Nations Unies

CCPR/C/129/2/Add.3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

8 septembre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme *

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant la Bosnie-Herzégovine

Observations finales (119 e  session) :

CCPR/C/BIH/CO/3, 23 mars 2017

Paragraphes faisant l’objet d’un suivi :

14, 20 et 36

Réponse sur la suite donnée aux observations :

CCPR/C/BIH/CO/3/Add.1, 5 juillet 2018

Évaluation du Comité :

Des informations complémentaires sont nécessaires au sujet des paragraphes 14[ C ], 20[ C ] et 36[ C ] .

Informations émanant d’organisations non gouvernementales :

TRIAL International ; TRIAL International et Yale Law School

Paragraphe 14 : Poursuite des crimes contre l’humanité et des autres crimes internationaux et protection des victimes et des témoins

L’État partie devrait accélérer les poursuites dans les affaires de crimes contre l’humanité et d’autres crimes internationaux et continuer à fournir un soutien, y compris psychologique, adéquat et une protection aux victimes et aux témoins de ces crimes, en particulier de violences sexuelles . L’État partie devrait également rendre le dispositif d’aide juridictionnelle pleinement opérationnel sur tout le territoire national et disponible pour tous les citoyens vulnérables, y compris les personnes victimes de violences sexuelles pendant la guerre, et mettre en place un programme efficace de protection des victimes et des témoins .

Résumé de la réponse de l’État partie

Le 16 mai 2018, une proposition de révision de la Stratégie nationale pour le jugement des crimes de guerre a été soumise au Conseil des ministres de Bosnie‑Herzégovine pour examen et adoption. Le 12 avril 2017, le Conseil des ministres avait créé un groupe de travail chargé d’élaborer un projet de modification de la Stratégie. Il s’est avéré nécessaire de modifier la Stratégie étant donné que les objectifs fixés par celle-ci n’avaient pas été atteints dans les délais et compte tenu du nombre d’affaires de crimes de guerre en instance devant le Bureau du Procureur. Les modifications apportées devraient permettre de mettre en place les mécanismes nécessaires pour améliorer l’efficacité des poursuites engagées par le Bureau du Procureur dans ces affaires, et le traitement de ces affaires par les tribunaux. Parmi les modifications apportées, des critères ont été revus pour permettre le renvoi d’un grand nombre d’affaires parmi les moins complexes des autorités judiciaires nationales aux juridictions des Entités et du District de Brcko.

Le texte modifié reconnaît également la nécessité d’analyser certaines dispositions législatives en vue de l’établissement d’un mécanisme unique de protection et de soutien des témoins pendant les procès et après leur audition. En plus de la mise en place du Département de soutien aux témoins de la Cour de Bosnie-Herzégovine, la majorité des tribunaux cantonaux et des tribunaux de district du pays, ainsi que le tribunal de première instance du District de Brcko, ont créé des départements et recruté des psychologues ou des assistants chargés d’apporter un soutien aux témoins.

Des lois garantissant le droit à l’aide juridictionnelle ont été adoptées dans le District de Brcko, en Republika Srpska et dans huit cantons de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine. Une loi relative à l’aide juridictionnelle a également été adoptée au niveau national (Journal officiel de la Bosnie-Herzégovine no 83/16).

L’Institut des personnes disparues est en contact quotidien avec les familles des personnes disparues. Les employés des bureaux régionaux et locaux de l’Institut apportent toute l’aide nécessaire à ces familles et coopèrent quotidiennement avec elles, conformément au mandat de l’Institut.

Informations émanant d’organisations non gouvernementales

TRIAL International et Yale Law School

L’État partie n’a, pendant très longtemps, rien fait pour accélérer les poursuites dans les affaires de crimes de guerre, ce qui a engendré un arriéré judiciaire de plusieurs centaines d’affaires et a contraint les victimes à chercher à obtenir réparation devant les juridictions civiles. Or, l’application par ces juridictions de la zastara (délai de prescription) pour motiver le rejet des demandes introduites par les victimes, ainsi que l’imposition de frais de justice, empêchent les victimes de demander ou d’obtenir réparation.

En Bosnie-Herzégovine, les victimes revivent leurs traumatismes à de multiples reprises tout au long des démarches qu’elles entreprennent pour obtenir justice et réparation. Le fait pour elles de se présenter au tribunal et de faire face à leurs agresseurs peut raviver des souvenirs de guerre marquants et douloureux. L’application de la zastara et l’imposition de frais de justice ne font qu’exacerber leur angoisse.

TRIAL International

En deux ans, le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine n’a ni examiné ni adopté la Stratégie nationale révisée pour le jugement des crimes de guerre. Il s’agit pourtant de l’une des questions les plus urgentes en matière de réforme de la justice dans l’État partie, d’autant plus que vingt-cinq années se sont écoulées depuis la fin de la guerre.

Compte tenu du nombre colossal d’affaires de crimes de guerre non résolues dans l’État partie, il est impératif, pour lutter contre l’impunité, que l’État partie adopte sans plus tarder la stratégie révisée, d’autant que de plus en plus de témoins et d’auteurs de tels crimes décèdent et qu’il devient alors difficile, voire impossible d’engager des poursuites. Le projet de stratégie révisée prévoyait que toutes les affaires seraient jugées à l’horizon 2023. Or, deux années se sont écoulées sans que ce projet soit adopté. Il convient donc de revoir et de mettre immédiatement à jour la date à laquelle toutes les affaires devront avoir été traitées.

Outre le grand nombre d’affaires qui n’ont pas encore été jugées, la société bosnienne doit faire face depuis longtemps à la négation, à la banalisation, à la justification et à la légitimation de génocides, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.

Le dispositif d’aide juridictionnelle demeure fragmenté et hétérogène dans le pays. En adoptant une loi relative à l’aide juridictionnelle, l’État partie a reconnu la nécessité de réglementer cette question, ce dont on ne peut que se féliciter. Néanmoins, le bureau chargé de fournir l’aide juridictionnelle, qui relève du Ministère de la justice, manque cruellement de personnel, si bien que les victimes ne parviennent pas à obtenir l’aide juridictionnelle. Bien que la loi relative à l’aide juridictionnelle ait été adoptée en 2016, le bureau ne fonctionne toujours pas efficacement.

Il n’y a toujours aucune garantie que les autorités judiciaires, au niveau national et à l’échelon des Entités, s’efforcent d’harmoniser la jurisprudence relative aux crimes commis pendant le conflit, en particulier en ce qui concerne les violences sexuelles liées au conflit. Le taux de condamnation pour de tels crimes est faible en Bosnie-Herzégovine et la pratique en matière de détermination de la peine n’est pas cohérente. Les divergences d’approche entre les différents tribunaux du pays, notamment entre les juridictions nationales et celles des Entités, suscitent le sentiment que la justice est arbitraire et créent un climat de méfiance à l’égard du système judiciaire.

L’État partie n’a pas adopté les mesures législatives et pratiques nécessaires pour garantir que les victimes d’actes de torture et de violence sexuelle commis dans le passé aient accès à des recours utiles. La Bosnie-Herzégovine continue d’appliquer un délai de prescription de l’action civile s’agissant des préjudices non pécuniaires subis en temps de guerre, ce dont la Cour constitutionnelle a toujours confirmé la constitutionnalité. En outre, de nombreuses victimes doivent encore acquitter des frais de justice élevés et font l’objet de procédures de recouvrement, car des frais de justice sont encore imposés dans un grand nombre d’affaires.

Évaluation du Comité

[C] : Le Comité regrette que l’État partie n’ait pris aucune mesure particulière pour donner suite à sa recommandation. Il demande des informations sur la teneur de la Stratégie nationale révisée pour le jugement des crimes de guerre, notamment sur sa conformité avec le Pacte et sur les mesures prises pour accélérer son adoption. Il souhaite aussi obtenir des informations sur les mesures que l’État partie a spécialement prises en vue d’assurer l’aide nécessaire, notamment un accompagnement psychologique, ainsi qu’une protection aux victimes et aux témoins de crimes contre l’humanité et d’autres crimes internationaux, en particulier de violences sexuelles, et sur les mesures concrètes qu’il a prises pour rendre pleinement opérationnelle la loi relative à l’aide juridictionnelle adoptée en 2016, notamment en mobilisant les ressources humaines et financières nécessaires à sa mise en œuvre. Il demande en outre des renseignements sur l’application par les juridictions civiles du délai de prescription, ainsi que sur l’imposition de frais de justice élevés et son incidence sur les victimes qui cherchent à obtenir réparation.

Paragraphe 20 : Disparition forcée et personnes disparues

L’État partie devrait enquêter avec diligence sur tous les cas de disparition non élucidés . En outre, il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’Institut des personnes disparues ait un financement suffisant et soit en mesure de s’acquitter pleinement de son mandat en vue de régler ces affaires comme le prévoit la loi relative aux personnes disparues . L’État partie devrait d’urgence établir un fonds d’aide aux familles de personnes disparues pour fournir un soutien adéquat à ces familles .

Résumé de la réponse de l’État partie

Sur la question des personnes disparues, l’attitude des autorités de l’État partie diffère de celle d’autres pays de la région, bien que 7 146 personnes soient toujours portées disparues en Bosnie-Herzégovine. Le fait que les autorités de l’État partie n’aient pas appliqué pleinement les recommandations du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires témoigne clairement de cette différence d’attitude.

En ce qui concerne la situation financière de l’Institut des personnes disparues, la tendance à la réduction continue de la dotation budgétaire de cet organisme est nette. L’État partie a communiqué un tableau dans lequel est détaillée l’évolution à la baisse du budget de l’Institut, qui est passé de 6 455 467 marks en 2008 à 3 004 000 marks en 2018.

L’Institut ne dispose d’aucun outil technologique ou équipement moderne ou avancé qui faciliterait ses travaux et améliorerait l’efficacité de ses activités de terrain.

Informations émanant d’organisations non gouvernementales

TRIAL International

L’organisation renvoie à des constatations adoptées entre 2013 et 2017 par le Comité des droits de l’homme au sujet de plusieurs communications émanant de particuliers qui portaient sur des cas de disparition forcée survenus pendant le conflit en Bosnie-Herzégovine. Le fait que l’État partie n’ait pas donné suite à ces constatations confirme indirectement qu’il n’a pas appliqué la recommandation formulée par le Comité au paragraphe 20 de ses observations finales.

Évaluation du Comité

[C] : Le Comité regrette qu’aucune mesure n’ait été prise pour accélérer le déroulement des enquêtes sur tous les cas de disparition non élucidés et pour créer un fonds de soutien aux familles de personnes disparues.

Le Comité regrette la réduction constante du budget de l’Institut des personnes disparues, qui va à l’encontre de sa recommandation. Il renouvelle sa recommandation.

Paragraphe 36 : Traitement des réfugiés et des personnes déplacées

L’État partie devrait accroître ses efforts pour appliquer intégralement la stratégie révisée de mise en œuvre de l’annexe VII de l’Accord de paix de Dayton de façon à faciliter la réintégration des rapatriés et des personnes déplacées et à leur garantir l’exercice de leurs droits sans discrimination . Il devrait également poursuivre ses efforts pour fermer les centres collectifs et offrir un autre logement aux personnes déplacées, et veiller à ce que celles qui bénéficient d’une protection internationale subsidiaire aient accès aux services sur un pied d’égalité avec les réfugiés, en particulier en ce qui concerne la réunification familiale et la délivrance de documents de voyage .

Résumé de la réponse de l’État partie

Aucune information n’a été communiquée.

Évaluation du Comité

[C] : Le Comité regrette qu’aucune information n’ait été communiquée sur la suite donnée à sa recommandation. Il renouvelle sa recommandation.

Mesures recommandées : Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués par l’État partie dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu le : 29 mars 2022.