Nations Unies

CAT/C/UZB/CO/5

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

14 janvier 2020

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de l’Ouzbékistan *

1.Le Comité contre la torture a examiné le cinquième rapport périodique de l’Ouzbékistan (CAT/C/UZB/5) et les réponses de l’État partie à la liste de points à traiter (CAT/C/UZB/Q/5/Add.1) à ses 1786e et 1789e séances (voir CAT/C/SR.1786 et 1789), les 12 et 13 novembre 2019, et a adopté les présentes observations finales à sa 1809e séance (CAT/C/SR.1809), le 28 novembre 2019.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et accueille avec intérêt les réponses apportées oralement et par écrit aux préoccupations qu’il a exprimées.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment l’adoption de :

a)La loi sur la lutte contre la corruption, en 2017 ;

b)La loi du 29 mars 2017 portant ajout de l’article 415-1 au Code de procédure pénale, qui dispose que les juridictions remédient aux déficiences de l’enquête et aux graves violations des dispositions du Code de procédure pénale, en 2017 ;

c)La résolution commune de l’Oliy Majlis (Parlement) approuvant le plan d’action sur la coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, en 2017 ;

d)La loi no ZRU-441 du 29 août 2017 et du 14 mars 2019 portant modification de la loi sur le Commissaire aux droits de l’homme (Médiateur) de l’Oliy Majlis qui dispose, entre autres, que les personnes privées de liberté ont le droit de déposer un nombre illimité de plaintes écrites auprès du Médiateur, et que celui-ci peut effectuer une surveillance préventive de tous les lieux de détention, en 2017 ;

e)La loi no ZRU-497 du 11 octobre 2018 visant à renforcer l’indépendance des avocats et du Barreau et à valoriser leur rôle, en 2018, et le décret présidentiel no UP-5441, en 2018 ;

f)La loi sur la protection des femmes contre le harcèlement et la violence, en 2019.

4.Le Comité salue également l’action que l’État partie a menée pour modifier ses politiques, ses programmes et ses mesures administratives afin de donner effet à la Convention, notamment les décrets présidentiels concernant :

a)La poursuite de la réforme du système juridique et judiciaire, le renforcement des garanties pour la protection des droits de l’homme et des libertés et la création du Conseil supérieur de la magistrature, en 2016 ;

b)La refonte du système de traitement des requêtes présentées par des citoyens, y compris la mise en place de bureaux publics d’assistance pour le traitement des réclamations et des plaintes, en 2016 ;

c)Une stratégie d’action pour la période 2017-2021 dans cinq domaines de développement prioritaires, qui sert également de feuille de route pour la réalisation des objectifs de développement durable ;

d)L’approbation du règlement sur la procédure d’octroi de l’asile politique en Ouzbékistan, en 2017 ;

e)L’interdiction de l’utilisation de preuves obtenues en violation des dispositions du Code de procédure pénale, notamment par le recours à la torture ou à des pressions psychologiques et physiques, l’instauration de l’irrecevabilité des preuves obtenues par la contrainte dans les procédures pénales et l’engagement de la responsabilité pénale de ceux qui falsifient les preuves, en 2017 ;

f)Le renforcement de l’efficacité des organes chargés des affaires intérieures et les mesures connexes, notamment l’article 95-1 du Code de procédure pénale, les modifications apportées à la loi sur les parquets en 2016 et 2017, et l’ajout à l’article 22 du Code de procédure pénale d’une règle faisant obligation aux juridictions d’examiner les signalements d’actes de torture, en 2016 et 2017.

5.Le Comité salue également :

a)La prolongation jusqu’en 2020 du programme de promotion du travail décent, qui comprend des mesures visant à interdire le travail des enfants et le travail forcé, comme convenu avec l’Organisation internationale du Travail (OIT), en 2017 ;

b)La fermeture de la prison de Jaslyk (UYA 64/OF1) en tant que prison fédérale et le transfert de ses détenus, en 2019 ;

c)Les visites en Ouzbékistan du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, en 2017, et du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, en 2019, et les assurances données par la délégation qu’une invitation est adressée au Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

6.Au paragraphe 31 de ses précédentes observations finales (CAT/C/UZB/CO/4), le Comité a demandé à l’État partie de lui faire parvenir des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations concernant l’éradication de la torture et des mauvais traitements généralisés (par. 7), l’élimination du harcèlement, de la détention arbitraire et de la torture présumée de défenseurs des droits de l’homme (par. 8) et le respect des garanties juridiques fondamentales contre la torture et les mauvais traitements (par. 13). Le Comité accueille avec intérêt les informations fournies par l’État partie dans le cadre de la procédure de suivi le 17 avril 2014 (CAT/C/UZB/CO/4/Add.1), et ses réponses à la liste de points établie par le Comité concernant son cinquième rapport périodique, soumises le 16 septembre 2019 (CAT/C/UZB/Q/5/Add.1). Toutefois, après avoir examiné ces informations, il considère que les recommandations formulées aux paragraphes 7, 8 et 13 n’ont pas été mises en œuvre (voir respectivement les paragraphes 10, 18 et 30).

Pratique généralisée et courante de la torture et des mauvais traitements

7.Le Comité reste profondément préoccupé par les informations selon lesquelles des actes de torture et des mauvais traitements continuent d’être couramment commis par des agents de la force publique, des enquêteurs et des agents pénitentiaires de l’État partie, à leur instigation ou avec leur consentement, principalement dans le but d’extorquer des aveux ou des informations qui seront utilisées dans le cadre de procédures pénales.

8.Le Comité prend note du décret présidentiel et des réformes législatives visant à réduire les incitations à commettre des actes de torture et rendant obligatoire la vérification des signalements d’actes de torture par le ministère public et les juridictions. Il regrette toutefois que l’État partie ne recueille pas actuellement de données sur la mise en œuvre de ces mesures afin de déterminer si elles sont, en pratique, efficaces. Il note en outre avec regret que, selon certaines informations, les procureurs et les juges ont tendance à écarter les allégations de personnes qui soutiennent que leurs aveux et d’autres pièces à conviction produites devant une juridiction ont été obtenus par la torture et à refuser d’enquêter sur celles-ci, et que le personnel médical et les avocats de la défense, notamment les avocats nommés par l’État, sont peu enclins à corroborer de telles allégations. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas fourni de données sur le nombre de personnes acquittées après confirmation des allégations de torture qu’elles avaient formulées devant le tribunal.

9.Le Comité regrette en outre qu’un certain nombre de procès pénaux qui se sont tenus pendant la période considérée, au cours desquels des accusés auraient formulé des allégations de torture, comme celui de Kadyr Yusupov, diplomate à la retraite, ainsi que plusieurs procès de personnes inculpées de torture sur le fondement de l’article 235 du Code pénal, notamment le procès en 2018 de six agents du Service national de sécurité et d’autres personnes accusées d’avoir torturé Ilhom et Rahim Ibodov, se soient déroulés à huis clos, et que les décisions prononcées dans ces affaires n’aient pas été rendues publiques (art. 2, 4, 12, 13, 15 et 16).

10. L ’ État partie devrait  :

a) Adopter des mesures supplémentaires pour que les procureurs et les juges demandent à tous les accusés dans des affaires pénales s’ils ont été torturés ou maltraités, que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements formulées dans le cadre de procédures judiciaires donnent lieu à une enquêtes rapide et efficace et que les auteurs présumés soient poursuivis et punis, et qu’aucune déclaration obtenue par la torture ou des mauvais traitements ne soit retenue comme preuve dans une procédure, sauf contre la personne accusée de ces actes afin de démontrer que la déclaration a été faite sous la contrainte  ;

b) De toute urgence, prendre des mesures efficaces pour recueillir et publier des données sur les procédures pénales dans lesquelles des accusés et des témoins ont allégué avoir été soumis à la torture ou à des mauvais traitements en vue de l’obtention d’aveux ou d’informations qui seraient utilisées dans le cadre de la procédure, en précisant si les juges ont par la suite exclu ces preuves, si les allégations formulées devant le tribunal ont donné lieu à une enquête et si les auteurs présumés ont été poursuivis, ou si les accusés dont les allégations de torture ont été confirmées ont par la suite été acquittés de toutes les charges qui pesaient sur eux  ;

c) Veiller à ce que les procès pénaux, notamment mais pas exclusivement ceux qui concernent des faits de torture, soient publics, et à ce que les décisions prononcées dans ces procès, y compris celles relatives aux affaires dans lesquelles les accusés étaient jugés pour des violations de l’article 235 du Code pénal, soient rendues publiques  ;

d) Renforcer les efforts visant à promouvoir l’utilisation de techniques d’enquête criminelle non coercitives  ;

e) Veiller à ce que les agents chargés de procéder aux examens médico-légaux suite à des plaintes pour torture et mauvais traitements soient indépendants de toute autorité accusée d’avoir commis ces actes et du ministère public, à ce que tous ces agents soient protégés contre les représailles dans les cas où ils valident des preuves de torture ou de mauvais traitements et à ce qu ’ ils reçoivent une formation sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

Enquêtes et poursuites concernant des actes de torture

11.Le Comité est préoccupé par le fait que le nombre de plaintes pour torture reçues par le ministère public a été multiplié par 10 entre 2017 et 2018, alors que le nombre de cas dans lesquels des agents publics ont été poursuivis pour torture n’a pas augmenté à un rythme proportionnel. Il regrette l’absence d’informations précises de la part de l’État partie concernant les sanctions disciplinaires et les peines infligées aux agents soupçonnés de torture et de mauvais traitements ou déclarés coupables de tels actes. Il prend note des efforts de l’État partie qui ont conduit à la création au sein du Ministère de l’intérieur d’un service d’enquête placé sous l’autorité directe du Ministre. Il reste toutefois préoccupé par le fait que ces mesures n’ont pas abouti à la conduite d’enquêtes efficaces, comme en témoigne le faible nombre de poursuites. Il est aussi préoccupé par la persistance de graves conflits d’intérêts inhérents au fonctionnement du parquet, qui incitent les procureurs à interrompre de manière injustifiée les enquêtes préliminaires.

12.Le Comité regrette également que l’État partie n’ait pas fourni les informations demandées sur les enquêtes qu’il a menées suite aux allégations d’actes de torture et de mauvais traitements perpétrés au cours de la période considérée, y compris des informations sur : les allégations selon lesquelles Bobomurod Razzakov aurait été soumis à des mauvais traitements et se serait vu refuser des soins médicaux en détention en octobre 2016 ; les allégations concernant les mauvais traitements subis par Nuraddin Dzhumaniyazov et le décès de celui-ci en détention en décembre 2016 ; les allégations concernant les actes de torture et les mauvais traitements infligés à Kadyr Yusupov à partir de décembre 2018 ; les allégations selon lesquelles Said-Abdulaziz Yusupov a été détenu arbitrairement et soumis à la torture. L’État partie n’a pas indiqué si les autorités avaient mené une enquête approfondie sur les allégations selon lesquelles Bobomurod Abdullaev aurait été torturé en septembre 2017 ou si elles s’étaient uniquement appuyées sur les résultats d’un examen médico-légal pour rejeter ses allégations. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni les informations demandées concernant les examens médico-légaux ordonnés par la justice au sujet des allégations soulevées devant le tribunal par Rashitjon Hamidovich Kadirov, ancien Procureur général de l’Ouzbékistan, et par six coaccusés et sept témoins (art. 2, 4, 12, 13, 15 et 16).

13. L ’ État partie devrait  :

a) Prendre des mesures supplémentaires afin que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements donnent rapidement lieu à une enquête impartiale et efficace menée par des autorités n’ayant aucun lien avec les auteurs présumés, et envisager la création d’une division spéciale du Bureau du P rocureur chargée uniquement de mener des enquêtes approfondies et indépendantes sur les actes illicites d’agents de l’État, y compris les allégations de torture et de mauvais traitements ;

b) Faire en sorte que tous les agents de l’État qui font l’objet d’accusations crédibles de torture ou de mauvais traitements soient mis à pied en attendant l’enquête, que tous ceux dont il est établi qu’ils ont commis des actes de torture ou des mauvais traitements soient immédiatement démis de leurs fonctions, et que tous ces individus fassent l’objet de poursuites pénales en plus d’éventuelles sanctions disciplinaires ; et fournir au Comité des informations sur les peines infligées à tous les agents publics dont il est établi qu’ils ont commis des actes de torture ou des mauvais traitements ;

c) Enquêter sur les allégations selon lesquelles les procureurs ne donnent souvent pas suite aux plaintes pour torture et mauvais traitements, prendre des mesures disciplinaires contre les fonctionnaires dont il s’avère qu’ils ont ignoré ces plaintes ou n’ont pas suffisamment enquêté et prendre des mesures correctives ; en particulier, réexaminer les allégations de torture et de mauvais traitements formulées par Bobomurod Razzakov, Nuraddin Dzhumaniyazov, Said-Abdulaziz Yusupov, Bobomurod Abdullaev, Kadyr Yusupov et Rashitjon Hamidovich Kadirov, et veiller à ce que les victimes et leurs proches obtiennent réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation et de moyens de réadaptation.

Violence sexuelle envers les personnes privées de liberté

14.Le Comité est gravement préoccupé de constater que l’État partie, en réponse aux questions qui lui ont été adressées sur des cas précis, affirme qu’aucune de ses autorités n’a recensé de cas de violence envers des personnes dans les lieux de détention, qu’aucune femme détenue n’a été victime d’un quelconque acte délictueux au cours de la période considérée et que le Médiateur n’a reçu aucune plainte pour violence sexuelle de la part de personnes privées de liberté. Cela ne concorde pas avec les nombreuses informations qu’il a reçues sur des cas d’hommes et de femmes en détention ou de membres de leur famille qui ont été menacés par des agents publics d’être soumis à des violences sexuelles s’ils refusaient d’avouer des infractions ou de fournir des preuves contre d’autres personnes. Le Comité a également reçu des informations concernant d’autres cas dans lesquels des femmes ont été victimes d’humiliation sexuelle et de menaces de violence sexuelle de la part des agents sous la garde desquels elles étaient placées (art. 2 et 11 à 16).

15.L ’ État partie devrait entreprendre une enquête indépendante sur les allégations selon lesquelles des agents soumettraient régulièrement des hommes et des femmes privés de liberté à des violences sexuelles ou menaceraient de commettre des violences de ce type envers eux ou des membres de leur famille s ’ ils refusent d ’ avouer des infractions ou de dénoncer d ’ autres personnes. Il devrait prendre d ’ urgence des mesures pour mettre un frein à cette pratique et faire en sorte que les agents qui se livrent à de tels agissements soient poursuivis et punis conformément à l ’ article 235 du Code pénal. Il devrait garantir que les personnes privées de liberté, en particulier les femmes, qui affirment avoir subi de telles violences aient accès à des mécanismes de plainte efficaces. Il devrait également veiller à ce que les victimes de ces violations obtiennent réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation et de services de réadaptation médicale et psychosociale.

Torture, mauvais traitements, détention arbitraire, intimidation et harcèlement de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes

16.Le Comité salue la décision prise en septembre 2016 par l’État partie de libérer un nombre important de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes, parmi lesquels de nombreuses personnes mentionnées au paragraphe 8 de ses précédentes observations finales. Il regrette toutefois que l’État partie ait jugé que toutes les allégations de détention arbitraire, de torture et de mauvais traitements formulées par ces personnes étaient « sans fondement » et qu’une seule des personnes précédemment détenues, nommées dans les précédentes observations finales du Comité, ait été acquittée.

17.Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes continuent, en Ouzbékistan, d’être victimes de détention arbitraire, de surveillance, de harcèlement et d’autres mesures qui visent à les dissuader d’exercer leur profession. Il prend note avec préoccupation des informations qu’il a reçues selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, parmi lesquels Elena Urlayeva en mars 2017 et Nafosat Ollashukurova en septembre 2019, auraient été placés contre leur gré en hôpital psychiatrique afin qu’ils ne puissent pas faire leur travail. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les défenseurs des droits de l’homme Agzam Turgunov, Azam Farmonov et Dilmurod Saidov, qui ont déjà été détenus, se sont vu refuser l’autorisation de créer une organisation non gouvernementale dont l’objectif serait de demander aux autorités d’enquêter sur les allégations passées de torture et de mauvais traitements et d’offrir réparation aux victimes, ainsi que par les informations selon lesquelles les intéressés ont fait l’objet d’intimidations et de harcèlement en raison de leur projet (art. 4 et 12 à 16).

18. L ’ État partie devrait  :

a) Faire en sorte que des enquêtes impartiales et efficaces soient menées sans délai sur toutes les allégations de privation arbitraire de liberté, de harcèlement et d’intimidation visant des défenseurs des droits de l’homme −  parmi lesquels ceux nommés au paragraphe 8 des précédentes observations finales du Comité  − et des journalistes, et que les responsables de tels agissements soient poursuivis ;

b) Prendre des mesures pour acquitter les personnes déclarées coupables d’infractions sur la base de preuves obtenues par la torture ou à l’issue de procès dans lesquels les garanties fondamentales d’une procédure régulière n’ont pas été respectées, veiller à ce que les victimes obtiennent réparation, y compris une indemnisation et des moyens de réadaptation, et envisager la création d’une commission indépendante chargée d’enquêter sur ces questions ;

c) S’assurer que les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, y compris ceux qui partagent des informations avec les mécanismes des droits de l’homme de l’ONU, puissent travailler en sécurité et efficacement dans l’État partie, et examiner et réviser les lois et les procédures qui régissent l’enregistrement et le fonctionnement des organisations non gouvernementales dans l’État partie, en veillant à ce que celles-ci ne subissent pas de représailles ;

d) Revoir les lois et les procédures qui régissent les traitements médicaux obligatoires, notamment l’internement psychiatrique, et introduire des garanties pour empêcher leur utilisation abusive par les autorités.

Événements survenus à Andijan en 2005

19.Le Comité réaffirme sa vive préoccupation, qu’il avait exprimée au paragraphe 11 de ses précédentes observations finales, quant à l’absence d’enquête impartiale et efficace sur les événements survenus en mai 2005 à Andijan, qui ont fait des centaines de morts, malgré l’acceptation par l’État partie, lors de l’Examen périodique universel de 2018, d’une recommandation visant l’instauration de mécanismes d’établissement de la vérité qui permettent aux victimes des événements d’Andijan d’être reconnues comme telles et indemnisées et malgré la recommandation faite par Zeid Ra’ad al-Hussein, ancien Haut-Commissaire aux droits de l’homme, au cours de sa visite dans l’État partie en 2018, de veiller à ce que les victimes ne soient pas oubliées et à ce que leurs griefs soient entendus (art. 1er, 4 et 12 à 16).

20. Le Comité renouvelle sa recommandation (CAT/C/UZB/CO/4, par. 11) tendant à ce que l ’ État partie prenne des mesures concrètes pour mener une enquête impartiale, approfondie et efficace sur les événements survenus en mai 2005 à Andijan et en publie les conclusions, et fasse en sorte que les victimes d ’ un usage excessif de la force, d ’ actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que les autres personnes concernées, reçoivent un compte rendu complet, transparent et crédible des événements d ’ Andijan. L ’ enquête devrait aboutir à des poursuites pour violation de la Convention et permettre de garantir que les victimes obtiennent réparation, y compris une indemnisation et des moyens de réadaptation aussi complets que possible.

Définition de la torture

21.Le Comité salue la promulgation, en avril 2018, de modifications de l’article 235 du Code pénal qui visent à renforcer les garanties relatives au respect des droits des citoyens lors des examens médico-légaux, notamment en permettant aux avocats d’être présents et en réduisant la période pendant laquelle une personne peut être détenue avant d’être présentée à un juge, mais il s’inquiète de ce que la définition de la torture figurant à l’article 235 ne contient pas tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention. Il est également préoccupé par le fait que la définition qui figure à l’article 235 ne s’applique qu’aux agents de la force publique ou aux employés d’un organisme d’État et exclut les personnes qui agissent avec le consentement tacite ou exprès d’un agent de la fonction publique ou d’autres personnes agissant à titre officiel, qu’elle présente les actes constitutifs de torture comme consistant à exercer des pressions illégales psychologiques, psychiques, physiques ou autres sous la forme de menaces, de coups, de sévices ou d’autres actes illicites causant des souffrances, ce qui peut sous-entendre l’existence de formes légales de coercition, et qu’elle limite ces actes aux seules personnes visées par une procédure pénale, en excluant celles qui sont dans d’autres situations, comme par exemple les personnes placées dans les hôpitaux et autres établissements spécialisés. En outre, la définition limite les formes de discrimination qui constituent une circonstance aggravante à la discrimination fondée sur la nationalité, la race, la religion ou le statut social, sans mentionner d’autre motif de discrimination, contrairement à l’article premier de la Convention, qui précise : « Tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit. » Le Comité observe qu’à ce jour, aucune juridiction interne ne s’est appuyée, dans sa décision, sur la Convention ou sur la définition de la torture qui est énoncée à l’article premier (art. 1er, 2 et 4).

22. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ introduire dans son Code pénal une définition de la torture conforme à tous les éléments énoncés dans l ’ article premier de la Convention et souhaiterait recevoir des informations sur les mesures qu ’ il envisage de prendre à cet effet. L ’ État partie devrait faire en sorte :

a) Que la définition qualifie d’auteurs de torture les personnes qui agissent à titre officiel, ainsi que les agents qui consentent expressément ou tacitement à la pratique de la torture par des tiers ;

b) Que l’article 235 s’applique à tous les lieux où des personnes sont privées de liberté ;

c) Que la définition de la torture couvre aussi les actes visant une tierce personne et pas seulement les personnes qui font l’objet d’une procédure pénale et leurs proches ;

d) Que la référence à la discrimination soit élargie afin d’inclure toute forme de discrimination ;

e) Que les dispositions de la Convention puissent être pleinement et directement appliquées par les juridictions nationales et être invoquées devant elles, et que soit clairement établie la primauté des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels l’État est partie sur la législation interne en cas de conflit.

Peines prévues pour les actes de torture

23.Le Comité est préoccupé par le fait que la peine maximale prévue pour les actes de torture est de dix ans d’emprisonnement, ce qui place ces actes dans la catégorie des infractions mineures ou des infractions de gravité moyenne, par opposition aux infractions graves et particulièrement graves qui entraînent des peines de vingt-cinq ans ou plus d’emprisonnement. Il est également préoccupé par le fait que peu de condamnations pour torture sont prononcées en application de l’article 235 du Code pénal et que la plupart des fonctionnaires déclarés coupables l’ont été sur le fondement des articles 301 (abus de pouvoir) et 302 (négligence), qui prévoient des peines plus légères, ainsi que des articles 104, 105, 109, 206 et 234 du Code pénal, comme l’a confirmé la délégation de l’État partie (art. 1er, 2 et 4).

24. L ’ État partie devrait veiller à ce que tant le crime de torture que la tentative de commettre un tel crime soient passibles de peines appropriées qui tiennent compte de leur gravité, comme le prévoit le paragraphe 2 de l ’ article 4 de la Convention, qu ’ il y ait ou non des circonstances aggravantes. Il devrait envisager de modifier le Code pénal en vue d ’ augmenter la durée des peines applicables au crime de torture, qui devrait être poursuivi sur le fondement de l ’ article 235 du Code pénal.

Amnisties et prescription

25.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie continue d’accorder des amnisties aux personnes reconnues coupables d’avoir enfreint l’article 235 du Code pénal, notamment en vertu du règlement sur la grâce adopté en mai 2018, et qu’un délai de prescription continue de s’appliquer au crime de torture (art. 1er, 2 et 4).

26. Le Comité rappelle (CAT/C/UZB/CO/4, par. 10) sa position selon laquelle les amnisties accordées aux auteurs de torture sont incompatibles avec les obligations des États parties concernant le caractère absolu et intangible de l ’ interdiction de la torture, comme exposé dans son observation générale n o 2 (2007) sur l ’ application de l ’ article 2 par les États parties et son observation générale n o 3 (2012) sur l ’ application de l ’ article 14 par les États parties. Par conséquent, l ’ État partie devrait s ’ abstenir d ’ accorder une amnistie aux auteurs d ’ actes de torture ou de gracier des personnes reconnues coupables d ’ actes de torture et inclure l ’ article 235 du Code pénal dans la liste des dispositions qui visent des faits imprescriptibles.

Détention provisoire

27.Le Comité prend note de la modification apportée en 2017 à l’article 226 du Code de procédure pénale qui limite à quarante-huit heures la durée pendant laquelle une personne peut être détenue sans être présentée devant un juge, mais il est préoccupé par le fait que ce délai de quarante-huit heures ne commence à courir qu’à partir du moment où la personne est amenée dans les locaux de la police ou d’une autre institution chargée de l’application de la loi, et non au tout début de la privation de liberté. Il est également préoccupé par le fait que ce délai peut être prolongé au-delà de 48 heures si les enquêteurs et les procureurs présentent des justifications sous la forme d’une décision judiciaire et que des affaires pénales continuent d’être renvoyées pour complément d’enquête (art. 2, 11 à 13 et 16).

28. L ’ État partie devrait  :

a) Veiller à ce que la durée de la garde à vue avant la présentation à un juge ne dépasse pas 48 heures ;

b) Veiller à ce que l’échec de l’enquête initiale n’entraîne pas le renvoi pour complément d’enquête ;

c) Veiller à ce que le temps passé en détention provisoire et en état d’arrestation soit inclus dans le temps à purger au titre de la peine définitive ;

d) Envisager de recourir à des mesures de substitution à la détention avant jugement et à la détention provisoire, comme le prévoient les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).

Garanties juridiques fondamentales

29.Le Comité constate avec une vive préoccupation que l’État partie n’offre toujours pas, dans la pratique, à toutes les personnes privées de liberté toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la détention. Il s’inquiète notamment du fait que des agents des forces de l’ordre empêchent les personnes détenues de rencontrer leur avocat ou créent des obstacles à ces rencontres, que les avocats sont parfois menacés de violences physiques par les forces de l’ordre et qu’il n’existe pas de salles séparées pour les entretiens entre les avocats et leurs clients. Le cas de Kadyr Yusupov illustre cette absence de garanties, qui se traduit par une défense insuffisante ou l’impossibilité pour l’intéressé de communiquer avec son avocat et ses proches (art. 2, 11 à 13, 15 et 16).

30. Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie (CAT/C/UZB/CO/4, par. 13) de prendre des mesures pour garantir, en droit et en pratique, que toute personne privée de liberté, y compris en application de la législation administrative, bénéficie de garanties juridiques contre la torture dès le début de sa détention, conformément aux normes internationales. L ’ État partie devrait  :

a) Garantir que toutes les personnes privées de liberté  :

i) Bénéficient dès le début de la privation de liberté, en droit et en pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales, notamment de la possibilité de communiquer sans entrave avec un avocat indépendant de leur choix ou, si nécessaire, de recevoir une aide juridictionnelle gratuite, y compris pendant l’interrogatoire initial et l’enquête, conformément aux Principes de base relatifs au rôle du barreau et aux Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale ;

ii) Sont informées des charges retenues contre elles et de leurs droits, oralement et par écrit, dans une langue qu’elles comprennent ;

iii) Sont présentées sans délai devant un juge ;

iv) Peuvent prévenir un membre de leur famille ou toute autre personne de leur choix de leur placement en détention immédiatement après l’interpellation ;

v) Bénéficient du droit d’être examinées immédiatement et gratuitement par un médecin indépendant, y compris par un médecin de leur choix s’ils en font la demande ;

b) Établir des registres des blessures et des incidents violents dans tous les lieux de détention ;

c) Établir un registre central des détentions pour toutes les personnes à toutes les étapes de la privation de liberté et informer le Comité du type d’informations consignées et des mesures concrètes adoptées pour garantir une tenue précise du registre en tant que protection importante contre la détention au secret ou arbitraire et la disparition forcée ;

d) Surveiller le respect par tous les agents de l’État des garanties juridiques fondamentales, y compris au moyen d’une surveillance vidéo de l’ensemble des lieux de privation de liberté et salles d’interrogatoire ;

e) Instaurer un cadre normatif permettant un contrôle effectif des garanties offertes et prendre des mesures disciplinaires contre les agents qui dans la pratique ne respectent pas les garanties fondamentales auxquelles ont droit les personnes privées de liberté ;

f) Faire figurer dans son prochain rapport au Comité des renseignements sur le nombre de plaintes reçues concernant le non-respect des garanties juridiques fondamentales et sur l’issue de ces plaintes.

Application des dispositions relatives à l’ habeas corpus

31.Le Comité reste préoccupé (CAT/C/UZB/CO/4, par. 15) par le fait que la législation nationale n’a pas été modifiée de façon à permettre aux juges d’examiner la légalité de la détention dans le cadre des audiences de recours en habeas corpus, que ces audiences sont tenues à huis clos et que la participation des avocats de la défense n’est pas obligatoire (art. 2, 11 à 13, 15 et 16).

32. Le Comité recommande à nouveau (CAT/C/UZB/CO/4, par. 15) à l ’ État partie de  :

a) Modifier le Code de procédure pénale afin de donner aux juges la compétence d’examiner la légalité de la détention pendant les audiences de recours en habeas corpus et d’appliquer des mesures moins restrictives que la détention pendant cette phase de la procédure ;

b) Modifier l’article 243 du Code de procédure pénale afin de garantir la présence obligatoire d’un avocat choisi par le détenu à l’audience de recours en habeas corpus et faire en sorte que toutes ces audiences soient publiques et ouvertes à des observateurs indépendants ;

c) Réviser sa législation afin de garantir que les personnes privées de liberté, qu’elles soient détenues pour des raisons pénales ou administratives, comparaissent dans le cadre d’une audience de recours en habeas corpus dans les quarante-huit heures suivant leur privation de liberté.

Indépendance du pouvoir judiciaire

33.Bien qu’il se félicite de la création par le Parlement, le 28 mars 2017, du Conseil supérieur de la magistrature et de l’École supérieure de la magistrature, le Comité est préoccupé par la faiblesse et l’inefficacité persistantes du système judiciaire et par le fait que le principe de l’inamovibilité des juges n’est pas respecté. Il est également préoccupé par le rôle prédominant du ministère public dans les procédures pénales, par le fait que les motifs justifiant d’engager une procédure disciplinaire contre des juges pour violation des règles de la déontologie judiciaire sont généraux et vagues et par le pouvoir discrétionnaire que détient le Président de nommer le Vice-Président, le secrétaire et sept membres du Conseil supérieur de la magistrature. Le Comité accueille avec intérêt l’information fournie par l’État partie selon laquelle les juridictions ont prononcé l’acquittement de 191 personnes au cours des dix premiers mois de 2017, contre seulement sept acquittements au cours des cinq années précédentes. Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas fourni les précisions demandées sur le point de savoir si les personnes concernées par ces affaires ont été libérées ou si elles ont été condamnées et incarcérées pour d’autres motifs (art. 2, 12 et 13).

34. L ’ État partie devrait  :

a) Continuer de prendre des mesures pour garantir l’indépendance totale, l’impartialité et l’efficacité du pouvoir judiciaire ;

b) Réduire le large pouvoir de contrôle et le rôle prépondérant du ministère public dans les procédures pénales ;

c) Envisager de réduire les pouvoirs discrétionnaires actuels du Président concernant les nominations au Conseil supérieur de la magistrature ;

d) Renforcer l’inamovibilité des juges ;

e) Revoir le régime de nomination, de promotion et de révocation des juges en vue de le rendre conforme aux normes internationales applicables, notamment aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature ;

f) Soumettre à un contrôle juridictionnel les nombreux cas signalés de personnes qui seraient actuellement détenues arbitrairement dans l’État partie, à l’issue de procès qui n’ont pas respecté les garanties fondamentales d’une procédure régulière, notamment les cas de Rukhiddin Fakhriddinov, érudit religieux, d’Akrom Malikov, auteur, de Rustam Abdumanopov, politologue, et de Mirsobir Khamidkoriyev, producteur.

Indépendance des avocats

35.Le Comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation (CAT/C/UZB/CO/4, par. 14) en ce qui concerne le manque d’indépendance de la Chambre des avocats vis-à-vis du Ministère de la justice, le faible nombre d’avocats dans le pays et leur absence dans les régions reculées, l’obligation pour tous les avocats de faire renouveler leur licence tous les trois ans, les obstacles à l’exercice du droit des avocats de communiquer avec leur client pendant la détention provisoire et les actes de menace, de harcèlement et de représailles visant les avocats qui défendent des personnalités politiques ou des personnes accusées d’activités terroristes (art. 2).

36.Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ indépendance des avocats et de modifier sa législation afin de garantir l ’ indépendance totale de la Chambre des avocats vis-à-vis du Ministère de la justice et d ’ envisager de modifier l ’ obligation qu ’ ont les avocats de faire renouveler leur licence tous les trois ans. Il lui recommande également d ’ autoriser les personnes accusées à communiquer librement avec leurs avocats, en particulier pendant la détention provisoire, et de permettre à ceux-ci de s ’ entretenir en privé avec leurs clients. Il lui recommande en outre de veiller à ce que les avocats puissent exercer leurs activités professionnelles sans faire l ’ objet d ’ intimidations, de harcèlement, d ’ ingérence abusive ou de représailles.

Conditions de détention et décès en détention

37.Le Comité est gravement alarmé par les informations persistantes selon lesquelles des actes de torture et des mauvais traitements sont fréquemment commis dans les prisons par des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ou avec leur consentement tacite ou exprès, entraînant dans certains cas la mort. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles des prisonniers sont soumis au travail forcé dans certaines colonies pénitentiaires, comme à la briqueterie de la colonie pénitentiaire 64/4 à Navoi. Il est également préoccupé par le fait que, dans l’État partie, des détenus se voient refuser les soins de santé et les médicaments dont ils ont besoin, à titre de sanction. Il relève en outre avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni les données demandées sur les incidents violents et décès en détention et sur les enquêtes menées à leur sujet.

38.Le Comité prend note des informations faisant état d’une diminution significative du nombre de cas dans lesquels les autorités ont arbitrairement prolongé des peines d’emprisonnement en application de l’article 221 du Code pénal, qui interdit les violations répétées du règlement pénitentiaire, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités auraient refusé de libérer des prisonniers ayant purgé leur peine en avançant des raisons de santé.

39.S’il salue la fermeture, par décret présidentiel daté du 2 août 2019, de la colonie pénitentiaire de Jaslyk en tant que prison de haute sécurité, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles cet établissement est passé sous le contrôle des autorités du Karakalpakstan, qui peuvent l’utiliser comme centre de détention provisoire. Le Comité regrette que l’État partie, bien qu’il lui ait communiqué la capacité et le taux d’occupation de la colonie de Jaslyk, ait déclaré que la capacité et le taux d’occupation d’autres lieux de détention étaient confidentiels (art. 2, 11 à 14 et 16).

40. L ’ État partie devrait  :

a) Entreprendre une réforme complète du système pénitentiaire et transférer le contrôle de ce système du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice, en prenant notamment les mesures suivantes :

i) Renforcer l’indépendance du personnel médical pénitentiaire ;

ii) Transférer la responsabilité du personnel médical pénitentiaire au Ministère de la santé ;

iii) Fournir aux prisonniers des soins de santé adaptés et les médicaments dont ils ont besoin ;

iv) Mettre fin à la pratique consistant à soumettre des prisonniers au travail forcé ;

v) Veiller à ce que les conditions de détention dans tous les lieux de privation de liberté soient conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

b) Veiller à ce que l’article 221 du Code pénal ne soit pas utilisé pour prolonger arbitrairement la détention des prisonniers en fin de peine ;

c) Veiller à ce que les détenus qui ont purgé leur peine ne se voient pas refuser la possibilité de sortir du système pénitentiaire pour de fausses raisons de santé ;

d) Veiller à ce que la prison de Jaslyk −  qu’un ancien R apporteur spécial a décrite comme créant des conditions de détention équivalant à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants pour les détenus et leurs proches du fait de son emplacement  − soit définitivement fermée et ne soit plus utilisée comme lieu de détention, y compris pour les détenus en attente de jugement, par aucune autorité de l’État ;

e) Mener une enquête indépendante sur les allégations de torture et de mauvais traitements dans l’établissement de Jaslyk, veiller à ce que les victimes de torture et de mauvais traitements obtiennent réparation et permettre au public de consulter les archives de la prison ;

f) Veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements dans les lieux de détention fassent rapidement l’objet d’enquêtes efficaces et impartiales et que les auteurs soient poursuivis, y compris en garantissant aux membres de la famille la possibilité de faire procéder à des examens médico-légaux indépendants dans tous les cas de décès en détention ;

g) Recueillir et publier des données sur l’emplacement, la capacité et les taux d’occupation de tous les lieux de détention du pays et sur le nombre de personnes condamnées et de personnes en attente de jugement qui y sont détenues, ainsi que sur le nombre de décès en détention et leurs causes.

Mécanisme de plainte et contrôle indépendant des lieux de détention

41.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles des procureurs et des procureurs spéciaux, des représentants du Ministère de l’intérieur, le Commissaire aux droits de l’homme (le Médiateur), des organisations de la société civile et des représentants de missions diplomatiques étrangères, des médias et de fondations se rendent dans les lieux de privation de liberté. Toutefois, il est préoccupé par le fait que les entités officielles habilitées à exercer une surveillance et à recevoir les plaintes pour torture et mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté continueraient d’être inefficaces et ne seraient pas suffisamment indépendantes.

42.Le Comité est alarmé par les informations selon lesquelles le Médiateur, qui est responsable devant le Parlement, transmettrait toutes les allégations de torture au ministère public et au Ministère de l’intérieur pour enquête. Il est également alarmé par le fait que le Médiateur a conclu à l’absence de preuve de torture à l’issue de ses enquêtes sur l’ensemble des 101 plaintes reçues en 2018, et qu’il a déclaré n’avoir reçu aucune plainte concernant des faits répréhensibles commis par le personnel pénitentiaire.

43.Le Comité constate avec préoccupation que les représentants des organisations non gouvernementales ne peuvent pas effectuer une surveillance inopinée des lieux de privation de liberté, que le Comité international de la Croix-Rouge n’a pas encore accepté de reprendre ses visites dans les lieux de détention de l’État partie car il ne pourrait pas suivre ses procédures de travail habituelles, et que les diplomates et les représentants des organisations non gouvernementales autorisés à effectuer des visites dans les lieux de détention sont accompagnés en permanence par le personnel pénitentiaire ou par des membres des forces de l’ordre (art. 2, 11 à 13 et 16).

44. L ’ État partie devrait  :

a) Veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté aient accès à des mécanismes de plainte efficaces et indépendants ;

b) Prendre des mesures pour renforcer l’indépendance du Médiateur et sa capacité à exercer ses fonctions et répondre aux plaintes pour torture et mauvais traitements dans les lieux de détention ;

c) Prendre des mesures pour garantir que tous les lieux de détention font l’objet d’une surveillance indépendante efficace et régulière et d’inspections inopinées, que les personnes chargées d’exercer cette surveillance identifient les conditions ou les comportements dans les lieux de privation de liberté qui constituent des actes de torture ou à des mauvais traitements et qu’elles rendent compte publiquement de leurs conclusions ;

d) Faire en sorte que toutes les personnes chargées du contrôle des lieux de détention puissent avoir des entretiens confidentiels et privés avec les personnes privées de liberté ;

e) Faire en sorte que des organisations non gouvernementales indépendantes puissent effectuer un contrôle indépendant et sans préavis de tous les lieux de privation de liberté ;

f) Autoriser le Comité international de la Croix-Rouge à effectuer des visites dans les lieux de détention conformément à ses procédures de travail habituelles.

Mécanisme national de prévention

45.Le Comité note que les modifications apportées à la loi sur le Médiateur ont conféré à celui-ci le pouvoir d’effectuer des visites préventives dans tous les lieux de privation de liberté en coopération avec des représentants d’organisations de la société civile. Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas fourni les informations demandées concernant les critères qui guideront la sélection des membres du groupe d’experts issus de la société civile devant faire partie du mécanisme national de prévention qui doit être mis en place pour permettre au Médiateur de s’acquitter de cette fonction et n’ait pas indiqué quelles mesures seront prises pour assurer l’indépendance et l’efficacité du mécanisme (art. 2 et 11 à 16).

46. L ’ État partie devrait  :

a) Envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) Envisager de solliciter l’assistance technique de l’ONU, notamment les conseils du Sous-Comité pour la prévention de la torture en vue de la création du mécanisme national de prévention, conformément à l’article 11 du Protocole facultatif ;

c) Prendre des mesures pour renforcer l’indépendance du Médiateur, y compris celle du personnel de son secrétariat chargé de faciliter l’exercice des fonctions dévolues au mécanisme national de prévention, et pour renforcer son autonomie financière et opérationnelle ;

d) Prendre des mesures pour que les défenseurs des droits de l’homme qui ont reçu une formation sur la surveillance et le signalement des actes de torture et des mauvais traitements dans les centres de détention et qui sont qualifiés pour ce type d’activités puissent être nommés dans le groupe d’experts du mécanisme national de prévention, et ne pas subordonner la possibilité de participer au groupe d’experts à l’affiliation à une organisation non gouvernementale enregistrée ;

e) Prendre des mesures pour garantir que les membres du groupe d’experts soient protégés contre les intimidations et les représailles et qu’ils soient maintenus dans leurs fonctions indépendamment du Médiateur, en d’autres termes que la nomination d’un nouveau médiateur n’entraîne pas automatiquement leur révocation ;

f) Veiller à ce que le mécanisme national de prévention puisse effectuer des visites dans tous les lieux de privation de liberté, comme le prévoit l’article 4 du Protocole facultatif, y compris tous les lieux où l’État exerce un contrôle effectif et les autres lieux que des personnes ne sont pas libres de quitter, à ce que les organismes publics soient tenus d’agir sur la recommandation du mécanisme qui sera créé et à ce que tout agent qui tente d’entraver le travail du mécanisme de contrôle soit sanctionné.

Institution nationale des droits de l’homme

47.Le Comité est préoccupé par le fait que le centre national des droits de l’homme et le bureau du Commissaire aux droits de l’homme de l’Oliy Majlis (Médiateur) ne sont pas conformes aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) ni accrédités auprès de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme et que le bureau du Médiateur ne dispose pas des ressources humaines et financières nécessaires pour s’acquitter efficacement de son mandat d’institution nationale des droits de l’homme dans toutes les régions du pays (art. 2).

48. L ’ État partie devrait  :

a) Renforcer le bureau du Médiateur afin qu’il puisse remplir efficacement son mandat dans toutes les régions du pays, et le doter de ressources humaines, financières et institutionnelles suffisantes, conformément aux Principes de Paris, de sorte qu’il puisse satisfaire pleinement aux recommandations aux fins de l’accréditation par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme ;

b) Veiller à ce qu’il soit donné suite aux recommandations du Médiateur −  notamment en ce qui concerne l’octroi de réparations aux victimes, la poursuite des auteurs et l’amélioration du traitement et des conditions matérielles dans les lieux de privation de liberté  − et publier les rapports de celui-ci ;

c) Faire en sorte que le centre national des droits de l’homme fonctionne efficacement, renforce les protections prévues par les instruments internationaux auxquels l’Ouzbékistan est partie et soit conforme aux Principes de Paris.

Réparation

49.Le Comité est préoccupé par le fait que si l’article 15 du Code civil permet aux juridictions d’ordonner l’indemnisation des pertes causées par des agents de l’État, cette disposition n’a à ce jour pas été appliquée dans des affaires de torture. Il note aussi avec préoccupation que l’État partie n’a pas indiqué si les victimes de torture ont bénéficié d’une réadaptation médicale ou psychosociale. Il est en outre préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas créé de fonds pour aider les victimes de torture et de mauvais traitements (art. 2 et 14).

50.Le Comité recommande une nouvelle fois à l ’ État partie (CAT/C/UZB/CO/4, par. 20) de veiller à ce que les victimes de torture et de mauvais traitements obtiennent réparation, y compris les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible, comme il l ’ a souligné dans son observation générale n o 3 (2012). En particulier, l ’ État partie devrait prendre des mesures pour garantir que les personnes qui ont été libérées à la suite du changement de Gouvernement puissent demander et obtenir réparation si elles ont été torturées ou maltraitées.

Travail forcé

51.En dépit des mesures qui ont abouti au mémorandum d’accord entre l’Ouzbékistan et l’Organisation internationale du Travail (OIT) en 2017, et bien que le Président ait affirmé publiquement qu’il était nécessaire de mettre fin au travail forcé dans le secteur du coton, le Comité reste préoccupé par les informations selon lesquelles environ 170 000 adultes ont été forcés à travailler pendant la récolte du coton en 2018 et un grand nombre d’entre eux ont été soumis à des conditions de travail dangereuses et à des conditions de vie médiocres. À cet égard, il prend note des informations selon lesquelles des prisonniers de la colonie 42 du district Zangiatskiy de la région de Jizak ont été contraints de travailler pendant la récolte du coton, y compris certains prisonniers qui avaient subi une opération chirurgicale peu de temps auparavant (art. 2, 12 à 14 et 16).

52.Le Comité rappelle sa recommandation (CAT/C/UZB/CO/4, par. 22) tendant à ce que l ’ État partie mette fin à tout travail forcé dans le secteur du coton, y compris au travail forcé des prisonniers. Puisqu ’ il a ratifié la Convention de 1930 sur le travail forcé ( n o 29) de l ’ OIT en 1992 et la Convention de 1957 sur l ’ abolition du travail forcé ( n o 105) de l ’ OIT en 1997, l ’ État partie devrait également enquêter sur les allégations de complicité des autorités dans le travail forcé, engager des poursuites pénales contre les responsables et veiller à ce que toutes les victimes obtiennent réparation.

Justice pour mineurs

53.Le Comité prend note de la réforme du système de justice pour mineurs et des modifications apportées à la législation nationale, des visites conjointes effectuées par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et le bureau du Procureur général dans la prison pour délinquants juvéniles et dans quatre centres de redressement, et de l’ouverture de 32 salles d’interrogatoire adaptées aux enfants. Il est toutefois préoccupé par la situation des enfants en détention, y compris en détention provisoire, et par le recours à la mise à l’isolement comme sanction disciplinaire. Il s’inquiète également de la possibilité pour ces enfants de recevoir régulièrement des visites de leur famille et de la situation de 167 filles placées dans deux centres de redressement fermés spécialisés (art. 2, 11 et 16).

54. L ’ État partie devrait  :

a) Assurer l’application de l’arrêté présidentiel de mai 2019 pour la restructuration des centres éducatifs spécialisés, entamer les réformes du système de justice pour mineurs, surveiller la situation des enfants en conflit avec la loi et veiller à ce que le régime de détention en général pour les enfants en conflit avec la loi et la législation nationale pertinente soient conformes aux normes internationales ;

b) S’abstenir de placer des enfants à l’isolement, veiller à ce que les enfants puissent recevoir régulièrement des visites de leur famille et s’assurer que le médiateur pour les droits de l’enfant effectue des visites dans les lieux où des enfants sont privés de liberté ;

c) Permettre aux organisations nationales et internationales de visiter les centres éducatifs spécialisés fermés, résoudre la question du placement des filles dans les centres de redressement cités ci-dessus et restructurer les deux autres établissements fermés.

Violence à l’égard des femmes, violence familiale et prévention du divorce

55.S’il salue l’adoption, le 2 septembre 2019, d’une loi sur la protection des femmes contre le harcèlement et la violence, et la mise en place de mécanismes, dont une ligne téléphonique d’urgence qui permet aux femmes de signaler des actes de violence familiale, le Comité reste préoccupé par les informations concernant des actions ou omissions de la part d’organismes publics ou d’autres entités qui engagent la responsabilité de l’État partie au titre de la Convention. Il relève notamment que la nouvelle loi n’incrimine pas le viol conjugal, tout en notant que l’on ignore si des individus ont été poursuivis pour cette infraction sur la base du droit pénal général, que les femmes qui cherchent à utiliser la ligne d’assistance téléphonique pour les cas de violence familiale ont des difficultés à joindre les autorités, et que les victimes de violence familiale n’ont toujours pas accès à des mesures de soutien adéquates, notamment à des foyers spécialisés. Il prend également note des informations selon lesquelles les conjoints ne peuvent pas engager une procédure de divorce sans avoir préalablement été entendus par le comité de réconciliation de la mahalla de leur quartier et s’inquiète donc de ce que, dans de nombreux cas, ces comités fassent pression sur les femmes pour qu’elles reviennent au domicile familial et continuent ainsi d’être exposées à un risque important et réel de violence de la part de leur mari (art. 2, 12 à 14 et 16).

56. L ’ État partie devrait prendre des mesures pour que ses autorités ou d ’ autres entités s ’ abstiennent de toute action ou omission qui engage sa responsabilité internationale au titre de la Convention, et devrait en particulier  :

a) Veiller à ce que les femmes victimes de violence familiale ne rencontrent aucun obstacle juridique pour demander immédiatement aux autorités des mesures de protection, y compris des mesures d’éloignement et, si elles le souhaitent, une séparation de corps ou un divorce ;

b) Veiller à ce que les victimes de violence fondée sur le genre, notamment de violence familiale, aient accès à des services médicaux et juridiques, notamment à des conseils, à une réparation et à des moyens de réadaptation, ainsi qu’à des foyers dans tout le pays  ;

c) Modifier sa législation en vue d’inclure le viol conjugal, qui est une forme de violence familiale, dans le Code pénal en tant qu’infraction à part entière donnant lieu à des poursuites d’office ;

d) Veiller à ce que tous les cas de violence fondée sur le genre envers les femmes et les filles donnent lieu à une enquête approfondie, à ce que les auteurs présumés soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment punis, et à ce que les victimes obtiennent réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation adéquate ;

e) Contrôler l’efficacité des mécanismes de plainte, notamment de la permanence téléphonique pour les victimes de violence familiale ;

f) Dispenser aux policiers et aux autres membres des forces de l’ordre, aux procureurs, aux juges, aux travailleurs sociaux et aux professionnels de la santé une formation obligatoire sur la manière d’identifier les victimes de violence fondée sur le genre, notamment de violence familiale, et de les protéger efficacement ;

g) Recueillir des données statistiques sur la violence familiale, la violence sexuelle et les autres formes de violence envers les femmes, y compris le viol conjugal, ventilées en fonction de l’âge et de l’appartenance ethnique des victimes et de leur lien avec l’auteur des violences, ainsi que sur le nombre de plaintes relatives à ce type de violences, sur les enquêtes, les poursuites et les déclarations de culpabilité auxquelles elles ont donné lieu et sur les peines prononcées.

Transfèrements et extraditions forcées

57.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des agents de la sécurité nationale continuent de procéder à des transfèrements secrets depuis l’étranger et de nombreuses personnes enlevées ou renvoyées de force sont détenues au secret, y compris dans des lieux non divulgués, et seraient soumises à des actes de torture ou des mauvais traitements visant à leur extorquer des aveux ou à les pousser à dénoncer d’autres personnes. À cet égard, il est préoccupé par le fait que l’État partie a obtenu le retour de 542 personnes considérées comme des opposants entre janvier 2015 et juillet 2016, à la faveur de procédures d’extradition ou par d’autres moyens, y compris, semble-t-il, le recours aux assurances diplomatiques (art. 2, 3, 5 à 7 et 16).

58.L ’ État partie devrait veiller à ce que des observateurs indépendants puissent effectuer des visites confidentielles auprès de toutes les personnes ayant fait l ’ objet d ’ un transfert international vers l ’ Ouzbékistan et à ce que ces personnes aient accès à des mécanismes de plainte efficaces. Il devrait également veiller à ce que les procès de toutes les personnes qui ont été renvoyées de force en Ouzbékistan respectent les normes internationales en matière de droits de l ’ homme et à ce que ces personnes puissent bénéficier, dès le début de leur privation de liberté, de toutes les garanties juridiques fondamentales énoncées aux paragraphes 29 et 30.

Garanties en matière de non-refoulement

59.Le Comité prend note du décret présidentiel sur l’approbation du règlement relatif à la procédure d’octroi de l’asile politique de mai 2017, qui prévoit une voie de recours permettant de demander l’asile dans l’État partie, mais il est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas d’autres mécanismes nationaux régissant le traitement des demandeurs d’asile et des réfugiés dans l’État partie et que peu d’informations sont disponibles concernant la mise en œuvre du décret présidentiel (art. 2, 3, 12, 13 et 16).

60.L ’ État partie devrait recueillir et publier des données sur l ’ application du décret présidentiel concernant la procédure d ’ octroi de l ’ asile politique, prendre des mesures pour mettre en place un système national d ’ asile complet, qui soit conforme aux normes internationales et qui donne à toutes les personnes relevant de la juridiction de l ’ État partie le droit de former dans le pays un recours contre une décision d ’ expulsion pour permettre de de déterminer s ’ il existe des motifs sérieux de croire qu ’ elles risquent d ’ être soumises à la torture, et mettre en place un système de détection précoce des victimes de torture et de mauvais traitements. L ’ État partie devrait demander l ’ assistance du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pour prendre ces mesures et devrait envisager de ratifier la Convention relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967.

Formation

61.Le Comité est préoccupé par le fait que les policiers, les agents des forces de l’ordre et de la sécurité nationale, les gardes-frontière, le personnel pénitentiaire, les juges, les procureurs et les avocats ne reçoivent pas une formation suffisante sur les dispositions de la Convention et que les professionnels de la santé et agents de l’État qui travaillent avec des personnes privées de liberté ne sont pas tous formés à l’application du Protocole d’Istanbul. L’État partie ne fournit pas non plus d’informations démontrant que ses programmes de formation contribuent à réduire la pratique de la torture (art. 10).

62. L’État partie devrait  :

a) Veiller à ce qu’une formation sur les dispositions de la Convention et l’interdiction absolue de la torture soit obligatoire pour les policiers, les autres agents des forces de l’ordre et de la sécurité nationale, les gardes-frontière, le personnel pénitentiaire, les juges, les procureurs et les avocats, et à ce que le Protocole d’Istanbul devienne un élément essentiel de la formation de tous les professionnels de la santé et autres agents publics concernés ;

b) Dispenser aux membres des forces de l’ordre une formation concernant les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et les méthodes d’enquête non coercitives ;

c) Élaborer et appliquer des méthodes destinées à évaluer l’efficacité et l’incidence des programmes de formation destinés aux agents des forces de l’ordre et autres agents publics au sujet de la Convention ;

d) Veiller à ce que des règles et des instructions concernant l’interdiction de la torture soient incorporées à la formation dispensée à tout le personnel qui peut intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit, comme le prévoit le paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention.

Violence à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres

63.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres sont soumis à des violences et à des actes de torture pendant leur détention, à des persécutions par la police, qui cherche notamment à les piéger au moyen de sites Web, de vidéos de menace et d’extorsion, et à des violences émanant de particuliers. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie a déclaré qu’il n’y avait pas d’affaire en cours concernant des violences envers des lesbiennes, gays, bisexuels ou transgenres. Il est enfin préoccupé par les informations selon lesquelles l’incrimination des relations sexuelles entre personnes du même sexe par l’article 120 du Code de procédure pénale expose particulièrement les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres à la violence de la part des agents de la force publique comme des particuliers. En effet, les personnes concernées hésitent à contacter les autorités pour demander une protection contre des actes de violence de peur d’être arrêtées (art. 2, 12 à 14 et 16).

64.L ’ État partie devrait ouvrir sans délai des enquêtes efficaces et impartiales sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements perpétrés envers des lesbiennes, gays, bisexuels ou transgenres par des agents publics ou avec leur consentement exprès ou tacite. Il devrait également prendre des mesures pour prévenir la violence et la discrimination à l ’ égard des lesbiennes, gays, bisexuels ou transgenres en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, notamment en abrogeant l ’ article 120 du Code pénal et en veillant à ce que les mécanismes de plainte soient accessibles aux lesbiennes, gays, bisexuels ou transgenres qui sont victimes de violences ou risquent de l ’ être et à ce qu ’ ils contribuent à assurer leur protection effective.

Procédure de suivi

65.Le Comité prie l ’ État partie de lui faire parvenir, le 6 décembre 2020 au plus tard, des informations sur la suite qu ’ il aura donnée à ses recommandations portant sur les points suivants : veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements soulevées dans le cadre de procédures judiciaires donnent lieu à une enquête, à ce que les auteurs présumés soient poursuivis et punis, et à ce qu ’ aucune obtenue par la torture ou des mauvais traitements ne puisse être invoquée comme preuve dans une procédure, sauf contre la personne accusée de torture ou de mauvais traitements pour prouver que la déclaration a été faite sous la contrainte  ; enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements concernant les personnes citées au paragraphe 13 c), veiller à ce que les victimes et leurs proches obtiennent réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation et de moyens de réadaptation, et sanctionner les agents qui n ’ ont pas mené d ’ enquête  ; prendre des mesures pour garantir que tous les lieux de détention sont soumis à un indépendant  ; veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté bénéficient des garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté (voir les paragraphes 10 a), 13 c), 44 c) et 30 a)). Dans ce contexte, l ’ État partie est invité à informer le Comité des mesures qu ’ il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d ’ ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

66. Le Comité invite l ’ État partie à étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention et de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie.

67. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ autoriser les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l ’ ONU qui en ont fait la demande à effectuer des visites dans le pays et l ’ encourage à inviter le Rapporteur spécial sur la question de la torture, comme cela a été évoqué dans le cadre du dialogue constructif.

68. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour atteindre la cible 10.1 de l ’ objectif de développement durable n o 16 en recueillant et en publiant des données sur le nombre de cas vérifiés d ’ actes de tortures infligés à des journalistes, des syndicalistes, des défenseurs des droits de l ’ homme et d ’ autres personnes.

69. L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales et à informer le Comité des activités qu ’ il aura menées dans ce domaine.

70.Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le sixième, le 6 décembre 2023 au plus tard. À cette fin, il invite l ’ État partie à accepter, d ’ ici au 6 décembre 2020, d ’ établir son rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports. Dans le cadre de cette procédure, le Comité transmet à l ’ État partie une liste des points qui devraient être traités dans le rapport. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront alors le sixième rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 19 de la Convention.