l’État partie

8.1Le 19 décembre 2018 et le 13 mars 2019, l’État partie a informé le Comité de la suite donnée à la recommandation du Bureau du Défenseur des droits de l’homme. En ce qui concerne le déroulement des enquêtes, l’État partie signale en premier lieu que, par acte daté du 24 novembre 2016, le Procureur général de l’État d’Oaxaca a demandé au Procureur spécialisé dans l’instruction des infractions graves d’effectuer une enquête sérieuse, professionnelle, scientifique et respectueuse des droits de l’homme afin d’explorer toutes les pistes pouvant permettre de retrouver M. Moreno Pérez en vie. L’État partie signale en deuxième lieu qu’un appel à la coopération a été lancé afin que les données génétiques de M. Moreno Pérez soient systématiquement recoupées avec celles des corps qui seraient retrouvés. L’État partie signale en troisième lieu que, le 25 octobre 2018, dans le but d’optimiser les recherches, une enquête a également été ouverte par l’unité spécialisée dans les disparitions forcées, récemment créée au sein du Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca. Enfin, l’État partie a énuméré les mesures prises par le Bureau du Procureur général de la République (différentes demandes faites en 2018 pour obtenir la désignation de personnes qui se consacrent pleinement à l’enquête), qui n’ont pas donné de résultat.

8.2En ce qui concerne l’enquête préliminaire ouverte contre le fonctionnaire Juan Luis Vásquez Martínez devant le Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca (supra, par. 6.7), l’État partie fait savoir que, le 5 novembre 2018, le huitième tribunal de district de l’État d’Oaxaca a donné gain de cause au plaignant dans le cadre du recours en amparo présenté le 6 novembre 2017, et qu’il appartient maintenant à l’autorité fédérale de prendre les dispositions appropriées.

8.3En ce qui concerne la recommandation de reconnaissance publique de responsabilité et de présentation d’excuses publiques émanant du Bureau du Défenseur des droits de l’homme, l’État partie fait savoir que, le 28 novembre 2016, le Procureur général de l’État d’Oaxaca y a donné suite, en présence de M. Moreno Zamora, de différents représentants des médias, et de l’Inspecteur général du Bureau du Défenseur des droits de l’homme, entre autres.

8.4En ce qui concerne l’indemnisation recommandée par le Bureau du Défenseur des droits de l’homme, l’État partie signale que, lors d’une réunion organisée le 29 novembre 2016, M. Moreno Zamora a accepté la somme de 1 500 000 pesos, qui lui a été versée par la suite.

8.5En ce qui concerne les garanties de non‑répétition, l’État partie signale que, par acte daté du 24 novembre 2016, il a ordonné que des programmes de formation aux droits de l’homme soient dispensés aux fonctionnaires du ministère public, avec la coopération de la Commission nationale des droits de l’homme et du Bureau du Défenseur des droits de l’homme de la localité d’Oaxaca.

8.6Enfin, l’État partie signale que, le 8 mai 2015, M. Moreno Pérez, en tant que victime directe, et M. Moreno Zamora, en tant que victime indirecte, ont été inscrits au registre national des victimes.

Commentaires des auteurs sur les renseignements complémentaires communiqués par l’État partie

9.1Le 16 mai 2019, les auteurs affirment que l’État partie n’a pas donné suite à trois des recommandations du Bureau du Défenseur des droits de l’homme qui concernent directement la disparition de M. Moreno Pérez (ouverture d’une enquête sur la disparition et engagement de poursuites pénales contre le fonctionnaire Juan Luis Vázquez Martínez). Par document daté du 4 juillet 2018, le Bureau du Défenseur des droits de l’homme a fait savoir qu’aucune suite n’avait été donnée à la première recommandation, dans la mesure où rien n’établissait qu’une enquête sérieuse, professionnelle, scientifique et respectueuse des droits de l’homme avait été effectuée dans le but d’explorer toutes les pistes pouvant permettre de retrouver Jesús Israel Moreno Pérez en vie, ni à la deuxième recommandation, puisque les actes du fonctionnaire de l’agence d’État chargée des enquêtes alors en exercice n’avaient pas fait l’objet d’une enquête. Le Bureau du Défenseur des droits de l’homme considérait que cette situation était préoccupante car, par son comportement, le Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca illustrait l’impunité dont jouissaient les fonctionnaires qui, dans l’exercice de leurs fonctions, ne respectaient pas les dispositions statutaires leur étant applicables. En conséquence, le 5 septembre 2018, le Bureau du Défenseur des droits de l’homme a présenté une demande d’action en protection devant le Tribunal supérieur de justice de l’État d’Oaxaca contre le Bureau du Procureur général du même État, en faveur du père de M. Moreno Pérez, au motif qu’« en ne procédant pas à une enquête diligente pour retrouver Jesús Israel, ledit Bureau du Procureur général, d’une part, prive la personne disparue de protection et, d’autre part, attise la souffrance ressentie par la famille face à l’inaction des autorités ». Le Tribunal supérieur de justice a été saisi de la demande le 11 septembre 2018.

9.2Les auteurs font remarquer que les dates auxquelles l’État partie a fourni des renseignements complémentaires sont postérieures à celles de la communication du Bureau du Défenseur des droits de l’homme et de la présentation de la demande de protection, et qu’il est donc préoccupant que le Comité n’ait pas reçu des informations complètes sur l’état d’application de la recommandation no 13/2016 du Bureau du Défenseur des droits de l’homme.

9.3En ce qui concerne la procédure pénale, les auteurs font observer que la phase d’instruction n’est toujours pas terminée plus de sept ans après la mise en accusation, et que le tribunal n’a pas tenu compte de la recommandation faite par le Bureau du Défenseur des droits de l’homme, puisqu’il n’a pas porté son examen sur les irrégularités graves constatées dans le déroulement de l’enquête préliminaire.

9.4En ce qui concerne l’enquête ouverte par l’unité spécialisée dans les disparitions forcées, du Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca (supra, par. 8.1), les auteurs signalent que les mesures mises en œuvre ont simplement consisté à écrire à la Croix‑Rouge, aux hôpitaux, aux postes de police et au Secrétariat à la sûreté publique pour demander des informations sur la personne disparue. La dernière mesure en date a consisté, le 4 mars 2019, à demander l’établissement d’un portrait-robot vieilli de M. Moreno Pérez.

9.5En résumé, les auteurs réaffirment que les autorités sont restées confuses et incohérentes au sujet des faits et que l’État partie ne démontre pas l’existence d’une stratégie de recherche bien définie, basée sur une hypothèse logique quant au déroulement des faits.

9.6De plus, les auteurs soutiennent que la reconnaissance publique de responsabilité ne couvre pas l’ensemble des faits : elle couvre les insuffisances de l’enquête, mais pas la disparition forcée en tant que telle. Les auteurs ont porté à la connaissance du Comité à la fois une disparition forcée imputable à des actes et à des omissions de l’État partie, et le manque de diligence et l’inefficacité de l’enquête correspondante ; or, les excuses publiques s’appliquent uniquement à l’un de ces faits et laissent sans réparation celui qui est à l’origine de la présente communication, à savoir la disparition forcée.

9.7Enfin, les auteurs précisent qu’une indemnisation a été accordée au père du disparu, mais pas à sa mère, ni à sa sœur ni au disparu lui-même.

Renseignements complémentaires communiqués par l’État partie

10.Le 11 septembre 2019, l’État partie a informé le Comité de mesures supplémentaires prises par le Bureau du Procureur spécialisé dans l’instruction des infractions de disparition forcée (supra, par. 6.8), en particulier la conduite de fouilles dans les environs de la lagune de Chacahua, l’interrogatoire de voisins et d’entreprises touristiques de la région et une simulation au cours de laquelle un mannequin a été jeté à la mer afin d’étudier son déplacement et de déterminer le lieu où M. Moreno Pérez pouvait se trouver. Ces mesures n’avaient pas porté leurs fruits. L’État partie a fait savoir que les juges de la Chambre constitutionnelle du pouvoir judiciaire de l’État d’Oaxaca avaient ordonné au Bureau du Procureur général de l’État d’Oaxaca de donner suite aux points un, deux et trois de la recommandation formulée par le Bureau du Défenseur des droits de l’homme de la localité d’Oaxaca (supra, par. 9.1). En ce qui concerne l’action pénale devant le tribunal de Puerto Escondido, l’État partie a indiqué que, le 14 février 2019, le Bureau du Procureur avait jugé Javier Rodríguez Peña pénalement responsable des infractions d’homicide qualifié assorti des circonstances aggravantes de la préméditation et de l’exploitation d’un avantage, et de vol qualifié avec violence, et que la procédure de mise en accusation avait donc été engagée. L’État partie a fait savoir qu’il avait été demandé aux autorités judiciaires de l’État d’Oaxaca de désigner des experts chargés d’établir les documents de procédure conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). Il a également fait savoir que les enquêtes 139/UEDF/2018, 138/FESP/2013 et 21/FESP/2015 étaient toujours en cours. Enfin, il a précisé que le père, la mère et la sœur de M. Moreno Pérez étaient désormais inscrits au registre national des victimes (supra, par. 8.6).

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

11.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

11.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

11.3Le Comité note que l’État partie affirme que les recours internes n’ont pas été épuisés, puisque plusieurs procédures et enquêtes préliminaires sont toujours en cours et puisque l’action pénale devant le tribunal de Puerto Escondido se poursuit. Cependant, le Comité note que les auteurs affirment que les recours internes se prolongent de manière injustifiée et sont inefficaces, et que des irrégularités graves ont été commises dans le cadre des enquêtes, si bien que l’on ne sait toujours pas où M. Moreno Pérez se trouve et ce qui lui est arrivé.

11.4Le Comité rappelle que l’obligation d’épuisement des recours internes vise à ce que l’État partie lui-même puisse s’acquitter de son devoir de protéger et de garantir les droits consacrés par le Pacte. Cependant, comme le prévoit le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, les procédures de recours ne doivent pas excéder des délais raisonnables. Étant donné que huit années se sont écoulées depuis la disparition de M. Moreno Pérez et depuis le dépôt des premières plaintes par les auteurs de la présente communication, sans que les enquêtes progressent de manière significative et sans que l’État partie justifie de manière satisfaisante ce retard, le Comité estime que lesdites enquêtes ont excédé des délais raisonnables et, en conséquence, que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la présente communication.

11.5Le Comité, constatant que toutes les conditions de recevabilité sont réunies et que les griefs que les auteurs tirent des articles 2 (par. 3), 6 (par. 1), 7, 9 et 16 du Pacte ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité, déclare que la communication est recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

12.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

12.2Le Comité note que les auteurs affirment que les faits en cause se sont produits dans un contexte de violations graves des droits de l’homme qui résultait de la politique sécuritaire engagée par l’État partie en 2006, dans lequel bon nombre de disparitions forcées ne faisaient pas l’objet d’enquêtes dignes de ce nom, ce dont l’État d’Oaxaca, huitième du pays par le nombre de plaintes pour violations des droits de l’homme, donnait une illustration. À cet égard, le Comité note que les auteurs affirment que les faits en cause sont constitutifs d’une disparition forcée, en ce qu’ils réunissent tous les éléments qui définissent cette infraction, à savoir : a) la privation de liberté, dans la mesure où M. Moreno Pérez a disparu sans que l’État détermine où il se trouvait ; b) la participation, l’appui ou le consentement d’agents de l’État, dans la mesure où des fonctionnaires sont directement intervenus dans l’altération et la fabrication d’éléments de preuve et dans l’élaboration de faux témoignages ; et c) la dissimulation du sort réservé à la personne disparue et du lieu où elle se trouve, dans la mesure où des éléments de preuve ont été altérés ou fabriqués pour détourner l’enquête. Le Comité note en particulier que les auteurs affirment que l’utilisation du pouvoir de l’État pour la destruction de moyens de preuve directs des faits prouverait que la disparition est imputable à l’État. Le Comité note que, selon l’État partie, il n’y a pas suffisamment d’éléments pour établir que les auteurs de la disparition sont des fonctionnaires.

12.3Le Comité constate que l’État partie ne donne aucune explication sur le fait que les autorités chargées de l’enquête ont remplacé le téléphone portable de M. Moreno Pérez par un autre, ce qui avait permis la destruction d’un élément de preuve important pour l’enquête. Cependant, il fait observer qu’en l’absence de toute information établissant un contexte particulier de disparitions forcées sur le lieu de la disparition considérée, et en l’absence de preuves indiciaires que des agents de l’État auraient participé à la disparition, l’auraient appuyée ou y auraient consenti, il ne peut pas conclure que la disparition de M. Moreno Pérez est une disparition forcée directement imputable à l’État partie.

12.4En l’espèce, le Comité note que les auteurs affirment que les faits constituent une violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, étant donné que les États ont l’obligation d’assurer la protection des personnes contre les violations qui peuvent être commises, non seulement par leurs agents, mais aussi par des personnes privées, physiques ou morales, et que les autorités ont manqué de diligence dans la recherche de M. Moreno Pérez, et ont altéré et fabriqué des éléments de preuve pour détourner l’enquête, créant des conditions qui mettaient gravement en danger la vie du disparu. Le Comité note également que l’État partie affirme qu’il ne peut être pas considéré comme responsable, que ce soit par action ou par omission, en ce qu’il n’est pas tenu de savoir tout ce qui se passe sur son territoire, qu’il n’a pas eu connaissance d’une situation éventuelle de risque et qu’il a entrepris des enquêtes qui satisfont aux normes et aux obligations établies par le Pacte.

12.5Le Comité souligne que le droit à la vie, par sa teneur et sa portée, suppose non seulement des obligations substantielles négatives et positives, mais aussi des obligations procédurales positives. En effet, l’obligation de protéger le droit à la vie exige des États parties non seulement qu’ils préviennent la privation de la vie mais aussi qu’ils fassent procéder à des enquêtes et des poursuites sur les cas présumés de privation illégale de la vie, sanctionnent les responsables et assurent une réparation intégrale. En particulier, l’obligation de prendre des mesures positives pour protéger le droit à la vie découle de l’obligation générale de garantir les droits reconnus dans le Pacte, établie au paragraphe 1 de l’article 2 lu conjointement avec l’article 6, ainsi que de l’obligation spécifique de protéger le droit à la vie par la loi, énoncée dans la deuxième phrase de l’article 6. Les États parties ont donc l’obligation de prendre des mesures de prévention adéquates pour protéger les personnes d’une privation illégale et arbitraire de la vie. De plus, les État parties doivent faire procéder à une enquête et, le cas échéant, à des poursuites contre les auteurs présumés de tels actes ; en veillant à ce que les responsables soient traduits en justice, les État parties préviennent l’impunité. Cette obligation fait implicitement partie de l’obligation de protéger, et est renforcée par l’obligation générale de garantir les droit reconnus dans le Pacte, établie au paragraphe 1 de l’article 2 lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 6, et l’obligation d’offrir un recours utile aux victimes de violations des droits de l’homme et à leurs proches, énoncée au paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 6. Le Comité renvoie à sa propre jurisprudence, selon laquelle l’enquête pénale et les poursuites judiciaires qui en découlent sont des recours nécessaires en cas de violation des droits de l’homme tels que ceux protégés par l’article 6, de sorte qu’une violation des dispositions du Pacte peut être constatée lorsque l’État partie ne prend pas les mesures appropriées pour poursuivre et punir ceux qui ont porté atteinte aux droits précités et pour accorder réparation aux victimes, notamment une violation de l’article 6, même si les autorités fournissent des efforts pour enquêter sur les faits. Enfin, le Comité considère qu’enquêter efficacement fait partie intégrante de l’obligation de protéger le droit à la vie.

12.6Le Comité constate également qu’en l’espèce, le Bureau du Défenseur des droits de l’homme de la localité d’Oaxaca a estimé que les pistes de recherche n’avaient pas été épuisées et que de sérieux doutes persistaient sur la qualité de l’enquête, car celle-ci s’appuyait sur des déclarations et des témoignages contradictoires, à partir desquels avait aussi été établi le rapport d’« autopsie verbale », et sur l’expertise d’objets invisibles et dont l’existence était contestée par le père du disparu. En conséquence, le Bureau du Défenseur des droits de l’homme de la localité d’Oaxaca a conclu à la violation du droit à une procédure régulière, en particulier du droit à une enquête diligente et approfondie (supra, par. 7.2 et 7.7). De plus, le Comité constate que l’État partie affirme que les enquêtes ont satisfait aux normes et aux obligations établies par le Pacte, mais qu’il a aussi reconnu publiquement sa responsabilité dans les insuffisances des enquêtes et présenté des excuses publiques à cet égard (supra, par. 8.3).

12.7En conclusion, compte tenu de ce qui a été signalé concernant le non-respect par l’État partie de son obligation de mener une enquête effective, dans un contexte de vulnérabilité dans lequel on peut raisonnablement présumer qu’il y a eu violation du droit à la vie de M. Moreno Pérez, le Comité constate une violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2.

12.8Le Comité note que les auteurs affirment que les faits constituent un traitement contraire aux articles 7, 9 et 16 du Pacte lus seuls et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, en ce qui concerne M. Moreno Pérez. À cet égard, les auteurs soutiennent : que le fait que les autorités se sont d’abord abstenues de le rechercher, puis ont fait obstruction aux recherches engagées, permet raisonnablement de penser que M. Moreno Pérez a été privé de liberté contre sa volonté ; qu’il est raisonnable de présumer que, pendant sa privation de liberté, celui-ci a éprouvé un sentiment d’angoisse et d’impuissance qui lui a causé de grandes souffrances ; et que, dans ces circonstances, il a été privé de la protection de la loi. Cependant, en l’absence d’informations claires sur le sort qu’a connu M. Moreno Pérez et sur l’endroit où il se trouve, le Comité estime que, comme il n’a pas été possible d’établir que les faits en cause ont supposé une privation de liberté avant la privation de la vie, il ne dispose pas d’éléments suffisants pour constater une violation des articles 7, 9 et 16 à l’égard de M. Moreno Pérez.

12.9Le Comité note également que les auteurs affirment qu’ils sont eux-mêmes victimes d’une violation de l’article 7 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, en ce que les graves défaillances dans l’enquête sur la disparition de leur fils et frère et les obstacles posés à sa bonne marche, ainsi que le classement prématuré de l’affaire par les autorités leur ont causé une grande souffrance, qui vient s’ajouter à celle que leur a causé la perte de leur être cher, et que l’incertitude persistante qui a fait suite à la disparition est source d’angoisse et de stress et mine leur existence. Au vu de ce qui précède et compte tenu des menaces reçues par le père du disparu parce qu’il participait à l’enquête sur la disparition de son fils (supra, par. 2.21), le Comité constate une violation de l’article 7 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, à l’égard des auteurs.

13.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, à l’égard de M. Moreno Pérez, et une violation de l’article 7 du Pacte, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, à l’égard des auteurs de la communication.

14.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres : a) de mener à bien sans délai une enquête efficace et exhaustive, indépendante impartiale et transparente sur les circonstances de la disparition de M. Moreno Pérez, en vue d’établir la vérité ; b) de fournir aux auteurs des informations détaillées sur les résultats de cette enquête ; c) de poursuivre et de sanctionner les personnes reconnues responsables de la disparition et, le cas échéant, du décès de M. Moreno Pérez, et de communiquer les résultats des procédures engagées ; d) d’enquêter sur toute intervention d’agents de l’État qui auraient pu nuire à l’efficacité des processus de recherche et de localisation et, s’il y a lieu, prononcer des sanctions ; e) dans l’hypothèse où M. Moreno Pérez serait décédé, de s’employer à localiser sa dépouille et de la remettre à ses proches dans des conditions dignes ; f) d’accorder une réparation intégrale aux auteurs pour les violations commises, y compris sous la forme d’une juste indemnisation. L’État partie est également tenu de prendre des mesures pour empêcher que de telles violations se reproduisent.

15.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent-quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement.