Nations Unies

CCPR/C/127/D/2431/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 décembre 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2431/2014 * , **

Communication présentée par :

Aydos Sadykov (non représenté par un conseil)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Kazakhstan

Date de la communication :

8 février 2013 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 20 juin 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

6 novembre 2019

Objet :

Détention arbitraire ; traitement inhumain

Question(s) de procédure :

Aucune

Question(s) de fond :

Traitement inhumain et dégradant ; arrestation et détention arbitraires ; droit à un procès équitable ; présomption d’innocence et assistance d’un conseil ; discrimination

Article(s) du Pacte :

7, 9 (par. 1, 2 et 5), 14 (par. 1, 2 lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 3), et 3 b), d), et e)) et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.L’auteur de la communication est Aydos Sadykov, de nationalité kazakhe, né en 1968. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 7, 9 (par. 1, 2 et 5), 14 (par. 1, 2 lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 3), et 3 b), d) et e)) et 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 septembre 2009. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur indique qu’il est journaliste et militant de l’opposition. Il a dirigé les bureaux régionaux de plusieurs partis politiques, notamment Nastoyashy Ak zhol et Azat. Il a également dirigé deux syndicats qui organisaient de nombreux grands rassemblements visant à promouvoir la réalisation des droits de l’homme au Kazakhstan. En mai 2010, l’auteur a fondé une organisation non gouvernementale, nommée Gastat, qui organisait des sessions de formation en vue d’enseigner aux membres des syndicats comment défendre leurs droits civils et politiques pacifiquement.

2.2Le 27mai 2010 vers 10heures, l’auteur, alors qu’il sortait d’un club de sport, a été agressé par quatre inconnus, ultérieurement identifiés comme étant M. M. et trois policiers. Les quatre hommes l’ont jeté à terre, l’ont frappé à coups de pied et l’ont ensuite menotté, les mains dans le dos. Dans un enregistrement vidéo de l’incident diffusé sur une chaîne de télévision, les policiers ont expliqué aux journalistes avoir assisté à une altercation entre l’auteur et M. M.Ce dernier était au sol et l’auteur était assis sur lui et le frappait. Quand les policiers avaient tenté de s’interposer, l’auteur avait résisté si violemment à l’interpellation qu’il avait été blessé aux coudes, à la poitrine et au dos et qu’il avait fallu le menotter.

2.3Le 27 mai 2010 vers midi, l’auteur et M. M. ont été conduits à l’hôpital afin que leurs blessures soient examinées. L’auteur affirme qu’à l’hôpital, ses blessures aux coudes, à la poitrine et au dos ont été relevées, mais qu’aucune blessure n’a été constatée sur M. M. Après l’examen médical, l’auteur a été conduit à un poste de police, où il est resté jusqu’à 17 heures, sans pouvoir communiquer avec un avocat. Bien qu’il en ait fait la demande, son arrestation n’a pas été officiellement enregistrée.

2.4Le 27mai 2010, des poursuites ont été engagées contre l’auteur sur le fondement de l’article257 1) du Code pénal (vandalisme). Le 28mai 2010, l’auteur a reçu l’ordre de ne pas quitter le pays. Le même jour, G. E., un enquêteur du Ministère de l’intérieur, a repris l’enquête. L’auteur a demandé au bureau du procureur de la région d’Aqtöbe de nommer un autre enquêteur car, selon lui, G. E. n’était ni impartial ni indépendant. G. E. avait notammentprérédigé les comptes rendus de contre-interrogatoire de l’un des témoins avant que celui-ci ait lieu et avait dicté à d’autres témoins ce qu’ils devaient dire. La demande de l’auteur de nommer un autre enquêteur a été rejetée le 8 juin 2010.

2.5Le 8juin 2010, l’auteur a demandé au parquet de la région d’Aqtöbe d’engager des poursuites pénales contre les trois policiers et M. M. pour les coups qu’ils lui avaient infligés et les provocations. Le 10juin 2010, le même enquêteur, à savoir G. E., a été chargé de cette plainte. Le 15juin 2010, G. E. et le Ministère de l’intérieur ont refusé d’ouvrir une enquête sur les allégations de l’auteur. En outre, le 15 août 2010, le Ministère a refusé d’engager des poursuites faute de corps du délit. Le 15 septembre 2010, le bureau du Procureur de la région d’Aqtöbe a annulé la décision du 15 août 2010 et renvoyé l’affaire au Ministère de l’intérieur pour examen complémentaire. On ne sait pas très bien quelle a été l’issue de l’enquête.

2.6L’auteur affirme que, parce qu’il a porté plainte contre les policiers, il a été inculpé d’infractions plus graves sur le fondement de l’article 257 2) b) du Code pénal (vandalisme aggravé, passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans), alors que les charges initialement retenues contre lui sur la base de l’article 257 1) du Code pénal étaient punissables de deux ans de prison au maximum.

2.7Le 16 juillet 2010, le tribunal no 2 d’Aqtöbe a déclaré l’auteur coupable de vandalisme aggravé sur le fondement de l’article 257 2) b) du Code pénal, et l’a condamné à deux ans de prison. Le 24 août 2010, la cour régionale d’Aqtöbe a confirmé la peine en appel. Le 6 décembre 2010, la Cour suprême a rejeté la demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle présentée par l’auteur. L’auteur n’en a pas été informé et n’a donc pas pu assister aux audiences des 24 août et 6 décembre 2010. Il a purgé sa peine d’emprisonnement du 16 juillet 2010 au 13 avril 2012.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il a été arrêté en violation de l’article 9 (par. 2) du Pacte car il n’a pas été informé des raisons de son arrestation. En outre, son arrestation n’a pas été enregistrée et il n’a pas pu communiquer avec un avocat, ce qui est contraire à l’article 9 (par. 1). Il soutient que la durée de sa détention a été excessive, puisqu’il a été retenu environ de 10 h 30 à 17 heures, soit approximativement 6 heures et demie. Le Comité a déjà établi que la durée excessive d’une détention pouvait conduire à ce qu’une arrestation ou une détention par ailleurs légales deviennent arbitraires. L’auteur soutient qu’il a fait l’objet d’une détention arbitraire et demande réparation au titre de l’article 9 (par. 5) du Pacte.

3.2L’auteur affirme qu’en faisant usage contre lui d’une force disproportionnée et en le menottant, les policiers ont cherché à l’humilier et à porter atteinte à sa dignité, ce qui est contraire à l’article 7 du Pacte.

3.3L’auteur argue qu’il n’a pas bénéficié d’une audience publique, en violation du droit qu’il tient de l’article 14 (par. 1) du Pacte. Tout d’abord, le Président du tribunal a rejeté, sans donner d’explication, la demande de l’auteur visant à ce que les audiences soient filmées. L’État partie doit justifier les restrictions imposées au caractère public des audiences en invoquant l’une des exceptions énumérées à l’article 14 (par. 1) du Pacte ; or le tribunal n’a pas donné d’explication à cet égard.

3.4L’auteur argue en outre que le droit à la présomption d’innocence qu’il tient de l’article 14 (par. 2) du Pacte a été violé, puisque pendant le procès, le Président du tribunal a déclaré publiquement que « le requérant et ses avocats présenter[aient] leurs objections dans leur acte d’appel ». L’un des éléments les plus importants du droit à un procès équitable est l’égalité des armes, et le tribunal de première instance ne l’a pas respecté. Il a notamment refusé d’entendre des témoins à décharge. L’auteur affirme également que l’enquêteur, G. E., était de parti pris, en particulier parce qu’il était chargé à la fois de l’enquête pénale contre lui et de l’enquête sur la plainte qu’il avait déposée contre les policiers. L’auteur avance que le refus de mener une enquête contre les policiers a prédéterminé l’issue de la procédure engagée contre lui.

3.5L’auteur soutient en outre que la procédure pénale engagée contre lui était inéquitable. Il affirme qu’il a été privé de la possibilité de faire procéder à d’autres expertises, en violation de l’article 14 (par. 3 b)) du Pacte.

3.6En outre, l’auteur n’a été informé ni de la tenue de l’audience en appel ni de celle de l’audience consacrée à ses observations et griefs au sujet de l’exactitude de la transcription du procès. En conséquence, ces audiences ont eu lieu in absentia, en violation de l’article 14 (par. 2 et 3 d)) du Pacte. Les juridictions n’ont pas expliqué pourquoi il était nécessaire de restreindre le droit de l’auteur à une audience publique. L’auteur affirme également que les juges n’étaient ni indépendants ni impartiaux, car ils ont notamment rejeté ses demandes et commis des erreurs dans l’appréciation des preuves.

3.7L’auteur soutient également que la cour d’appel a rejeté sa demande visant à ce que les témoins K. et H. Y. soient à nouveau entendus, en violation de l’article 14 (par. 3 e)) du Pacte.

3.8Enfin, l’auteur affirme, en s’appuyant sur l’article 26 du Pacte, que les faits tels qu’ils sont présentés montrent qu’il a été victime de persécutions politiques en raison de sa participation active à la vie sociale et politique du Kazakhstan.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans des notes verbales datées des 7janvier et 2juin 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il affirme que l’auteur est membre du parti Azat et qu’il a organisé une grève de la faim avec cinq autres personnes en octobre 2009 ainsi qu’une manifestation publique non autorisée dans la ville d’Aqtöbe le 30 janvier 2010. Pour ce dernier fait, l’auteur a été condamné à dix jours d’internement administratif pour violation de l’ordonnance relative à l’organisation de manifestations publiques. Selon des informations reçues d’une clinique neuropsychiatrique d’Aqtöbe en date du 4juin 2010, l’auteur avait suivi un traitement dans cette clinique en 1998. En 2003, l’auteur avait été inculpé dans une affaire pénale, mais avait à l’époque été déclaré « aliéné ». En 2010, l’auteur avait subi un autre examen et été déclaré sain d’esprit.

4.2L’État partie reconnaît que l’auteur a épuisé toutes les voies de recours internes qui lui étaient ouvertes. L’auteur se plaint au Comité que les policiers ont agi illégalement pendant l’arrestation, lui infligeant des coups qui lui ont causé des ecchymoses et des écorchures. L’auteur semble également contester le jugement et la peine de deux ans d’emprisonnement prononcée contre lui par le tribunal no 2 d’Aqtöbe le 16 juillet 2010. La plainte de l’auteur peut être considérée comme recevable, mais elle devrait être jugée sans fondement. L’auteur a été condamné par une décision de justice régulière.

4.3Le 27 mai 2010, tandis que l’auteur se promenait dans la ville d’Aqtöbe, il a croisé M. M. et leurs épaules se sont heurtées. À cause de cet incident insignifiant, l’auteur a saisi le téléphone portable de M. M. et a frappé celui-ci au visage, le blessant légèrement. L’auteur a ensuite continué de frapper M. M. La police est arrivée sur les lieux et a tenté d’arrêter l’auteur, qui a résisté aux actes licites des policiers et a frappé l’un des agents au visage et abîmé la chemise d’un autre.

4.4Le 27 mai 2010, l’auteur a été inculpé sur le fondement de l’article 257 1) (vandalisme) du Code pénal. Par la suite, la qualification des faits a été modifiée et il a été inculpé sur la base de l’article 257 2) b) (vandalisme aggravé avec violence), en raison du fait qu’il avait résisté à l’interpellation. Les policiers ont déclaré qu’ils avaient tenté de s’interposer mais que l’auteur avait opposé une résistance active et tenté de « se faire mal », et qu’il avait commencé à crier « que des policiers le frappaient ». D’autres témoins, comme H. Y., résident d’un immeuble voisin, ont confirmé le témoignage de la victime, M. M. Plus précisément, H. Y. a déclaré qu’il était chez lui le 27 mai 2010 et qu’allant sur son balcon, il avait entendu appeler à l’aide. Il avait vu les policiers menotter et arrêter l’auteur, qui résistait. À un moment donné, il a vu que l’auteur s’était calmé et fumait une cigarette. Les policiers se sont conduits poliment.

4.5L’auteur a refusé de déposer et n’a accepté de signer aucun document pendant l’enquête. Il a demandé que l’enquêteur, G. E., soit démis de ses fonctions au motif qu’il avait un parti pris contre lui. G. E. a pour sa part déclaré n’avoir jamais donné à des témoins d’instructions pour orienter leur déposition. L’auteur a bénéficié de l’assistance d’un avocat en temps voulu. La demande visant à ce que G. E. soit démis de ses fonctions a été rejetée parce que l’auteur n’avait pas fourni de raisons suffisant à considérer que l’enquêteur était de parti pris dans ce dossier. L’auteur a par la suite également porté plainte contre les policiers qui l’avaient arrêté et contre la victime, M. M., au motif qu’ils l’avaient frappé et avaient tenté de mettre un téléphone portable dans sa poche pour l’incriminer. La plainte a été examinée et a été classée le 15 août 2014, lorsque la police a décidé de ne pas engager d’action pénale contre les policiers.

4.6Le 16 juillet 2010, l’auteur a été reconnu coupable des charges retenues contre lui et condamné à deux ans de prison. Le 24 août 2010, la cour régionale d’Aqtöbe a rejeté l’appel formé par l’auteur et, le 6 décembre 2010, la Cour suprême a rejeté sa demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle.

4.7L’auteur affirme que pendant le procès son droit à une audience publique n’a pas été respecté. D’après le procès-verbal des audiences, des journalistes étaient présents et des enregistrements audio et vidéo des audiences ont été réalisés. Le 13 juillet 2010, il a été constaté que l’enregistrement audio n’avait pas été conservé en raison d’un dysfonctionnement du matériel d’enregistrement. Cela étant, il ressort des dossiers que les avocats de l’auteur ont pu étudier les comptes rendus des audiences. L’auteur lui-même a étudié le dossier, mais a refusé de signer un document confirmant ce fait. Il a déposé plusieurs demandes concernant les comptes rendus des audiences. Ces demandes ont été examinées et rejetées par le tribunal, en l’absence de l’auteur, ce qui est autorisé par le Code de procédure pénale. L’auteur a de plus demandé la destitution du juge qui présidait le procès, K. U. ; cette demande a été rejetée par une autre juge, S. A., qui n’a constaté aucune raison d’y accéder.

4.8En appel, l’auteur a demandé à la cour d’autoriser son épouse à le défendre, de permettre qu’il participe aux audiences, et de pouvoir interroger deux témoins et étudier les enregistrements vidéo et audio du procès. Ces demandes ont été rejetées le 24 août 2010. Les deux témoins requis par l’auteur avaient déjà été interrogés en première instance et, puisque l’auteur n’avait pas remis leurs dépositions en cause, il n’était pas nécessaire de répéter les témoignages en appel.

4.9En outre, selon les dispositions du Code de procédure pénale, il n’était pas nécessaire que l’auteur soit présent à l’audience en appel, étant donné qu’il n’y avait pas de risque qu’il soit condamné à une peine plus sévère au terme de l’appel et que le ministère public ne prévoyait pas de produire de nouvelles preuves. La cour d’appel a également rejeté la demande de l’auteur tendant à ce que le juge K. O. S. soit démis de ses fonctions. La demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle formée par l’auteur a aussi été rejetée ; la Cour suprême a confirmé intégralement les conclusions des deux juridictions inférieures.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans ses commentaires en date du 10 avril 2015, l’auteur a affirmé que l’État partie avait ignoré plusieurs de ses griefs. Par exemple, l’enquête n’avait pas permis d’identifier tous les témoins qui auraient pu déposer au sujet des événements du 27 mai 2010 − ce qui aurait pu permettre, entre autres choses, de corroborer la déclaration d’un témoin, O. Z., selon lequel, au moment des faits, de nombreuses personnes se trouvaient sur les lieux où s’était produit l’incident. Au cours des contre-interrogatoires des témoins, l’enquêteur, G. E., leur a dit à plusieurs reprises dans quel sens témoigner. En outre, les comptes rendus des dépositions étaient inexacts. Aucune poursuite n’a été engagée contre les policiers qui avaient agressé l’auteur.

5.2Lors de l’interpellation initiale de l’auteur, les policiers ne l’ont informé ni des raisons de son arrestation ni de ses droits. Ils n’ont pas non plus établi de procès-verbal d’arrestation indiquant précisément le début et la fin de la détention. L’auteur n’a pas pu bénéficier d’une assistance juridique « de qualité » dès le moment de son interpellation ou pendant sa détention. Le droit de l’auteur de ne pas être soumis à un traitement dégradant n’a pas non plus été respecté puisqu’il a été soumis à la force physique, et qu’il a notamment été menotté. L’État partie n’a jamais expliqué en quoi de telles mesures étaient légales, nécessaires et proportionnées. Il n’a jamais été en mesure d’expliquer la déclaration du témoin H. Y. selon laquelle l’auteur n’avait pas opposé de résistance aux policiers. Bien qu’il affirme qu’il y a eu un enregistrement audio de l’audience, l’État partie admet également que l’enregistrement a été endommagé et n’était pas disponible. L’enregistrement vidéo n’a pas été communiqué à l’auteur, et le Président du tribunal n’en a pas donné la raison.

5.3L’État partie a également violé le droit de l’auteur à l’égalité des armes pendant le procès. Le tribunal a rejeté une série de requêtes et de demandes de la défense, parmi lesquelles une demande de réexamen du lieu présumé des faits et l’utilisation comme preuve d’une vidéo diffusée par la chaîne de télévision « Sedmoi telekanal » qui montre que l’auteur n’opposait pas de résistance aux policiers et n’avait pas frappé M. M.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité relève que l’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes utiles à sa disposition. En l’absence d’objection de la part de l’État partie sur ce point, le Comité considère que les conditions requises par l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif sont réunies.

6.4Le Comité prend note des griefs soulevés par l’auteur au titre des articles 7, 9 (par. 1, 2 et 5), 14 (par. 1, 2 lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 3), et 3 b) et e)), et 26 du Pacte. Il relève toutefois que l’auteur n’a pas donné d’explications pertinentes ni fourni de détails quant à ces griefs, et que ses allégations contre l’enquêteur et le juge, par exemple, ont un caractère général. Dans les circonstances de l’espèce le Comité considère donc que ces griefs ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité estime que, aux fins de la recevabilité, l’auteur a fourni suffisamment d’informations sur les griefs qu’il invoque au titre de l’article 14 (par. 3 d)) en ce qui concerne son droit d’être présent aux audiences en appel. Par conséquent, le Comité déclare cette partie des griefs recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité relève que l’auteur allègue que son droit à la défense, protégé par l’article 14 (par. 3 d)) du Pacte, a été violé lors de l’audience en appel car il n’a pas pu assister à celle-ci malgré sa demande en ce sens. Le Comité considère que cette disposition du Pacte s’applique en l’espèce puisque la cour a examiné les éléments de fait et de droit du dossier et procédé à une nouvelle appréciation de la question de la culpabilité ou de l’innocence. Il rappelle qu’en vertu de l’article 14 (par. 3 d)), les personnes accusées ont le droit d’être présentes à leur procès, et que les procès en l’absence de l’accusé ne peuvent être autorisés que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, par exemple lorsque l’accusé, bien qu’informé du procès suffisamment à l’avance, refuse d’exercer son droit d’y être présent. Le Comité observe que l’auteur affirme avoir demandé par écrit l’autorisation de participer en personne à l’audience en appel, mais que ces demandes ont été ignorées. Il relève que l’auteur affirme ne pas avoir pu participer aux audiences où a été soulevée la question de l’exactitude de la transcription des comptes rendus de la première instance. Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 14 (par. 3 d)) du Pacte.

8.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie de l’article 14 (par. 3 d)) du Pacte.

9.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, d’accorder à l’auteur une réparation appropriée pour la violation qu’il a subie. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.