Nations Unies

CCPR/C/128/D/2534/2015

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

15 juin 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2534/2015 * , **

Communication présentée par:

M. I.(non représenté par un conseil)

Victime(s) présumée(s):

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

19 mai 2014 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 19 janvier 2015 (non publiée sous forme de document)

Date de la déci sion:

13 mars 2020

Objet:

Commutation de la peine de mort en peine d’emprisonnement à perpétuité

Question (s) de procédure:

Abus du droit de présenter des communications

Question(s) de fond:

Procès équitable : principe de l’égalité des armes ; procès équitable : assistance d’un avocat ; droit de former un recours contre une déclaration de culpabilité et une condamnation pénale ; application rétroactive de la législation pénale prévoyant une peine plus légère ; interdiction de la discrimination

Article(s) du Pacte:

14 (par. 1, 3 b) et 5), 15 (par. 1) et 26

Article(s) du Protocole facultatif:

3

1.L’auteur de la communication est M. I., de nationalité russe, né en 1962. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 14 (par. 1, 3 b) et 5), 15 (par. 1) et 26 du Pacte. Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte est entré en vigueur pour l’État partie le 1er janvier 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 23 juin 1995, l’auteur a été déclaré coupable de vol et de trois assassinats avec circonstances aggravantes, commis sous l’empire de l’alcool, et a été condamné à mort par le tribunal régional de Chelyabinsk. Parce qu’il avait déjà été reconnu coupable d’un précédent assassinat, l’auteur a également été déclaré « récidiviste dangereux » par le tribunal, conformément à l’article 24.1 (par. 1, note 1) du Code pénal de la République socialiste fédérative soviétique de Russie qui était en vigueur à l’époque. Le 11 janvier 1996, la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême, siégeant en tant que cour de cassation, a confirmé sa condamnation à mort.

2.2Le 17 mai 1999, par un décret de grâce présidentielle, la peine de mort imposée à l’auteur a été commuée en peine d’emprisonnement à perpétuité. Le 23 septembre 1999, conformément au nouveau Code pénal qui était entré en vigueur le 13 juin 1996, le tribunal régional de Chelyabinsk a supprimé la mention du « meurtre commis sous l’empire de l’alcool », qui était l’une des circonstances aggravantes figurant dans le jugement de condamnation.

2.3Le 4 mai 2006, le tribunal municipal de Solikamsk dans la région de Perm a supprimé la confiscation de biens qui était une peine supplémentaire prévue par l’article 146 (par. 2 a)) du Code pénal de 1960, et a supprimé la mention du « meurtre commis par une personne qui a déjà commis un meurtre, à l’exception des meurtres visés aux articles 105 et 106 du Code pénal » de la qualification de l’infraction d’assassinat commis par l’auteur, conformément au nouveau Code pénal, tel que modifié par la loi du 8 décembre 2003 portant modification du Code pénal. Le 20 juin 2006, le tribunal régional de Perm a fait droit au recours en cassation formé par l’auteur contre la décision du tribunal municipal de Solikamsk et supprimé la mention de récidiviste dangereux, tout en maintenant la peine d’emprisonnement à perpétuité. Le tribunal régional de Perm a expressément dit sur ce point, que la peine de l’auteur n’était pas sujette à modifications, parce qu’elle avait été imposée dans le cadre de la législation actuelle.

2.4À une date non précisée, l’auteur a demandé un réexamen au titre de la procédure de contrôle des décisions rendues le 4 mai 2006 par le tribunal municipal de Solikamsk et le 20 juin 2006 par le tribunal régional de Perm, alléguant que sa condamnation n’avait pas été mise en totale conformité avec la nouvelle loi pénale et demandant que sa peine d’emprisonnement à perpétuité soit commuée en peine de quinze ans d’emprisonnement. Dans sa demande, il a invoqué l’article 18 (par. 5), lu conjointement avec les articles 63 (par. 1 a)) et 68 (par. 1) du Code pénal de 1996, qui dispose que le type de récidive doit être dûment pris en considération lorsque le tribunal fixe la peine. Il a également invoqué la décision par laquelle la Cour constitutionnelle a établi, le 20 avril 2006, que lorsqu’une condamnation est modifiée de manière à correspondre à la nouvelle loi pénale, toutes les dispositions relatives à la condamnation, telles qu’énoncées dans le Code pénal, s’appliquent. Selon l’auteur, le tribunal régional de Chelyabinsk a fondé sa décision initiale de le condamner à la peine de mort sur le fait qu’il avait alors été déclaré récidiviste dangereux. Cette mention ayant par la suite été supprimée du jugement de condamnation, sa peine devrait être ramenée à quinze ans d’emprisonnement.

2.5Le 27 janvier 2009, le tribunal régional de Perm a rejeté la demande de l’auteur tendant à obtenir un réexamen, au titre de la procédure de contrôle, des décisions rendues le 4 mai 2006 par le tribunal municipal de Solikamsk et le 20 juin 2006 par le tribunal régional de Perm au motif que, puisque la condamnation à mort de l’auteur avait été commuée en peine d’emprisonnement à perpétuité par un décret de grâce présidentielle dans l’exercice de la prérogative constitutionnelle du Président d’accorder la grâce, et non dans le cadre de la procédure pénale, les règles relatives à l’imposition de la peine, prescrites par l’article 54 de la Constitution de la Fédération de Russie et l’article 10 du Code pénal de 1996 (effet rétroactif de la loi pénale) ne s’appliquaient pas dans le cas de l’auteur. Le tribunal régional de Perm a ajouté qu’il n’était donc pas compétent pour abroger ou réviser la peine imposée par le décret de grâce présidentielle. Pour la même raison, la position juridique de la Cour constitutionnelle, précisée dans son arrêt du 20 avril 2006 et évoquée par l’auteur, ne s’appliquait pas aux décrets présidentiels.

2.6Le 15 avril 2009, le Président du tribunal régional de Perm a rejeté la demande de l’auteur tendant à obtenir un réexamen, au titre de la procédure de contrôle, des décisions rendues le 4 mai 2006 par le tribunal municipal de Solikamsk et les 20 juin 2006 et 27 janvier 2009 par le tribunal régional de Perm. Il a dit dans sa décision que, même si l’auteur avait été gracié par le Président de la Fédération de Russie, sa condamnation avait été mise en conformité avec la nouvelle loi pénale ayant effet rétroactif et avait fait l’objet d’un contrôle judiciaire.

2.7Le 23 avril 2013, la Cour suprême a rejeté la demande de l’auteur tendant à obtenir un réexamen, au titre de la procédure de contrôle, des décisions rendues le 4 mai 2006 par le tribunal municipal de Solikamsk et le 20 juin 2006 par le tribunal régional de Perm. Le 17 décembre 2013, le Vice-Président de la Cour suprême a rejeté la demande de l’auteur tendant à obtenir un réexamen, au titre de la procédure de contrôle, des décisions susmentionnées rendues par le tribunal municipal de Solikamsk et par le tribunal régional de Perm et de la décision rendue le 23 avril 2013 par la Cour suprême. Les 30 août, 24 octobre et 11 décembre 2013, le Bureau du Procureur de la région de Perm a rejeté des demandes de l’auteur tendant à obtenir un réexamen, au titre de la procédure de contrôle, des décisions susmentionnées rendues par le tribunal municipal de Solikamsk et par le tribunal régional de Perm. Il a dit, entre autres, que lorsqu’ils avaient apporté des modifications au jugement de condamnation de l’auteur, les tribunaux avaient dûment pris en considération la nature et la gravité des infractions commises par celui-ci, ainsi que les circonstances dans lesquelles elles avaient été commises.

2.8À une date non précisée, l’auteur a demandé un réexamen, au titre de la procédure de contrôle, de la décision rendue le 11 janvier 1996 par la Cour suprême, alléguant que son droit à la défense avait été violé par la Cour de cassation, dans la mesure où il n’avait pas été informé par le tribunal régional de Chelyabinsk du fait que d’autres parties à la procédure pénale avaient introduit des recours en cassation, à l’époque à laquelle l’affaire pénale le concernant était mise en état pour une audience devant la Cour suprême.

2.9Le 10 janvier 2013, la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême a rejeté la demande de l’auteur tendant à obtenir un réexamen, au titre de la procédure de contrôle, de la décision rendue le 11 janvier 1996 par la Cour suprême, et a informé l’auteur que, d’après les éléments du dossier de cassation, le tribunal de première instance avait envoyé une notification à la maison d’arrêt dans laquelle l’auteur était détenu à l’époque. Cette notification contenait des informations relatives à la transmission du dossier de l’affaire concernant l’auteur, ainsi que des recours en cassation formés par les personnes condamnées et leurs avocats, pour une audience devant la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême. Le 15 mars 2013, l’auteur a demandé au responsable de la maison d’arrêt en question de lui indiquer si cette notification était consignée dans son dossier personnel. À une date non précisée, ce responsable a informé l’auteur que son dossier personnel ne contenait aucune trace de la notification envoyée par le tribunal régional de Chelyabinsk. Le 16 avril 2013, le Vice-Président de la Cour suprême a rejeté l’appel formé par l’auteur contre la décision rendue le 10 janvier 2013 par la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême.

2.10Le 30 juillet 2013, le Bureau du Procureur général a rejeté la nouvelle demande de l’auteur tendant à obtenir un réexamen, au titre de la procédure de contrôle, de la décision rendue le 11 janvier 1996 par la Cour suprême. L’auteur a été informé que, d’après les éléments du dossier pénal, le tribunal de première instance avait envoyé une notification à la maison d’arrêt. Cette notification contenait des informations relatives à la transmission du dossier de l’affaire le concernant, ainsi que des recours en cassation, pour une audience devant la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême. Il a également été informé qu’il n’y avait aucune trace du fait qu’il avait demandé à prendre connaissance des recours introduits par d’autres parties à la procédure pénale. Le 4 décembre 2013, le Bureau du procureur régional de Chelyabinsk a également rejeté une demande similaire de l’auteur tendant à obtenir un réexamen, au titre de la procédure de contrôle, de la décision susmentionnée de la Cour suprême. Dans la lettre de rejet émanant du Bureau du procureur, il était dit, entre autres, que l’auteur avait pu présenter ses arguments dans son recours en cassation et qu’il n’y avait aucune contradiction entre ses arguments et ceux présentés par son avocat et ses coaccusés dans leurs recours en cassation respectifs.

2.11L’auteur soutient par conséquent qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur dénonce une violation des droits qu’il tient de l’article 14 (par. 3 b)) du Pacte parce que, contrairement à ce que prévoyait l’article 327 du Code de procédure pénale de 1960 de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, qui était en vigueur à l’époque, le tribunal régional de Chelyabinsk ne l’a pas informé du fait que d’autres parties à la procédure pénale, dont son avocat, A., et ses coaccusés, avaient formé des recours en cassation à l’époque à laquelle son affaire pénale était mise en état pour être entendue par la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême, siégeant en tant que Cour de cassation. Il affirme que son droit de prendre connaissance des recours en cassation soumis au tribunal régional de Chelyabinsk par d’autres parties à la procédure pénale a été violé, ce qui l’a effectivement privé de la possibilité de présenter des contre-arguments, des précisions supplémentaires et/ou des demandes concernant la procédure. Il invoque sur ce point l’article 19 du Code de procédure pénale de 1960 (garantissant au suspect et à l’accusé le droit à la défense). Il ajoute que ni lui ni son avocat n’étaient présents à l’audience de cassation.

3.2L’auteur dénonce une violation des droits qu’il tient de l’article 14 (par. 1 et 5) du Pacte parce qu’il a effectivement été privé du droit à un procès équitable conduit selon les principes du contradictoire et de l’égalité des parties, lorsque l’affaire pénale le concernant a été entendue par la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême, siégeant en tant que Cour de cassation. Il soutient sur ce point que les autorités de l’État partie n’ont pas veillé au respect des dispositions de l’article 327 du Code de procédure pénale de 1960 (voir par. 2.9 et 2.10 ci-dessus).

3.3L’auteur soutient que, en violation des articles 14 (par. 1) et 15 (par. 1) du Pacte, sa condamnation n’a pas été mise en totale conformité avec la nouvelle loi pénale. Il dit que le tribunal régional de Chelyabinsk a fondé sa décision initiale de le condamner à la peine de mort sur le fait qu’il avait alors été déclaré récidiviste dangereux. Cette mention ayant par la suite été supprimée du jugement de condamnation, sa peine devrait être ramenée à quinze ans d’emprisonnement, en application des dispositions de l’article 54 de la Constitution de la Fédération de Russie et de l’article 10 du Code pénal de 1996 (voir par. 2.4 ci-dessus).

3.4L’auteur affirme que les droits qu’il tient de l’article 26 du Pacte ont été violés parce que les autorités et les tribunaux de l’État partie ont motivé leur refus de modifier sa peine en peine d’emprisonnement d’une durée limitée par le fait qu’il avait été initialement condamné à mort et que cette condamnation avait par la suite été commuée en emprisonnement à perpétuité par un décret de grâce présidentielle. Il soutient que ce préjugé à son égard constitue une discrimination fondée sur l’origine sociale, c’est-à-dire sur le fait qu’il est un condamné à mort gracié, bénéficiant donc de l’emprisonnement à perpétuité.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale datée du 15 juillet 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Il fournit une liste de décisions judiciaires relatives à l’auteur (voir par. 2.1 à 2.6 ci-dessus) et soutient que la communication constitue un abus du droit de présenter des communications, parce qu’elle a pour la première fois été présentée au Comité en mai 2014, soit plus de dix-huit ans après que la condamnation ne devienne exécutoire, en application de la décision rendue le 11 janvier 1996 par la Cour suprême. L’État partie déclare dès lors qu’en l’absence de toute circonstance justifiant une soumission aussi tardive, le grief que l’auteur tire de l’article 14 (par. 3) du Pacte devrait être déclaré irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif, en ce qu’il constitue un abus du droit de présenter des communications.

4.2Se référant au paragraphe 9 de l’observation générale no 32 (2007) sur le droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, l’État partie soutient que la révision d’une condamnation à la suite de l’adoption d’une nouvelle loi pénale qui prévoit une peine plus légère et a un effet rétroactif ne constitue pas une décision sur les accusations pénales ou les droits et obligations de caractère civil, au sens de l’article 14 du Pacte. De même, la procédure applicable à la révision d’une condamnation à la suite de l’adoption d’une nouvelle loi pénale qui prévoit une peine plus légère et a un effet rétroactif ne semble pas relever de l’article 15 du Pacte.

4.3L’État partie affirme également que la révision de la condamnation de l’auteur à la suite de l’adoption d’une nouvelle loi pénale qui prévoit une peine plus légère et a un effet rétroactif a eu lieu en mai et juin 2006, tandis que l’auteur a présenté sa communication au Comité en mai 2014 seulement, soit huit ans plus tard. En l’absence de toute circonstance justifiant une soumission aussi tardive, les griefs que l’auteur tire des articles 14 et 15 du Pacte devraient être déclarés irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif, en ce qu’ils constituent un abus du droit de présenter des communications.

4.4L’État partie soutient que le grief que l’auteur tire de l’article 26 du Pacte (voir par. 3.4 ci-dessus) devrait être déclaré irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif, pour défaut manifeste de fondement.

4.5L’État partie soutient également que les griefs que l’auteur tire des articles 14 (par. 1, 3 b) et 5), 15 (par. 1) et 26 du Pacte sont infondés.

4.6Conformément aux articles 335 et 336 du Code de procédure pénale de 1960, qui était en vigueur à l’époque où l’affaire pénale concernant l’auteur a été examinée en cassation, les parties à une procédure pénale n’étaient informées de la date, de l’heure et du lieu de l’audience par la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême que si elles en avaient fait la demande dans leur pourvoi en cassation ou dans leurs objections à un tel pourvoi. L’avocat A., qui représentait l’auteur au procès en première instance, n’a pas demandé, lorsqu’il s’est pourvu en cassation, à assister à l’audience devant la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême. L’auteur n’a pas demandé à assister à l’audience de cassation et n’a pas non plus sollicité l’aide d’un avocat à ce stade de la procédure pénale. La position de l’auteur et de son avocat a été communiquée à la Cour de cassation dans le cadre de leurs pourvois en cassation respectifs.

4.7Pour ce qui est des obligations incombant au tribunal de première instance en application de l’article 327 1) du Code de procédure pénale de 1960 (voir par. 3.1 et 3.2 ci‑dessus), l’État partie affirme qu’il n’y avait aucune contradiction entre les arguments de l’auteur et ceux présentés par son avocat et ses coaccusés dans leurs recours en cassation respectifs. Par conséquent, le fait que l’auteur n’ait pas été informé de ce que d’autres parties à la procédure pénale avaient introduit des recours en cassation n’a pas conduit à une violation de son droit à la défense. L’État partie rappelle que la plainte de l’auteur au sujet d’une violation de son droit à la défense a été examinée et rejetée le 10 janvier 2013 par la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême et le 16 avril 2013 par le Vice-Président de la Cour suprême.

4.8L’État partie affirme que la condamnation de l’auteur a été mise en totale conformité avec la nouvelle loi pénale. L’article 102 du Code pénal de 1960 (assassinat avec circonstances aggravantes), au titre duquel l’auteur a initialement été condamné, prévoyait une peine d’emprisonnement comprise entre huit et quinze ans ou la peine de mort. L’article 15 (par. 2) du Code pénal de 1996 prévoit une peine plus lourde pour la même infraction, à savoir l’emprisonnement à perpétuité ou la peine de mort. Le fait que les mentions de « meurtre commis par une personne qui a déjà commis un meurtre, à l’exception des meurtres visés aux articles 105 et 106 du Code pénal » et « récidiviste dangereux » aient été supprimées de la qualification des infractions commises par l’auteur ne sont pas des critères absolus justifiant un allégement de la peine.

4.9L’État partie soutient que la communication de l’auteur ne contient aucune information objectivement confirmée au sujet d’une violation des dispositions du Pacte. Le fait que l’auteur ne soit pas satisfait de l’issue de l’examen de son affaire pénale, mené conformément au droit interne en vigueur à l’époque, ne constitue pas une violation des droits qui lui sont reconnus par le Pacte. L’État partie conclut que la communication de l’auteur, dans son intégralité, constitue un abus du droit de présenter des communications et qu’elle devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.Le 10 août 2015, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il se dit en désaccord total avec la position défendue par les autorités de l’État partie et affirme qu’il est inutile qu’il la commente. Il renvoie à la lettre initiale qu’il a adressée au Comité et dans laquelle, selon lui, ses griefs et les arguments à l’appui sont clairement expliqués.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note de l’argument de l’auteur, qui affirme avoir épuisé tous les recours utiles dont il disposait. L’État partie n’ayant pas formulé d’objection à cet égard, le Comité considère que les conditions énoncées à l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif sont remplies.

6.4Le Comité prend note également de la position de l’État partie selon laquelle, du fait de la soumission tardive de la communication, le Comité devrait déclarer celle-ci irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif, en ce qu’elle constitue un abus du droit de présenter des communications.

6.5Le Comité fait observer sur ce point qu’il n’existe aucune échéance précise pour la présentation des communications au titre du Protocole facultatif et que le simple fait de présenter tardivement une communication ne constitue pas en soi un abus du droit de présenter des communications. Néanmoins, dans certaines circonstances, le Comité s’attend à une explication raisonnable pour justifier le retard. En outre, aux termes de l’article 99 c) du règlement intérieur du Comité, il peut y avoir abus du droit de présenter des communications si la communication est soumise cinq ans après l’épuisement des recours internes par son auteur ou, selon le cas, trois ans après l’achèvement d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement, sauf s’il existe des raisons justifiant le retard compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire.

6.6En l’espèce, la communication a été présentée au Comité dix-huit ans après que la décision rendue le 11 janvier 1996 par la Cour suprême ne rende la condamnation exécutoire et huit ans après la révision de cette condamnation, décidée à la suite de l’adoption d’une nouvelle loi pénale qui prévoit une peine plus légère et a un effet rétroactif, respectivement le 4 mai 2006 par le tribunal municipal de Solikamsk et le 20 juin 2006 par le tribunal régional de Perm. Le Comité fait remarquer que rien dans la communication ne permet de penser que les contacts de l’auteur avec le monde extérieur à la prison étaient limités, compte tenu en particulier du nombre de plaintes qu’il a déposées devant les autorités et juridictions nationales pendant qu’il était en prison. Le Comité fait également remarquer que les recours au titre de la procédure de contrôle introduits par l’auteur après 2006 étaient principalement fondés sur des circonstances et des faits antérieurs à 2006 ou survenus dans le courant de cette année. L’auteur, cependant, n’explique pas à quel moment il a découvert les irrégularités de procédure présumées dont il fait état dans la présente communication, ni pourquoi il n’a pas été en mesure de présenter sa communication plus tôt. En outre, il ne semble pas que les recours au titre de la procédure de contrôle les plus récents, introduits par l’auteur en 2013, contiennent d’éléments nouveaux qui soient distincts des allégations d’irrégularités de procédure déjà soulevées précédemment. Le Comité considère donc que l’auteur n’a pas expliqué de manière convaincante le retard dans la soumission de sa communication. Faute d’explication, le Comité considère que la présentation de la communication après un délai aussi long constitue un abus du droit de présenter une communication. Il déclare donc la communication irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif et de l’article 99 c) de son règlement intérieur.

6.7Étant parvenu à cette conclusion, le Comité décide de ne pas examiner les autres arguments de l’État partie concernant la recevabilité de la communication.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.