Nations Unies

CCPR/C/125/D/2448/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

18 avril 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2448/2014 * , **

Communication présentée par :

Vladimir Nuryllayev et Aibek Salayev (représentés par des conseils, Shane Brady et Philip Brumley)

Au nom de :

Vladimir Nuryllayev et Aibek Salayev

État partie :

Turkménistan

Date de la communication :

5 mai 2014 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 11 août 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

29 mars 2019

Objet :

Procès inéquitable et condamnation de Témoins de Jéhovah sur la base d’accusations de pornographie fabriquées de toutes pièces ; mauvais traitements en détention (second auteur)

Question(s) de procédure :

Néant

Question(s) de fond :

Liberté de religion ; procès équitable ; discrimination ; torture, peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Article(s) du Pacte :

7, 14 (par. 1 et 3 d) et e)) et 18 lu conjointement avec l’article 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.Les auteurs de la communication sont Vladimir Nuryllayev, né en 1972, et Aibek Salayev, né en 1979, tous deux de nationalité turkmène et Témoins de Jéhovah. Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des paragraphes 1, 3 d) et e) et 5 de l’article 14 ainsi que par l’article 18, lu conjointement avec l’article 26 du Pacte. En outre, M. Salayev affirme être victime d’une violation de l’article 7 du Pacte. Les auteurs sont représentés par un conseil. Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour le Turkménistan le 1er août 1997.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 22 septembre 2011, des policiers ont pénétré de force et sans aucun mandat dans le domicile du premier auteur, M. Nuryllayev, et ont saisi sa Bible et d’autres écrits religieux. Le 25 septembre 2011, le premier auteur a été convoqué par des représentants de l’administration municipale d’Achgabat et interrogé sur ses activités religieuses. Le 18 octobre 2011, le tribunal du district Berkararlyksky (Azatlyksky) d’Achgabat l’a déclaré coupable de distribution illégale de documents religieux sur le fondement de l’article 205 du Code des infractions administratives et l’a condamné à une amende d’environ 95 euros. Le 20 octobre 2011, trois policiers ont de nouveau pénétré chez lui et ont saisi son ordinateur portable et d’autres objets personnels sans les mettre sous scellés ou les protéger contre une éventuelle manipulation. Le 15 novembre 2011, le premier auteur a été arrêté et placé en garde à vue pour diffusion de matériels pornographiques. Le 19 novembre 2011, il a été inculpé et placé en détention provisoire.

2.2Le premier auteur soutient que les accusations portées contre lui ont été fabriquées de toutes pièces par la police. Les accusations et la déclaration de culpabilité étaient fondées sur les témoignages de deux personnes. L’une et l’autre ont affirmé que l’auteur leur avait donné un CD au marché et qu’elles avaient découvert à leur retour chez elles que celui-ci contenait des matériels pornographiques. Les deux témoins, qui disent ne pas se connaître, ont expliqué qu’ils avaient tous deux décidé le même jour de retourner au marché afin de rendre le CD au premier auteur. Celui-ci considère que leurs témoignages sont illogiques et d’une similitude suspecte. Les récits des deux témoins sont identiques, mot pour mot.

2.3Le 18 janvier 2012, le premier auteur a été déclaré coupable par le tribunal du district Berkararlyksky (Azatlyksky) d’Achgabat de diffusion de matériels pornographiques et condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement. Il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat et sa déclaration de culpabilité reposait uniquement sur le résumé écrit des dépositions des deux témoins, qui n’ont pas comparu devant le tribunal. Le 14 février 2012, le tribunal municipal d’Achgabat a rejeté l’appel interjeté par le premier auteur. Le 15 mai 2012, un recours au titre de la procédure de contrôle a été introduit devant la Cour suprême au nom du premier auteur par sa fiancée. Le 17 mai 2012, le premier auteur a été gracié et libéré de prison, mais sa condamnation n’a pas été effacée de son casier judiciaire. Le 28 mai 2012, la Cour suprême a rejeté le recours au titre de la procédure de contrôle introduit le 15 mai 2012. Le 28 août 2012, un nouveau recours à des fins de contrôle a été exercé devant le Présidium de la Cour suprême. Le 10 octobre 2012, ce recours a été rejeté.

2.4Le 7 mars 2012, le second auteur, ministre du culte des Témoins de Jéhovah, sans aucun antécédent judiciaire, a été arrêté par deux policiers alors qu’il participait à un groupe de lecture biblique réuni dans un appartement privé à Dachogouz. Il a été conduit au poste de police et placé en détention. Plus tard dans la journée, des policiers se sont rendus à son appartement et, sans mandat, ont demandé à sa mère de leur remettre les écrits religieux du second auteur. Ils ont saisi son ordinateur, quelques CD et une carte mémoire micro SD, sans les mettre sous scellés ni les protéger contre d’éventuelles manipulations. La police affirme que le 8 mars 2012, des policiers ont interrogé trois personnes au hasard à Dachogouz et que toutes trois ont dit que le second auteur leur avait vendu des CD contenant des matériels pornographiques.

2.5Le 11 mars 2012, le second auteur a été transféré du poste de police dans un centre de détention provisoire. Il affirme qu’au cours de sa détention provisoire, des agents pénitentiaires l’ont frappé à plusieurs reprises à la tête, au ventre et dans la région des reins, jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Les agents l’ont menacé, lui disant qu’il serait violé lorsqu’il aurait été transféré dans la colonie pénitentiaire. Il a ensuite été battu par un groupe de détenus qui, selon lui, étaient des collaborateurs de l’administration pénitentiaire. Les membres de sa famille n’ont d’abord pas été autorisés à le voir. Lorsqu’ils ont finalement reçu la permission de lui rendre visite, ils ont constaté que son visage était tuméfié. Ils ont officiellement porté plainte auprès des autorités pour mauvais traitements, mais en vain.

2.6Le 12 avril 2012, le tribunal municipal de Dachogouz a déclaré le second auteur coupable de diffusion de matériels pornographiques et l’a condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement. Le 1er mai 2012, le tribunal régional de Dachogouz a rejeté l’appel du second auteur sans avoir entendu l’intéressé ni aucun témoin. Le second auteur n’a pas été autorisé à assister à l’audience d’appel. Le 24 mai 2012, la Cour suprême a rejeté le recours au titre de la procédure de contrôle introduit par le second auteur. Le 9 octobre 2012, la Cour suprême a rejeté le recours au titre de la procédure de contrôle exercé devant le Présidium de la Cour suprême. Au moment où la communication a été soumise, le second auteur purgeait sa peine dans la colonie pénitentiaire LBK-12.

2.7Le 26 janvier 2015, le conseil des auteurs a informé le Comité du fait que, le 22 octobre 2014, le Président du Turkménistan avait gracié huit Témoins de Jéhovah, dont le second auteur, qui, selon le conseil, avait été condamné et incarcéré sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces. Au moment de sa libération, il avait purgé trente et un mois et demi des quarante-huit mois de détention auxquels il avait été condamné. Toutefois, la mesure de grâce ne prévoyait ni l’annulation de la déclaration de culpabilité, ni l’effacement du casier judiciaire, ni l’octroi d’une réparation.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des paragraphes 1, 3 d) et e) et 5 de l’article 14 du Pacte car ils n’ont pas eu droit à un procès équitable, à savoir qu’ils ont été jugés sans avoir bénéficié de l’assistance d’un avocat et que leur droit d’obtenir le contre-interrogatoire des témoins et leur droit de faire examiner leur déclaration de culpabilité par une juridiction supérieure ont été violés.

3.2Les auteurs se disent également victimes d’une violation de l’article 18, lu conjointement avec l’article 26 du Pacte, car ils affirment que les accusations de pornographie portées contre eux ont été fabriquées de toutes pièces par la police afin qu’ils soient condamnés en raison de leurs convictions religieuses. Ils rappellent que les Témoins de Jéhovah font régulièrement l’objet de diverses formes d’intimidation et de sanctions de la part des autorités de l’État partie et que cette organisation religieuse s’est vu refuser l’autorisation d’être enregistrée officiellement au Turkménistan.

3.3En outre, le second auteur affirme que les brutalités et les menaces répétées qu’il a subies pendant sa détention dans le centre de détention provisoire de Dachogouz constituent une violation de l’article 7 du Pacte. Il considère en outre que les conditions inhumaines de sa détention dans la colonie pénitentiaire LBK-12, la plus grande du pays en termes de taille et de nombre de détenus, connue pour être surpeuplée, située dans une région où les conditions climatiques sont rudes, mal approvisionnée en nourriture, en médicaments et en produits d’hygiène personnelle, où il y a des cas de tuberculose et de maladies cutanées, où le taux de mortalité est très élevé et où des violences physiques sont commises, constituent une violation de l’article 7 du Pacte.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1Dans une note en date du 16 novembre 2015, l’État partie a soumis ses observations sur le fond de la communication. Il affirme que les deux auteurs ont été reconnus coupables de l’infraction visée à l’article 164 (production ou diffusion de matériels pornographiques) du Code pénal et que chacun d’eux a été condamné à une peine de quatre ans de privation de liberté.

4.2L’État partie soutient qu’il ressort clairement du dossier que les deux auteurs se sont procuré, chacun de leur côté, des films pornographiques afin de les montrer, de les diffuser et de les vendre. Leur culpabilité a été établie sur la base de l’ensemble des éléments de preuve examinés par le tribunal (les témoignages, les CD contenant des enregistrements vidéo de films pornographiques admis comme éléments de preuve matérielle et d’autres éléments versés au dossier).

4.3L’État partie ajoute que les peines qui leur ont été infligées, qui tiennent compte des circonstances atténuantes et aggravantes de l’affaire, sont conformes aux sanctions prévues par la loi.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Dans un note en date du 18 janvier 2016, les auteurs ont fait valoir que l’État partie n’avait pas contesté les faits exposés dans la communication. L’État partie n’avait pas non plus contesté le fait que les deux auteurs s’étaient vu refuser le droit d’obtenir une copie du dossier de leurs affaires respectives, qui comprenait les documents et « éléments de preuve » obtenus au cours de l’enquête pénale ainsi que tous les éléments issus de la procédure judiciaire. Les auteurs considèrent donc que le Comité devrait accorder foi aux faits qu’ils ont présentés.

5.2Les auteurs font observer que l’État partie n’a pas pris position quant à la recevabilité de la communication et réaffirment que tous les recours internes disponibles ont été épuisés.

5.3Les auteurs renvoient aux arguments détaillés et crédibles qu’ils ont exposés dans leur lettre initiale. Ils affirment que l’État partie ne conteste aucun de leurs arguments étayant le grief de violation des droits qu’ils tiennent des paragraphes 1, 3 d) et e) et 5 de l’article 14 et de l’article 18, lu conjointement avec l’article 26, ainsi que de l’article 7, invoqué séparément par le second auteur, pas plus qu’il ne répond à ces arguments.

5.4Enfin, les auteurs demandent une nouvelle fois au Comité de conclure que les poursuites, la déclaration de culpabilité et l’emprisonnement dont ils ont fait l’objet au titre de l’article 164 du Code pénal ont constitué une violation des droits garantis par le Pacte, comme indiqué plus haut, et d’ordonner à l’État partie de leur accorder une réparation qui leur assure la pleine reconnaissance de leurs droits, et notamment de leur donner pleinement accès à leurs dossiers pénaux respectifs, de les déclarer non coupables des faits retenus contre eux en vertu du paragraphe 2 de l’article 164 du Code pénal, d’effacer le contenu de leur casier judiciaire et de leur accorder une indemnisation pécuniaire appropriée pour le préjudice moral subi du fait qu’ils ont été déclarés coupables et incarcérés à tort ainsi que pour les dépens et autres frais de justice qu’ils ont engagés.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité relève que les auteurs affirment avoir épuisé tous les recours internes utiles qui leur étaient ouverts. En l’absence de toute objection de l’État partie sur ce point, il considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont réunies.

6.4Le Comité prend note des griefs que les auteurs tirent du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. En l’absence d’autres renseignements pertinents sur ce point dans le dossier, le Comité considère que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé ces allégations aux fins de la recevabilité. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité estime que les auteurs ont suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les autres griefs qu’ils tirent de l’article 7, des paragraphes 1 et 3 d) et e) de l’article 14 et de l’article 18, lu conjointement avec l’article 26. Il les déclare donc recevables et procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité prend note des griefs que les auteurs tirent des paragraphes 1 et 3 d) et e) de l’article 14 et de l’article 18 du Pacte, selon lesquels en les poursuivant pour diffusion de matériels pornographiques, en les déclarant coupables de ces faits sur la base d’éléments de preuve fabriqués de toutes pièces et en les incarcérant, l’État partie a violé leurs droits à un procès équitable et à la liberté de religion et a, par ce traitement, exercé à leur égard une discrimination fondée sur leurs convictions religieuses. Le Comité relève que les deux auteurs n’ont pas été représentés par un avocat pendant leur procès, ce que l’État partie ne conteste pas. Le Comité prend note en outre de l’allégation des deux auteurs selon laquelle les accusations de pornographie portées contre eux ont été fabriquées de toutes pièces par la police pour les intimider et les punir de leurs croyances religieuses et des activités qu’ils mènent en tant que Témoins de Jéhovah. À ce sujet, il relève que l’État partie ne conteste pas que les deux auteurs étaient connus des forces de l’ordre en tant que Témoins de Jéhovah ; le premier auteur avait d’abord été condamné à une amende pour diffusion illégale de documents religieux, tandis que le second, ministre du culte des Témoins de Jéhovah, avait été arrêté lors de la réunion d’un groupe de lecture biblique tenue dans un appartement privé. Le Comité prend note en outre des déclarations des auteurs, non contestées par l’État partie, selon lesquelles des policiers ont pénétré chez eux sans mandat et ont saisi des écrits religieux et leurs ordinateurs portables sans les mettre sous scellés ni les protéger contre une éventuelle manipulation. Il prend note également des informations selon lesquelles leur organisation religieuse fait régulièrement l’objet d’intimidations et de sanctions de la part des autorités et s’est vu refuser l’autorisation d’être officiellement enregistrée au Turkménistan.

7.3Le Comité prend note de l’argument du premier auteur selon lequel les dépositions des deux témoins à charge sont illogiques et leur similitude suspecte, les récits des témoins, qui affirment ne pas se connaître, étant exactement identiques. Le Comité relève que la déclaration de culpabilité de l’auteur reposait uniquement sur le résumé écrit des dépositions des deux témoins, qui n’ont pas comparu devant le tribunal. Il fait observer que le premier auteur n’a pas pu interroger ni faire interroger les témoins ou examiner la crédibilité de leurs dépositions, ce que l’État partie ne conteste pas. Le Comité constate en outre que l’auteur n’a bénéficié de l’assistance d’un conseil à aucun stade de la procédure.

7.4Le Comité prend note des affirmations de l’État partie selon lesquelles la condamnation et l’emprisonnement des auteurs sont licites étant donné que leur culpabilité a été établie sur la base des éléments de preuve examinés par le tribunal et que la peine qui leur a été imposée était conforme à la loi. Il observe à cet égard que le Président a ensuite gracié les deux auteurs, alors que le deuxième auteur avait purgé une grande partie de sa peine. Il relève toutefois que les auteurs n’ont pas été déclarés non coupables des faits retenus contre eux et que le contenu de leur casier judiciaire n’a pas été effacé.

7.5Le Comité note en outre que le second auteur affirme avoir été soumis à des mauvais traitements pendant sa détention provisoire : des agents pénitentiaires l’auraient frappé à plusieurs reprises à la tête, au ventre et dans la région des reins, jusqu’à ce qu’il perde connaissance, et l’auraient menacé, lui disant qu’il serait violé une fois qu’il aurait été transféré dans la colonie pénitentiaire. Le second auteur a ensuite été battu par un groupe de détenus qui, selon lui, étaient des collaborateurs de l’administration pénitentiaire de la colonie pénitentiaire LBK-12. Le Comité note en outre que les membres de la famille de l’auteur n’ont d’abord pas été autorisés à le voir et, lorsqu’ils ont finalement reçu la permission de lui rendre visite, ils ont constaté que son visage était tuméfié. Le Comité note également que les membres de la famille ont officiellement porté plainte auprès des autorités pour les mauvais traitements infligés au second auteur, mais en vain. Il rappelle que les plaintes pour mauvais traitements doivent faire l’objet d’enquêtes impartiales menées rapidement par les autorités compétentes. Il note en outre que l’État partie n’a pas réfuté les allégations de torture et de mauvais traitements et n’a communiqué aucune information à ce sujet. Dans les circonstances de l’espèce, il considère donc qu’il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations du second auteur. En conséquence, le Comité conclut que les faits présentés font apparaître une violation des droits que le second auteur tient de l’article 7 du Pacte.

7.6Au vu de ce qui précède et compte tenu des importantes conséquences qu’ont eu pour les deux auteurs la déclaration de culpabilité prononcée à leur encontre, leur emprisonnement et les obstacles opposés à leurs activités religieuses en tant que Témoins de Jéhovah, le Comité conclut que les droits que les auteurs tiennent des paragraphes 1, 3 d) et e) de l’article 14 et de l’article 18 du Pacte ont été violés. Compte tenu de cette conclusion, le Comité décide de ne pas examiner les griefs que les auteurs tirent de l’article 18 lu conjointement avec l’article 26 du Pacte.

8.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que les auteurs tirent des paragraphes 1 et 3 d) et e) de l’article 14 et à l’article 18 du Pacte et des droits que le second auteur tire de l’article 7 du Pacte.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres : a) de donner pleinement accès au second auteur à son dossier pénal; b) d’effacer le contenu du casier judiciaire des auteurs s’agissant des faits retenus contre eux en vertu du paragraphe 2 de l’article 164 du Code pénal ; c) d’accorder aux auteurs une indemnisation pécuniaire appropriée, y compris pour les dépens et autres frais judiciaires qu’ils ont engagés. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent-quatre-vingt jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.