Nations Unies

CCPR/C/127/D/2656/2015

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

21 janvier 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2656/2015 * , * *

Communication présentée par :

Mario Staderini et Michele De Lucia (représentés par des conseils, Cesare Romano et Verónica Aragón)

Victime(s) présumée(s) :

Les auteurs

État partie :

Italie

Date de la communication :

17 juillet 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 22 octobre 2015 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

6 novembre 2019

Objet :

Restrictions déraisonnables imposées au droit de demander l’organisation d’un référendum d’initiative populaire

Question(s) de procédure :

Non-épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Participation à la direction des affaires publiques

Article(s) du Pacte :

25 a) et b), lu seul et conjointement avec 2

Article(s) du Protocole facultatif :

1et 2

1.Les auteurs de la communication sont Mario Staderini et Michele De Lucia, de nationalité italienne, nés le 20 avril 1973 et le 16 octobre 1972 respectivement. Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent de l’article 25 a) et b), lu seul et conjointement avec l’article 2 du Pacte. La communication a été présentée par la Clinique juridique des droits de l’homme de la faculté de droit Loyola au nom des auteurs, qui agissent à titre individuel et en tant que représentants de leur parti politique, les Radicaux italiens. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 15 décembre 1978. Les auteurs sont représentés par des conseils.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs sont membres du mouvement politique non violent des Radicaux italiens. Le 10 avril et le 9 mai 2013, en vertu de l’article 75 de la Constitution, les auteurs et 20 de leurs compatriotes ont déposé au greffe du Bureau central pour les référendums auprès de la Cour de cassation des demandes initiales concernant l’organisation de six référendums nationaux, l’objectif étant de faire abroger des dispositions législatives relatives à l’immigration, aux stupéfiants, au divorce et au versement de fonds publics aux partis politiques et à l’Église. Les auteurs considèrent que les référendums jouent un rôle politique important en ce qu’ils permettent de corriger et de compléter la démocratie représentative, de favoriser l’éducation politique et de lutter contre l’omnipotence des partis.

2.2En application de la loi constitutionnelle no 352/1970, les auteurs devaient recueillir au moins 500 000 signatures de citoyens italiens et les soumettre aux autorités compétentes afin qu’un référendum soit organisé. Chaque signature doit être recueillie en personne sur un formulaire homologué qui doit être daté, signé et tamponné par un agent public habilité. Toutes les signatures, ou pages de signatures, doivent être authentifiées par un agent public, à savoir un notaire, un juge de paix, un greffier ou un secrétaire municipal, au moment de l’ajout de la signature sur le formulaire. Les membres du conseil municipal ou provincial peuvent également s’acquitter de cette tâche. Les promoteurs du référendum doivent indemniser les agents publics concernés pour le temps passé à authentifier les signatures, à l’exception des secrétaires municipaux, à condition que cette tâche soit effectuée dans le cadre de leurs fonctions et sur leur lieu de travail. Les promoteurs doivent aussi collecter pour chaque signataire un certificat délivré par la commune dans laquelle le signataire est enregistré comme électeur, afin de vérifier que celui-ci est effectivement inscrit sur les listes électorales. Les formulaires portant les signatures doivent être remis au greffe de la Cour de cassation dans un délai de trois mois à compter du jour de leur authentification. Les signatures ne peuvent être soumises qu’entre le 1er janvier et le 30 septembre. Aucune initiative ne peut être lancée pendant l’année précédant les élections à l’une ou l’autre des chambres du Parlement, ni au cours des six mois suivant la convocation des élections à l’une ou l’autre chambre. Une fois qu’il a établi que les 500 000 signatures ont été dûment recueillies, le Bureau central pour les référendums transmet la demande à la Cour constitutionnelle qui se prononce sur la constitutionnalité de la requête, en vérifiant que les référendums demandés ne portent sur aucun des domaines interdits par la Constitution. Si la Cour constitutionnelle conclut que l’initiative est recevable, le Président de la République fixe la date du référendum, qui doit avoir lieu un dimanche entre le 15 avril et le 15 juin. Si des élections à l’une ou l’autre des chambres du Parlement sont convoquées alors que la date du référendum a déjà été fixée, la procédure référendaire est suspendue et relancée trois-cent-soixante-cinq jours après la tenue des élections. Pour qu’une proposition soumise au référendum abrogatif soit adoptée, une double majorité est nécessaire : la majorité des électeurs doit avoir voté et la majorité des votants doivent s’être prononcés en faveur de la proposition. Une majorité de « oui » signifie que la loi concernée est abrogée soit en totalité soit en partie, en fonction du référendum.

2.3Les auteurs déclarent que, lors de la collecte des signatures, ils ont rencontré un certain nombre d’obstacles arbitraires et déraisonnables, dus aux carences du système et aux actes et omissions des autorités publiques. Premièrement, ils ont eu du mal à trouver des agents publics disponibles pour authentifier les formulaires et les signatures. Même si la loi no 352 de 1970 dispose (art. 7) que le secrétaire municipal et/ou le greffier du tribunal sont tenus d’authentifier les formulaires dans un délai de deux jours ouvrables, il y a souvent eu des retards. Comme ils assumaient les coûts de l’impression d’un nombre de formulaires suffisant pour recueillir 3 millions de signatures (au moins 500 000 signatures multipliées par six référendums), les auteurs ont dû imprimer des formulaires tout au long de la période de collecte de trois mois et apporter à plusieurs reprises de nouveaux lots au secrétaire municipal pour qu’il les authentifie. En outre, les agents publics compétents pour authentifier les signatures n’étaient disponibles que certains jours de la semaine, et uniquement dans les bâtiments municipaux. Par exemple, la ville de Ferrare a d’abord interdit pendant plusieurs jours l’installation de tables destinées à la collecte de signatures dans les rues de la ville, avant de mettre à la disposition des électeurs, à cette fin, un bureau méconnu de la population. À Naples, les citoyens ne pouvaient venir signer qu’à la mairie centrale et non dans l’un des 10 bureaux municipaux de proximité répartis dans toute la zone métropolitaine, qui compte environ 2 millions de personnes. Nombre d’autres villes ont autorisé les électeurs à signer les formulaires uniquement dans les bureaux municipaux chargés des relations publiques. Il était par conséquent presque impossible de recueillir le nombre nécessaire de signatures, étant donné que la collecte n’est efficace que lorsqu’elle se tient dans un lieu public, comme une place centrale, et pendant le week-end, lorsque les électeurs sont effectivement disponibles. En outre, dans certaines grandes villes, aucun agent public n’était disponible pour authentifier les signatures avant des semaines. À Caserte, les fonctionnaires n’ont guère été disponibles pendant toute la durée de la collecte, même devant les bâtiments municipaux où des tables avaient été installées. À Gorizia, dans le nord-est du pays, les conseillers municipaux ne se sont rendus disponibles pour authentifier des signatures que quelques jours entre le 7 juin et le 30 septembre. À Naples, le greffier de la cour d’appel n’était disponible que pour quelques heures et au tarif de 20 euros de l’heure. À Rieti, les agents publics compétents sont partis en vacances en juillet et en août et n’ont autorisé personne d’autre à authentifier les signatures. À Bari et à Udine, les secrétaires municipaux ont refusé d’authentifier les signatures ailleurs qu’à la mairie. Des habitants de Rimini et de Tarente se sont rendus à la mairie dans l’espoir de signer un formulaire mais ils ont été renvoyés chez eux parce que les agents habilités étaient en vacances.

2.4Le deuxième obstacle que les auteurs ont rencontré a été le caractère limité des informations communiquées au public concernant les dates et les modalités de la collecte des signatures. Ni le groupe audiovisuel de service public (Radiotelevisione Italiana, ou Rai) ni les autorités municipales n’ont fourni au public d’informations sur les moyens de se déclarer en faveur des référendums. En juin 2013, le fondateur du mouvement des Radicaux italiens, Marco Pannella, a demandé une audience à la commission de contrôle de la Rai pour évoquer le fait que le groupe public n’avait fourni aux téléspectateurs aucun renseignement sur les référendums. En outre, les autorités municipales n’ont pas indiqué sur leurs sites Web respectifs les horaires auxquels les citoyens pouvaient signer les formulaires, et les lieux correspondants. Dans la province de Naples et en Calabre, bon nombre de sites Web municipaux n’ont fait aucune mention des campagnes référendaires en cours. Dans d’autres endroits, comme à Ferrare, les informations n’ont été diffusées qu’à la fin du mois d’août, soit un mois seulement avant la fin de la période de collecte. Dans de nombreux cas, les secrétariats des bureaux municipaux ont dit aux personnes qui se présentaient à eux qu’ils n’avaient pas de formulaires, alors même que les promoteurs en avaient envoyé. Dans d’autres cas, les personnes qui souhaitaient en savoir plus sur les modalités de collecte des signatures n’ont pas pu obtenir d’informations de la part des agents municipaux. Dans la province de Caserte, par exemple, le Radicaux italiens ont fait parvenir des formulaires à la municipalité de Santa Maria a Vico le 20 juin 2013 mais jusqu’au 26 août, il a été dit aux électeurs qu’il n’y avait pas de formulaires disponibles à leur faire signer. Dans les provinces de Catane, de Benevento et de Vérone, des électeurs ont également été privés de la possibilité de soutenir l’organisation des référendums car les fonctionnaires ont prétendu ne pas avoir reçu les formulaires.

2.5Le 5 juillet 2013, les auteurs ont envoyé au Ministère de l’intérieur et au Ministère de la justice une lettre, dont une copie a été adressée au Président de la République, dans laquelle ils exposaient en détail les obstacles qu’ils rencontraient, notamment l’impossibilité de faire authentifier, et donc de recueillir, des signatures et le manque d’informations communiquées aux citoyens. Ils ont souligné que l’État partie avait rendu obligatoire la collecte de signatures mais qu’il ne fournissait pas les moyens nécessaires au respect de cette obligation. Le 25 juillet 2013, les Radicaux italiens ont informé le Ministère de l’intérieur qu’ils allaient organiser une manifestation pacifique devant le Ministère en attendant sa réponse. Le 26 juillet 2013, le Ministère a adressé aux préfets − les représentants du Gouvernement national à l’échelle régionale − une circulaire dans laquelle il les informait que les Radicaux italiens recueillaient des signatures dans le cadre d’une initiative référendaire et les priait de faire en sorte qu’« autant d’agents que possible » soient mis à disposition pour authentifier les signatures dans les locaux municipaux et en dehors, et ce, même pendant les vacances d’été. Il a aussi demandé aux municipalités de publier sur leur site Web des informations relatives à la collecte de signatures. Par la suite, une deuxième circulaire a été diffusée le 2 août 2013 afin de rappeler une opinion rendue par le Conseil d’État en 2003 selon laquelle les membres des conseils municipaux et provinciaux pouvaient eux aussi authentifier les signatures. Le 9 août 2013, 11 députés ont demandé au Ministère de l’intérieur quelles mesures avaient été prises pour que les signatures puissent être recueillies et que les citoyens soient informés de la campagne en cours. Le Ministère n’a répondu à cette question que le 25 février 2014, soit bien après la fin de la campagne, et s’est contenté de rappeler qu’il avait publié les deux circulaires mentionnées.

2.6Le Ministère de l’intérieur n’a pris aucune mesure pour assurer le respect des instructions énoncées dans les deux circulaires. Dans les faits, dans bon nombre de grandes villes − dont Bari, Brescia, Brindisi, Caserte, Grosseto, Naples et Udine − pas un seul agent municipal n’a été mis à disposition pour les authentifications, malgré plusieurs demandes des promoteurs. En outre, dans de nombreuses communes, le service d’authentification a quand même été interrompu pendant les vacances d’été, les agents habilités étant partis en congé sans désigner de remplaçant. Les informations disponibles sur les sites Web institutionnels étaient rares. Seules quelques petites communes ont publié des renseignements.

2.7Les auteurs déclarent qu’à cause de ces obstacles, ils n’avaient recueilli et authentifié qu’environ 200 000 signatures au 30 septembre 2013, qui était la date limite pour faire approuver les initiatives référendaires par les autorités.

2.8Le 30 septembre 2013, les auteurs ont néanmoins soumis au Bureau central pour les référendums auprès de la Cour de cassation les signatures obtenues ainsi que des observations écrites dans lesquelles ils affirmaient que les obstacles déraisonnables créés par les agents publics et les carences de la procédure prévue par la loi no 352 de 1970 avaient, dans les faits, empêché les citoyens d’exercer leur droit constitutionnel de demander l’organisation d’un référendum et avaient établi à leur égard une discrimination fondée sur l’appartenance politique et le statut économique. Les auteurs ont donc demandé au Bureau central d’accepter les initiatives référendaires.

2.9Dans un arrêté daté du 2 octobre 2013, qui a été transmis aux auteurs le 26 octobre 2013, le Bureau central pour les référendums a fait observer que le nombre requis de signatures n’avait pas été atteint. Il n’a pas pris acte des observations écrites qui lui avaient été soumises pour expliquer pourquoi les auteurs n’avaient pas pu recueillir au moins 500000signatures.

2.10Les auteurs affirment que les décisions du Bureau central pour les référendums sont définitives puisqu’elles ne peuvent pas être contestées devant une autorité supérieure.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que les lois et les procédures italiennes relatives à l’organisation de référendums sont indûment restrictives, arbitraires et déraisonnables et ne protègent le droit constitutionnel de demander l’organisation d’un référendum qu’en théorie, ce qui constitue donc une violation de l’article 25 a) et b), lu seul et conjointement avec l’article 2 du Pacte. Ils soulignent que l’article 25 devrait être interprété à la lumière de l’observation générale no 25 (1996) du Comité concernant la participation aux affaires publiques et le droit de vote, et du Code de bonne conduite en matière référendaire adopté en 2007 par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de l’Europe, étant donné que l’État partie est l’un des États fondateurs du Conseil de l’Europe et qu’il est, en tant que tel, partie à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950.

3.2Les auteurs affirment que nombre des restrictions imposées par le système juridique italien à l’exercice du droit de participer directement à la direction des affaires publiques, par l’intermédiaire de référendums, sont arbitraires et déraisonnables. Elles sont arbitraires parce qu’elles ne sont justifiées ni par la nécessité, ni par la raison, ni par un principe. Elles sont déraisonnables parce que la manière dont l’État partie régit l’exercice de ce droit à l’encontre de l’objectif déclaré de l’article 75 de la Constitution, à savoir permettre aux citoyens d’être à l’initiative d’un référendum et de voter lors de référendums. Les auteurs font observer que selon l’observation générale no 25 (par. 5), l’attribution des pouvoirs et les moyens par lesquels les citoyens exercent les droits protégés par l’article 25 devraient être déterminés par des lois constitutionnelles ou autres. En outre (par. 6), dans les cas où un mode de participation directe des citoyens est prévu, aucune distinction ne devrait être établie pour les motifs mentionnés à l’article 2 (par. 1) entre les citoyens en ce qui concerne la possibilité de participer et aucune restriction déraisonnable ne devrait être imposée. Enfin (par. 4), toutes les conditions s’appliquant à l’exercice des droits protégés par l’article 25 devraient être fondées sur des critères objectifs et raisonnables. L’État partie a inscrit dans sa Constitution une disposition relative aux référendums et a adopté des lois pour la faire appliquer. Lorsqu’un État prévoit la possibilité pour les citoyens de participer directement à la gestion des affaires publiques, il a, semble-t-il, l’obligation de faire en sorte qu’ils puissent effectivement le faire. Les auteurs affirment qu’il est difficile de voir en quoi l’État partie réalise l’objectif fixé à l’article 75 de la Constitution, qui est de permettre aux citoyens d’être à l’initiative de référendums et de voter lors d’un référendum, étant donné la manière dont les référendums sont régis par la loi et organisés en pratique.

3.3Les auteurs soutiennent que l’obligation de recueillir 500 000 signatures dans le court délai prévu par la loi no 352 de 1970 (voir par. 2.2 ci-dessus) est arbitraire et déraisonnable. Sur les 197 initiatives référendaires lancées dans l’histoire de la République italienne, seules 67, soit une sur trois seulement, ont été soumises au vote des citoyens. Si l’imposition d’un délai est certainement une restriction raisonnable, l’objectif et les motifs qui sous-tendent la rigueur des délais actuels ne sont pas clairs. Ces restrictions ne permettent pas aux Italiens d’être à l’initiative de référendums et de voter lors d’un référendum. D’autres États dotés d’un système démocratique mieux réglementé ont mis en place des seuils qui sont soit plus bas (100 000 signatures en Suisse, par exemple), soit directement liés au nombre total de suffrages exprimés lors des élections précédentes (comme dans l’État de Californie). Compte tenu de ce qui précède, les auteurs estiment que l’obligation arbitraire et déraisonnable actuellement en vigueur dans l’État partie constitue une violation de l’article 25.

3.4Les auteurs affirment également que les obligations relatives à la procédure d’authentification des formulaires et des signatures sont déraisonnables et arbitraires. En vertu de la législation applicable, les signatures ne peuvent être authentifiées que par des agents publics habilités ou par des membres du conseil municipal ou du conseil provincial (voir par. 2.2 ci-dessus). Si la liste des personnes habilitées peut sembler longue de prime abord, les agents et membres concernés sont en réalité assez peu nombreux et la plupart d’entre eux ne sont pas disponibles et n’ont pas le devoir d’authentifier les signatures. Les notaires sont assez peu nombreux dans l’État partie et leurs honoraires sont élevés ; les juges de paix sont moins nombreux encore. Bien que les greffiers des tribunaux de première instance et des cours d’appel soient plus nombreux, ni les juges de paix ni les greffiers n’ont de temps à consacrer à d’autres activités, le système judiciaire italien étant notoirement engorgé. Il y a bien un secrétaire municipal dans chaque commune, mais il n’authentifie les signatures qu’à la mairie, ce qui signifie que les électeurs qui veulent se déclarer en faveur du référendum doivent se rendre à la mairie pour apposer leur signature, uniquement pendant les heures de bureau. Les secrétaires municipaux qui authentifient les signatures à la mairie pendant les heures de bureau ne facturent pas cette prestation, mais très peu de signatures sont recueillies de cette façon. Bien que les promoteurs du référendum soient tenus de faire authentifier chaque signature, la loi n’exige pas que l’un des agents publics susmentionnés soit disponible pour l’authentification. Les conseils municipaux ou provinciaux constituent le plus grand vivier d’agents d’authentification potentiels. Toutefois, leurs membres sont des hommes et des femmes politiques qui n’authentifieront sans doute les signatures que si le référendum en question est soutenu par leur parti. Les Radicaux italiens ne présentant pas de candidats aux élections locales ou nationales, ils ne sont pas représentés dans les conseils municipaux ou provinciaux. La disponibilité des membres de ces conseils est cruciale. Au moment de la collecte, des signatures étaient recueillies pour six autres initiatives soutenues par les Radicaux mais aussi par un grand parti. Dans tous les lieux dans lesquels il était possible de signer pour toutes les initiatives, le nombre de signatures recueillies pour chaque initiative était pratiquement identique. En revanche, dans les lieux dans lesquels les membres du conseil municipal ou provincial n’étaient disponibles que pour authentifier les signatures qui concernaient les six référendums soutenus par leur parti, le nombre de signatures collectées était nettement plus élevé pour ces six initiatives que pour celles des auteurs. En ne mettant pas en place un dispositif permettant de recueillir les signatures en dehors des heures de bureau, les conseils municipaux et provinciaux ont empêché les auteurs de bénéficier de services d’authentification appropriés. Les contraintes arbitraires et déraisonnables susmentionnées constituent donc une violation de l’article 25 du Pacte.

3.5Les auteurs affirment que l’obligation relative à la participation électorale (voir par. 2.2 ci-dessus) est arbitraire et déraisonnable et qu’elle constitue également une violation de l’article 25 du Pacte. Dans l’histoire de la République, seules 24 initiatives référendaires sur 197 ont été soumises au vote et approuvées par les citoyens. Les auteurs avancent que les quorums de participation sont controversés. De nombreux spécialistes de la Constitution estiment que la fixation de quorums de participation élevés peut avoir pour effet de bloquer la plupart des initiatives. En outre, les données disponibles donnent à penser que la fixation de quorums de participation en général peut décourager les électeurs, car les opposants au référendum peuvent influer sur les résultats en encourageant l’abstention lorsqu’ils pensent que la majorité des électeurs est en faveur de la proposition. Même si le Comité conclut que la fixation d’un quorum de participation est objectivement justifiée et raisonnable, les auteurs soutiennent que le critère des 50 % d’électeurs inscrits est arbitraire et déraisonnable, en particulier lorsque les listes électorales sont actualisées de manière irrégulière. Les auteurs font référence à d’autres systèmes, comme celui de l’Allemagne, où le quorum de participation n’est appliqué qu’à l’échelle locale et varie en fonction du nombre d’habitants (le seuil est plus bas lorsque la région concernée est fortement peuplée). La Commission de Venise déconseille la fixation d’un taux minimal de participation. Si un quorum de participation peu élevé peut parfois permettre de protéger les intérêts de la population dans son ensemble, en général les quorums peuvent aussi servir à entraver le processus démocratique.

3.6Les auteurs affirment qu’en violation de l’article 25 du Pacte, l’État partie n’a pas donné aux électeurs d’informations sur les dates auxquelles ils pouvaient signer les formulaires en faveur de l’initiative et sur les lieux correspondants. Ils font observer que les campagnes de collecte de signatures n’ont pas été couvertes par les médias publics. Or la couverture médiatique a une incidence non négligeable : les six autres initiatives pour lesquelles des signatures étaient collectées au moment des faits étaient présentées par Silvio Berlusconi, qui détient le deuxième réseau télévisuel du pays, et elles ont recueilli deux fois plus de signatures que celles des auteurs. Les sites Web municipaux n’indiquaient ni les horaires auxquels les citoyens pouvaient signer les formulaires ni les lieux correspondants. Les auteurs disent qu’en Slovénie, la loi oblige l’Assemblée nationale à faire connaître l’initiative dans les médias avant le début de la période de collecte des signatures.

3.7Les auteurs affirment que l’État partie n’a pas pris les mesures nécessaires pour se doter de lois ou de mesures visant à donner effet au droit de participer à la direction des affaires publiques par l’intermédiaire de référendums, comme l’exige l’article 25 lu conjointement avec l’article 2 (par. 2) du Pacte. Les États ne sont pas tenus de prévoir des mécanismes de démocratie directe, mais lorsqu’ils le font, comme c’est le cas de l’État partie en vertu de sa Constitution, ils ont alors l’obligation, en application de l’article 2 (par. 2) du Pacte, de prendre, en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les dispositions du Pacte, les arrangements devant permettre l’adoption de telles mesures d’ordre législatif ou autre, propres à donner effet aux droits reconnus dans le Pacte. L’État partie régit la démocratie directe et la démocratie représentative différemment, sans autre raison apparente que celle de protéger le monopole que les partis bien établis exercent sur la vie politique italienne. Dans le cas des élections nationales et régionales, les lois nos 53 de 1990 et 43 de 1995 disposent que les responsables municipaux, y compris les membres des conseils municipaux, ont l’obligation d’authentifier, à leur bureau et gratuitement, y compris pendant les week-ends, les signatures sur les listes de candidats et de communiquer des renseignements sur les dates auxquelles les listes peuvent être signées et sur les lieux correspondants. Cette obligation n’existe pas pour les référendums. Les chaînes de télévision publiques et privées doivent diffuser des informations sur les lieux, les dates et les modalités de la signature des listes de candidats pour les élections nationales et régionales. Des dispositions détaillées réglementent le temps de présence dans les médias des divers partis en temps de campagne électorale. Pendant les élections, le Ministère de l’intérieur et les municipalités sont tenus d’annoncer sur leurs sites Web respectifs les dates auxquelles les habitants peuvent signer les listes de candidats, ainsi que les lieux et modalités correspondants. Comme cela est indiqué précédemment, il n’existe pas d’obligation de ce type pour les référendums. Pendant les élections, la loi oblige les communes à mettre des locaux à la disposition des partis afin que ceux-ci puissent mener leur campagne. Les promoteurs de référendums n’ont pas ces avantages. Les partis qui présentent des candidats aux élections sont généreusement financés par l’État tandis que les promoteurs de référendums ne sont remboursés que d’une partie des dépenses, et ce, seulement si le référendum est effectivement soumis au vote, ce qui est rare. En outre, les dons de moins de 30 000 euros versés aux partis politiques qui prennent part aux élections donnent lieu à une réduction d’impôt de 26 %, alors que les dons aux promoteurs d’initiatives référendaires ne s’accompagnent d’aucune réduction. L’Italie est manifestement défavorable à la démocratie directe.

3.8Les auteurs affirment également qu’ils ont été victimes d’une discrimination fondée sur leur appartenance politique et leur statut économique, en violation de l’article 25 lu conjointement avec l’article 2 (par. 1) du Pacte. Ils rappellent que les promoteurs doivent payer pour faire authentifier les signatures et qu’à cause des failles de la réglementation, le tarif demandé est laissé à la seule appréciation des personnes qui authentifient les signatures. Lorsque c’est le secrétaire municipal qui authentifie les signatures à la mairie, il le fait généralement gratuitement. Toutefois, lorsque l’acte est réalisé sur le lieu de la collecte, à savoir sur les grandes places des villes et généralement le week-end, les agents publics facturent le temps qu’ils y passent. Parmi les six catégories d’agents publics habilités à authentifier les signatures, ceux qui sont le plus souvent disponibles sont les greffiers des tribunaux de première instance, qui se portent volontaires pour se rendre aux points de collecte des signatures pendant les week-ends. Ils facturent en moyenne 20 euros de l’heure. Les auteurs font valoir qu’obtenir au moins les 500 000 signatures requises par la Constitution s’avère très onéreux (environ 200 000 euros). Selon les auteurs, dans le cas présent, à savoir la collecte de signatures pour six initiatives à la fois, le coût serait d’au moins 1 200 000 euros. Les auteurs affirment que la campagne de 2013 pour les six référendums en question a presque ruiné les Radicaux italiens, qui ont dû dépenser 155 000 euros au total. Les grands partis politiques, eux, peuvent compter sur de nombreux membres des conseils municipaux ou provinciaux qui peuvent authentifier les signatures gratuitement. Par conséquent, cette obligation désavantage de manière indue les petits partis politiques et établit à leur égard une discrimination fondée sur l’appartenance politique et le statut économique, car des sommes exorbitantes doivent être déboursées à chaque campagne référendaire, rien que pour l’authentification des signatures.

3.9Les auteurs soutiennent en outre que l’absence de réponse des autorités face à leurs griefs constitue une violation de l’article 25 lu conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte. Premièrement, les auteurs ont avisé le Ministère de l’intérieur et le Ministère de la justice, le 5 juillet 2013, des obstacles qu’ils rencontraient et de la manière dont cela compromettait leurs droits politiques. La circulaire du Ministère de l’intérieur montre que celui-ci a reconnu les difficultés déraisonnables auxquelles les auteurs faisaient face. Toutefois, lorsque le Ministère a publié sa circulaire, ses agents n’ont pris aucune mesure corrective pour remédier à ces violations. Le fait que l’État partie n’a pris aucune mesure par la suite et n’a pas fourni aux auteurs les moyens nécessaires pour recueillir et faire authentifier les signatures équivaut à un déni de recours utile, en violation de l’article 25 lu conjointement avec l’article 2 (par. 3 a) et c)) du Pacte. En outre, l’absence de réponse du Bureau central pour les référendums auprès de la Cour de cassation aux observations des auteurs et aux allégations qui y étaient formulées constitue également une violation de l’article 25 lu conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte. Les auteurs font observer qu’ils ont transmis des observations écrites dans lesquelles ils soutenaient que les obstacles déraisonnables créés par les agents et les organismes publics avaient entravé la collecte des signatures. La Bureau central a répondu par une décision non motivée de trois phrases. En outre, les allégations des auteurs n’ont donné lieu à aucune enquête. La suite donnée aux observations des auteurs ne respecte pas les exigences énoncées dans l’observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte (par. 15).

3.10Les auteurs prient le Comité de recommander à l’État partie de renforcer son cadre juridique afin d’assurer l’exercice ordonné, non discriminatoire et effectif du droit de participer à la direction des affaires publiques par l’intermédiaire de référendums, et de mettre en place des pratiques et des politiques plus efficaces qui favorisent la réalisation de cet objectif, notamment en l’engageant instamment à respecter le Code de bonne conduite en matière référendaire de la Commission de Venise. Ils estiment que les élections et les référendums devraient être régis de la même manière. Ils demandent en particulier au Comité de recommander à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a)Réduire les obstacles qui empêchent actuellement les citoyens d’apposer leur signature sur les demandes de référendums en autorisant la signature électronique et en offrant aux Italiens qui résident à l’étranger davantage de moyens de signer ;

b)Simplifier la procédure de collecte des signatures en éliminant le système de double authentification et en trouvant d’autres solutions moins restrictives ;

c)Accroître le nombre de personnes habilitées à authentifier les signatures et les formulaires ;

d)Prolonger le délai de présentation des signatures, actuellement fixé àtrois mois ;

e)Imposer aux responsables municipaux, y compris aux membres des conseils municipaux, l’obligation d’authentifier gratuitement les signatures dans leur bureau, y compris les week-ends, et de diffuser des renseignements sur les dates auxquelles les citoyens peuvent signer les formulaires et les lieux correspondants ;

f)Mettre des locaux municipaux à la disposition des promoteurs de référendums afin qu’ils puissent y mener leur campagne, comme cela se fait déjà pour les élections ;

g)Réglementer l’accès aux médias pendant les campagnes référendaires, aussi bien pendant la collecte des signatures que pendant les mois précédant le vote, afin de garantir que des informations justes et impartiales sont communiquées, que les opposants et les partisans à la campagne de collecte de signatures sont sur un pied d’égalité, et que des renseignements sur le vote lui‑même sont diffusés, pour que tous les citoyens aient les mêmes possibilités de prendre part au vote ;

h)Abaisser ou supprimer le quorum de participation ;

i)Faire en sorte que les règles de financement et de comptabilité qui s’appliquent aux campagnes référendaires soient similaires à celles qui sont prévues pour les élections ;

j)Permettre aux promoteurs de référendums d’avoir accès aux fonds publics selon les mêmes modalités et dans la même mesure que les partis politiques lors des élections ;

k)Protéger le droit à un recours utile en répondant rapidement aux promoteurs d’initiatives référendaires qui expriment des inquiétudes concernant la procédure et en prévoyant la possibilité de faire appel des décisions du Bureau central pour les référendums auprès de la Cour de cassation.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations en date des 11 janvier et 7 juillet 2016, l’État partie soutient que la communication devrait être déclarée irrecevable au motif que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes.

4.2L’État partie indique que les référendums sont régis par la Constitution et par la loi no 352 de 1970. La demande d’organisation d’un référendum est soumise à un double contrôle : tout d’abord, le Bureau central pour les référendums auprès de la Cour de cassation procède à un simple contrôle technique du nombre de signatures et vérifie leur conformité aux règles de forme ; par la suite, lorsque le Bureau central s’est assuré que les conditions légales sont remplies, la Cour constitutionnelle vérifie si le référendum est recevable.

4.3L’État partie décrit également le rôle des tribunaux administratifs qui examinent les actes administratifs et leur légalité. Ces tribunaux ont compétence pour examiner la responsabilité des fonctionnaires ou des agents publics en cas de délit d’incompétence, d’abus de pouvoir ou de violation de la loi. Les personnes qui estiment que leur intérêt légitime a été lésé par une mesure administrative peuvent saisir les tribunaux administratifs. Les décisions de ces juridictions sont susceptibles d’appel devant le Conseil d’État. Elles sont immédiatement exécutoires et constituent des voies de recours utiles en ce qu’elles peuvent entraîner l’annulation de la mesure contestée. En outre, si l’exécution d’un acte administratif est susceptible de causer un préjudice grave et irréparable, le juge administratif peut décider de la suspendre.

4.4En ce qui concerne les obstacles à la collecte des signatures qui seraient dus aux actes et omissions des autorités publiques décrits dans la communication, l’État partie signale que, selon le Code pénal (art. 323), le délit d’abus de pouvoir est commis lorsqu’un agent public, dans l’exercice de ses fonctions, cause un préjudice ou procure un avantage financier en violation des normes légales ou réglementaires.

4.5En ce qui concerne les allégations de discrimination formulées par les auteurs, l’État partie rappelle l’existence du Bureau national de lutte contre la discrimination raciale, qui examine tous les motifs de discrimination, de la commission sénatoriale chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme et du comité des droits de l’homme de la Chambre des députés.

4.6En ce qui concerne les services publics de radiodiffusion, l’État partie fait valoir qu’il existe un cadre normatif destiné à garantir l’exactitude des messages de communication institutionnelle diffusés par le service audiovisuel public. Le Département de l’information et des publications de la Présidence du Conseil des ministres détermine quels sont les messages d’utilité sociale ou d’intérêt public qui doivent être diffusés gratuitement par le service audiovisuel public.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans leurs commentaires du 19 février et du 2 octobre 2016, les auteurs affirment avoir épuisé tous les recours internes disponibles. Ils soutiennent que c’est à l’État partie qu’il incombe de démontrer quels auraient été en l’espèce les recours utiles qu’ils n’auraient pas épuisés (voir A/61/40, vol. I, par. 130).

5.2Le Bureau central pour les référendums est une chambre de la Cour de cassation. C’est un organe judiciaire, qui statue en dernière instance sur toutes les décisions concernant la recevabilité des initiatives référendaires ; Ses décisions sont définitives et non susceptibles d’appel. Le 2 octobre 2013, le Bureau central a rendu une décision dans le cas d’espèce. Celle-ci était définitive et aucun autre recours n’était disponible.

5.3Selon les auteurs, la description faite par l’État partie des voies de recours existantes est trompeuse. La Cour constitutionnelle n’a pas compétence pour réexaminer les décisions de la Cour de cassation. Elle n’examine un projet de référendum qu’après que la Cour de cassation l’a approuvé. Dans le cadre d’une initiative référendaire, la Cour constitutionnelle vérifie uniquement que le projet de consultation ne porte pas sur l’un des sujets interdits par la Constitution ; elle n’a pas compétence pour annuler les décisions de la Cour de cassation et de son Bureau central. En dehors de son rôle dans cette procédure, la Cour constitutionnelle est uniquement compétente pour connaître des différends relatifs à la légitimité constitutionnelle des lois adoptées par l’État et les régions, des différends résultant de l’attribution de compétences à l’État et aux régions et de la répartition des compétences entre les régions, ainsi que des accusations portées contre le Président de la République. La question de la constitutionnalité d’une loi donnée est soulevée par un juge, à sa seule discrétion, si celui-ci estime nécessaire que la Cour constitutionnelle se prononce sur la question. En l’espèce, la juridiction de première instance est la Cour de cassation. Celle-ci a déclaré à plusieurs reprises qu’en matière référendaire, elle statuait en dernier ressort. Elle a refusé à plusieurs reprises de demander à la Cour constitutionnelle d’examiner des questions relatives à la constitutionnalité de la loi no 352 de 1970. Elle a exprimé un tel refus pour la dernière fois dans une décision du 30 juillet 2016, lorsqu’elle a rejeté la demande présentée par l’un des auteurs en rapport avec la campagne de collecte de signatures organisée en 2016 en vue de l’organisation d’un référendum sur la réforme de la Constitution. En outre, le délai de collecte des signatures est si court que, même s’il avait été possible de saisir la Cour constitutionnelle, il aurait été impossible de le faire dans le délai imparti. En résumé, le recours devant la Cour constitutionnelle n’était pas une voie de droit disponible en l’espèce.

5.4Selon les auteurs, la description que l’État partie fait des juridictions administratives semble également suggérer qu’un recours administratif était ouvert aux auteurs, ce qui n’était pas le cas. Les tribunaux administratifs se déclarent en effet systématiquement incompétents pour examiner les demandes de contrôle judiciaire des décisions du Bureau central et n’ont pas compétence pour connaître des griefs soulevés sur le fond par les auteurs, griefs qui portent sur les droits consacrés par le Pacte.

5.5Si l’État partie estime qu’ils auraient dû déposer plainte en vertu du Code pénal contre les différents agents qui ont omis de prendre les mesures nécessaires pour leur permettre d’exercer les droits que leur confère le Pacte, les auteurs objectent que, bien qu’ils aient subi un préjudice parce qu’on leur a dénié à maintes reprises le droit de faire recours et que la Cour de cassation a refusé de prendre en compte les signatures recueillies, une procédure pénale ne leur aurait pas permis de faire valoir les droits consacrés par le Pacte en raison des délais stricts fixés par la loi no 352 de 1970 pour recueillir, authentifier et déposer les signatures. Il n’aurait pas été réaliste d’engager un recours contre chaque mesure prise par chaque agent public, qu’il s’agisse du Président de la République ou d’un secrétaire de mairie, pour des actes et des omissions commis dans un cadre juridique déficient et arbitraire. Les auteurs ont informé le Ministère de l’intérieur, le Ministère de la justice et le Président de la République des problèmes auxquels ils se heurtaient et ont formulé des demandes précises visant à y remédier. Plus important encore, les autorités publiques n’ont pas l’obligation d’authentifier les signatures ailleurs qu’à la mairie. Ainsi, une plainte pour « abus de pouvoir » déposée en vertu du Code pénal aurait été manifestement dénuée de fondement.

5.6S’agissant des organes de lutte contre la discrimination, les auteurs soulignent qu’aucun d’entre eux n’offre de voie de recours utile, car ils ne peuvent être saisis d’un recours contre des décisions judiciaires défavorables et leurs décisions ne sont pas contraignantes.

5.7En ce qui concerne le Département de l’information et des publications de la Présidence du Conseil des ministres, l’État partie n’a pas expliqué comment les auteurs auraient pu contester les décisions de cet organe de contrôle ni quel recours cet organe aurait pu offrir. Celui-ci ne pouvait en aucun cas répondre aux griefs sur le fond soulevés par les auteurs.

5.8Les auteurs concluent que l’État partie n’a pas démontré qu’ils disposaient d’un recours accessible et utile. Même s’ils avaient été en mesure d’accorder aux auteurs une réparation utile, les organes spécialisés énumérés par l’État partie n’auraient pu traiter le problème que sous un angle marginal, sans pouvoir régler la question générale du droit fondamental des auteurs de prendre part à la direction des affaires publiques.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Dans une note verbale du 11 juillet 2019, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication. Il explique que le rôle de la Cour constitutionnelle consiste à se prononcer sur la validité de la législation, sur son interprétation ou sur le point de savoir si son application, dans la forme et sur le fond, est conforme à la Constitution. L’État partie rappelle que, conformément à l’article premier de sa Constitution, l’Italie est une démocratie représentative parlementaire, mais qu’il existe trois instruments de démocratie directe, à savoir les référendums, le droit d’initiative populaire et les pétitions. D’autres instruments de démocratie directe peuvent être introduits au niveau local.

6.2L’État partie indique que, depuis juin 1946, 71 référendums ont été demandés, dont 25 ont été approuvés, 17 rejetés et 28 invalidés. Le dernier a eu lieu le 17 avril 2016, mais le quorum requis n’a pas été atteint. En outre, un référendum constitutionnel a eu lieu en octobre 2016. À la date où l’État partie a présenté ses observations, une autre initiative référendaire en matière de droit du travail venait d’être signée par 3 millions d’électeurs. Lors des dernières élections générales, en février 2013, plus de 50 millions de citoyens avaient le droit de vote. Dans le cas de l’initiative proposée par les auteurs, le Bureau central pour les référendums a constaté que les promoteurs n’avaient pas atteint le seuil des 500 001 signatures valables.

6.3L’État partie fait valoir que des renseignements précis sur les modalités de collecte des signatures étaient accessibles au public. Il conclut qu’aucune disposition du Pacte n’a été violée.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Le 10 octobre 2016, les auteurs ont fourni des informations complémentaires sur les faits les plus récents concernant le droit de participer directement aux affaires publiques dans l’État partie. Ils se réfèrent également au référendum du 17 avril 2016 qui proposait d’abroger une loi autorisant les entreprises de forage pétrolier et gazier à extraire des hydrocarbures dans un rayon de 12 milles marins au large des côtes. Le Gouvernement était opposé à ce référendum et a fait campagne en faveur de l’abstention. Des partisans du référendum ont demandé que le vote soit reporté afin qu’il coïncide avec les élections locales, ce qui aurait permis de faire des économies considérables et de prolonger la campagne afin d’informer les citoyens. Cette demande a été rejetée par le Gouvernement, qui a fixé le référendum au 17 avril 2016. Le quorum de participation requis n’a pas été atteint puisque seulement 31 % des électeurs habilités à voter se sont exprimés ; 86 % des votants se sont prononcés pour l’abrogation de la loi.

7.2Les auteurs affirment également qu’une réforme constitutionnelle est en cours et qu’elle aura une incidence négative sur le droit de participer directement aux affaires publiques. Ce projet abaisse le quorum de participation requis pour les référendums, qui passe de 50 % de l’ensemble des votants inscrits à 50 % des votants aux élections les plus récentes, mais seulement dans le cas des initiatives pour lesquelles 800 000 signatures auront été recueillies. Parallèlement, le remboursement accordé aux promoteurs d’une initiative qui parviennent à recueillir suffisamment de signatures passera de 50 000 à 150 000 euros. Selon les auteurs, cela ne contribuera qu’à renforcer la capacité des grands partis politiques à proposer des référendums, au détriment des citoyens appartenant à des groupes de nature différente.

7.3Les auteurs soulignent que la réforme constitutionnelle devait être mise au vote le 4 décembre 2016. L’un des auteurs, M. Staderini, ainsi que 10 autres personnes, ont formé le Comité pour le droit de vote et demandé le fractionnement du référendum, afin que la réforme fasse l’objet de scrutins séparés. Deux comités soutenus par le Parti démocrate (parti au pouvoir) ont été créés, l’un étant opposé au référendum, l’autre y étant favorable. Finalement, seul le comité qui y était favorable a réussi à recueillir plus de 500 000 signatures. Le Comité pour le droit de vote a demandé à la Cour de cassation de saisir la Cour constitutionnelle pour que celle-ci statue sur la constitutionnalité de la loi no 352 de 1970. Le 20 juillet 2016, la Cour de cassation a rejeté cette requête, déclarant que le Comité pour le droit de vote devait recueillir 500 000 signatures, même non authentifiées, pour qu’elle examine l’affaire et demande à la Cour constitutionnelle de statuer ; elle a ajouté qu’en tout état de cause, elle ne saisirait pas la Cour constitutionnelle car c’était au législateur qu’il incombait de déterminer les règles relatives à la collecte des signatures. En fait, le 15 juin 2016, comme l’avaient fait les auteurs au moment du référendum de 2013, le Comité pour le droit de vote a écrit au Premier Ministre, au Ministre de la justice et au Ministre des réformes institutionnelles pour dénoncer les difficultés auxquelles il se heurtait pour authentifier les signatures. Il n’a même pas reçu de réponse du Gouvernement. Le fait que seul le comité soutenu par le parti au pouvoir soit parvenu à atteindre le nombre requis de signatures authentifiées est révélateur de l’ensemble des questions soulevées par la présente communication. Ce comité était nettement favorisé pour les raisons suivantes : il pouvait compter sur des dizaines de milliers de membres des conseils municipaux ou provinciaux (affiliés au Parti démocratique) pour authentifier les signatures gratuitement ; il pouvait utiliser les antennes du Parti démocrate, pour recueillir des signatures dans tout le pays ; il avait accès à des financements publics, puisque les principaux partis reçoivent des contributions de l’État ; le Premier ministre s’était fortement engagé en sa faveur. Bien que la présente communication porte uniquement sur le revers subi lors de la campagne référendaire de 2013, les faits exposés indiquent clairement que ce qui s’est produit cette année-là n’est pas un phénomène isolé mais un problème persistant dû au caractère inadéquat de la loi régissant le droit constitutionnel de demander l’organisation de référendums et à une série d’actes et d’omissions commis délibérément par les autorités, à tous les niveaux, afin d’entraver l’exercice de ce droit et d’empêcher l’exercice des droits protégés par le Pacte.

7.4Les auteurs font valoir que les informations communiquées au public sur les modalités de collecte des signatures en vue du référendum auxquelles l’État partie fait référence ont été fournies non pas par les autorités publiques mais par les partisans du référendum, y compris les auteurs, à leurs propres frais, et ont été publiées sur leur site Web.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité note que l’État partie affirme que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes. L’État partie mentionne les voies de droit disponibles, notamment la saisine de la Cour constitutionnelle ou des tribunaux administratifs, l’engagement de poursuites pénales contre les agents de l’État qui ont entravé le processus de collecte des signatures, ainsi que les recours devant le Bureau national de lutte contre la discrimination raciale, la commission sénatoriale chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme, le comité des droits de l’homme de la Chambre des députés et le Département de l’information et des publications. Le Comité note également que les auteurs affirment que la Cour de cassation a refusé à maintes reprises de saisir la Cour constitutionnelle pour qu’elle examine la constitutionnalité de la loi no 352 de 1970, que les tribunaux administratifs n’ont pas compétence pour connaître des griefs sur le fond soulevés en l’espèce, que l’engagement de poursuites pénales contre des agents de l’État n’aurait pas permis de répondre à tous les griefs et n’aurait pas été possible dans le court laps de temps dont les auteurs disposaient avant que la Cour de cassation ne rende sa décision, et que les organes de lutte contre la discrimination et le Département de l’information et des publications ne pouvaient leur offrir de recours approprié. Les auteurs soulignent que les décisions du Bureau central pour les référendums auprès de la Cour de cassation sont définitives et non susceptibles d’appel. Le Comité rappelle qu’au sens de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, l’expression « tous les recours internes disponibles » vise au premier chef les recours juridictionnels. Il ajoute qu’en application du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, les auteurs doivent faire usage de tous les recours judiciaires ou administratifs leur offrant des perspectives raisonnables d’obtenir réparation. Le Comité note que, le 5 juillet 2013, les auteurs ont informé le Ministère de l’intérieur et le Ministère de la justice des obstacles auxquels ils se heurtaient et de l’incidence que ceux‑ci pourraient avoir sur leurs droits politiques, et qu’ils ont adressé au Bureau central pour les referendums un mémoire contenant tous les griefs actuellement soumis au Comité. Le Comité constate que le Bureau central a statué sur la question, et que cette décision est définitive car elle n’est pas susceptible d’appel. Enfin, le Comité note qu’en juin 2013, le fondateur du mouvement des Radicaux italiens a demandé une audience à la commission de contrôle de la Rai pour évoquer l’absence de couverture médiatique de l’initiative. Le Comité conclut que les auteurs ont épuisé les recours internes utiles qu’ils avaient à leur disposition et que rien ne s’oppose à ce qu’il examine la communication au titre de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

8.4Le Comité note que les auteurs affirment que les obstacles auxquels ils se sont heurtés lors de la collecte des signatures pour six initiatives référendaires ont porté atteinte aux droits qu’ils tiennent de l’article 25 a) et b) du Pacte. Il note que l’alinéa b) de cet article contient des dispositions spécifiques traitant du droit des citoyens de prendre part à la direction des affaires publiques en tant qu’électeurs ou en tant que candidats à des élections. L’alinéa a), lui, concerne l’exercice des pouvoirs législatif, exécutif et administratif, y compris la participation directe à la conduite des affaires publiques, lorsque les citoyens décident de questions publiques par voie de référendum. En conséquence, le Comité considère que le grief des auteurs au titre de l’article 25 b) du Pacte est irrecevable ratione materiae.

8.5Compte tenu de ce qui précède, le Comité déclare que la communication est recevable en ce qui concerne le grief soulevé au titre de l’article 25 a) lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte et procède à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité note que les auteurs affirment que les lois et procédures régissant l’organisation de référendums en Italie sont indûment restrictives, arbitraires et déraisonnables et qu’elles ne protègent le droit constitutionnel de demander l’organisation de référendums qu’en théorie et, partant, qu’elles constituent une violation de l’article 25 du Pacte. Selon les auteurs, même si les États parties n’ont pas l’obligation d’organiser des référendums, lorsqu’ils prévoient la possibilité pour les citoyens de participer directement à la gestion des affaires publiques, ils ont l’obligation de faire en sorte qu’ils puissent effectivement le faire. Le Comité note que l’État partie soutient que si l’Italie est bien une démocratie parlementaire représentative, il existe trois instruments de démocratie directe, à savoir les référendums, le droit d’initiative populaire et les pétitions. Il constate également que, selon les informations fournies par l’État partie, 71 référendums ont été demandés depuis juin 1946.

9.3Le Comité reconnaît que le Pacte n’impose aucun système politique particulier et que les États membres peuvent choisir différentes formes de constitution ou de gouvernement, pour autant qu’ils adoptent les mesures d’ordre législatif ou autres qui peuvent être nécessaires pour que les citoyens aient la possibilité effective d’exercer les droits protégés par le Pacte. Le référendum est l’un des moyens permettant aux citoyens de participer directement à la gestion des affaires publiques, comme le prévoit l’article 25 a). Les autres formes de participation directe peuvent consister à choisir ou à modifier la constitution ou à se prononcer sur des questions publiques dans le cadre de processus électoraux menés conformément à l’article 25 b). Par conséquent, l’article 25 a) n’oblige pas les États parties à prévoir des modalités particulières de démocratie directe, telles que les référendums. Toutefois, le Comité rappelle que, selon l’observation générale no 25 (par. 6) dans les cas où un mode de participation directe des citoyens est prévu, aucune distinction ne devrait être établie pour les motifs mentionnés à l’article 2 (par. 1) entre les citoyens en ce qui concerne la possibilité de participer à la gestion des affaires publiques et aucune restriction déraisonnable ne devrait être imposée. L’obligation faite aux États parties de s’abstenir d’imposer des restrictions déraisonnables au droit de participer directement à la gestion des affaires publiques s’applique tant au droit de participer directement à des référendums par un vote qu’aux autres formes de participation mises à la disposition des citoyens dans le cadre d’une procédure, telle qu’une initiative référendaire. L’État partie a donné aux citoyens, en vertu de l’article 75 de sa Constitution, qui met en place un système de référendum populaire, le droit de participer directement aux affaires publiques en promouvant l’organisation de référendums. Il a donc l’obligation de s’abstenir d’imposer des restrictions déraisonnables à cette participation.

9.4Le Comité note que les États parties ont l’obligation de garantir l’intégrité de leurs processus démocratiques, tels que la collecte de signatures, et d’assurer la conformité de ces processus avec la législation nationale. Pour ce faire, ils peuvent mettre en place un contrôle indépendant de la collecte et du comptage des signatures, ce qui peut, par la force des choses, se traduire par des restrictions pour les promoteurs d’initiatives référendaires. Ils devraient néanmoins veiller à ce que ces règles soient raisonnables et ne fassent pas obstacle au droit d’initiative. En l’espèce, l’État partie a chargé un certain nombre de fonctionnaires ou agents de l’État et d’élus d’attester que les signatures ont été recueillies et de les authentifier, afin de garantir l’intégrité du processus et sa conformité avec la législation applicable. Le Comité note que, selon les auteurs, cette règle a entravé leur collecte des signatures, car les nombreux obstacles rencontrés les ont empêchés d’obtenir la participation des personnes habilitées, en particulier dans les lieux publics, où les électeurs étaient les plus susceptibles de signer les formulaires. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que le processus d’authentification des signatures, tel qu’il est défini par la loi no 352 de 1970, a donné lieu à une restriction imposée dans le but légitime d’assurer l’intégrité du processus. Le Comité se propose donc d’examiner la question de savoir si cette restriction est raisonnable au regard des exigences énoncées à l’article 25 du Pacte.

9.5Le Comité note qu’il incombe aux promoteurs des initiatives de faire en sorte que des agents de l’État ou des élus habilités à authentifier les signatures soient présents lors de la collecte des signatures, mais qu’en revanche ces agents de l’État et ces élus ne sont pas tenus de se rendre disponibles pour assister à la collecte. En outre, les promoteurs doivent recueillir au moins 500 000 signatures, les agents de l’État peuvent facturer l’authentification de la collecte et la remise des signatures doit intervenir dans un certain délai. Les auteurs mentionnent d’autres obstacles comme le manque d’information du public et les conditions de quorum. Ce système, tel que décrit par les auteurs, a entravé la collecte des signatures en l’espèce, alors que d’autres initiatives auxquelles des élus habilités ont apporté leur concours ont recueilli un nombre beaucoup plus élevé de signatures. Tout en reconnaissant que les États parties doivent gérer l’utilisation des ressources et des fonds publics, le Comité considère que, dans les circonstances de l’espèce, il existe un déséquilibre entre l’obligation faite aux auteurs, en tant que promoteurs de six référendums, de trouver des agents de l’État ou des élus qui puissent authentifier les signatures, et l’absence de moyens leur permettant de garantir la présence d’agents ou d’élus. Le Comité estime donc qu’en l’espèce, l’obligation de recueillir les signatures en présence d’agents de l’État ou d’élus qualifiés, sans qu’une procédure adéquate n’ait été mise en place pour garantir la présence de ces agents ou élus, restreint de manière déraisonnable les droits reconnus aux auteurs par l’article 25 a) du Pacte.

9.6Le Comité prend note de l’argument des auteurs qui affirment que l’absence de réponse des autorités à leurs griefs constitue une violation de l’article 25 lu conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte. À cet égard, il note que, selon les auteurs, la réponse du Ministère de l’intérieur était insuffisante. Le Comité note que, dans une lettre adressée au Ministère de l’intérieur et au Ministère de la justice, les auteurs ont informé les autorités qu’ils s’étaient heurtés à des obstacles lors de la collecte des signatures, et que ces difficultés avaient persisté même après la diffusion de la circulaire du Ministère de l’intérieur. Il prend également note de l’argument des auteurs selon lequel aucun autre recours ne leur était ouvert car les tribunaux administratifs n’ont pas compétence pour connaître des griefs sur le fond soulevés en l’espèce, et parce que l’engagement de poursuites pénales contre des agents de l’État n’aurait pas permis de répondre à tous leurs griefs et n’aurait pas été possible dans le court laps de temps dont ils disposaient avant que la Cour de cassation ne rende sa décision. Ayant constaté une violation de l’article 25 a) du Pacte, le Comité considère que les griefs soulevés par les auteurs constituent une violation de cette disposition lue conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte.

9.7Le Comité note que, selon les auteurs, les procédures régissant actuellement les initiatives référendaires ont pour effet de les soumettre à une discrimination fondée sur leur appartenance politique, car les grands partis peuvent compter sur de nombreux membres des conseils municipaux ou provinciaux pour authentifier les signatures, alors qu’en tant que membres des Radicaux italiens, les auteurs ont eu de réelles difficultés à trouver des personnes habilitées à le faire. Les auteurs ajoutent que la participation de membres des conseils municipaux ou provinciaux est essentielle : dans les lieux dans lesquels il était possible de signer pour toutes les initiatives, le nombre de signatures recueillies pour chaque initiative était pratiquement identique, tandis que dans les lieux où des élus étaient disposés à authentifier les signatures uniquement pour les six référendums soutenus par leur propre parti, le nombre de signatures recueillies était nettement plus élevé pour ces six initiatives que pour celles des auteurs. Le Comité rappelle son observation générale no 18 (1989) sur la non-discrimination, dans laquelle il est dit, au paragraphe 7, que le terme « discrimination » doit être compris comme s’entendant de toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée notamment sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, et ayant pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par tous, dans des conditions d’égalité, de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il note que les auteurs soutiennent que les conditions requises pour la collecte de signatures, bien que neutres en apparence, ont pour effet d’exercer sur eux, en tant que membres des Radicaux italiens, une discrimination fondée sur l’appartenance politique. Cependant, il note que d’autres membres des Radicaux italiens soutenaient les six autres initiatives pour lesquelles des signatures ont été recueillies pendant la même période. Comme l’indiquent les auteurs, ces initiatives étaient soutenues par un grand parti politique et ont recueilli par comparaison beaucoup plus de signatures que le nombre de leurs affiliés au sein des conseils municipaux ou provinciaux. Ces exemples démontrent que le soutien dont bénéficie une initiative référendaire n’est pas nécessairement fonction de l’appartenance politique de ses promoteurs. Il est plutôt un reflet direct et nécessaire de la diversité politique et de la démocratie. Les informations disponibles ne permettent pas au Comité de conclure que des mesures ou des décisions particulières auraient empêché d’autres partis politiques ou membres de conseils municipaux ou provinciaux de soutenir les initiatives des auteurs en raison de leur appartenance politique. Compte tenu de ce qui précède, le Comité ne peut donc pas conclure que les différences constatées en matière de disponibilité des membres des conseils municipaux ou provinciaux tiennent à l’appartenance politique des auteurs.

9.8Les auteurs affirment également que le système actuel les soumet à une discrimination fondée sur la situation économique en raison des frais élevés perçus par les agents de l’État pour le temps qu’ils consacrent à l’authentification des signatures. Le Comité note que, selon les auteurs, un système de remboursement de ces frais existe mais il ne couvre qu’une partie des frais engagés, et seuls les référendums qui ont effectivement abouti à un vote sont pris en compte. Le Comité convient que le coût de la procédure d’authentification peut limiter la capacité des auteurs de collecter des signatures en raison de leur situation économique. Toutefois, toute différenciation fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, tel qu’indiqué par le Pacte, ne constitue pas une discrimination, tant qu’elle est basée sur un critère raisonnable et objectif ayant un but légitime, tel que prévu par le Pacte. Le Comité a conclu que l’exigence d’authentification des signatures, telle qu’elle s’applique en l’espèce, était déraisonnable. Toutefois, la différence de traitement résultant de la situation économique des auteurs est spécifiquement liée au système mis en place pour l’indemnisation des agents de l’État et le remboursement des frais. Le Comité considère que cette restriction peut avoir pour objectif légitime de préserver et de gérer les ressources publiques et d’éviter de consacrer une part excessive de ces ressources à l’authentification des signatures présentées dans le cadre d’initiatives référendaires, au détriment d’autres domaines de l’administration publique. Il conclut donc que la règle voulant que les agents publics soient indemnisés et que les frais ne soient remboursés que lorsque le référendum bénéficie du soutien de la population et est recevable constitue une mesure raisonnable qui sert un objectif légitime et que cette différence de traitement ne constitue pas une violation de l’article 25 a).

10.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie de l’article 25 a), lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte.

11.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. Il est également tenu de prendre toutes les mesures voulues pour que des violations analogues ne se reproduisent pas. À cet égard, le Comité réaffirme que l’État partie, compte tenu de son obligation au titre de l’article 2 (par. 2) du Pacte, devrait réviser sa législation pour faire en sorte qu’aucun des modes de participation directe des citoyens aux affaires publiques prévus par la Constitution ne soit soumis à des restrictions déraisonnables par les dispositions législatives. En particulier, l’État partie devrait prévoir des moyens pour les promoteurs d’initiatives référendaires de faire authentifier les signatures, de collecter des signatures dans des lieux où ils peuvent rencontrer les électeurs, et il devrait veiller à ce que la population soit suffisamment informée de l’existence de ces procédures et de la possibilité d’y participer.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent-quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.