Nations Unies

CCPR/C/128/D/2974/2017

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

25 septembre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no2974/2017 * , **

Communication présentée par :

B. P. et P. B. (non représentés par un conseil)

Victime(s) présumée(s) :

Les auteurs

État partie :

Pays-Bas

Date de la communication :

15 octobre 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 28 avril 2017 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

13 mars 2020

Objet :

Domiciliation ; prestations sociales ; assurance maladie

Question(s) de procédure :

Non-épuisement des recours internes ; défaut manifeste de fondement

Question(s) de fond :

Droit à la vie ; torture ; peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ; liberté de la personne ; droit à la vie privée ; atteinte au droit à l’honneur et à la réputation ; discrimination ; droit à un recours utile

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3), 6, 7, 9, 17 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

1.1Les auteurs de la communication sont B. P. et P. B., nés respectivement en 1966 et 1970, tous deux de nationalité hongroise. Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 2 (par. 3), 6, 7, 9, 17 et 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 11 mars 1979. Les auteurs ne sont pas représentés par un conseil.

1.2Le 12 avril 2017, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, le Comité a décidé de ne pas demander de mesures provisoires.

1.3Le 26 décembre 2018, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, le Comité a décidé d’examiner séparément la recevabilité et le fond de la communication.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Depuis près de vingt ans, M. B. doit prendre une forte dose quotidienne de médicaments car il souffre de maladies psychiatriques et physiques. Lui et Mme P. résident aux Pays-Bas depuis 2001. Ils ne sont pas en couple, mais vivent ensemble, et Mme P. aide M. B. à soigner une blessure subie lors d’une agression à Amsterdam en 2014. Selon un certificat médical daté du 8 février 2016, la situation financière de M. B. et les conditions dans lesquelles il est logé l’empêchent de se rétablir et l’exposent à un risque de préjudice irréparable. Le 16 mars 2016, le fonds d’indemnisation des victimes de la violence a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. B. au motif qu’il n’avait pas d’autres éléments à sa disposition que les déclarations de l’intéressé. Le 29 août 2016, M. B. s’est vu refuser des soins, ce qui, selon les auteurs, l’exposait au risque de perdre sa jambe, et peut-être même la vie.

2.2Le 20 janvier 2015, la municipalité d’Amsterdam a rejeté la demande de prestations sociales de Mme P. au motif que l’intéressée ne résidait pas légalement aux Pays-Bas depuis au moins cinq ans. En 2015, les auteurs se sont installés à Haarlem. Le 27 juillet 2015, la municipalité de Haarlem leur a accordé à chacun des prestations sociales mensuelles de 549 euros, soit un montant minoré parce qu’ils vivaient avec quatre autres adultes. Le 13 novembre 2015, elle a rejeté la demande de réexamen présentée par M. B. Le l6 février 2016, le tribunal de district de la Hollande du Nord a déclaré l’appel interjeté contre la décision de la municipalité irrecevable, au motif qu’il n’avait pas été déposé dans le délai légal. Le 29 juin 2016, il a déclaré la demande de réexamen dénuée de fondement, jugeant que ni l’état de santé ni la situation financière de M. B. n’étaient à l’origine du non-respect du délai.

2.3Les 12 août et 12 octobre 2015 respectivement, M. B. et Mme P. ont déposé une demande de prestations sociales et une demande de domiciliation. Le 11 septembre 2015, ils ont aussi demandé à bénéficier d’une allocation-logement. Le 28 septembre 2015, la municipalité de Haarlem a rejeté leur demande d’allocation-logement au motif qu’ils étaient obligés de quitter leur domicile le 1er octobre 2015 au plus tard.

2.4Le 27octobre 2015, la municipalité de Haarlem a cessé de verser des prestations sociales aux auteurs parce que ceux-ci n’avaient pas fait le nécessaire pour que l’organisme responsable de la sécurité sociale puisse vérifier leurs statuts de résidents et d’ayants droit à Haarlem. Mme P. soutient qu’elle a envoyé chaque soir un texto à cet organisme pour le tenir au courant de l’endroit où ils logeaient. Les auteurs ont ensuite été inscrits au registre de la population comme non-résidents. Leur demande de rectification est restée sans réponse.

2.5Le 5 novembre 2015, Mme P. a demandé au maire de Haarlem de leur accorder la domiciliation et de revenir sur la révocation de leur droit à prestations. Les auteurs ont redemandé à de multiples reprises la domiciliation à Haarlem, chaque fois en vain.

2.6Le 10 mars 2016, la municipalité de Haarlem a informé les auteurs qu’elle les avait radiés du registre de la population, conformément à la législation applicable. Celle-ci le permet lorsque la personne n’est pas joignable, qu’aucun changement d’adresse n’a été notifié et qu’une enquête approfondie n’a pas permis de faire la lumière sur sa résidence aux Pays-Bas.

2.7Le 11 mai 2016, la caisse d’assurance maladie des auteurs a informé ceux-ci qu’il n’était pas certain qu’ils soient toujours couverts par la loi sur les soins de santé de longue durée et que, s’ils travaillaient ou résidaient aux Pays-Bas, ils devaient prendre contact avec les autorités pour s’assurer qu’elles avaient les bonnes informations. La caisse prévoyait de résilier l’assurance des auteurs le 5 juillet 2016.

2.8Le 25 juin 2016, les auteurs ont écrit au Commissaire du Roi pour la Hollande du Nord pour lui demander d’intervenir en leur faveur, et notamment de faire en sorte qu’ils soient inscrits au registre de la population. Ils ont soutenu qu’ils ne pouvaient pas séjourner dans un centre d’hébergement parce que M. B. avait besoin de soins et qu’il lui fallait vivre dans de bonnes conditions d’hygiène. Le Commissaire du Roi a transmis la lettre à la municipalité d’Amsterdam, car la question ne relevait pas de sa compétence.

2.9Le 12 octobre 2016, la demande de domiciliation présentée par les auteurs a été rejetée. À une date non précisée, un agent de l’office national des données d’identité a informé les intéressés qu’ils étaient inscrits au registre de la population comme non-résidents à juste titre, puisqu’ils n’avaient ni adresse résidentielle ni adresse administrative. En février 2017, Mme P. a déposé une demande auprès du médiateur d’Amsterdam afin que M. B. reçoive une adresse de domiciliation temporaire et bénéficie à nouveau de l’assurance maladie et des prestations sociales. Le 6 avril 2017, la municipalité d’Amsterdam a rejeté la demande de prestations sociales au profit de M. B., qui a fait appel de cette décision. Le 14 juin 2017, la municipalité a rejeté une autre demande présentée par M. B. après que celui-ci ne s’est pas présenté à un entretien. En juillet 2017, M. B. a changé d’adresse, mais les autorités municipales n’ont toujours pas accepté de l’aider.

2.10La municipalité d’Amsterdam a accepté d’accorder des prestations sociales à Mme P. à compter du 9 mars 2017 au motif qu’elle n’avait pas de domicile fixe. La municipalité a fait savoir à l’intéressée qu’elle informerait le Service de l’immigration et de la naturalisation de cette décision car elle pouvait avoir des conséquences sur la légalité de son statut aux Pays-Bas. Le 26 avril 2017, le Service de l’immigration et de la naturalisation a écrit à Mme P. pour l’informer qu’il avait ouvert une enquête afin de déterminer si elle était en situation régulière sur le territoire néerlandais. En réponse, Mme P a écrit au Service et demandé à la municipalité de retirer sa notification. Dans la décision qu’il a communiquée à l’intéressée le 20 juillet 2017, le Service de l’immigration et de la naturalisation a conclu que Mme P. n’avait jamais légalement résidé aux Pays-Bas car elle avait été rayée par deux fois du registre de la population pendant plus de six mois pendant des séjours à l’étranger, et qu’elle ne bénéficiait plus des droits accordés aux ressortissants des pays de l’Union européenne. Le 29 janvier 2018, le Service a déclaré la demande de réexamen de l’auteure irrecevable, car déposée après le délai prescrit.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que l’État partie a violé l’article 6 du Pacte dans la mesure où leurs polices d’assurance maladie ont été annulées et que des soins ont été refusés à M. B. malgré la gravité de sa maladie. Ils soutiennent en outre que la décision de leur octroyer un montant de prestations sociales minoré a été erronée car ils ne sont pas en couple et, contrairement à ce que les autorités ont conclu, ils ne vivaient pas en ménage. Les représentants municipaux ont refusé de tenir compte de la situation particulière de M. B. Cette décision, ajoutée au rejet des demandes de domiciliation des auteurs, a mis en péril la vie des intéressés.

3.2Les auteurs estiment que l’État partie a porté atteinte aux dispositions de l’article 7 du Pacte en ce que, même s’ils devaient de nouveau bénéficier de prestations sociales, ils vivraient pour le restant de leurs jours avec un budget quotidien de 50 euros et sous le contrôle permanent de l’État, contraints de choisir entre la santé − voire la vie − et l’indépendance. De surcroît, les conditions posées à la réouverture des droits à l’assurance maladie, notamment le contrôle de leur budget, sont inacceptables. Les demandes de prestations sociales de M. B. ont été traitées avec tellement de retard qu’il est évident que la municipalité d’Amsterdam avait l’intention de mettre l’intéressé à la rue.

3.3Les auteurs soutiennent que, en rejetant leur demande d’allocation-logement, l’État partie a violé l’article 9 du Pacte et les a privés d’un logement convenable. Ils avancent qu’ils sont capables de vivre de manière responsable, mais à condition de disposer d’un minimum de revenus.

3.4Les faits susmentionnés, ajoutés aux décisions de justice relatives aux demandes de prestations sociales formulées par les auteurs, sont constitutifs d’une violation de l’article 2 (par. 3) du Pacte. De surcroît, dans sa décision du 29 juin 2016, le tribunal de district de la Hollande du Nord n’a pas tenu compte du fait que la décision du 13 novembre 2015 n’était parvenue aux auteurs que le 17 novembre 2015. Il n’a pas non plus relevé que refuser la domiciliation à une personne est contraire à la loi sur les registres de l’état civil. Il aurait dû prendre en considération le fait que les auteurs n’avaient aucun revenu et que M. B. souffrait d’une maladie chronique. En outre, le tribunal de district a jugé les recours des auteurs irrecevables pour non-respect des délais alors que lui-même s’est prononcé avec vingt-neuf jours de retard.

3.5Les auteurs considèrent que, en rejetant leurs demandes de domiciliation, l’État partie a enfreint les dispositions de l’article 17 du Pacte en ce qu’il a porté atteinte à leur honneur et à leur réputation et les a empêchés de correspondre avec autrui.

3.6Les auteurs se disent victimes de discrimination de la part de l’État partie, et donc d’une violation de l’article 26 du Pacte. Selon eux, les autorités ont tenté de les priver du statut de résident. En outre, comme ils avaient été rayés du registre de la population, ils ne pouvaient pas prétendre à l’assistance d’un conseil. Sans fournir davantage de détails, ils avancent qu’aux Pays-Bas, les Néerlandais peuvent tout se permettre tandis que les étrangers, au contraire, peuvent se voir tout refuser, sont surveillés et sont soumis à des règles spéciales. L’État partie entretient une relation déséquilibrée avec les non-nationaux qui ne font pas partie de la population active. Les décisions du tribunal de district de la Hollande du Nord sont manifestement partiales.

3.7La décision prise le 20 juillet 2017 par le Service de l’immigration et de la naturalisation place Mme P. dans une situation inacceptable en ce que seules les personnes qui vivent aux Pays-Bas depuis moins de cinq ans peuvent être signalées à ce service. Les auteurs soupçonnent que les lettres qu’elle a reçues de ce service sont des faux parce qu’elles ont été envoyées par différentes personnes, ne sont pas signées et sont illégales. Le Service de l’immigration et de la naturalisation a interprété à tort le fait que Mme P. ait été inscrite au registre de la population en tant que non-résidente comme signifiant que l’intéressée résidait en dehors des Pays-Bas. Il n’a tenu aucun compte, dans sa décision, du fait que le Ministère de l’intérieur avait établi que les auteurs avaient vécu aux Pays-Bas sans interruption.

3.8Les auteurs demandent à l’État partie de mettre une adresse de domiciliation à leur disposition, de payer la totalité de leurs dettes et de leur fournir immédiatement au moins 5 000 euros, de rouvrir leur droit à l’assurance maladie et de le leur garantir à vie, de leur accorder des prestations sociales d’un montant égal à celui accordé aux personnes vivant seules, ainsi qu’une allocation-logement, et de s’engager à les leur verser à vie, de leur permettre de choisir librement leur lieu de résidence, d’indemniser M. B. pour l’agression dont il a été victime, et de clore l’enquête pour fraude qui les vise.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale datée du 3 juillet 2017, l’État partie conteste la recevabilité de la communication, faisant observer qu’elle est presque incompréhensible et est donc insuffisamment étayée.

4.2L’État partie croit comprendre que, en substance, les auteurs allèguent que la municipalité de Haarlem a refusé de leur accorder la domiciliation et que, comme l’article 40 de la loi sur la participation dispose que les personnes qui n’ont pas d’adresse fixe ni d’adresse administrative ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations sociales, il se sont vu refuser ces prestations et ont failli ne plus être couverts par l’assurance maladie.

4.3La décision du 27 octobre 2015 de ne plus accorder de prestations sociales aux auteurs a été prise après qu’une enquête sur la situation résidentielle des intéressés a montré que ceux-ci n’avaient pas d’adresse fixe à Haarlem et ne remplissaient pas les conditions de la domiciliation. Le recours des auteurs a été déclaré irrecevable par le tribunal de district de la Hollande du Nord.

4.4L’État partie soutient que cette situation est due au fait que les auteurs n’ont pas respecté les conditions posées à la domiciliation et ont de manière générale refusé de coopérer avec les autorités. Les intéressés ne sauraient être considérés comme victimes d’une quelconque violation du Pacte. La communication est donc irrecevable parce qu’elle n’est pas suffisamment étayée.

4.5Les auteurs ne se sont pas prévalus de tous les recours internes disponibles car ils n’ont pas interjeté appel des décisions contestées dans les délais impartis.

4.6Cela étant, la situation a récemment évolué. Les auteurs résident actuellement à Amsterdam. Mme P. s’est vu accorder la domiciliation et touche des prestations sociales. M. B. pourrait bénéficier des mêmes avantages, ce qui lui permettrait en outre d’être couvert par l’assurance maladie. Toutefois, il s’est jusqu’à présent montré réticent à accepter un entretien, à cette fin, avec les autorités locales. Par conséquent, les auteurs ne peuvent plus être considérés comme des victimes de violations du Pacte, à supposer qu’ils aient un jour pu l’être. De surcroît, étant donné que M. B. refuse tout entretien avec les autorités, on ne saurait conclure qu’il s’est prévalu ne fût-ce que d’un seul recours interne.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans leurs commentaires sur les observations de l’État partie, formulés le 10 septembre 2018, ainsi que dans des communications datées des 17, 21 et 23 octobre, 22 novembre et 14 décembre 2016 ; 25 mars, 7 et 9 août, 8 novembre et 14, 15, 17 et 19 décembre 2017 ; 17, 19, 24 et 26 janvier, 26 février, 10 avril, 11 septembre et 23 novembre 2018 ; et 13 mars, 11, 12 et 16 avril, 31 mai, 12 et 20 juin, 13 juillet et 5 septembre 2019, les auteurs réaffirment qu’ils sont victimes de violations des articles 6, 7, 9, 17 et 26 du Pacte. Ils soutiennent qu’ils ne peuvent pas obtenir réparation auprès de la justice interne et que leur communication est fondée sur des faits documentés, tandis que les observations de l’État partie reposent essentiellement sur des hypothèses et des informations incomplètes ou erronées.

5.2Les auteurs soutiennent qu’ils n’ont jamais fraudé et que les baux qu’ils ont signés montrent qu’ils auraient dû bénéficier du montant des prestations sociales alloué aux personnes seules, et non de celui accordé aux personnes vivant en ménage. Ils ont clairement fait savoir aux autorités que la somme minorée qui leur était versée ne leur permettait pas de payer leur loyer. Par ailleurs, ils résident aux Pays-Bas depuis suffisamment longtemps pour être traités comme les Néerlandais.

5.3Le 28 septembre 2017, la municipalité d’Amsterdam a informé Mme P. que la décision du Service de l’immigration et de la naturalisation signifiait qu’elle cesserait de recevoir des prestations dès le lendemain. Le 23 janvier 2018, la municipalité a rejeté la demande de réexamen de l’auteure et, le 31 juillet 2018, le tribunal de district d’Amsterdam a débouté l’intéressée de son appel. Mme P. a ensuite saisi le Conseil central de recours. Elle avait séparément demandé le réexamen de la décision de la municipalité d’Amsterdam de ne pas lui octroyer de prestations sociales. Le 2 octobre 2017, les services municipaux ont informé l’auteure qu’ils avaient reçu une notification laissant à penser qu’elle n’habitait plus à l’adresse où elle était domiciliée. Ils ont demandé à l’auteure de leur fournir son adresse actuelle et l’ont prévenue qu’elle serait rayée du registre si, après enquête, il s’avérait qu’elle n’habitait effectivement plus à son domicile officiel. Le 6 novembre 2017, Mme P. a été rayée du registre de la population. Le 4 septembre 2018, elle a présenté une nouvelle demande de prestations sociales, mais a été déboutée le 6 septembre 2018 au motif qu’elle ne résidait pas légalement aux Pays-Bas. Le 11 décembre 2018, elle a de nouveau présenté une demande de prestations, qui a été rejetée le 14 décembre 2018 parce qu’aucun fait nouveau pertinent n’était survenu. Le 17 avril 2019, sa demande de réexamen a également été rejetée.

5.4Depuis 2017, les auteurs vivent dans une caravane à Amsterdam, avec un groupe d’une quarantaine d’autres personnes communément appelées les nomades urbains. M. B. a recommencé à bénéficier de prestations sociales le 14 août 2017. Ses droits à l’assurance maladie ont été rouverts et il a subi plusieurs opérations. Le 20 septembre 2018, les auteurs ont signalé qu’ils étaient de nouveau inscrits au registre de la population.

5.5M. B. n’a pas obtenu de place en centre d’hébergement municipal parce que son dossier indiquait qu’il était entièrement autonome. Toutefois, de fausses informations y ont été entrées par la suite pour que les autorités puissent conclure qu’il n’était pas autonome. Puisqu’il habitait dans une caravane et était respectueux des lois et règlements, il devait être considéré comme autonome. Le 7 octobre 2017, M. B. a dû se faire hospitaliser d’urgence ; il risquait de perdre ses deux jambes parce qu’il n’avait pas eu les moyens de se faire soigner. Le 14 mars 2019, la municipalité d’Amsterdam a décidé que M. B. remplissait les conditions pour être accueilli dans un centre d’hébergement. M. B. a sollicité le réexamen de cette décision parce qu’il avait demandé à se voir allouer un « studio de rétablissement », comme d’autres membres du groupe des nomades urbains avaient pu en bénéficier, et parce qu’il souffrait de problèmes psychologiques et physiques. Le 9 mai 2019, la municipalité a rejeté sa demande, estimant qu’il avait besoin d’une aide plus importante que celle qui pouvait être apportée dans les studios de rétablissement. La municipalité souhaitait lui imposer une forme de prise en charge inacceptable, à l’opposé de ce qu’il lui fallait, c’est-à-dire un logement social indépendant et normal. En octobre 2019, les autorités ont réinstallé les nomades urbains, y compris les auteurs, dans un lieu qui est dangereux et où les règles de sécurité incendie ne sont absolument pas respectées. Les intéressés n’ont pas eu l’autorisation de se raccorder aux réseaux d’eau et d’électricité. La fourniture de services d’eau et d’électricité aux seuls Néerlandais constitue une violation du droit de l’Union européenne, compte tenu du fait que les auteurs sont ressortissants d’un pays membre de l’Union. Un rendez-vous entre M. B. et les services du logement social était prévu pour décembre 2019.

5.6Le 18 octobre 2018, le centre médical Brijder, dans lequel M. B. recevait des soins, a confirmé par écrit que ce dernier ne pouvait continuer de s’y faire soigner parce qu’il ne vivait plus à Haarlem, alors même que ce n’est pas une obligation de se faire soigner dans sa ville de résidence. M. B. nie avoir accepté d’être soigné par les services municipaux de la santé et soutient que son dossier a été falsifié. Il a demandé au centre médical Brijder de reprendre en charge son traitement parce que les services municipaux de la santé ne tenaient aucun compte des diagnostics qui avaient été posés, ce qui, selon les auteurs, était ce que la municipalité d’Amsterdam voulait. Les services municipaux de la santé voulaient empêcher M. B. de se voir attribuer un logement social et le traitaient de manière discriminatoire en raison de sa nationalité. Les auteurs soutiennent que le fait pour Brijder d’avoir communiqué de fausses informations aux services municipaux de la santé constitue une violation de l’article 17 du Pacte tandis que le fait de s’être immiscé dans le traitement de M. B. constitue une violation des articles 6 et 9.

5.7Les auteurs affirment que les informations que la municipalité d’Amsterdam a fournies concernant les prestations accordées à Mme P. sont incomplètes et incorrectes. Le fait d’avoir accordé des prestations à l’auteure en 2014 et 2015 n’a rien changé au statut de l’intéressée car les autorités avaient déjà établi qu’elle résidait aux Pays-Bas depuis plus de cinq ans. Les autorités ont continué de refuser de reconnaître que Mme P. vivait aux Pays‑Bas en situation régulière, en conséquence de quoi ses droits à l’assurance maladie et aux prestations sociales n’ont pas été rouverts. Le 22 janvier 2019, Mme P. a demandé à la municipalité d’Amsterdam de la réinscrire au registre de la population et de lui accorder des prestations sociales. En octobre 2019, elle a signalé que la requête dont elle avait saisi le Conseil central de recours était toujours pendante, ce qui montrait selon elle que les procédures jugées devant les tribunaux néerlandais étaient soumises à des délais excessifs.

Nouvelles observations de l’État partie

6.Par note verbale du 6 décembre 2018, l’État partie a informé le Comité que rien dans les commentaires des auteurs ne justifiait qu’il revienne sur sa position.

Nouveaux commentaires des auteurs

7.Le 20 janvier 2020, les auteurs ont présenté de nouveaux commentaires dans lesquels ils affirment qu’ils ont déménagé dans le nouvel emplacement des nomades urbains, sur le Westpoortweg, et que leur changement d’adresse a été dûment consigné. Toutefois, la municipalité d’Amsterdam leur refuse l’accès à l’eau courante et ne respecte pas les règles de sécurité incendie, puisque les caravanes sont trop proches les unes des autres. Depuis décembre 2019, afin que M. B puisse continuer de faire soigner sa jambe, les auteurs logent à Budapest dans la maison familiale de celui-ci. M. B. compte néanmoins se rendre à un entretien avec la municipalité, en janvier 2020. Quant à Mme P., la procédure qu’elle a engagée devant le Conseil central de recours est toujours pendante. Elle n’a toujours aucun revenu ni aucune assurance maladie.

Nouvelles observations de l’État partie

8.Le 21 février 2020, l’État partie a réaffirmé que la communication devait être déclarée irrecevable. Il constate avec préoccupation que les informations communiquées par les auteurs sont difficiles à comprendre et regrette que les auteurs n’aient pas cherché à bénéficier de l’aide juridictionnelle que prévoit le système d’aide néerlandais. Les auteurs font partie d’un groupe de personnes communément appelées les nomades urbains, qui souhaitent vivre à Amsterdam comme bon leur semble. La municipalité applique une politique de tolérance à l’égard de ce groupe, puisqu’elle lui permet de vivre dans un lieu désigné et fournit des soins spéciaux et une assistance à ceux de ses membres qui sont vulnérables. Les auteurs ont quitté le groupe pendant un certain temps puis l’ont rejoint au Westhavenweg, à Amsterdam, entre 2017 et 2019. Ils ont actuellement l’autorisation de résider sur le Westpoortweg, à Amsterdam, jusqu’à la fin de 2021. Chaque membre du groupe a reçu un avis de dispense temporaire à titre individuel. Les auteurs n’ont pas reçu cette dispense puisqu’ils sont actuellement absents. L’attaché de liaison de la municipalité était au courant de l’état de santé de M. B., y compris des brûlures pour lesquelles il recevait des soins hebdomadaires. M. B. était également soigné par les services municipaux de la santé. Au cours de ces deux dernières années, l’attaché de liaison a tenté, avec les services municipaux de la santé et un établissement de soins, de trouver une solution de logement temporaire qui permette à M. B. de soigner ses plaies dans de bonnes conditions d’hygiène mais, à chaque fois, les auteurs ont décliné l’offre.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3Le Comité prend note de la thèse de l’État partie, qui soutient que la communication est irrecevable au motif que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes, n’ont pas saisi le tribunal de district de la Hollande du Nord en temps voulu et, dans le cas de M. B., ont refusé de rencontrer des représentants des autorités. Le Comité prend note également de la thèse des auteurs, qui avancent que la procédure engagée par MmeP. devant le Conseil central de recours est soumise à des délais excessifs, que leur radiation du registre municipal de la population les a empêchés d’être représentés par un conseil et que les voies de recours internes ne leur permettront pas d’obtenir réparation. Le Comité rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence que, s’il n’est pas obligatoire d’épuiser les recours internes qui n’ont aucune chance d’aboutir, les auteurs de communications doivent néanmoins faire preuve de diligence pour exercer les recours qui leur sont ouverts, et le fait d’avoir des doutes sur l’efficacité de ces recours ou de présumer de leur issue ne dispense pas de les épuiser.

9.4En ce qui concerne l’inscription au registre de la population, le Comité constate que les auteurs ont déposé plainte auprès du médiateur d’Amsterdam, mais n’ont apparemment pas saisi la justice. En ce qui concerne les demandes de prestations sociales, il constate que le tribunal de district de la Hollande du Nord a jugé que le recours des auteurs avait été présenté hors délai. Les auteurs contestent cet argument et soutiennent qu’ils ont agi dans les temps car ils n’ont pas reçu la décision du 13 novembre 2015 avant le 17 novembre 2015. Le Comité note toutefois que la décision en question précise que tout appel doit être interjeté dans les six semaines à compter de la date de sa publication et que les auteurs n’ont pas expliqué pourquoi ils n’avaient pas pu respecter cette échéance. Il note également que, d’après les informations communiquées, les auteurs n’ont pas obtenu de décision définitive concernant les griefs qui font l’objet de la communication, et qu’ils n’ont pas expliqué pourquoi ils n’étaient pas en mesure de le faire.

9.5En conséquence, le Comité considère que les auteurs n’ont pas suffisamment expliqué pourquoi ils estiment que la procédure judiciaire qu’ils ont engagée a subi des retards excessifs et que les recours internes disponibles aux Pays-Bas ne leur sont pas accessibles ou sont inefficaces. Partant, il conclut que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes et que la communication est donc irrecevable au regard de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

10.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs de la communication.