Nations Unies

CCPR/C/126/2/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

29 août 2019

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme*

Additif

Évaluation des informations sur la suite donnée aux observations finales concernant l’Argentine

Observations finales (117 e  session) :

CCPR/C/ARG/CO/5, 10 août 2016

Paragraphes faisant l’objet d’un suivi :

12, 14 et 24

Réponse sur la suite donnée aux observations :

CCPR/C/ARG/CO/5/Add.1, 14 juillet 2017

Évaluation du Comité :

Des informations complémentaires sont nécessaires au sujet des paragraphes12[C][A], 14[C][B] et 24[B]

Informations complémentaires :

Bureau du Procureur pénitentiaire

Paragraphe 12 : Interruption volontaire de grossesse

L’État partie devrait revoir sa législation sur l’avortement, y compris son droit pénal, et en particulier établir d’autres exceptions à l’interdiction de l’avortement, notamment lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol, indépendamment des capacités intellectuelles ou psychosociales de la femme concernée. L’État partie devrait également veiller à ce que toutes les femmes et les filles puissent avoir accès aux services de santé procréative dans toutes les régions du pays et à ce que les obstacles juridiques, l’exercice de l’objection de conscience par les professionnels de la santé et l’absence de protocoles médicaux n’obligent pas les femmes à recourir à l’avortement clandestin, qui met leur vie et leur santé en danger. L’État partie devrait réexaminer « l’affaire Belén  » à la lumière des normes internationales pertinentes en vue de libérer immédiatement l’accusée et, tenant compte de cette affaire, envisager de dépénaliser l’avortement. Il devrait en outre développer les programmes d’éducation et de sensibilisation, tant institutionnels (dans les écoles et les collèges publics et privés) qu’informels (dans les médias et autres), concernant l’importance de l’utilisation des contraceptifs et les droits à la santé sexuelle et procréative, et s’assurer de leur bonne mise en œuvre.

Résumé de la réponse de l’État partie

L’accès à l’interruption légale de grossesse tel qu’il est prévu par le Code pénal constitue l’un des axes prioritaires du Programme national de santé sexuelle et de procréation responsable. Ce programme comprend des activités de sensibilisation, de formation et d’assistance technique et juridique visant à permettre une prise en charge complète des patientes dans l’ensemble du pays.

Le Programme inclut des activités de formation visant à renforcer les politiques relatives à l’interruption légale de grossesse. Depuis 2012, une formation relative à la santé sexuelle est proposée aux étudiants ; entre 2012 et 2016, des formations ont eu lieu dans 44 100 écoles et auprès de 115 200 professeurs.

Pour ce qui est de l’affaire Belén, en mars 2017 la Cour suprême de justice de Tucumán a acquitté l’accusée, qui avait déjà été remise en liberté en août 2016.

Évaluation du Comité

[C] : Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations précises sur : a) les mesures adoptées pour réviser la législation sur l’avortement afin d’y introduire d’autres exceptions à l’interdiction de l’avortement, notamment lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol, indépendamment des capacités intellectuelles ou psychosociales de la femme ; et b) les mesures prises depuis l’adoption des observations finales pour faire en sorte que les obstacles juridiques, l’exercice de l’objection de conscience par les professionnels de la santé et l’absence de protocoles médicaux n’obligent pas les femmes à recourir à l’avortement clandestin. Le Comité prend note des informations fournies au sujet des formations proposées, en particulier aux étudiants, mais souhaiterait un complément d’information sur les formations relatives à l’importance de l’utilisation des contraceptifs et aux droits en matière de santé sexuelle et procréative qui ont été dispensées depuis l’adoption des observations finales.

[A] : En ce qui concerne l’affaire Belén, le Comité accueille avec satisfaction les décisions de justice par lesquelles la mise en liberté et l’acquittement de Belén ont été prononcés, respectivement en août 2016 et mars 2017.

Paragraphe 14 : Torture et mauvais traitements

L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que toutes les plaintes pour torture ou mauvais traitements fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies et indépendantes, et que les responsables de ces actes soient traduits en justice ;

b) S’assurer que les victimes reçoivent une réparation adéquate comprenant des services de santé et de réadaptation ;

c) Veiller à ce que les examens médico-légaux concernant les cas présumés d’actes de torture et de mauvais traitements commis par des agents de l’État soient impartiaux, exhaustifs et menés à bien conformément au Protocole d’Istanbul ;

d) Mettre en place un système unifié d’enregistrement des faits et des victimes de torture afin d’établir des politiques spécifiques pour la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris des programmes systématiques de formation aux droits de l’homme à l’intention des forces de l’ordre et de sécurité ;

e) Accélérer l’adoption des mesures juridiques nécessaires pour faire en sorte que le mécanisme national de prévention soit mis en place dans toutes les régions du pays, comme le prévoit le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et veiller à ce que ce mécanisme soit doté de ressources humaines et financières suffisantes pour fonctionner avec efficacité.

Résumé de la réponse de l’État partie

a)Le Code de procédure pénale prévoit que les plaintes peuvent être déposées devant le tribunal, le Bureau du procureur ou la police.

Le Service de prévention de la corruption et le Service de lutte contre la violence ont été mis en place au sein du Service pénitentiaire fédéral. En outre, ont également été créés un corps de procureurs chargé d’élucider les faits et deux lignes téléphoniques directes permettant au Service pénitentiaire fédéral de recevoir les plaintes. L’arrêté no 1088/2014 a porté création du Service de suivi et d’inspection des établissements pénitentiaires, qui est chargé du contrôle interne de la gestion des établissements pénitentiaires.

Au sein du Ministère de la sécurité, il faut passer par le Service de coordination de la gestion et de la réception des plaintes pour déposer une plainte ou une requête portant sur des actes de violence institutionnelle. La Direction du suivi des affaires de violence institutionnelle et des infractions relevant de la compétence fédérale tient un registre des plaintes pour violence institutionnelle. Après avoir ouvert un dossier administratif, la Direction peut mener une enquête administrative ou porter l’affaire devant les tribunaux.

b)L’arrêté no 855-E/2016 a porté création de l’Unité de coordination en matière d’aide et d’assistance aux victimes d’infractions relevant de la compétence fédérale, qui est subordonnée à la Direction du suivi des affaires de violence institutionnelle et des infractions relevant de la compétence fédérale. Si ses activités ne portent pas expressément sur la santé et la réadaptation des victimes, l’Unité offre toutefois un appui, un soutien et des conseils aux victimes.

Le Centre d’aide aux victimes de violations des droits de l’homme « Dr. Fernando Ulloa » a été fondé en 2011. En 2017, 391 patients y avaient été traités.

c)L’État partie a évoqué le cadre juridique dans lequel s’inscrivent les activités de la Division de la médecine légale et a déclaré que les professionnels ce secteur reçoivent une formation continue.

d)Le Ministère de la sécurité a entrepris de mettre à jour les programmes de formation des professionnels. Ces programmes sont conçus en tenant compte des normes et instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

L’État partie a mentionné plusieurs programmes de formation destinés au personnel pénitentiaire.

e)Les progrès accomplis dans la mise en place des mécanismes locaux sont variables. L’État partie a évoqué des améliorations dans certaines provinces. Le Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel a offert aux 24 circonscriptions judiciaires provinciales de les conseiller à propos de l’adoption de mécanismes locaux de prévention, de l’adaptation des cadres juridiques et de l’application et du maintien des mécanismes locaux de prévention déjà existants.

Informations émanant du Bureau du Procureur pénitentiaire

La situation en ce qui concerne la torture n’a guère changé ces dernières années. Le recours à la torture et aux mauvais traitements reste fréquent dans les centres de détention. Les victimes craignent les représailles et, en 2016, seulement 39 % d’entre elles ont consenti à déposer plainte au pénal. En dépit d’améliorations certaines, l’impunité continue de faire obstacle à la lutte contre la torture. Le traitement judiciaire des plaintes pour torture et mauvais traitements laisse encore à désirer dans la majorité des cas.

Évaluation du Comité

[C] a), d) et e) : Le Comité prend note des renseignements reçus de l’État partie, mais souhaiterait recevoir des informations détaillées sur les mesures qui ont été prises depuis l’adoption des observations finales afin que toutes les plaintes pour torture ou mauvais traitements fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies et indépendantes. L’État partie devrait également donner des informations sur les mesures prises depuis l’adoption des observations finales pour veiller à ce que les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements soient traduits en justice et, s’il en existe, sur les jugements rendus depuis l’adoption des observations finales.

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie, mais regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les mesures adoptées dans le but de mettre en place un système unifié d’enregistrement des faits et des victimes de torture. Il prend note des informations concernant la mise à jour des programmes de formation et les arrêtés no 554/2016 et no 555/2016, mais souhaiterait un complément d’information sur la mise en œuvre de politiques concrètes visant à prévenir la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie, mais souhaiterait recevoir des informations complémentaires sur les mesures concrètes prises depuis l’adoption des observations finales dans le but d’accélérer l’adoption des mesures juridiques nécessaires pour que le mécanisme national de prévention soit mis en place dans toutes les régions du pays. L’État partie devrait notamment préciser dans quelles provinces le mécanisme a été mis en place depuis l’adoption des observations finales. Le Comité souhaiterait également savoir si la dotation en ressources humaines et financières a été renforcée pour permettre au mécanisme de fonctionner avec efficacité.

[B] b) et c) : Le Comité prend note de l’arrêté no 855-E/2016, qui a porté création de l’Unité de coordination en matière d’aide et d’assistance aux victimes d’infractions relevant de la compétence fédérale, mais souhaiterait en savoir plus sur les activités que mène l’Unité afin de s’assurer que les victimes reçoivent une réparation adéquate, comprenant l’accès aux services de santé et de réadaptation. En outre, le Comité souhaiterait des informations complémentaires sur les mesures que l’État partie a prises depuis l’adoption des observations finales en vue d’appliquer la recommandation qu’il lui avait adressée à ce sujet.

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie en ce qui concerne la formation continue des professionnels de la Division de la médecine légale, mais souhaiterait recevoir des informations complémentaires sur le nombre de formations dispensées depuis l’adoption des observations finales et sur la conformité de ces formations avec sa recommandation. De plus, le Comité souhaiterait recevoir des informations sur le règlement général relatif à l’enregistrement et l’inspection et savoir si l’État partie entend édicter un règlement permanent.

Paragraphe 24 : Conditions de détention

L’État partie devrait prendre des mesures propres à améliorer les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires, à réduire la surpopulation et à répondre comme il se doit aux besoins élémentaires de toutes les personnes privées de liberté, en particulier en ce qui concerne l’accès aux soins de santé, conformément aux dispositions du Pacte et de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). L’État partie devrait également envisager de recourir plus largement aux peines de substitution à l’incarcération, telles que la surveillance électronique, la liberté conditionnelle et les services d’intérêt général.

Résumé de la réponse de l’État partie

D’après un rapport du système national de statistiques de 2015, la surpopulation est de 10 % en moyenne au niveau national et dépasse 30 % dans certaines provinces. C’est à Buenos Aires que la situation est la plus grave, à tel point que l’état d’urgence pénitentiaire y a été déclaré.

Le système pénitentiaire fédéral comptera 2 150 places supplémentaires une fois les travaux actuels achevés. Un plan de travail permettant de rénover la quasi-totalité des établissements du pays entre 2017 et 2022 est en cours de mise en œuvre. Ce plan prévoit de doubler le nombre d’établissements d’ici à 2023 et de désaffecter les bâtiments anciens et vétustes dans les centres urbains, qui représentent 5 000 places.

L’arrêté no 86/2016 a étendu le recours aux dispositifs de surveillance électronique à l’ensemble du pays. L’État partie a énuméré les catégories de personnes qui peuvent bénéficier de ces dispositifs.

En ce qui concerne les services de santé, l’État partie a donné des informations sur les programmes nationaux en vigueur.

Le nouveau Code de procédure pénale (2015) a modifié le système de justice pénale en remplaçant la procédure inquisitoire par la procédure accusatoire. La loi sur la fusion des juridictions et la juridiction à juge unique prévoit des mesures visant à accélérer les procédures judiciaires et à faciliter les enquêtes et les poursuites pénales. Ces mesures permettent de réduire la détention provisoire.

Informations émanant du Bureau du Procureur pénitentiaire

La population carcérale a augmenté ces dernières années et le système pénitentiaire fédéral présente actuellement les taux d’incarcération les plus élevés jamais enregistrés. L’État partie doit définir une méthode claire et transparente pour déterminer le nombre de places disponibles dans chaque lieu de privation de liberté, conformément aux normes internationales.

Le Bureau du Procureur pénitentiaire a mentionné trois établissements de haute sécurité situés à Rawson, à Chaco et à Neuquén, qui sont très détériorés et dont les installations ne sont pas conformes aux normes minimales pour le logement des détenus.

Le Bureau du Procureur pénitentiaire s’est dit préoccupé par le projet de l’État partie visant à agrandir les infrastructures du Service pénitentiaire fédéral afin de créer 18000nouvelles places dans les centres de détention. Au lieu de doubler le nombre de détenus dans les prisons fédérales, l’État partie devrait appliquer une politique pénale rationnelle mettant notamment l’accent sur les mesures de substitution à la détention, la réduction de la détention provisoire et le respect des droits de l’homme des personnes privées de liberté.

Évaluation du Comité

[B] :Le Comité prend note des renseignements fournis au sujet des mesures prises pour réduire la surpopulation et améliorer les conditions matérielles dans les centres de détention, en particulier sur les projets visant à agrandir les infrastructures du système pénitentiaire fédéral. Toutefois, il souhaiterait des explications concernant les renseignements indiquant que la population carcérale a, en réalité, augmenté ces dernières années et que le système pénitentiaire fédéral enregistre des taux records de détention. Il prend note de l’utilisation accrue des dispositifs de surveillance électronique, mais souhaiterait recevoir des informations sur le recours à d’autres mesures non privatives de liberté dans le but de remédier à la surpopulation carcérale dans l’État partie. Il sollicite également des informations détaillées sur les conditions de détention actuelles dans les établissements de haute sécurité situés à Rawson, Chaco et Neuquén, ainsi que sur les mesures prises pour améliorer celles-ci. Le Comité souhaiterait recevoir des renseignements sur le plan d’agrandissement des installations du Service pénitentiaire fédéral.

Mesures recommandées :Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués dans le prochain rapport périodique de l’État partie.

Prochain rapport périodique : 15 juillet 2022.