NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/UZB/CO/326 février 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente-neuvième sessionGenève, 5-23 novembre 2007

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

OUZBÉKISTAN

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan (CAT/C/UZB/3) à ses 789e et 792e séances (CAT/C/SR.789 et CAT/C/SR.792), tenues les 9 et 12 octobre 2007, et a adopté, à ses 807e et 808e séances, tenues le 22 novembre 2007 (CAT/C/SR.807 et CAT/C/SR.808), les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la soumission du troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan, ainsi que des réponses détaillées qui ont été données à la liste des points à traiter (CAT/C/UZB/Q/3/Add.1) ou apportées par les représentants de l’État partie qui ont pris part au dialogue avec le Comité.

B. Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction les faits nouveaux et les mesures administratives, législatives ou autres énumérées ci-après:

a)L’introduction programmée de dispositions prévoyant le recours en habeas corpus, à compter du 1er janvier 2008;

b)L’adoption de la loi abolissant la peine de mort, avec effet au 1er janvier 2008;

c)L’amendement de l’article 235 du Code pénal, visant certains des éléments de la définition de la torture;

d)Le transfert de la responsabilité de la délivrance des mandats d’arrêt du bureau du procureur aux tribunaux (8 août 2005);

e)L’ordonnance no 40, qui donne instruction aux procureurs d’appliquer directement les dispositions de la Convention et les lois nationales applicables;

f)Les directives de la Cour suprême interdisant la présentation d’éléments de preuve, y compris d’aveux, obtenus sous la torture, qui se sont traduites par la réouverture de nombreuses affaires pour complément d’enquête après que des éléments de preuve se sont révélés irrecevables;

g)Les dispositions prises pour mettre en œuvre le Plan d’action du 9 mars 2004 sur l’adoption des recommandations du Comité contre la torture (CAT/C/CR/28/7) faisant suite à l’examen du deuxième rapport périodique et les informations communiquées par la délégation de l’État partie selon lesquelles un plan analogue sera adopté pour poursuivre les efforts entrepris et donner effet aux présentes observations finales;

h)L’augmentation de 57 % du nombre de plaintes pour tortures enregistrées au Ministère de l’intérieur, qui est, selon l’État partie, «le signe d’une plus grande confiance envers les autorités chargées des affaires intérieures»;

i)L’élaboration et la distribution à tous les détenus d’une brochure préparée conjointement avec l’American Bar Association pour informer les détenus de leurs droits;

j)La réduction de la surpopulation carcérale.

4.Le Comité relève aussi:

a)La ratification de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée; et

b)La ratification de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Qualification de la torture en tant qu’infraction distincte

5.S’il prend acte des efforts faits pour modifier la législation afin d’incorporer, dans le droit interne, la définition de la torture donnée dans la Convention, le Comité reste préoccupé par le fait que la définition qui figure dans l’article 235 modifié du Code pénal restreigne la pratique interdite de la torture aux actes des agents de la force publique, et ne couvre donc pas les actes commis par «toute autre personne agissant à titre officiel», y compris à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique, ce qui signifie que cette définition ne contient pas tous les éléments de l’article premier de la Convention.

Le Comité recommande une nouvelle fois à l’État partie de faire en sorte d’adopter une définition de la torture qui contienne tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention. L’État partie devrait veiller à ce que les personnes qui ne sont pas des agents de la force publique mais qui agissent à titre officiel ou à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la force publique puissent être poursuivies pour torture et ne soient plus seulement accusées , comme cela a été déclaré, de favoriser ces pratiques ou d’en être complices.

Caractère généralisé des t ortures et mauvais traitements

6.Le Comité relève avec préoccupation:

a)Des allégations nombreuses, persistantes et cohérentes faisant état d’un recours systématique à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par des agents de la force publique et des enquêteurs ou bien à leur instigation ou avec leur consentement, souvent dans le but d’extorquer des aveux ou des informations aux fins de l’action pénale;

b)Des informations crédibles selon lesquelles ces actes sont fréquemment commis avant que l’intéressé n’ait été inculpé et au cours de sa détention provisoire, alors qu’il est privé des garanties fondamentales, en particulier de l’accès à un conseil. Cette situation est exacerbée par une utilisation de règlements internes qui permettrait dans la pratique des procédures contraires aux lois en vigueur;

c)Le fait que de telles allégations d’actes contraires à la Convention ne fassent pas l’objet d’enquêtes rapides et impartiales; et

d)Des allégations selon lesquelles des personnes retenues en qualité de témoins sont elles aussi soumises à des intimidations et à des interrogatoires coercitifs, voire, dans certains cas, à des représailles.

L’État partie devrait faire preuve de la tolérance zéro vis-à-vis du problème persistant de la torture et de l’impunité. Il devrait:

a) Condamner publiquement et sans ambiguïté la pratique de la torture sous toutes ses formes, en s’adressant en particulier aux policiers et au personnel pénitentiaire, et en accompagnant ses déclarations d’avertissements clairs quant au fait que toute personne commettant de tels actes, y participant ou en étant complice, sera tenue personnellement responsable devant la loi et soumise à des sanctions pénales;

b) Adopter immédiatement des mesures pour garantir dans la pratique que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent l’objet d’enquêtes rapides, impartiales et efficaces et que les responsables – agents de la force publique et autres – soient poursuivis et sanctionnés. Les enquêtes devraient être menées à bien par un organe pleinement indépendant;

c) Traduire en justice tous les auteurs présumés de manière à éliminer l’impunité dont jouissent les agents de la force publique et autres personnes responsables d’actes contraires à la Convention; et

d) Veiller dans la pratique à ce que les plaignants et les témoins soient protégés contre tout mauvais traitement et tout acte d’intimidation lié à leur plainte ou à leur témoignage.

7.Le Comité s’inquiète aussi des nombreuses allégations d’usage excessif de la force et de mauvais traitements par les forces militaires et de sécurité ouzbèkes lors des événements survenus en mai 2005 à Andijan, qui ont fait 187 morts selon l’État partie et 700 ou davantage selon d’autres sources, et à la suite desquels des centaines de personnes ont été placées en détention. Bien que l’État partie persiste à répondre à toutes ces allégations que les mesures prises étaient en fait adaptées, le Comité note avec préoccupation qu’il ne mène pas d’enquêtes complètes et efficaces sur toutes les plaintes pour usage excessif de la force déposées contre des agents de l’État.

8.Le Comité constate en outre avec inquiétude que l’État partie a limité et entravé le suivi indépendant des droits de l’homme au lendemain de ces événements, ce qui a encore affaibli les possibilités d’obtenir une évaluation fiable ou crédible des abus rapportés, notamment de vérifier les informations concernant le sort des personnes détenues ou disparues et les tortures ou mauvais traitements qu’elles auraient subis.

9.Le Comité a aussi reçu des informations crédibles selon lesquelles certaines personnes renvoyées dans le pays après avoir cherché refuge à l’étranger ont été placées en détention dans des lieux secrets et peut‑être soumises à des actes contraires à la Convention. Le Comité relève que l’État partie n’a pas donné de suite favorable aux demandes de création d’une commission d’enquête internationale indépendante qui serait chargée de faire la lumière sur ces événements, formulées par la Haut‑Commissaire aux droits de l’homme, approuvées par le Secrétaire général et reprises par le Comité des droits de l’enfant.

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces en vue de:

a) L ancer une enquête complète, efficace et impartiale sur les événements survenus à Andijan en mai 2005, de manière à garantir que les particuliers puissent porter plainte et que toutes les personnes responsables de violations de la Convention soient traduites en justice. Conformément à la recommandation de la Haut ‑Commissaire aux droits de l’homme et d’autres, le Comité recommande que cette enquête soit menée par des experts crédibles et indépendants, qui devront examiner avec soin toutes les informations et formuler des conclusions sur les faits survenus et les mesures prises;

b) Informer les familles des lieux où se trouvent toutes les personnes arrêtées ou détenues dans le cadre des événements d’Andijan et d es charges qui pèsent contre elles; et

c) V eiller à ce que les membres des forces militaires et de sécurité n’aient recours à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et à ce que tout acte contraire à la Convention fasse l’objet d’une enquête.

10.Le Comité est déçu que, sur le petit nombre de personnes poursuivies, la plupart ne se soient pour l’essentiel vu imposer que des peines disciplinaires. Il est aussi préoccupé par le fait que les peines imposées aux personnes condamnées en application de l’article 235 du Code pénal ne sont pas, comme le requiert la Convention, à la mesure de la gravité du crime de torture.

L’État partie devrait immédiatement adopter des mesures de nature à garantir que les peines imposées pour acte s de torture soient en rapport avec la gravité de ces crimes, comme le veut la Convention. Les auteurs présumés devraient par principe être suspendus ou mutés pendant l’enquête. S’ils font l’objet de sanctions disciplinaires, ils ne devraient pas être autorisés à rester en poste.

Conditions de détention

11.Le Comité apprécie les informations fournies par l’État partie sur les enquêtes d’opinion menées auprès des détenus concernant les locaux de détention mais demeure préoccupé du fait qu’en dépit des progrès rapportés il est fait état de nombreux abus en détention et même de nombreux décès, dont certains seraient survenus à la suite de tortures ou de mauvais traitements. De plus, une partie seulement de ces décès ont été suivis d’autopsies menées par des experts indépendants, et ce type d’investigation n’est pas encore une pratique courante. Le Comité a aussi à l’esprit les préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial sur la torture à propos du centre de détention de Jaslyk, dont l’isolement crée des conditions de détention qui seraient assimilables à une peine ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, tant pour les détenus que pour les membres de leur famille.

L’État partie devrait faire en sorte de maintenir sous contrôle permanent tous les lieux de détention et ne pas faire obstacle à des visites régulières , même inopinées, d’ experts indépendants, y compris d’organismes indépendants nationaux et internationaux, dans tous les lieux de détention, notamment la prison de Jaslyk.

L’État partie devrait sans délai veiller à ce que tous les cas de décès en détention fassent l’objet d’enquêtes indépendantes et que toute personne soupçonnée d’être responsable d’un décès résultant de tortures, de mauvais traitements ou d’ une négligence délibérée soit poursuivi e . Le Comité apprécierait qu’un rapport lui soit soumis sur le résultat des enquêtes, une fois celles - ci terminées, et sur les cas de torture avérés, ainsi que des informations sur les peines imposées et les recours proposés aux victimes. L’État partie devrait améliorer les conditions de détention, qui ont été dénoncées, notamment en introduisant des mesures de substitution à la privation de liberté et, au besoin, en construisant des établissements pénitentiaires supplémentaires.

Garanties offertes aux détenus

12.En dépit des nombreuses modifications législatives fondamentales apportées par l’État partie dans le domaine des conditions de détention et des garanties offertes aux détenus et dans d’autres domaines connexes, le Comité est préoccupé par des informations crédibles selon lesquelles les forces de l’ordre instaurent et appliquent des règlements et procédures internes détaillés qui ne sont mis à la disposition ni du public ni des détenus ou de leurs avocats et qui sont limités à un usage officiel. Ces règlements laissent bon nombre de questions à la discrétion des agents. Il s’ensuit, selon des plaintes, que les détenus ne bénéficient pas dans la pratique du droit d’avoir accès à un avocat, à un médecin indépendant et à des membres de sa famille. Le Comité s’inquiète du fait que ces règlements créent des conditions propices à des pratiques abusives.

L’État partie devrait veiller dans la pratique à ce que chaque détenu puisse exercer son droit d’avoir accès à un avocat, à un médecin indépendant et à des membres de sa famille et jouir des autres garanties juridiques de protection contre la torture.

Surveillance des lieux de détention par un organisme indépendant

13.Tout en prenant note du fait que l’État partie affirme que tous les lieux de détention sont surveillés par des organisations indépendantes nationales et internationales, sans restriction, et sont ouverts à d’autres inspections, y compris du Comité international de la Croix‑Rouge (CICR), le Comité demeure préoccupé par des informations reçues, selon lesquelles les conditions d’accès aux détenus n’étaient pas acceptables, ce qui a notamment conduit le CICR à cesser de se rendre dans les prisons du pays en 2004.

L’État partie devrait faire en sorte qu’une surveillance pleinement indépendante des lieux de détention soit permise, y compris par des ONG et des experts indépendants et impartiaux, nationaux et internationaux, dans le respect de leur s méthodologies habituelles.

Résultats des enquêtes

14.Le Comité apprécie les réponses apportées par l’État partie concernant les cas d’allégations de violation de la Convention soulevés par le Comité, mais constate avec inquiétude que l’État partie donne souvent d’amples détails sur les crimes qui auraient été commis par les intéressés plutôt que de fournir des renseignements sur les résultats des enquêtes menées sur les allégations de torture.

Il est rappelé à l’État partie qu’aucune circonstance exceptionnelle , quelle qu’elle soit −  ni guerre ou menace de guerre, ni instabilité politique int érieure ni autre situation d’urgence quelle qu’elle soit  − , ne saurait être invoquée pour justifier la torture.

Mécanisme de plainte pleinement indépendant

15.Bien que l’État partie ait institué des organes chargés d’enquêter sur les plaintes (par exemple, instruction no 334 du Ministère de l’intérieur, unités spéciales d’inspection du personnel et Médiateur parlementaire), le Comité s’inquiète de ce que ces organes n’ont pas été efficaces à lutter contre la torture et manquent d’indépendance. Le Comité relève avec préoccupation qu’alors que l’État partie indique que des milliers de cas d’abus de la part des forces de l’ordre sont signalés chaque année et en dépit des visites du Médiateur dans les lieux de détention, il a été déclaré, sans qu’aucune explication ne soit donnée, qu’aucun recours n’avait été formé dans des affaires de torture. Le Comité fait aussi observer que l’État partie devrait envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

L’État partie devrait garantir en droit et dans la pratique le droit de toute personne de porter plainte auprès d’un mécanisme pleinement indépendant qui enquêtera et répondra sans délai, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme (Principes de Paris). L’État partie est vivement incité à veiller à ce que toutes les procédures de traitement de ces plaintes soient efficaces et indépendantes; il devrait prendre les mesures qui s’imposent pour faire en sorte que le Médiateur parlementaire soit pleinement indépendant, conformément aux Principes de Paris. De plus, l’État partie devrait faire les déclarations nécessaires au titre des articles 21 et 22 de la Convention.

Dissolution d’organisations de défense des droits de l’homme et d’autres organisations indépendantes

16.Le Comité est préoccupé par des informations reçues faisant état d’intimidations, de restrictions et d’emprisonnement de membres d’organisations de surveillance des droits de l’homme et de groupes de la société civile, de défenseurs des droits de l’homme et autres, ainsi que par la clôture de nombreuses organisations nationales et internationales, en particulier depuis mai 2005. Le Comité apprécie qu’il ait été indiqué que Mutabar Tojibayava était susceptible de bénéficier d’une amnistie, mais reste préoccupé par les mauvais traitements et dénis de garanties fondamentales rapportés à propos de son procès ainsi que des procès d’autres porte‑parole de la société civile et de détenus.

L’État partie devrait tout faire pour garantir que les défenseurs indépendants des droits de l’homme soient protégés contre toute incarcération et tout acte d’intimidation ou de violence injustifiés et motivés par leurs activités pacifiques dans le domaine des droits de l’homme.

Le Comité invite instamment l’État partie à libérer les défenseurs des droits de l’homme emprisonnés ou condamnés en raison de leurs activités professionnelles pacifiques et à faciliter la réouverture et le bon fonctionnement des organisations indépendantes nationales et internationales de défense des droits de l’homme, en leur permettant d’effectuer des visites inopinées dans les lieux de détention.

Formation du personnel

17.Le Comité prend note des amples renseignements fournis sur la formation des forces de l’ordre et du personnel pénitentiaire dans le domaine des droits de l’homme. Les renseignements communiqués par l’État partie ne donnent toutefois pas d’indications sur l’efficacité qu’a eue cette formation. Le Comité relève aussi un manque de renseignements sur les formations tenant compte des différences entre les sexes.

L ’État partie devrait faire en sorte que son personnel médical en contact avec des détenus reçoive une formation spéciale afin d’apprendre à repérer les signes de torture et de mauvais traitements, et que le Protocole d’Istanbul de 1999 (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) fasse partie intégrante de la formation des médecins et des autres personnes participant aux soins des détenus.

De plus, l’État partie devrait établir et appliquer une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation ou d’enseignement et leur impact sur la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements et communiquer des renseignements sur les formations tenant compte des différences entre les sexes.

Indemnisation et réadaptation

18.Le Comité note que l’État partie a fourni des renseignements sur le droit des victimes à une réparation matérielle et morale, prévu dans le Code de procédure pénale et dans le Code civil, mais constate qu’il n’a pas donné d’exemples de cas dans lesquels les intéressés auraient reçu une telle réparation, y compris des services de réadaptation médicale ou psychosociale.

L’État partie devrait assurer aux victimes recours, réparation et réadaptation, notamment en leur donnant les moyens d’une réadaptation aussi complète que possible, et leur fournir une assistance dans la pratique.

Indépendance du système judiciaire

19.Le Comité demeure préoccupé par le fait que l’inamovibilité des juges n’est pas assurée, que la nomination des juges de la Cour suprême relève entièrement du Président et que les nominations aux rangs inférieurs sont du ressort du pouvoir exécutif, qui redésigne les juges tous les cinq ans.

L’État partie devrait garantir la pleine indépendance et la pleine impartialité du système judiciaire, entre autres en garantissant l’inamovibilité des juges.

Éléments de preuve obtenus sous la torture

20.Bien qu’il apprécie que la délégation de l’État partie ait reconnu avec franchise que les aveux obtenus sous la torture étaient utilisés en tant qu’éléments de preuve dans certains procès, et malgré les décisions de la Cour suprême de proscrire l’examen de tels éléments, le Comité demeure préoccupé par le fait que le principe de non‑recevabilité de ces éléments n’est pas encore respecté dans tous les cas.

L’État partie devrait immédiatement prendre des mesures pour veiller à ce que dans la pratique, les éléments de preuve obtenus sous la torture ne puissent pas être invoqués devant les tribunaux. Le Comité recommande une nouvelle fois à l’État partie de réexaminer les dossiers de personnes condamnées sur la seule foi d’aveux, sachant que beaucoup de ces aveux sont susceptibles d’avoir été obtenus sous la torture ou par des mauvais traitements, et, le cas échéant, d’ouvrir sans délai des enquêtes impartiales et de prendre les mesures de réparation qui s’imposent.

Violence à l’égard des femmes

21.Le Comité constate avec préoccupation qu’il est fait état de cas de violence contre les femmes, dans les lieux de détention et ailleurs, et note que les informations manquent quant aux poursuites en justice engagées contre les personnes liées à ces violences.

L’État partie devrait garantir la protection des femmes dans les lieux de détention et ailleurs ainsi que l’établissement de procédures de plainte claires et de mécanismes de suivi et de surveillance. Il devrait garantir la protection des femmes en adoptant des mesures spécifiques, législatives et autres, visant à prévenir en pratique la violence intrafamiliale, conformément à la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (résolution n o  48/104 de l’Assemblée générale), et assurer la protection des victimes ainsi que l’accès aux services médicaux, sociaux et juridiques et à des hébergements temporaires. Il faudrait aussi que les auteurs aient à répondre de leurs actes.

22.Le Comité demeure préoccupé par la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle.

L ’ État partie devrait adopter de nouvelles mesures pour prévenir et combattre la traite des femmes et renforcer les mesures en place, en veillant à leur efficacité.

23.Le Comité s’inquiète des violences, y compris sexuelles, entre prisonniers dont il est fait état dans les lieux de détention.

L’État partie devrait prendre sans délai des mesures pour protéger dans la pratique les détenus contre les violences entre prisonniers. Il devrait en outre collecter des informations sur ce type d’incidents, communiquer au Comité ses conclusions, et l’informer des mesures prises pour prévenir ces violences, enquêter sur les faits et poursuivre ou sanctionner les personnes responsables.

Non-refoulement

24.Le Comité s’inquiète des allégations qu’il a reçues selon lesquelles certaines personnes n’ont pas été pleinement protégées contre les expulsions, les renvois ou les extraditions, depuis le pays ou l’étranger, comme le prévoit pourtant l’article 3 de la Convention. Il est particulièrement préoccupé par des informations faisant état de retours forcés, depuis des pays voisins, de réfugiés reconnus comme tels et de demandeurs d’asile, certains ayant été extradés, et dont on ne connaît ni la situation, ni le traitement qui leur a été réservé, ni le lieu où ils se trouvent depuis leur arrivée dans l’État partie. Bien que les représentants de l’État partie aient déclaré qu’il n’était plus nécessaire que le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés soit présent dans le pays, le Comité s’inquiète du sort d’au moins 700 réfugiés reconnus qui résident dans l’État partie et qui ont besoin d’être protégés et réinstallés.

L’État partie devrait adopter une loi sur les réfugiés qui soit compatible avec les dispositions de la Convention. L’État partie devrait inviter le Haut ‑Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés à revenir sur son territoire et à contribuer à la protection et à la réinstallation de la population de réfugiés. Il est encouragé à envisager d’adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et à son Protocole facultatif de 1967.

Autres mauvais traitements

25.Le Comité réitère ses préoccupations quand au retard pris pour transférer le système pénitentiaire du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice et note qu’il n’a pas reçu d’explications suffisantes à ce sujet.

L’État partie devrait envisager de transférer sans délai le système pénitentiaire du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice, afin que le pouvoir judiciaire assume officiellement le contrôle et la responsabilité des décisions prises dans ce domaine.

26.S’il se félicite de l’entrée en vigueur de la loi abolissant la peine de mort, le Comité demeure préoccupé par les pratiques passées de l’État partie qui consistaient à ne pas informer les familles des condamnés à mort du lieu et de la date des exécutions ni de l’emplacement des corps, ce qui est source de détresse.

L’État partie devrait veiller à ce que les familles des condamnés à mort soient traitées avec humanité afin d’éviter toute souffrance supplémentaire due au secret entourant les exécutions et prendre des mesures correctives.

27.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de devenir partie:

a)Au Protocole facultatif à la Convention;

b)Au Statut de Rome de la Cour pénale internationale; et

c)Aux grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme du système des Nations Unies auquel il n’est pas encore partie.

Collecte de données

28.Le Comité note que le rapport de l’État partie contient beaucoup d’informations sur un certain nombre de situations, mais que ces informations n’ont pas été ventilées comme l’a demandé le Comité, de sorte qu’il est difficile de déceler s’il existe des abus systématiques ou des mesures appelant l’attention.

L’État partie est invité à fournir dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par sexe, origine ethnique ou nationalité, âge, région géographique, type de privation de liberté et lieu de détention, sur les plaintes pour actes de torture ou autres mauvais traitements, y compris les affaires rejetées par les tribunaux, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions disciplinaires et pénales correspondantes et sur les mesures d’indemnisation et de réadaptation accordées aux victimes.

29.Le Comité invite l’État partie à soumettre un document de base conforme aux critères du document de base commun énoncés dans les Directives générales concernant la présentation et le contenu des rapports, telles qu’approuvées par les organes conventionnels et figurant dans le document HRI/GEN/2/Rev.4.

30.L’État partie est encouragé à assurer une large diffusion aux rapports qu’il a soumis au Comité, à ses réponses écrites à la liste des points à traiter, aux comptes rendus analytiques des séances et aux conclusions et recommandations du Comité, dans les langues appropriées, par le biais de ses sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

31.Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité contenues dans les paragraphes 6, 7, 9, 10, 11 et 14 ci‑dessus.

32.L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport, qui sera son quatrième rapport périodique, d’ici au 30 décembre 2011.

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