Nations Unies

CCPR/C/129/D/2337/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

16 octobre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2337/2014 * , **

Communication présentée par :

Oleg Volchek (non représenté par un conseil)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Bélarus

Date de la communication :

29 novembre 2013 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 22 janvier 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

23 juillet 2020

Objet :

Arrestation et détention d’un militant des droits de l’homme ; non-respect des garanties d’un procès équitable dans une affaire administrative

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes ; défaut de fondement

Question(s) de fond :

Arrestation et détention arbitraires ; procès équitable ; discrimination fondée sur des motifs politiques

Article(s) du Pacte :

9 (par. 1 et 3), 14 (par. 1, 3 b) et 5) et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.L’auteur de la communication est Oleg Volchek, de nationalité bélarussienne, né en 1967. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 9 (par. 1 et 3), de l’article 14 (par. 1, 3 b) et 5) et de l’article 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est un militant des droits de l’homme et dirige depuis 1998 un centre de défense des droits de l’homme qui fournit une aide juridique aux particuliers. Le 27 janvier 2012 à 15 h 15, il a été arrêté par deux policiers en civil, S. et L., qui ont demandé à voir son passeport. L’auteur ne présentant pas son passeport, les agents l’ont conduit au Département de police du district Tsentralny de Minsk. L’auteur a été fouillé et ses effets personnels lui ont été retirés pendant une demi-heure par les policiers ayant procédé à l’arrestation. Ses effets personnels lui ont ensuite été rendus et un procès-verbal de fouille a été dressé par un autre agent, K., en présence d’un témoin, L., l’un des policiers ayant procédé à l’arrestation. Plus tard, l’agent K. a établi le procès‑verbal d’arrestation sur le fondement de l’article 17.1 du Code des infractions administratives (hooliganisme mineur), à partir de la déclaration des policiers ayant procédé à l’arrestation, qui ont affirmé que l’auteur dérangeait les passants en criant et en proférant des injures.

2.2Le même jour, le chef du Département de police du district Tsentralny a décidé de placer l’auteur en détention dans l’attente de l’audience du tribunal. L’auteur a été détenu au Centre correctionnel de Minsk. Ni la famille ni l’avocat de l’auteur n’ont été informés du lieu où il se trouvait, bien que l’auteur ait demandé à ce qu’ils le soient. L’auteur n’a pas été informé des faits qui lui étaient reprochés. Le 30 janvier 2012, l’affaire a été examinée par le tribunal du district Tsentralny de Minsk. L’auteur a été condamné à quatre jours de détention administrative sur le fondement de l’article 17.1 du Code des infractions administratives. La date et l’heure de l’arrestation, à savoir le 27 janvier 2012 à 15 h 30, ont été utilisées comme point de départ de l’exécution de la peine. Le tribunal a fondé sa décision sur les déclarations des deux seuls témoins dans l’affaire, à savoir les deux agents ayant procédé à l’arrestation, qui ont déclaré que, lorsqu’ils avaient demandé à voir le passeport de l’auteur, celui-ci s’était mis à crier et à proférer des injures, troublant l’ordre et la paix publics.

2.3L’appel formé par l’auteur le 6 février 2012 auprès du tribunal municipal de Minsk a été rejeté le 17 février 2012. La juridiction d’appel a estimé que le tribunal de première instance avait correctement examiné les éléments de preuve et que la sanction qui avait été imposée à l’auteur était légale. L’auteur a saisi le Président de la Cour suprême de demandes de réexamen au titre de la procédure de contrôle les 19 mai et 11 juillet 2012 ; ces demandes ont été rejetées les 21 juin et 20 août 2012, respectivement.

2.4Selon l’auteur, le tribunal n’était pas indépendant, et les policiers qui ont procédé à son arrestation auraient eu une conversation privée avec le juge avant l’audience. Les policiers ont assisté à l’audience et ont escorté l’auteur jusqu’au tribunal. Le juge avait un parti pris et a adopté une démarche accusatoire. Il a interdit aux journalistes présents de faire un enregistrement audio des débats. L’auteur n’a pu s’entretenir avec son avocat que juste avant l’audience et ce n’est qu’à ce moment-là qu’il a pu prendre connaissance des informations figurant dans son dossier. La sanction prononcée par le tribunal était injustifiée au vu des circonstances de l’affaire. Le tribunal municipal de Minsk, agissant en tant que juridiction de deuxième instance, n’a pas réexaminé les faits, comme l’exige le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

2.5L’auteur affirme que, pendant qu’il était en détention, son passeport, qu’il conservait dans son bureau, a disparu. Il soutient que les policiers se sont servis de la clef qui lui avait été confisquée pour ouvrir son bureau. Le 2 février 2012, l’auteur a adressé au chef du Comité d’instruction de Minsk une plainte concernant le vol de son passeport et demandant l’ouverture d’une enquête criminelle. Le 26 avril 2012, le procureur du district Tsentralny de Minsk a rejeté la demande de l’auteur au motif qu’il n’y avait pas d’éléments prouvant le vol. Un nouveau passeport a été délivré à l’auteur au bout de deux mois, au lieu de quinze jours, ce qui a bouleversé son plan de voyage concernant des manifestations en faveur des droits de l’homme auxquelles il avait prévu de participer à l’étranger.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il a été détenu par la police et s’est ensuite vu infliger une peine de détention par le tribunal en violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. Il affirme également que les autorités ne l’ont pas informé des faits qui lui étaient reprochés, n’ont pas averti sa famille et son avocat de sa détention, et ne l’ont pas présenté à un juge dans les meilleurs délais, en violation du paragraphe 3 de l’article 9. Il ajoute que le paragraphe 3 de l’article 9 a également été violé en ce que sa détention a été autorisée par le chef du Département de police du district Tsentralny et non par un juge.

3.2De plus, l’auteur soutient que le juge du tribunal de district avait un parti pris et a adopté une démarche accusatoire, en violation de l’article 14 du Pacte. Il affirme aussi que le tribunal de district a fondé sa décision uniquement sur les preuves produites par les agents qui ont procédé à l’arrestation, en violation également de l’article 14. L’auteur dit ne pas avoir disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, en violation des droits qu’il tient du paragraphe 3 b) de l’article 14. Il affirme aussi que la juridiction d’appel n’a pas dûment examiné les faits de l’affaire, en violation du paragraphe 5 de l’article 14.

3.3En outre, l’auteur affirme que l’État partie a violé l’article 26 du Pacte, puisque son arrestation et le refus des autorités de lui délivrer un nouveau passeport sous quinze jours au titre de la procédure d’urgence étaient fondés sur ses opinions politiques et ses activités de défenseur des droits de l’homme.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1Dans une note verbale datée du 12 juin 2015, l’État partie a fait part de ses observations sur le fond de la communication. Selon l’État partie, l’infraction administrative commise par l’auteur a été dûment établie par les tribunaux nationaux et la sanction a été choisie conformément à la loi et n’était pas la sanction maximale prévue par les dispositions pertinentes. Le tribunal a examiné l’affaire concernant l’auteur le jour même où il en a été saisi. Le temps passé en détention avant l’audience a été inclus dans la durée de la peine de détention infligée à l’auteur. D’après les éléments figurant dans le dossier, l’auteur n’a présenté aucune demande, pas même celle d’être assisté d’un avocat. Il était représenté par un avocat devant le tribunal.

4.2La fouille dont l’auteur a fait l’objet a eu lieu en présence d’un seul témoin au lieu de deux, en violation de l’article 8.6 du Code de procédure administrative et d’application des sanctions administratives. Cependant, étant donné que les objets découverts étaient sans lien avec la procédure administrative, cette violation n’a pas eu d’effet sur la décision finale rendue par le tribunal en l’espèce. D’ailleurs, l’auteur a signé le procès-verbal de fouille sans formuler aucune objection.

4.3L’État partie considère que rien ne justifie de modifier la décision administrative rendue dans l’affaire concernant l’auteur.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 23 juin 2015, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il affirme avoir épuisé tous les recours internes, car il a présenté à deux reprises des recours au titre de la procédure de contrôle, procédure qui, en tout état de cause, n’est pas considérée par le Comité comme une voie de recours utile.

5.2L’auteur répète les allégations formulées dans sa lettre initiale selon lesquelles le tribunal de district a fondé sa décision uniquement sur le témoignage des policiers ayant procédé à son arrestation, qui n’étaient pas des témoins objectifs. Il n’y avait, dans l’affaire le concernant, aucun autre témoin ni aucun élément de preuve. Il reprend ses griefs concernant la procédure de fouille et le vol de son passeport, et réaffirme ne pas avoir été présenté devant un juge dans les meilleurs délais. Il fait référence à la partie 2 de l’article 10.30 et à l’article 11.2 du Code de procédure administrative et d’application des sanctions administratives, selon lesquels une personne détenue pour une infraction administrative doit être déférée devant un tribunal dans un délai de quarante‑huit heures.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité note que l’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles et que l’État partie n’a pas soulevé d’objection sur ce point. Le Comité prend aussi note du grief soulevé par l’auteur au titre du paragraphe 3 b) de l’article 14, à savoir qu’il n’a pas bénéficié du temps et des facilités nécessaires pour se préparer à l’audience du tribunal et qu’il n’a rencontré son avocat que juste avant l’audience. Le Comité relève en outre que le compte rendu de l’audience du tribunal de district, qui figure dans le dossier, ne fait mention d’aucune plainte de l’auteur ou de son avocat concernant le manque de temps pour préparer la défense ni d’aucune demande d’ajournement de l’audience. Au vu des renseignements dont il dispose, le Comité considère que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne cette partie de la communication et la déclare donc irrecevable au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Le Comité considère qu’il n’est pas empêché par le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif d’examiner le reste de la communication.

6.4Le Comité prend note du grief de l’auteur, qui affirme que le tribunal du district Tsentralny de Minsk l’a condamné à quatre jours de détention administrative le 30 janvier 2012 en violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. Le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux juridictions de l’État partie d’apprécier les faits et les éléments de preuve ou l’application faite de la législation nationale dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que l’appréciation des éléments de preuve ou l’application de la législation nationale ont été manifestement arbitraires ou ont représenté un déni de justice, ou que la juridiction concernée a par ailleurs manqué à son obligation d’indépendance et d’impartialité. Dans le cas présent, le Comité prend note des arguments de l’État partie selon lesquels le tribunal a statué sur l’affaire d’infraction administrative le jour même où il en a été saisi, le temps passé par l’auteur en détention avant l’audience du tribunal a été inclus dans la durée totale de sa détention administrative, et la sanction choisie par le tribunal était dans les limites définies dans l’article 17.1 du Code des infractions administratives. Les informations figurant dans le dossier ne permettent pas au Comité de conclure que le tribunal du district Tsentralny de Minsk a agi de façon arbitraire ou qu’il a manqué d’impartialité. Le Comité constate donc que les griefs que l’auteur tire, à cet égard, du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte ne sont pas suffisamment étayés, et il les déclare irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité prend note du grief de l’auteur selon lequel il a été détenu du 27 au 30 janvier 2012 en violation de son droit à être présenté devant un juge dans le plus court délai conformément au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte. Le Comité note que le paragraphe 3 de l’article 9 s’applique aux individus arrêtés ou détenus du chef d’une infraction pénale. Il doit donc déterminer si la détention administrative dont l’auteur a été l’objet relève du paragraphe 3 de l’article 9. Il rappelle à cet égard que bien qu’une accusation en matière pénale se rapporte en principe à des actes qui sont réprimés par la loi pénale interne, la notion d’« accusation en matière pénale » doit être entendue dans le sens que lui donne le Pacte. En l’espèce, l’auteur s’est vu infliger une sanction de quatre jours de détention administrative pour une infraction administrative. Le Comité considère qu’une telle peine avait pour objet de sanctionner l’auteur pour ses actes et de le dissuader de commettre de nouvelles infractions de même nature − objectifs analogues à la finalité générale du droit pénal. Le Comité estime par conséquent que ces griefs relèvent de la protection garantie par le paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte.

6.6Le Comité prend note des griefs que l’auteur tire du paragraphe 1 de l’article 14 relativement au manque d’indépendance du tribunal et à l’examen des éléments de preuve, en particulier au fait que le tribunal a fondé sa décision uniquement sur les déclarations des deux policiers ayant procédé à l’arrestation. Le Comité souligne que le grief de l’auteur a trait à l’appréciation des faits et des éléments de preuve, que le Comité n’examine pas lui‑même, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice, ou que la juridiction concernée a par ailleurs manqué d’indépendance et d’impartialité. Les renseignements dont dispose le Comité ne lui permettent pas de conclure que les procédures judiciaires aient été entachées de telles irrégularités. En conséquence, il constate que le grief que l’auteur tire du paragraphe 1 de l’article 14 n’est pas suffisamment étayé et le déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.7Le Comité ayant conclu que les sanctions administratives prononcées contre l’auteur étaient de nature pénale, il considère que le grief que l’auteur tire du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, à savoir que le tribunal municipal de Minsk n’a pas réexaminé les faits le concernant en appel, relève de l’article 14. Le Comité note cependant que la décision du tribunal municipal de Minsk ne fait pas seulement référence aux aspects procéduraux de l’audience tenue par le tribunal de district, mais aussi aux « informations figurant dans le dossier », ce qui indique que le tribunal a examiné les faits et les éléments de preuve et ne s’est pas limité uniquement à un examen des points de droit. Par conséquent, le Comité constate que les griefs de l’auteur au titre du paragraphe 5 de l’article 14 ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.8Le Comité note en outre que les informations figurant dans le dossier ne suffisent pas à étayer les griefs que l’auteur tire de l’article 26 du Pacte relativement aux motifs politiques de son arrestation, et il déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.9Le Comité considère que les autres griefs que l’auteur tire des paragraphes 1 et 3 de l’article 9 du Pacte relativement à ses trois jours de détention administrative par la police du 27 au 30 janvier 2012 et au retard avec lequel il a été présenté devant un juge sont recevables, et procède à leur examen au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité note que l’auteur affirme que les droits qui lui sont reconnus par les paragraphes 1 et 3 de l’article 9 du Pacte ont été violés parce qu’il a été placé en détention le 27 janvier 2012 pour avoir commis une infraction administrative et que sa détention, autorisée par le chef du Département de police du district Tsentralny de Minsk, a duré jusqu’au 30 janvier 2012, date à laquelle il a été déféré devant le tribunal. Le Comité prend note également du grief de l’auteur selon lequel le délai maximal dans lequel une personne faisant l’objet d’une détention administrative doit être présentée devant un juge est de quarante-huit heures. Le Comité renvoie à son observation générale no 35 (2014), dans laquelle il est clairement expliqué que le paragraphe 1 de l’article 9 oblige à respecter les règles de la législation nationale qui déterminent quand l’autorisation d’un juge ou d’une autre autorité doit être obtenue pour maintenir une personne en détention, où une personne peut être placée en détention, quand elle doit être déférée devant un tribunal, et les limites imposées par la loi à la durée de la détention (par. 23). Bien que l’État partie n’ait pas répondu aux allégations de l’auteur concernant la détention prolongée, le Comité note que la partie 2 de l’article 10.30et l’article 11.2 du Code de procédure administrative et d’application des sanctions administratives, auxquels l’auteur fait référence, ne semblent pas fixer de limites à la durée de la détention administrative ni de délai pour porter les affaires d’infraction administrative devant le tribunal. Ces limites font l’objet de la partie 2 de l’article 8.4 du Code, qui fixe à soixante-douze heures maximum la durée de la détention administrative que peut imposer l’organe qui conduit la procédure administrative. La partie 1 de l’article 10.30 du Code fixe à cinq jours au maximum le délai dans lequel le tribunal doit être saisi d’une affaire administrative.

7.3Parallèlement à cela, le Comité renvoie au paragraphe 12 de son observation générale no 35, dans lequel il a clarifié la notion de détention arbitraire en précisant que l’adjectif « arbitraire » n’est pas synonyme de « contraire à la loi » mais doit recevoir une interprétation plus large intégrant le caractère inapproprié, l’injustice, le manque de prévisibilité et le non-respect des garanties judiciaires, ainsi que les principes du caractère raisonnable, de la nécessité et de la proportionnalité. En appliquant cette définition à l’espèce, le Comité note que ni les documents figurant dans le dossier ni les observations de l’État partie n’expliquent en quoi il était nécessaire que l’auteur soit détenu durant trois jours. Il constate donc que la détention de l’auteur du 27 au 30 janvier 2012 n’était pas raisonnable, nécessaire ou proportionnée à la faute présumée et qu’elle a donc été arbitraire, en violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

7.4En ce qui concerne le grief que l’auteur tire du paragraphe 3 de l’article 9, à savoir qu’il n’a pas été présenté à un juge dans le plus court délai, le Comité rappelle sa position, exposée dans son observation générale no 35 (2014), selon laquelle quarante-huit heures suffisent généralement à préparer l’audition judiciaire, et que tout délai supérieur à quarante-huit heures doit rester absolument exceptionnel et être justifié par les circonstances (par. 33). Le Comité note que non seulement cette exigence devrait s’appliquer également aux cas de détention administrative prolongée, mais aussi qu’elle devrait être encore plus stricte lorsqu’il s’agit d’une affaire d’infraction mineure, comme en l’espèce. L’État partie n’ayant pas fait état de circonstances exceptionnelles en l’espèce qui justifieraient que la présentation de l’auteur devant un juge soit retardée, le Comité constate une violation du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte.

8.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des paragraphes 1 et 3 de l’article 9 du Pacte.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, de prendre les mesures voulues pour offrir à l’auteur une indemnisation adéquate pour la violation subie. L’État partie est également tenu de prendre toutes les mesures voulues pour que des violations analogues ne se reproduisent pas.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent-quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.