Nations Unies

CCPR/C/129/2/Add.2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

8 septembre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme *

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant la Thaïlande

Observations finales (119 e  session) :

CCPR/C/THA/CO/2, 23 mars 2017

Paragraphes faisant l’objet d’un suivi :

8, 22 et 34

Réponse sur la suite donnée aux observations:

CCPR/C/THA/CO/2/Add.1, 18 juillet 2018

Évaluation du Comité :

Des informations complémentaires sont nécessaires au sujet des paragraphes 8[C], 22[B][C] et 34[B]

Informations émanant d’organisations non gouvernementales:

Centre pour les droits civils et politiques et d’autres organisations ; Commission internationale de juristes, Thai Lawyers for Human Rights et Cross-Cultural Foundation ; Fortify Rights ; Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Union for Civil Liberty et Internet Law Reform Dialogue (iLaw) ; Cross-Cultural Foundation ; People’s Empowerment Foundation ; Service international pour les droits de l’homme

Paragraphe 8 : Cadre constitutionnel et juridique

L ’ État partie devrait réexaminer toutes les mesures adoptées en vertu de la Constitution provisoire de 2014, en particulier des articles 44, 47 et 48, à la lumière de ses obligations au titre du Pacte et veiller à ce que toutes les mesures adoptées en vertu du nouveau projet de c onstitution, en particulier de l ’ article 279, soient conformes aux obligations découlant du Pacte, notamment à l ’ obligation d ’assure r un recours utile aux victimes de violations des droits de l ’ homme.

Résumé de la réponse de l’État partie

La Constitution thaïlandaise a été promulguée le 6 avril 2017 ; elle remplace la Constitution provisoire de 2014. La participation du public a été encouragée dans le cadre de l’élaboration de cette nouvelle constitution.

À l’instar des Constitutions précédentes, la Constitution actuelle protège les droits et libertés de la population, met l’accent sur l’égalité des personnes devant la loi et interdit la discrimination pour quelque motif que ce soit, conformément au Pacte.

En application des articles 265 et 279 de la Constitution actuelle, les responsabilités et les pouvoirs du Chef du Conseil national pour la paix et le maintien de l’ordre et ceux du Conseil national lui-même restent inchangés, et les ordonnances et avis, notamment ceux adoptés au titre des articles 44, 47 et 48 de la Constitution provisoire, conservent leur force juridique.

L’État partie mentionne l’objet de l’article 44. Les lois et règlements adoptés au titre de cet article peuvent être abrogés lorsqu’ils sont jugés superflus. En outre, quiconque considère qu’une loi ou un règlement adoptés au titre de l’article 44 ne sont pas conformes aux exigences légales et procédurales peut former un recours auprès de la Cour constitutionnelle. L’article 279 de la Constitution actuelle n’a pas pour but de restreindre les droits et libertés de la population.

À l’heure où le pays va bientôt entrer dans la troisième et dernière phase de sa feuille de route, le Conseil national pour la paix et le maintien de l’ordre prévoit de revoir toutes les lois, réglementations et mesures adoptées en vertu de la Constitution provisoire.

Informations émanant d’organisations non gouvernementales

Communication conjointe : Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Union for Civil Liberty et iLaw

En dépit de la recommandation du Comité, aucun des grands décrets du Conseil national pour la paix et le maintien de l’ordre qui sont incompatibles avec les obligations que le Pacte impose à l’État partie n’a été abrogé ou mis en conformité avec le Pacte.

L’article 265 de la Constitution actuelle autorise le Chef du Conseil national pour la paix et le maintien de l’ordre à conserver les pleins pouvoirs, que lui avait conférés l’article 44 de la Constitution provisoire de 2014, jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement entre en fonctions après les prochaines élections générales. Même si les autorités affirment que le Conseil national n’a eu recours à l’article 44 que lorsque cela était absolument nécessaire, le Chef du Conseil national, le général Prayuth Chan-ocha, a manifestement continué d’invoquer cet article pour rendre des ordonnances portant sur un large éventail de questions.

L’État partie a certes affirmé qu’il était possible de déposer un recours auprès de la Cour constitutionnelle, mais aucune des actions engagées contre des ordonnances rendues au titre de l’article 44 n’a jamais abouti.

Fortify Rights

Toutes les mesures et ordonnances adoptées au titre de la Constitution provisoire, en particulier des articles 44, 47 et 48, restent en vigueur, comme le garantissent les articles 265 et 279 de la Constitution actuelle.

Parmi ces ordonnances, on peut citer l’ordonnance no 3/2558 (2015) du Conseil national pour la paix et le maintien de l’ordre, également dénommée ordonnance no 3/2015, qui interdit tout rassemblement politique de plus de cinq personnes et restreint sévèrement les droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique et d’association. Le Conseil national continue d’invoquer cette ordonnance pour restreindre les droits fondamentaux. Depuis le dialogue constructif tenu en mars 2017, les autorités n’ont allégé ni ces restrictions ni les poursuites engagées contre les dissidents.

Fortify Rights renvoie également aux ordonnances nos 13/2559, 39/2557, 97/2557 et 103/2557 du Conseil national, qui sont toujours en vigueur et utilisées pour restreindre les droits fondamentaux. L’organisation relève avec préoccupation qu’au regard de l’article 279 de la Constitution actuelle, toutes les décisions et mesures prises par le Conseil national, notamment ses ordonnances et avis, sont effectivement considérées comme constitutionnelles et légales. Les agents publics qui appliquent ces décisions et mesures sont donc exonérés de toute responsabilité et de toute obligation de rendre des comptes, ainsi que le prévoyait l’article 48 de la Constitution provisoire.

Communication conjointe : Commission internationale de juristes, Thai Lawyers for Human Rights et Cross-Cultural Foundation

La Thaïlande n’a entrepris aucune démarche pour réexaminer les mesures adoptées en vertu de la Constitution provisoire. Au contraire, les tribunaux de l’État partie ont confirmé la validité de ces mesures à de nombreuses reprises.

L’article 279 de la Constitution actuelle réaffirme le caractère constitutionnel et légal de toutes les ordonnances, passées et à venir, du Chef du Conseil national pour la paix et le maintien de l’ordre, ainsi que des ordonnances, avis et décisions du Conseil national, et dispose que seule une loi peut abroger ou modifier ces actes.

Les victimes de violations des droits de l’homme n’ont pas accès à des recours utiles, et ce, en dépit du fait que l’article 25 de la Constitution actuelle reconnaît à toute personne lésée par la violation de ses droits ou libertés le droit à un recours.

Certaines ordonnances qui imposent des restrictions strictes aux droits garantis par le Pacte, notamment les ordonnances nos 3/2558, 5/2558, 13/2559 et 17/2558 du Conseil national, sont toujours en vigueur depuis l’examen du rapport de la Thaïlande.

Communication conjointe : Centre pour les droits civils et politiques et d’autres organisations

Le maintien en vigueur des ordonnances rendues par le Conseil national pour la paix et le maintien de l’ordre depuis le coup d’État de 2014 et l’adoption fréquente de nouvelles ordonnances en vertu de l’article 44 prouvent que le Conseil national n’a aucunement l’intention d’abroger ou de modifier cette disposition.

Certains droits fondamentaux tels que le droit à la liberté d’expression, notamment à la liberté de la presse, et le droit à la liberté de réunion pacifique et d’association, sont fortement restreints, ce qui empêche les défenseurs des droits de l’homme, les universitaires, les avocats et les organisations de la société civile d’analyser et de dénoncer les violations des droits de l’homme.

Cross-Cultural Foundation

La Cross-Cultural Foundation se dit préoccupée par l’étendue du pouvoir exécutif et par le peu de contrôle parlementaire et judiciaire exercé sur les lois relatives à la sécurité de l’État, en particulier la loi martiale de 1914 et le décret d’urgence de 2005 sur l’administration publique en situation d’état d’urgence.

Les lois relatives à la sécurité sont devenues monnaie courante dans de nombreuses régions de Thaïlande. Dans les provinces frontalières du sud, l’état d’urgence est en vigueur depuis le 20 juillet 2005, en application du décret susmentionné.

Évaluation du Comité

[C] : Le Comité regrette que l’État partie n’ait pris aucune mesure particulière pour appliquer sa recommandation. Il demande des informations sur les recours déposés auprès de la Cour constitutionnelle contre les dispositions qu’il vise dans sa recommandation et sur l’issue de ces recours. Il demande également des informations sur le calendrier de la révision des textes législatifs et réglementaires et des mesures adoptés au titre de la Constitution promulguée le 6 avril 2017. Il renouvelle sa recommandation.

Paragraphe 22 : Exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et torture

L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que les faits soient signalés et à ce que des enquêtes impartiales et approfondies soient menées sans délai sur toutes les allégations et plaintes concernant l ’ usage excessif et illégal de la force par des membres des forces de l ’ ordre et des militaires, notamment des actes de torture, des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires, en particulier dans les provinces frontalières du sud. Il devrait aussi s ’ assurer que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, dûment condamnés ;

b) Faire la lumière sur les circonstances dans lesquelles ces crimes ont été commis et, dans les cas de disparition forcée, sur le sort qui a été réservé aux victimes et le lieu où elles se trouvent, en veillant à ce que leurs proches soient informés des progrès et des résultats des enquêtes ;

c) Veiller à ce que les victimes se voient accorder une réparation intégrale, notamment sous la forme de mesures susceptibles de les satisfaire et de garanties de non ‑ répétition ;

d) Modifier la loi martiale, le décret sur l ’ état d ’ urgence et l ’ ordonnance n o  3/2015 afin qu ’ ils respectent toutes les dispositions du Pacte, notamment les garanties contre la détention au secret énumérées dans l ’ observation générale n o  35 (2014) du Comité relative à la liberté et à la sécurité de la personne. L ’ État partie devrait aussi modifier les critères permettant de lever dans les meilleurs délais la loi martiale et le décret sur l ’ état d ’ urgence dans les provinces concernées ;

e) Mettre en place rapidement un mécanisme indépendant pour la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées ;

f) Renforcer la formation des membres des forces de l ’ ordre et des militaires sur le plein respect des droits de l ’ homme, y compris sur l ’ usage approprié de la force et sur l’élimination de la torture et des mauvais traitements en veillant à ce que tous les supports de formation soient conformes aux dispositions du Pacte et aux Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois.

Résumé de la réponse de l’État partie

a) et b)L’État partie répète les informations qu’il a communiquées dans ses réponses à la liste de points (CCPR/C/THA/Q/2/Add.1, par. 51 et 52) au sujet du projet de loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées, et fait savoir que ce projet de loi fait l’objet de consultations publiques afin que les intérêts de toutes les parties prenantes soient pris en compte et que les procédures constitutionnelles soient respectées. Il s’emploie à achever rapidement la version révisée du projet de loi afin de la soumettre au Conseil des ministres avant septembre 2018.

Le Comité national pour la gestion des affaires de torture et de disparition forcée, établi par l’ordonnance no 131/2560 du 23 mai 2017, est chargé de traiter les cas présumés de torture et de disparition forcée et d’empêcher que de tels actes se reproduisent. Il examine toutes les allégations de torture et de disparition forcée et détermine si les faits en cause constituent des actes de torture ou de disparition forcée au sens des instruments correspondants. Tout agent public ayant commis de tels actes est poursuivi conformément à la loi. Aucune immunité n’est accordée et aucune exception n’est faite.

Le 11 juillet 2018, il a été annoncé au Journal officiel du Royaume que la disparition de Porlajee « Billy » Rakchongcharoen était une affaire exceptionnelle qui faisait l’objet d’une enquête confiée au Département des enquêtes spéciales du Ministère de la justice ;

c)L’État partie renvoie à la législation relative aux réparations pour les victimes de violations des droits de l’homme. Les dispositions de cette législation ont un caractère complémentaire ; elles prévoient une aide financière, notamment le paiement des frais médicaux et des frais de réadaptation physique et psychologique, une indemnisation pour perte de revenus et une indemnisation en cas de décès.

Lancé le 6 avril 2018, le Plan national de réforme du système judiciaire constitue un cadre stratégique pour la création d’un mécanisme destiné à faciliter et à renforcer encore l’accès à la justice en Thaïlande pour la période 2018‑2021. Il met l’accent sur la nécessité d’assurer une protection suffisante en temps voulu tant aux victimes qu’aux témoins qui interviennent dans des affaires pénales, d’améliorer leur rétablissement physique et psychologique et de leur faciliter, de manière générale, l’accès à des recours.

En mars 2018, 46 personnes avaient été indemnisées. Le Centre administratif des provinces frontalières du sud a aussi lancé un projet visant à améliorer la qualité de vie des familles de personnes ayant été victimes d’atteinte à leur intégrité physique et à fournir à ces familles une aide humanitaire. En mars 2018, 26 d’entre elles avaient reçu une assistance. Dans le même ordre d’idées, la Direction des opérations de sécurité intérieure verse une allocation mensuelle de soutien aux familles des personnes décédées et aux victimes qui présentent un handicap ;

d)Aucune information n’a été communiquée ;

e)Aucune information n’a été communiquée ;

f)Depuis 2017, le Ministère de la justice organise des formations à l’intention des soldats, policiers, agents administratifs, volontaires et fonctionnaires des ministères. En 2017, 1 920 personnes ont suivi une formation, et quelque 1 440 autres devaient faire de même en 2018.

L’État partie évoque les formations dispensées par : la Direction des opérations de sécurité intérieure ; le Ministère de la défense, en collaboration avec la Commission nationale des droits de l’homme, la Police royale thaïlandaise, le Ministère de la justice et la Direction des opérations de sécurité intérieure ; le Ministère des affaires étrangères.

Informations émanant d’organisations non gouvernementales

Communication conjointe : Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Union for Civil Liberty et iLaw

a)Les autorités n’ont pas adopté de mesures propres à garantir que des enquêtes approfondies, fiables et impartiales soient menées sans délai sur toutes les allégations de torture, de disparition forcée et d’exécution extrajudiciaire, ce qui renforce le climat d’impunité entourant ces infractions.

On continue en outre de recenser des cas dans lesquels des personnes gardées à vue ou détenues par des militaires sont torturées à mort. Les organisations citent le cas de Suriya Supharak, déclaré coupable d’infractions à la législation sur les stupéfiants et décédé en avril 2017 alors qu’il était détenu à la prison du district de Takua Pa (province de Phang Nga). Elles évoquent aussi le cas d’élèves officiers et de conscrits qui auraient été torturés à mort. Des civils continuent d’être détenus arbitrairement dans des bases militaires et aucune garantie efficace n’a été instaurée, en pareil cas de figure, pour prévenir les violations des droits de l’homme ;

b)La disparition forcée, telle que définie dans les normes internationales, n’est toujours pas une infraction pénale en droit national. Le projet de loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées a été achevé après des années de travaux que les autorités nationales ont menés en consultation avec les organisations non gouvernementales et la société civile. Son adoption est suspendue depuis février 2017.

À ce jour, le Comité national pour la gestion des affaires de torture et de disparition forcée n’a pris aucune mesure concrète pour s’acquitter de son mandat. Les organisations mentionnent les enquêtes menées sur les cas de deux personnes appartenant à des minorités ethniques − Abe Sae Moo, 32 ans, de l’ethnie Lisu, et Chaiyaphum Pasae, militant de 17 ans, de l’ethnie Lahu −, tuées par des soldats de l’Armée royale thaïlandaise dans le sous-district de Chiang Dao (province de Chiang Mai), enquêtes qui n’ont donné aucun résultat significatif. Dans aucune de ces deux affaires les auteurs n’ont eu à répondre de leurs actes, alors même que les faits remontent à plus d’un an.

Les responsables militaires continuent en outre de porter plainte pour diffamation contre les personnes dénonçant des actes de torture. Les organisations évoquent les plaintes pour diffamation déposées en février 2018 devant des juridictions pénales et civiles contre Ismae Teh, fondateur de la Patani Human Rights Organization.

Fortify Rights

a)Aucun progrès ou presque n’a été réalisé pour ce qui est de l’établissement des responsabilités lorsque des défenseurs des droits de l’homme ou des responsables locaux militant pour la responsabilité des entreprises sont victimes d’agressions ou de harcèlement. Le fait que les auteurs de tels actes ne sont pas poursuivis, en dépit de la gravité des infractions, a créé une culture persistante de l’impunité qui a touché toutes les communautés du pays.

Communication conjointe : Commission internationale de juristes, Thai Lawyers for Human Rights et Cross-Cultural Foundation

a) et b)La Thaïlande n’a encore rien fait pour que les actes de torture et autres mauvais traitements, ainsi que les disparitions forcées soient pleinement réprimés par le droit interne. À ce propos, les organisations se disent profondément préoccupées par les récents amendements apportés au projet de loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées. S’ils sont adoptés dans leur formulation actuelle, ces amendements entérineront le non‑respect par l’État partie des obligations mises à sa charge par le Pacte et par d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Les autorités ne veillent pas non plus à ce que des enquêtes efficaces, indépendantes et impartiales soient menées sans délai sur les allégations de torture, de disparition forcée et d’exécution extrajudiciaire.

Des cas de torture, de mauvais traitements et d’exécution extrajudiciaire ne cessent d’être signalés dans les provinces frontalières du sud, mais les enquêtes sur ces faits et l’octroi de réparations se font attendre.

Les défenseurs des droits de l’homme, les victimes et les membres de leur famille qui s’emploient à mettre en lumière des cas présumés de torture ou autres mauvais traitements et de disparition forcée font l’objet de harcèlement judiciaire, de représailles et de menaces.

Si les organisations saluent les efforts que les autorités ont faits pour combattre la torture et les disparitions forcées, il reste à savoir si l’ordonnance no 131/2560 permettra de faire en sorte que l’État partie respecte ses obligations internationales en matière de droits de l’homme. On ne sait pas exactement quel cadre juridique (national ou international) s’appliquera, faute de loi qui réprime la torture et autres mauvais traitements et les disparitions forcées. De surcroît, la protection des plaignants et des témoins contre les représailles ne semble pas s’inscrire dans le champ d’application de l’ordonnance. En outre, la plupart des membres du Comité national pour la gestion des affaires de torture et de disparition forcée ne travaillent pas pour des organismes civils indépendants ;

c)Le 12 octobre 2017, le Comité stratégique pour le développement des provinces frontalières du sud a adopté une résolution qui prévoit le versement d’une indemnisation d’environ un million de baht (31 900 dollars) aux familles de chacune des 17 personnes tuées dans le cadre d’opérations de sécurité menées entre 2005 et 2014, parmi lesquelles Mahkohsaeng Lasae, abattu en 2012 par un membre des forces paramilitaires ;

d)Aucune modification n’a été apportée à la loi martiale, au décret sur l’état d’urgence ni à l’ordonnance no 3/2558. Par conséquent, des personnes sont encore détenues au secret en vertu de ces dispositions.

Communication conjointe : Centre pour les droits civils et politiques et d’autres organisations

a)Depuis l’examen du dernier rapport de l’État partie en mars 2017, six cas d’exécutions extrajudiciaires ont été recensés dans les provinces frontalières du sud. Porter ces affaires devant les tribunaux s’avère difficile : il n’est pas aisé de prouver que les exécutions ont été commises et les familles des victimes sont réticentes à s’en remettre au système judiciaire ou à communiquer des informations pour faire avancer les poursuites.

Les enquêtes indépendantes sur les cas de torture, d’exécution extrajudiciaire et de disparition forcée font cruellement défaut ;

b)Aucun cas d’exécution extrajudiciaire signalé dans les provinces frontalières du sud n’a donné lieu à une autopsie en raison du peu de médecins légistes indépendants exerçant en Thaïlande. La règle musulmane selon laquelle le corps doit être enterré dans les vingt‑quatre heures suivant le décès constitue aussi un obstacle majeur aux autopsies ;

c)La santé mentale des victimes n’est pas une priorité dans les établissements de santé, publics ou autres. Il est difficile de recenser les affaires qui ont donné lieu à des mesures de réparation, sans parler des demandes déposées auprès des institutions concernées telles que la Commission thaïlandaise des droits de l’homme ;

d)Le recours excessif à la loi martiale et au décret sur l’état d’urgence se poursuit, sans aucun contrôle de la part de tiers indépendants. À l’heure actuelle, l’application arbitraire de la loi martiale, du décret sur l’état d’urgence et d’autres lois spéciales dans les provinces frontalières du sud ne peut être soumise à un examen public ;

e)La volonté politique nécessaire à la mise en place de mécanismes indépendants et efficaces de prévention de la torture et des disparitions forcées continue de faire défaut. Les autorités thaïlandaises devraient mettre un terme à toutes les procédures pénales engagées contre des groupes de la société civile ou autres qui signalent des actes de torture présumés.

Cross-Cultural Foundation

a)L’organisation se dit préoccupée par le peu de progrès accomplis par l’État partie en vue de l’adoption d’une loi visant à prévenir et à réprimer la torture et les disparitions forcées. Le projet de loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées n’est peut-être pas encore pleinement conforme aux obligations internationales de l’État partie en matière de droits de l’homme.

Service international pour les droits de l’homme

a) et b)Les disparitions forcées sont particulièrement fréquentes dans les provinces du sud et contribuent à restreindre l’environnement dans lequel les défenseurs des droits de l’homme peuvent mener leurs activités. Les progrès des autorités dans la lutte contre les disparitions forcées sont lents et insuffisants.

Le projet de loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées est actuellement soumis à l’examen de l’Assemblée législative nationale ; celle-ci l’avait renvoyé au Conseil des ministres pour consultations supplémentaires en mars 2017. Un comité spécial chargé de traiter les plaintes pour torture et disparition forcée a été créé en 2017 par le Premier Ministre mais ses progrès sont lents, et les familles n’ont été ni contactées ni informées de l’évolution des affaires relevant de son mandat. Rien, en droit, ne permet actuellement de reconnaître officiellement la disparition forcée d’une personne et les disparitions forcées ne constituent pas une infraction pénale au regard de la législation. Sans cette reconnaissance officielle, les familles des disparus n’ont accès ni aux procédures judiciaires, ni à l’indemnisation, ni aux voies de recours propres aux cas de disparition forcée.

L’organisation cite l’affaire Somchai Neelapaijit. Plus de quinze ans se sont écoulés depuis la disparition de Somchai Neelapaijit et on ignore toujours ce qu’il est advenu de lui et où il se trouve. Selon l’organisation, l’épouse de M. Neelapaijit a certes reçu des indemnités mais elle n’a pas bénéficié de mesures de réparation suffisantes pour la violation flagrante des droits de l’homme commise, à savoir la disparition forcée de son mari.

Évaluation du Comité

[B] : a), b), c) et f) : Le Comité prend note avec intérêt de l’ordonnance no 131/2560 du 23 mai 2017 mais demande des informations sur les mesures prises par le Comité national pour la gestion des affaires de torture et de disparition forcée, notamment sur les enquêtes menées et sur l’issue de ces affaires. Il demande aussi des renseignements sur : i) les progrès réalisés en vue de l’adoption du projet de loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées, et la question de savoir si le projet actuel est pleinement conforme au Pacte ; ii) l’affaire Porlajee « Billy » Rakchongcharoen, affaire exceptionnelle qui fait l’objet d’une enquête confiée au Département des enquêtes spéciales, ainsi qu’annoncé dans le Journal officiel du 11 juillet 2018 ; iii) l’affaire Somchai Neelapaijit ; iv) les plaintes pour diffamation qui auraient été déposées par des militaires contre des personnes ayant signalé des actes de torture. Le Comité renouvelle sa recommandation.

Le Comité prend note du Plan national de réforme du système judiciaire lancé en avril 2018 et des mesures prises pour indemniser les victimes. Il demande toutefois des informations sur les mesures prises pour garantir que toutes les victimes bénéficient systématiquement de mesures de réparation complètes, comprenant notamment un accompagnement psychologique.

Le Comité prend note des renseignements sur les séances de formation organisées à l’intention des agents des forces de l’ordre et du personnel militaire ; il demande des informations actualisées sur la fréquence et le contenu de ces formations et souhaite savoir si des juges et des procureurs participent à ces séances.

[C] : d) et e) : Le Comité regrette l’absence d’informations sur les mesures prises pour modifier la loi martiale, le décret sur l’état d’urgence et l’ordonnance no 3/2015 (no 3/2558) afin que ces trois textes respectent toutes les dispositions du Pacte. Il regrette aussi que ces textes soient apparemment trop souvent invoqués, en violation du Pacte. Il renouvelle sa recommandation.

Le Comité regrette l’absence de renseignements sur les mesures prises pour mettre en place un mécanisme indépendant de prévention et de répression de la torture et des disparitions forcées. Il renouvelle sa recommandation.

Paragraphe 34 : Conditions de détention

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour améliorer les conditions de détention en prenant des mesures pratiques pour réduire la surpopulation, en particulier en encourageant le recours à des mesures de substitution à la détention. Il devrait aussi redoubler d ’ efforts pour garantir le droit des détenus d ’ être traités avec humanité et dignité et s ’ assurer que les conditions de détention dans toutes les prisons du pays soient conformes à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).

Résumé de la réponse de l’État partie

La Thaïlande est déterminée à redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de détention. En juillet 2017, le Département de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice et l’Institut thaïlandais de la justice ont annoncé qu’ils s’engageaient conjointement à s’efforcer de faire appliquer intégralement et de façon effective les Règles Nelson Mandela dans le pays. Le Département de l’administration pénitentiaire a fait de la maison d’arrêt de Thonburi un établissement pénitentiaire pilote pour ce projet et a l’intention de faire appliquer pleinement les Règles Nelson Mandela en 2018.

La Division des services médicaux du Département de l’administration pénitentiaire consacre ses efforts et ses ressources à garantir aux détenus des services médicaux appropriés, notamment des visites régulières dans des hôpitaux externes.

Les activités du Département de l’administration pénitentiaire sont maintenant régies par l’article 21 de la loi sur les établissements pénitentiaires (2017), qui établit des normes plus rigoureuses que les Règles Nelson Mandela. Le recours à des dispositifs de contrainte à l’égard des détenus n’est autorisé qu’en cas d’absolue nécessité. Toute décision d’utiliser un tel dispositif est réexaminée tous les quinze jours.

La Thaïlande est consciente du problème de la surpopulation dans les lieux de détention placés sous la direction du Département de l’administration pénitentiaire. Les centres de détention relevant du Département des enquêtes spéciales, les centres de détention pour migrants administrés par le Bureau de l’immigration et les prisons militaires fonctionnent en revanche dans la limite de leurs capacités respectives et ne sont pas surpeuplés.

Le Plan national de réforme du système judiciaire vise à améliorer divers aspects du système judiciaire, y compris les conditions de vie dans les prisons et centres de détention du pays.

La loi sur les établissements pénitentiaires donne au Département de l’administration pénitentiaire les moyens nécessaires pour régler efficacement et concrètement le problème de la surpopulation. À ce propos, le Ministère de la justice élabore un règlement ministériel qui prévoit six sanctions pénales susceptibles de remplacer l’emprisonnement. En mars 2018, la Cour de justice et le Département des services de probation ont instauré un système de surveillance électronique, qui remplace le versement d’une caution en tant que mesure de substitution à la détention pour les détenus qui ont obtenu une mise en liberté provisoire.

L’État partie évoque aussi : la création, en février 2018, du Centre d’aide à la réinsertion et à l’emploi, qui vise à promouvoir l’emploi des détenus après leur libération ; la loi de 2018 (an 2561 de l’ère bouddhique) sur la gestion de la réadaptation des jeunes délinquants, qui exige des autorités qu’elles préparent les jeunes délinquants à leur libération ; les mesures prises concernant les détenues lesbiennes et les détenus gays, bisexuels, transgenres et intersexes.

Informations émanant d’organisations non gouvernementales

Communication conjointe : Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Union for Civil Liberty et iLaw

La forte surpopulation est un problème persistant dans les prisons thaïlandaises. Entre mars 2017 et août 2018, la population carcérale a augmenté de 25 %. La Thaïlande se classe actuellement au sixième rang mondial pour ce qui est du nombre total de détenus et au cinquième rang s’agissant du taux d’incarcération.

Hormis l’octroi d’amnisties royales au cours des dernières années, aucune mesure concrète n’a été prise pour réduire la population carcérale.

Afin de réduire la surpopulation, le Bureau des services judiciaires et le Département des services de probation du Ministère de la justice ont lancé, en mars 2018, un projet pilote dans le cadre duquel les 23 tribunaux participants peuvent ordonner le placement sous bracelet électronique des suspects incapables de payer leur caution et non soupçonnés d’avoir commis une infraction grave.

En dépit d’une initiative lancée par le Département de l’administration pénitentiaire et l’Institut thaïlandais de la justice pour rendre les conditions de détention conformes aux normes internationales, la forte surpopulation carcérale reste un problème persistant. Les 10 « prisons modèles » qui auraient appliqué avec succès les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) restent très surpeuplées.

Les autorités thaïlandaises ne se sont guère employées à améliorer les conditions de détention, qui restent bien en deçà des normes internationales.

Fortify Rights

Le Bureau de l’immigration a pour politique de placer les réfugiés en détention, ce qu’il continue de faire. Depuis mars 2017, au moins deux migrants sont morts alors qu’ils étaient détenus par les services thaïlandais de l’immigration.

Dans le cadre d’un programme pilote lancé en juillet 2017, le Bureau de l’immigration a transféré 11 enfants d’un centre de détention pour migrants de Bangkok, où ils étaient détenus avec l’un de leurs parents ou les deux, vers un centre d’accueil privé. Au moment de la rédaction de cette communication, les parents étaient toujours en détention et séparés de leurs enfants. En octobre 2017, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l’Organisation internationale pour les migrations, en collaboration avec trois organisations de la société civile travaillant avec des enfants réfugiés, ont établi un ensemble de modes opératoires normalisés interorganisations à respecter aux fins de l’application de mesures de substitution à la détention des enfants ; ces modes opératoires comprennent des directives sur la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant et sur la gestion par cas, l’objectif étant de faciliter le transfert d’enfants des centres de détention vers des structures d’accueil privées. Les autorités sont en train d’établir des protocoles d’accord avec des centres d’accueil privés du pays afin que ceux-ci accueillent des enfants réfugiés jusque-là placés dans des centres de détention.

Communication conjointe : Centre pour les droits civils et politiques et d’autres organisations

Selon certaines informations, les personnes en détention provisoire ou dans l’attente de leur jugement ne seraient toujours pas séparées des condamnés. Le problème non résolu de la surpopulation a des répercussions sur la qualité de vie globale des détenus, y compris sur leur santé physique et mentale.

Les organisations mentionnent les restrictions relatives aux visites en prison, tant sur le plan de la fréquence (cinq visites par mois) que de la durée (une minute par visite), les conditions de détention difficiles pour les femmes enceintes, et les procédures de fouille à nu, appliquées en violation des normes relatives aux droits de l’homme.

People’s Empowerment Foundation

La prison de Lad Yao, qui a une capacité d’accueil de 5 000 personnes, accueille actuellement pas moins de 10 000 détenus, dont 95 % purgent leur septième ou leur huitième peine d’emprisonnement pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. Afin de résoudre le problème de la surpopulation, les autorités ont fait installer des lits superposés, mesure qui devrait permettre de créer environ 50 000 places supplémentaires.

Environ 30 000 dispositifs de surveillance électronique ont été mis en circulation, l’objectif étant d’en utiliser 100 000 afin de réduire le nombre de détenus. Pour éviter toute évasion lors des transferts au tribunal, les détenus sont encore enchaînés.

Évaluation du Comité

[B] : Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie, en particulier par le Département de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice et l’Institut thaïlandais de la justice, pour améliorer les conditions de détention. Il prend note, également, de la mise en place d’un système de surveillance électronique à titre de mesure de substitution à la détention. Il est toutefois préoccupé par les informations qui continuent de lui parvenir selon lesquelles les prisons sont surpeuplées et les conditions de détention, mauvaises. Il demande des renseignements complémentaires sur l’incidence des mesures prises par l’État partie pour réduire la surpopulation et améliorer les conditions de détention. Il renouvelle sa recommandation.

Mesures recommandées: Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués par l’État partie dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu le : 29 mars 2021.