Nations Unies

CCPR/C/KEN/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

13 janvier 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte

Troisième rapport périodique des États Parties

Kenya *

[19 août 2010]

Table des matières

Paragraphes Pages

I.Introduction générale et informations sur le pays1–83

II.Informations générales sur le Kenya9–274

III.Réponses aux observations finales formulées par le Comité des droits de l’homme28–868

IV.Autres mesures prises depuis le dernier rapport87–21022

Article 18823

Article 289–11723

Article 3118–13428

Articles 4 et 513532

Article 6136–14133

Article 7142–14834

Article 8149–15235

Articles 9 à 12153–15435

Article 13155–16036

Article 14161–16337

Article 1516438

Article 16165–17038

Articles 17 et 1817139

Article 19172–17639

Article 20177–18640

Article 21187–18942

Article 22190–19143

Article 23192–19643

Article 2419744

Article 25198–20445

Article 2620546

Article 27206–21046

V.Conclusion211–21247

I.Introduction générale et informations sur le pays

1.Le Gouvernement du Kenya a l’honneur de présenter au Comité des droits de l’homme le troisième rapport périodique du Kenya qui porte sur la période allant d’avril 2005 à juin 2010. Le présent rapport a été élaboré conformément aux directives générales du Comité des droits de l’homme concernant la forme et le contenu des rapports périodiques présentés par les États parties (CCPR/C/66/GUI/Rev.2). Ce rapport, qui a été établi sous la direction du Ministère de la justice, de la cohésion nationale et des affaires constitutionnelles, est le fruit d’un processus de collaboration étroite impliquant divers ministères du gouvernement, des organisations de la société civile ainsi que la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya.

2.Ce rapport a été établi sur fond de profonds bouleversements politiques, sociaux culturels et économiques consécutifs à la crise politique provoquée par les élections présidentielles controversées de 2007. Peu après la proclamation des résultats le 29 décembre 2007, des violences ont éclaté, embrasant le pays jusqu’au mois de mars 2008 et même au-delà dans certaines parties du territoire. Au cours de cette période, le pays a connu des niveaux sans précédents de violence qui ont provoqué la mort d’au moins 1 133 personnes, des destructions dont le coût s’élève à plusieurs milliards de shillings kényans et le déplacement interne d’au moins 350 000 personnes.

3.Conformément aux directives du Comité relatives à la forme et au contenu des rapports (CCPR/C/66/GUI/Rev.2), le présent rapport présente, article après article, les progrès accomplis concernant l’application des dispositions du Pacte, les difficultés nouvelles ou récurrentes rencontrées dans ce domaine ainsi que les effets des mesures prises en vue de renforcer la promotion, la protection et l’application des droits civils et politiques de la population depuis le dernier rapport de 2005 (CCPR/C/KEN/2004/2). Pour chaque article, le rapport fournit des informations sur les progrès accomplis et les obstacles rencontrés et apporte de nouvelles réponses aux préoccupations exprimées par le Comité dans ses observations finales relatives au dernier rapport.

Contexte

4.Du point de vue des droits de l’homme et leur respect, les violences qui ont éclaté après les élections présidentielles de décembre 2007 ont précipité le Kenya dans la crise la plus grave qu’il ait connue depuis son indépendance. Le fait que le Kenya ait pu se retrouver dans une situation proche de l’anarchie a clairement mis en évidence les limites des mécanismes démocratiques de gouvernance, lesquels ont été pour la plupart incapables de mettre fin au conflit et de prévenir les violations des droits de l’homme. La plupart des auteurs des atteintes aux droits de l’homme n’ont toujours pas été traduits en justice ce qui démontre que les mécanismes de protection des droits de l’homme sont aujourd’hui encore largement déficients.

5.La crise qui a suivi les élections a cependant permis au gouvernement de grande coalition de prendre conscience de l’urgente nécessité de mettre en place des réformes constitutionnelles, légales, politiques et institutionnelles ambitieuses ayant une incidence sur les questions interdépendantes que sont les droits de l’homme, la gouvernance démocratique, l’état de droit et la sécurité. Outre le besoin de réformes structurelles, la crise a fait ressortir la nécessité absolue de mettre fin à des injustices historiques et de répondre à des doléances dont le déni a eu pour effet d’engendrer la violence dans de nombreuses parties du pays.

6.Pour régler la crise, un accord national a été signé le 28 février 2008 au titre du Cadre pour la réconciliation et le dialogue national au Kenya. Ce cadre définit quatre grands domaines prioritaires. L’objectif final du dialogue politique engagé est d’établir durablement la paix, la stabilité et la justice grâce à l’état de droit et au respect des droits de l’homme. Dans le cadre de ce dialogue, l’engagement a été pris de s’attaquer aux problèmes de longue date que connaît le pays, à savoir notamment les inégalités socioéconomiques, le chômage des jeunes, la corruption et le déficit de responsabilisation et d’entamer enfin les réformes nécessaires dans des domaines clés tels que la Constitution, les institutions, le régime foncier, la police et la justice.

7.La mise en œuvre de cette politique devrait avoir des effets durables sur le respect et la protection des droits de l’homme au Kenya. Ces effets devraient être renforcés par le programme Vision 2030 dans lequel le Kenya réaffirme sa volonté d’assurer un développement équitable, responsable et solidaire dans un État respectueux des droits de l’homme.

8.Vision 2030 reconnaît que les problèmes d’inégalité et d’atteintes aux droits de l’homme sont intimement liés aux difficultés d’ordre politique, social et économique que rencontre le Kenya. Ce programme entend donc favoriser la croissance économique tout en veillant à ce que le système politique se préoccupe des problèmes de fond du pays, réponde aux besoins de la population, pratique une gestion axée sur les résultats et promeuve la responsabilisation. La pauvreté est l’un des principaux défis que doit relever le gouvernement car elle continue d’empêcher de nombreux Kényens, en particulier les femmes et les enfants, de satisfaire leurs besoins essentiels et de réaliser pleinement leurs potentialités. On estime que 45,9 % de la population vivait en 2009 dans des conditions de pauvreté absolue. L’économie a, quant à elle, stagné pendant les deux dernières décennies. À l’heure actuelle, environ 56 % des Kényens vivent en dessous du seuil international de pauvreté, c’est-à-dire avec moins d’un dollar des États-Unis par jour. Selon le Rapport économique sur le Kenya pour 2009, 84 % des Kényens dépendent d’une autre personne pour vivre.

II.Informations générales sur le Kenya

Territoire et population

9.Le Kenya est un pays d’Afrique orientale situé de part et d’autre de l’équateur, qui s’étend sur une superficie totale de 582 650 km² dont 560 250 km² de terres arides. Les 13 400 km² restants sont recouverts dans leur quasi-totalité par les eaux. Environ 80 % des terres sont arides ou semi-arides, et seulement 20 % sont propres à l’agriculture.

10.La population totale du Kenya est estimée en 2009 à 40 millions d’habitants, dont la majorité − entre 75 et 80 % − vivent dans les zones rurales. La densité de population varie de 230 habitants au km² dans les régions à fort potentiel à trois habitants au km² dans les zones arides. Seulement 20 % des terres environ ont un potentiel agricole moyen à élevé et assurent la subsistance de 80 % de la population. Les 20 % restants de la population vivent dans les zones arides et semi-arides qui s’étendent sur 80 % du territoire.

11.Les caractéristiques démographiques de la population sont les suivantes: taux de mortalité élevé (10,95 ‰), espérance de vie faible et tendant à décliner (entre 47 et 55 ans), taux de fertilité de 4,82 enfants par femme et taux de mortalité infantile élevé (55 à 77 décès pour 1 000 naissances vivantes). En outre, la population étant composée de 42 % d’enfants de moins de 15 ans, la proportion de personnes à charge est élevée (l’ensemble de ces estimations remonte à 2009).

12.La société kényenne est multiraciale, pluriethnique, pluriculturelle et pluriconfessionnelle. Le swahili est la langue nationale et l’anglais la langue officielle, mais de nombreuses autres langues locales sont utilisées. Les peuples d’origine africaine constituent environ 90 % de la population et se subdivisent en 42 ethnies principales appartenant à trois familles linguistiques distinctes: le bantou, le couchitique et le nilotique. La ventilation des ethnies selon ces familles linguistiques est la suivante: langues bantoues: Kikuyu (22 %), Luhya (14 %), Kamba (11 %), Meru (6 %), Embu (1,20 %), Kisii (6 %), Mijikenda (4,7 %), Taita (0,95 %), Pokomo (0,27 %), Banjuni (0,20 %), Boni-Sanye (0,05 %), Taveta (0,07 %), Kuria (0,52 %), Mbeere (0,47 %) et Basuba (0,50 %); Langues nilotiques: Luo (13 %), Kalenjin (12 %), Turkana (1,32 %), Teso (0,83 %), Samburu (0,50 %) et Maasai (1,8 %); Langues couchitiques: Somali (0,21 %), Oromo (0,21 %), Rendile (0,12 %), Boran (0,37 %) et Gabra (0,17 %). Il convient de noter que ces ethnies principales sont elles-mêmes composées de plusieurs sous-groupes ou tribus.

13.La ventilation de la population selon l’appartenance confessionnelle est la suivante: christianisme (78 %), islam (10 %), religions africaines traditionnelles (10 %), indouisme et sikhisme (1 %). La religion est de plus en plus ressentie par certaines minorités comme un facteur déterminant en matière de citoyenneté et d’acquisition des droits qui en dépendent. Par exemple, certains musulmans considèrent que le Kenya est gouverné comme le serait un pays chrétien. Quant aux personnes qui adhèrent aux croyances traditionnelles africaines, elles déplorent souvent que les règles de la common law l’emportent sur le droit coutumier qui est très fortement influencé par la religion traditionnelle.

14.La pauvreté continue d’empêcher de nombreux Kényens, en particulier les femmes et les enfants, de satisfaire leurs besoins essentiels et de réaliser pleinement leurs potentialités. On estimait en 2009 que 45,9% de la population vivait dans des conditions de pauvreté absolue. Cette situation est due pour l’essentiel aux effets de la crise mondiale et à l’impact négatif des violences qui ont éclaté au début de 2008 après les élections.

15.Les deux dernières décennies ont été marquées par la stagnation de l’économie. De 1997 et 2002, le taux de croissance annuel moyen était de seulement 1,5 % alors que la population augmentait de 2,5 % par an, d’où une baisse du revenu par habitant. À l’heure actuelle, environ 56 % des Kényens vivent en dessous du seuil international de pauvreté, c’est-à-dire avec moins d’un dollar des États-Unis par jour. Avant la crise politique, certains secteurs de l’économie montraient quelques signes de redressement. En 2005, le taux de croissance économique était de 5,8 % et a atteint 6,7 % à la fin de mai 2007. La situation économique s’est cependant fortement détériorée en 2008 principalement à cause des violences qui ont suivi l’élection présidentielle.

Structure politique générale

16.Le Kenya a obtenu l’indépendance en 1963 et est devenu il y a une vingtaine d’années une démocratie multipartite. Après 28 ans de régime à parti unique, la Constitution du Kenya (« la Constitution ») a été amendée en 1991 et les premières élections pluralistes ont été organisées en 1992. Le passage au multipartisme a été une période de transition politique marquée par la nécessité de remanier profondément la Constitution pour transformer l’appareil d’État jusqu’alors répressif et spoliateur en facteur de développement pour l’Afrique et la pleine réalisation des potentialités nationales. L’Union nationale africaine du Kenya (Kenya African National Union (KANU)), après avoir remporté les premières élections en 1964, a réussi à se maintenir au pouvoir pendant 39 ans (ce qui représente huit victoires aux élections générales). Ce n’est qu’en 2002 que la KANU a perdu ses premières élections nationales face à la Coalition nationale arc-en-ciel (National Rainbow Coalition (NARC)) qui regroupait 14 partis politiques. Aujourd’hui, malgré la crise politique qui a suivi les élections générales de décembre 2007, le Kenya a de nouveau l’espoir qu’avec une bonne gouvernance et l’amélioration de ses relations avec les donateurs bilatéraux et multilatéraux, il augmentera ses chances de progresser vers l’application pleine et entière des droits de l’homme en général.

Le gouvernement

17.Le Kenya est une démocratie fonctionnant sur la base de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. L’article 30 du chapitre III de la Constitution dispose que le pouvoir législatif est assumé par le Parlement du Kenya constitué par l’Assemblée nationale et son président. L’Assemblée nationale se compose de 222 députés élus au scrutin direct et représentant chacun une circonscription des huit provinces du pays. Elle compte également 12 députés désignés et deux membres de droit, à savoir le Président du Parlement (ou Speaker) et le Procureur général. Le Président du Parlement est élu par les membres de l’Assemblée nationale.

Le pouvoir exécutif

18.Le Président de la République est à la tête de l’exécutif. Le pouvoir exécutif est exercé par le Conseil des ministres qui, au moment de la rédaction de ce rapport, agit sous la direction du Président et se compose du Premier ministre, du Vice-président, de deux Vice-premiers ministres et des autres ministres. Le Conseil des ministres a pour fonction de seconder et de conseiller le Président dans la gestion des affaires publiques. Afin de parer à tout abus de pouvoir de la part du gouvernement, l’article 17 (3) de la Constitution prévoit que le Conseil des ministres est collectivement responsable devant le Parlement des mesures prises par le Président, le Vice-président ou tout autre ministre dans l’exercice de leurs fonctions, ou par toute personne agissant sous leur autorité.

Le pouvoir judiciaire

19.Le chapitre IV de la Constitution contient les dispositions relatives à l’appareil judiciaire. L’article 60 de la Constitution fait de la Haute Cour une instance jurisprudentielle supérieure dotée d’une compétence de première instance illimitée en matière civile et pénale. La Cour d’appel est décrite à l’article 64 de la Constitution comme étant la plus haute instance du pays. Elle connaît uniquement des affaires déférées en appel par la Haute Cour et n’est pas compétente pour statuer en première instance.

20.Dirigé par le Premier Président, l’appareil judiciaire est constitué par la Cour d’appel, la Haute Cour ainsi que par des tribunaux de première instance dépendant de la Haute Cour et établis par le Parlement conformément à la Constitution. La juridiction et les compétences de ces tribunaux de première instance sont définies par la loi. La Haute Cour possède également une compétence implicite pour se prononcer sur les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ainsi, toute plainte concernant une violation des droits protégés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est traitée comme une violation de droits fondamentaux et doit être entendue par la Haute Cour. Toute personne alléguant que l’un de ses droits fondamentaux a été, est ou risque d’être bafoué peut saisir la Haute Cour pour obtenir réparation. Aux termes de l’article 84 de la Constitution, la Haute Cour est compétente pour statuer en première instance sur ce type de requête.

Le pouvoir législatif

21.Le Parlement du Kenya est investi du pouvoir d’adopter les lois. Les instances administratives créées par le Parlement pour protéger et promouvoir les droits de l’homme sont les suivantes:

la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya (KNCHR);

la Commission nationale sur l’égalité entre les sexes et le développement (KNCDG);

la Commission nationale anticorruption (KACC);

le Conseil national des services à l’enfance (NCCS);

le Conseil national chargé des personnes handicapées (NCPD); et

La Commission nationale de réforme du droit (KLRC).

Instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels le Kenya est partie

22.Le Kenya a ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivantes:

le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

la Convention relative aux droits de l’enfant;

la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité;

la Convention internationale contre la corruption;

la Convention relative au statut des réfugiés;

le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants;

le Statut de Rome de la Cour pénale internationale; et

quarante-neuf conventions de l’OIT dont 43 sont en vigueur.

23.À l’échelon régional, le Kenya a ratifié les instruments relatifs aux droits de l’homme suivants:

la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples;

la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant;

la Convention de l’Organisation de l’unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique; et

la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées.

Incorporation des instruments relatifs aux droits de l’homme dans l’ordre juridique interne

24.Les instruments internationaux ne sont pas considérés comme faisant partie intégrante de la législation du Kenya et ne peuvent être directement appliqués par les tribunaux ou les autorités administratives à moins d’être expressément incorporés dans le droit interne en vertu de lois nationales. En pratique, des mesures juridiques et administratives sont prises après la ratification de ces instruments pour en favoriser l’application. Les tribunaux veillent néanmoins à interpréter le droit national de manière à éviter tout conflit avec les instruments auxquels le Kenya est partie. La plupart des instruments internationaux ont été incorporés dans le droit interne à des degrés divers. Ainsi, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant ont été, dans une large mesure, incorporées dans le droit interne grâce à la promulgation de la loi sur l’enfance (chapitre 586; Lois du Kenya). La loi sur les réfugiés (loi n° 13 de 2006) a, quant à elle, permis de donner effet à la Convention relative au statut des réfugiés et à la Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Les dispositions de ces lois s’inspirent très largement de celles des instruments régionaux et internationaux et ne s’en écartent que pour tenir compte des caractéristiques propres au Kenya. Le Kenya a également pleinement incorporé dans le droit national les quatre conventions de Genève par l’intermédiaire de la loi sur les conventions de Genève (chapitre 198; Lois du Kenya).

25.De plus, afin d’incorporer dans l’ordre juridique interne le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de faire en sorte que le Kenya soit en mesure de s’acquitter des obligations découlant de cet instrument, la loi de 2008 sur la criminalité internationale a été adoptée. Beaucoup d’autres instruments internationaux sont incorporés dans l’ordre juridique interne. Ils entrent en application par le biais d’une loi unique ou de plusieurs lois. Par exemple, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ont été, pour l’essentiel, incorporés dans le droit interne par le biais de législations diverses.

26.La situation sera différente après la promulgation du projet de constitution qui dispose que tout traité ou convention ratifié par le Kenya doit être directement applicable dans l’ordre juridique interne. Le projet de constitution prévoit également que les règles générales du droit international font partie intégrante du droit national.

27.Le présent rapport met également en lumière la façon dont la magistrature applique les instruments des droits de l’homme régionaux et internationaux auxquels le Kenya est partie.

III.Réponses aux observations finales formulées par le Comité des droits de l’homme

28.En juin 2006, la République du Kenya a répondu aux préoccupations formulées par le Comité dans les paragraphes 10, 16, 18 et 20 de ses observations finales sur le deuxième rapport. Dans le chapitre qui suit, le Kenya répond aux préoccupations exprimées par le Comité dans les paragraphes 8, 9, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26 et 27 de ses observations finales en se fondant sur les informations les plus récentes.

Recommandation no 8

Le Comité invite l’État partie à prendre les mesures appropriées pour que les droits protégés par le Pacte puissent être invoqués devant les tribunaux nationaux.

29.Comme il a été précisé plus haut, le Kenya adopte une approche dualiste en matière d’application du droit international et les tribunaux du pays ne peuvent en conséquence invoquer les traités internationaux dans leurs décisions si le Parlement n’a pas adopté de décrets d’application les concernant. Cependant, avec la promulgation par le Premier Président de la pratique et des règles de procédure de la Haute Cour figurant dans la Constitution du Kenya (Juridiction suprême et protection des droits fondamentaux et des libertés de l’individu), les décisions de justice tendent de plus en plus à s’aligner sur cette pratique. Par exemple, dans le cas Mary Rono c. Jane Rono , (appel civil n° 66 de 2002, Cour d’appel d’Eldoret, Kenya) le juge a attentivement considéré la pertinence et l’applicabilité du droit international concernant l’affaire en question. Relevant que le Kenya avait ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, il a considéré que, bien que le pays applique les principes de la common law selon lesquels le droit coutumier international et le droit des traités ne font partie du droit interne que s’ils y ont été spécifiquement incorporés par des décrets d’application, l’interprétation actuelle de la théorie de la common law est que le droit coutumier international et le droit des traités peuvent être appliqués par les tribunaux de l’État quand ils ne sont pas contraires à une loi d’État en vigueur, même en l’absence de décret d’application. Cela a conduit le tribunal à conclure que la principale question soulevée, relative, dans ce cas, à la discrimination ne pouvait être pleinement traitée en se référant à la seule législation interne et que les instruments internationaux pertinents ratifiés par le Kenya, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, devaient également être pris en considération dans la décision du tribunal. La décision qui a été rendue en avril 2005 fait désormais jurisprudence en matière d’héritage notamment lorsque les droits d’héritage des filles et des veuves sont en question et elle a été invoquée par les juges de la Haute Cour lorsqu’ils ont dû statuer sur des affaires de succession dans diverses communautés où le droit coutumier n’autorise pas les filles d’un défunt à hériter de ses biens.

30.Conformément à cette recommandation, le projet de constitution qui fera l’objet d’un référendum en août 2010, prévoit que l’État doit adopter et appliquer une législation lui permettant de s’acquitter de ses obligations internationales en matière de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il consacre les trois générations de droits de l’homme et permet aux tribunaux nationaux de statuer sur cette base lorsqu’ils ont amenés à rendre une décision. Actuellement, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est l’instrument des droits de l’homme le plus intégré dans le droit interne dans la mesure où nombre de ses dispositions figurent déjà dans la Constitution et diverses lois du Parlement. Davantage d’informations seront fournies dans le chapitre consacré à l’article 3.

Recommandation no 9

L’État partie doit veiller à ce que toutes les personnes relevant de sa juridiction aient accès en toute égalité aux recours judiciaires et autres recours.

31.Cette question sera en grande partie traitée dans le chapitre consacré à l’article 2.

Recommandation no 11

Le fait, reconnu par la délégation kényenne, que les femmes soient toujours régulièrement victimes de violences domestiques au Kenya et qu’elles ne bénéficient d’aucune protection juridique appropriée contre les violences sexuelles, fléau également très répandu, préoccupe beaucoup le Comité. L’État partie devrait adopter des mesures concrètes et efficaces pour lutter contre ces formes de violence. Il devrait sensibiliser l’ensemble de la société à ce problème, veiller à ce que les auteurs de telles violences fassent l’objet de poursuites et apporter aide et protection aux victimes. Le projet de loi concernant la protection de la famille (violences domestiques) devrait être promulgué aussitôt que possible.

32.Cette question sera traitée de manière exhaustive dans les chapitres consacrés aux articles 3 et 23.

Recommandation no 12

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour éliminer la pratique de l’excision, notamment en l’interdisant également pour les adultes, et en particulier renforcer la campagne lancée par le Ministère de la condition de la femme, des sports, de la culture et des services sociaux.

33.À l’exception de l’article 14 de la loi sur les enfants de 2001 qui interdit de pratiquer des mutilations génitales sur les enfants de sexe féminin, aucune loi ne réprime l’excision au Kenya. Cependant dans le cadre du programme Vision 2030, le gouvernement reconnaît explicitement que la violence sexuelle et sexiste est un fléau persistant qui compromet le progrès économique et social du pays et s’engage à prendre des mesures énergiques pour interdire, « entre autres agissements dommageables à la société, les pratiques culturelles rétrogrades comme les mutilations génitales féminines ».

34.À cette fin, les mesures suivantes ont été prises:

établissement du Comité national de lutte contre les mutilations génitales féminines (NaCAF) et création d’un secrétariat pleinement opérationnel basé au Ministère de la condition féminine, de l’enfance et du développement social;

formulation d’une politique nationale de lutte contre les mutilations génitales féminines qui doit encore être soumise au Conseil des ministres pour approbation;

formulation d’un projet de loi relatif à la lutte contre les mutilations génitales féminines;

élaboration d’un plan national d’action contre les mutilations génitales féminines;

travaux avec les parlementaires visant à leur faire prendre une part active dans la lutte contre les mutilations génitales féminines au niveau de leurs circonscriptions respectives;

formation dans tout le pays de réseaux régionaux permettant aux divers acteurs d’engager une action collective contre la pratique des mutilations génitales féminines dans les zones où cette pratique est très répandue;

discussions sur la question des mutilations génitales féminines et ses différents aspects avec divers groupes de la population: notables, experts, femmes, hommes et garçons.

35.Ces mesures ont commencé à porter leurs fruits et les mutilations génitales féminines qui sont pratiquées dans toutes les communautés du Kenya sauf cinq sont en recul. Le rapport préliminaire 2008-2009 de l’enquête nationale sur la santé et la démographie (KDHS) montre qu’en 2008/2009 27,1 % des jeunes filles étaient encore victimes de cette pratique contre 32 % en 2003. Cependant, il existe de grandes disparités entre les régions et dans certaines zones, 98 % des jeunes filles sont concernées par l’excision.

Prévalence de l’excision

Lieu de résidence

1998

2003

2008

Zone urbaine

23,1

21,3

16,5

Zone rurale

42,0

35,8

30,6

Total

37,6

32,2

27,1

Source: Rapport préliminaire 2008/2009 de la KDHS .

36.Pour consolider ces acquis, une approche pluridimensionnelle a été adoptée pour lutter contre la violence sexiste et notamment contre la pratique des mutilations génitales féminines. Le gouvernement a en effet élaboré et mis en place en décembre 2009, en collaboration avec différentes parties prenantes, un cadre national de prévention et de lutte contre la violence sexiste au Kenya. Ce dispositif permettra d’enquêter sur les cas de violence sexiste et de renforcer la coordination des mesures visant à y mettre un terme.

37.Les actions engagées dans le cadre de ce dispositif sont notamment les suivantes:

création de structures communautaires menant au niveau local des actions de lutte contre les violences sexuelles et sexistes;

sensibilisation accrue des populations et des institutions communautaires et renforcement des programmes visant à faire évoluer les mentalités et à amener la population à renoncer à la violence sexiste et sexuelle;

participation accrue des hommes aux actions locales de prévention des violences sexistes et sexuelles;

formation des magistrats et surtout de la police, en vue de leur permettre de traiter adéquatement les affaires de violence sexuelle et sexiste et fourniture aux services concernés des matériels nécessaires;

identification des victimes et mise en œuvre des mesures nécessaires;

mise en place de structures complètes d’orientation des victimes de violences sexuelles et sexistes;

création dans tout le pays de foyers d’accueil secourant et protégeant les victimes de violences sexuelles;

interdiction des pratiques traditionnelles génératrices de violences sexistes;

création d’une législation spécifique contre la violence à l’encontre des femmes;

mise à disposition de conseils juridiques gratuits et aisément accessibles aux victimes de violences;

révision des directives nationales concernant la gestion médicale du viol et des autres formes de violence sexuelle;

établissement de directives nationales en matière de soins psychosociaux et définition d’un programme de réformes pour le secteur judiciaire; et

renforcement des capacités de la police en vue de lui permettre de traiter adéquatement les affaires de violence sexuelle et sexiste.

Recommandation no 13

L’État partie devrait envisager d’abolir de jure la peine de mort et d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il devrait supprimer dans les textes la possibilité de prononcer la peine capitale pour les délits qui n’entrent pas dans la catégorie des crimes visés au paragraphe 2 de l’article 6. Il devrait faire en sorte que tous les condamnés à mort qui ont épuisé les recours disponibles bénéficient d’une commutation de peine.

38.Bien que la peine de mort soit depuis longtemps inscrite dans le Code pénal, elle fait l’objet d’un moratoire de facto depuis 1987 et n’est désormais plus appliquée. Le gouvernement estime en effet que la peine capitale n’est pas compatible avec les normes relatives aux droits fondamentaux définies par les instruments internationaux auxquels le Kenya a adhéré. Le 3 août 2009, le Président de la République a commué 4 000 condamnations à la peine capitale en emprisonnements à vie. Il convient de relever que la population kényenne n’est pas encore prête à accepter l’abolition de la peine de mort. Le gouvernement ainsi que la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya intensifient cependant leurs efforts de sensibilisation visant à convaincre l’opinion de la nécessité d’abolir la peine capitale conformément aux normes et aux tendances internationales en la matière.

Recommandation no 14

L’État partie devrait adopter des mesures visant à faciliter l’accès aux services de planification familiale pour toutes les femmes. Il devrait revoir sa législation relative à l’avortement afin de la mettre en conformité avec le Pacte.

39.Le projet de loi sur la famille et à la santé génésique qui a été soumis au Parlement en 2008 entend renforcer l’information du public sur les méthodes de planification familiale modernes et naturelles et sans danger pour la santé reconnues par la loi. Il donne aux femmes et aux couples la possibilité de s’informer librement sur les modes de planification familiale adaptés à leurs besoins, leurs convictions personnelles et leurs croyances religieuses. Une fois adopté, le projet de loi permettra de faire en sorte que les femmes ne soient plus exposées aux lésions corporelles et aux décès provoqués par les avortements clandestins et puissent être traitées avec humanité lorsque leur pronostic vital est engagé.

40.Cependant, au vu des réactions que provoque le projet de loi chez les dirigeants religieux et les opposants à l’interruption volontaire de grossesse, d’une part, et chez les partisans du libre-arbitre des femmes en matière de contraception, d’autre part, force est de reconnaître que l’avortement est une question très sensible au Kenya. Les mouvements opposés à l’avortement avancent que cette pratique est un acte moralement condamnable et incompatible avec les valeurs de la culture africaine. Les partisans du libre-arbitre des femmes en la matière estiment au contraire que les femmes qui décident d’interrompre leur grossesse ont le droit de bénéficier d’une prise en charge médicale spécialisée. Cette polémique a eu également pour effet d’unir les mouvements chrétiens contre le projet de constitution qui énonce que « l’avortement est interdit sauf si une loi en dispose autrement ou si, de l’avis d’un professionnel de santé qualifié, un traitement d’urgence est nécessaire ou la vie de la mère est en danger ». Pour les mouvements religieux, cette disposition revient à légaliser l’avortement.

41.Le gouvernement a adopté pour la première fois en 2007 une politique nationale de santé génésique. Cette politique offre un cadre pour la mise en place et l’offre de services équitables, efficaces et performants de santé génésique dans tout le pays et met l’accent sur la nécessité de cibler les personnes les plus vulnérables qui ont le plus besoin d’aide.

42.Cette politique entend également:

protéger la santé des adolescents et faciliter l’accès des jeunes aux services de planification familiale, et à terme, intégrer cette priorité dans tous les programmes de santé génésique et de planification familiale; et

renforcer les soins de santé primaires en général et les services de planification familiale et de santé maternelle et infantile notamment pour garantir la participation active des hommes et des femmes à la planification et à la fourniture des soins de santé.

43.Un département de santé génésique a été créé dans l’hôpital national de Kenyatta en collaboration avec des acteurs non étatiques. Ce département a des antennes dans toutes les provinces du pays et offre des services médicaux et de conseil aux femmes souffrant de complications consécutives à un avortement ou ayant d’autres problèmes de santé génésique. De plus, le gouvernement fournit gratuitement des préservatifs à l’ensemble des petits dispensaires du pays.

44.Grâce aux efforts du gouvernement et de la société civile, la population est au fil des ans de mieux en mieux informée sur les méthodes modernes de contraception. Les enquêtes réalisées révèlent qu’actuellement 96 % des femmes âgées de 15 à 49 ans et 98 % des hommes âgés de 15 à 54 ans connaissent ces méthodes. Malgré ces mesures de sensibilisation, seulement 39 % des femmes mariées et 46% des femmes célibataires sexuellement actives recourent à des moyens de planification familiale. Le restant de la population féminine est donc particulièrement exposé aux risques de grossesse non désirée et de transmission de maladies sexuellement transmissibles.

Recommandation no 15

L’État partie devrait prendre des mesures pour assurer que toutes les personnes infectées par le VIH aient accès en toute égalité à un traitement.

45.Le Kenya a pris, dans les limites de ses moyens, des mesures législatives et administratives pour veiller à ce que toutes les personnes atteintes du VIH/sida aient accès en toute égalité à un traitement. Une des plus grandes difficultés que le pays a dû et doit encore surmonter est la stigmatisation des victimes. Depuis l’apparition de la maladie, les personnes atteintes du VIH/sida sont considérées comme sexuellement immorales. Ce préjugé a provoqué des comportements de stigmatisation et d’ostracisme et beaucoup de personnes ayant révélé leur séropositivité ont perdu leur emploi et leurs amis et ont été abandonnées par leurs familles. Pour lutter contre ce type de discrimination, la loi sur la prévention et le contrôle du VIH/sida qui interdit toute discrimination sur la base du statut sérologique au regard du VIH a été adoptée en 2006.

46.Pour assurer l’accès à la santé:

L’article 15 de la loi dispose que le ministre responsable doit veiller à ce que toute personne requise par la loi de se soumettre à un test de dépistage ou demandant volontairement à s’y soumettre puisse accéder aux services assurant ce type de prestation.

L’article 19 (1) exige des établissements de santé publics ou privés qu’ils facilitent l’accès aux soins des personnes atteintes du VIH sans exercer de discrimination fondée sur leur statut sérologique.

L’article 19 (2) impose au gouvernement de prendre, en utilisant le maximum de ses ressources disponibles, les mesures nécessaires pour assurer l’accès des personnes vivant avec le VIH ou le sida ou exposées à des risques de transmission de la maladie aux services de soins essentiels et faire en sorte qu’elles puissent obtenir les médicaments indispensables à un prix raisonnable.

47.La loi sur les délits sexuels adoptée en 2007 comporte des dispositions détaillées permettant de protéger les personnes victimes d’une transmission délibérée du VIH ou de toute autre maladie sexuellement transmissible mettant leur existence en danger.

48.Actuellement, le gouvernement fournit avec l’aide de divers partenaires des thérapies antirétrovirales gratuites à 213 000 patients. Le coût des traitements prodigués à ces 213 000 patients s’élève à 3,42 milliards de shillings kényens par an et devrait atteindre 3,8 milliards de shillings si l’on prend en considération que 5 000 patients supplémentaires doivent être traités chaque mois. Des services de dépistage gratuits qui mettent également en place des sessions d’information et de conseil sont disponibles dans tout le pays.

49.La politique de lutte contre le VIH/sida sur le lieu de travail ciblant le secteur public a été élaborée en 2006 pour fournir des directives sur la gestion des fonctionnaires contaminés et la prévention des nouveaux cas. Cette politique met notamment en place des structures permettant d’informer les personnes confrontées quotidiennement aux questions et aux problèmes liés au VIH/sida sur le lieu de travail et met également l’accent sur les droits et les responsabilités des employeurs ainsi que sur le comportement que sont censés adopter ces derniers dans leurs entreprises.

Recommandation no 17

L’État partie devrait veiller à ce que les personnes accusées de meurtre, crime emportant la peine capitale, bénéficient pleinement des garanties prévues au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte. Il devrait également garantir aux individus placés en garde à vue le droit de voir un avocat dès les premières heures de la détention.

50.L’article 37 du Code de procédure pénale prévoit qu’une personne arrêtée doit être traduite en justice dans les délais prescrits par la loi. En cas de non-observation de cette règle, le fonctionnaire de police chargé de l’enquête est tenu de faire rapport sur l’arrestation en expliquant les raisons du retard de comparution. Cependant, aucune disposition ne précise quand un prévenu peut contacter un avocat ou les membres de sa famille. En pratique, le droit de contacter un avocat ou un parent dès les premières heures de la détention est difficilement applicable en raison principalement de la médiocrité des infrastructures dans les postes de police et des conditions socioéconomiques des personnes arrêtées. Lorsque les postes sont munis de téléphones, le droit de faire un appel est garanti à la personne détenue. Les personnes interpellées peuvent à présent exercer plus facilement ce droit du fait qu’un grand nombre d’entre elles possèdent aujourd’hui un téléphone portable et qu’elles sont habituellement autorisées à l’utiliser en présence d’un policier pour contacter des personnes de leur choix avant leur incarcération.

51.Pour appliquer cette disposition, les juges kényens font preuve de fermeté dans les affaires où les prévenus ne sont pas traduits devant les tribunaux dans les délais impartis. Dans ce cas de figure, lorsqu’aucune explication valable n’est fournie, l’accusé est acquitté même si des preuves incontestables ont été réunies contre lui. Par exemple, dans l’affaire Albanas Mwasia Mutua v. Republic , CR 120/04, la Cour d’appel a acquitté une personne soupçonnée de vol avec violence qui avait passé huit mois en détention provisoire avant sa comparution devant le tribunal. La Cour d’appel a considéré qu’il s’agissait là d’une violation de l’article 72 b) de la Constitution qui exige que l’auteur d’une infraction passible de la peine capitale doit être traduit en justice dans les 14 jours qui suivent son arrestation.

Recommandation no 19

L’État partie doit garantir aux détenus le droit d’être traités avec humanité, dans le respect de leur dignité, et en particulier leur droit de vivre dans des conditions satisfaisantes d’hygiène et de bénéficier de soins de santé et d’une alimentation suffisante. Il conviendrait qu’il donne dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures prises pour remédier au surpeuplement des établissements pénitentiaires.

52.Depuis l’examen par le Comité de son deuxième rapport périodique, le Gouvernement du Kenya a réorganisé l’administration pénitentiaire en mettant en place des programmes stratégiques axés sur les droits de l’homme et visant à promouvoir des pratiques démocratiques et de bonne gouvernance dans la gestion des établissements pénitentiaires. Ces programmes ont pour principal objectif de créer un environnement permettant de garantir la sécurité des détenus et du personnel pénitentiaire et d’humaniser les conditions de détention.

53.En ce qui concerne la révision de la législation, la loi sur les établissements pénitentiaire (art. 90) a été modifiée et le nouveau projet de loi est en cours de publication. Des dispositions ont également été prises pour réviser la loi sur les maisons de redressement (art. 92) et la mettre en conformité avec la loi sur les enfants, de façon à mieux appréhender les besoins et les difficultés des jeunes détenus.

54.Le gouvernement a également lancé des programmes de restructuration des établissements pénitentiaires (travaux de génie civil et modernisation des infrastructures de plusieurs prisons du pays) pour améliorer les conditions de détention et résoudre le problème du surpeuplement carcéral. Des bâtiments supplémentaires sont actuellement construits pour accueillir les prisonniers et les installations existantes sont en cours de rénovation. Le gouvernement s’efforce de construire de nouveaux établissements pénitentiaires dans les districts récemment créés, notamment Vihiga, Mutomo, Chuka, Rachuonyo, Nyamira, Mwingi et Makueni. Ces nouvelles installations permettront d’humaniser les conditions générales de détention en offrant davantage d’espace aux détenus.

55.Pour alimenter en eau toutes les prisons du pays et assurer l’accès à l’eau potable des prisonniers et du personnel pénitentiaire, des travaux - forage et mise en place de stations d’épuration - sont entrepris de façon continue. Ces travaux qui ont permis dans une large mesure de lutter contre les pénuries et les problèmes sanitaires permanents auxquels les établissements sont confrontés ont eu pour effet de limiter la propagation des maladies véhiculées par l’eau qui étaient auparavant très fréquentes. Des travaux visant à améliorer les systèmes d’assainissement sont également en cours et des toilettes à chasse d’eau ont été installées pour remplacer les latrines à fosse et les latrines à ciel ouvert dans certaines prisons.

56.Dans le cadre du programme de réformes dans le secteur de la gouvernance, de la justice et de l’ordre public (GJLOs), le gouvernement a modernisé, en collaboration avec des partenaires de développement, le système de transport pénitentiaire qui permet désormais de transférer rapidement et dans des conditions décentes les détenus vers les tribunaux, les hôpitaux et les services administratifs. La Commission nationale des droits de l’homme du Kenya, des membres de la société civile et d’autres parties concernées ont également pu, dans le cadre de ce programme, se rendre dans les établissements pénitentiaires à des fins d’inspection.

57.Afin que les détenus, le personnel pénitentiaire et les communautés avoisinantes puissent accéder à des soins de qualité, le gouvernement a pris des mesures pour moderniser les centres de soin et les dispensaires des prisons pour en faire de véritables hôpitaux afin de mieux pourvoir ces établissement en équipements médicaux et kits de soins. En outre, l’administration pénitentiaire a entrepris de recruter du personnel médical qualifié afin que les détenus et les gardiens puissent bénéficier rapidement de soins médicaux adéquats.

Recommandation no 21

L’État partie devrait veiller à ce que tous les individus inculpés dans une quelconque procédure pénale bénéficient d’une aide judiciaire lorsque les intérêts de la justice l’exigent. Il faudrait s’employer activement à développer, comme cela est envisagé, le système d’aide juridictionnelle.

58.Les personnes qui recourent au système juridique kényen se heurtent à d’immenses difficultés dues à la nature même du système et au fait que les citoyens ne disposent pas d’un bagage suffisant pour en comprendre les procédures. Le droit est rédigé dans une langue technique peu compréhensible et les codes et recueils de lois sont difficilement accessibles. Les institutions judiciaires sont, quant à elles, physiquement éloignées de la majorité des Kényens. Le système judiciaire traite tous les citoyens sur un pied d’égalité sans considération de leur statut social mais il est solennel et intimidant. Il emploie des procédures complexes que les citoyens ne peuvent comprendre et auxquelles ils ne peuvent accéder, d’autant que ledit système ne tente pas de minimiser les effets des facteurs précités.

59.Ces difficultés sont également dues à l’insuffisance ou à l’inadéquation des ressources, à l’analphabétisme des citoyens, à leur faible connaissance du droit, à leur attitude négative envers les institutions et enfin à la marginalisation de certaines catégories de la population - notamment les femmes, les enfants et les personnes handicapées - par une législation, des procédures légales et des pratiques institutionnelles ou sociales indifférentes à leur condition. De plus, les avocats qui sont censés aider les citoyens à utiliser efficacement les institutions vivent dans les centres urbains les plus importants et leurs honoraires sont élevés.

60.L’État a réorienté sa politique dans le domaine de la justice. Il met notamment l’accent sur le fait que l’accès à la justice est un droit fondamental et que l’offre de mécanismes de résolution des différends abordables, accessibles, efficaces, pratiques et équitables est essentielle pour combattre la pauvreté et promouvoir un développement économique durable. Depuis 2001, de nombreux documents d’orientation reconnaissent l’importance de l’aide et de la sensibilisation judiciaires dans le cadre du processus de développement au Kenya. Le document de stratégie de réduction de la pauvreté au Kenya pour 2001-2004 fait observer que « les communautés et les plus démunis considèrent que le manque d’accès à des services juridiques et judiciaires financièrement abordables et socialement responsables est une question cruciale qui doit être traitée par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Ce sont les pauvres qui souffrent le plus des carences, de l’irresponsabilité et de l’indifférence des systèmes juridiques et judiciaires ». Le document reconnaît que l’accès à des services juridiques adéquats et de qualité permet de lutter efficacement contre les violations des droits de l’homme et notamment contre celles dont sont victimes les catégories sociales défavorisées. Il conclut que « la facilité d’accès à des services juridiques et judiciaires efficaces, rapides et peu coûteux a pour effet de promouvoir une culture de respect des lois qui est une condition essentielle du développement social, politique et économique… Le bon fonctionnement de la justice est un outil fondamental de lutte contre la pauvreté dans la mesure où il crée un environnement favorable à l’investissement ». Le programme d’investissement de la stratégie de redressement économique pour la création de richesses et d’emplois (2003-2007), les stratégies à moyen terme (2005/2006 à 2008/2009) du Programme de réforme de la gouvernance, de la justice et du secteur du maintien de l’ordre (GJLOS), ainsi que Vision 2030 mettent en avant le lien existant entre accès à la justice et développement durable.

61.En conséquence, le gouvernement a pleinement mis en œuvre un programme national censé fournir notamment aux personnes démunies, marginalisées et vulnérables des conseils juridiques, une aide juridictionnelle, une information sur leurs droits et des moyens d’être représentées. Le Comité directeur national pour l’aide juridictionnelle et une meilleure information sur les droits a été constitué en novembre 2007 pour superviser, coordonner et contrôler la mise en œuvre du programme dans son ensemble. Le Comité oriente le programme, élabore des directives et des réglementations et facilite la mise en place de programmes destinés à permettre un accès généralisé à la justice.

62.Dans le cadre de ce programme, les projets suivants sont actuellement mis en œuvre à titre expérimental:

une division des affaires familiales (Haute Cour de Nairobi);

un centre de consultations juridiques (Université de Moi (Eldoret)):

un tribunal pour enfants (Nairobi):

un tribunal pour mineurs (Nakuru);

un service d’assistance juridique (Madiany); et

un projet relatif aux crimes entraînant la peine de mort (Mombasa).

Après une phase pilote, le programme sera évalué pour être étendu à tout le pays.

Recommandation no 22

L’État partie devrait élaborer des politiques et procédures transparentes concernant les expulsions et veiller à ce qu’il n’y soit pas procédé sans que les intéressés aient été consultés et que des arrangements appropriés aient été prévus en vue de leur réinstallation.

63.L’accès à un logement convenable demeure un problème majeur au Kenya. Entre 60 et 80 % des habitants des centres urbains les plus importants du pays, à savoir Nairobi, Mombasa et Kisumu, vivent dans des implantations spontanées sans statut d’occupation et courent en permanence le risque d’être expulsés et de se retrouver sans domicile. Compte tenu de la croissance actuelle de la population, on estime que le nombre de personnes vivant à Nairobi dans ce type d’implantations doublera pendant les 15 prochaines années. Le gouvernement procède par intermittence à des expulsions dans diverses zones d’habitat précaire principalement pour des raisons de sécurité ou liées à la protection de l’environnement. La plupart de ces zones d’habitat précaire sont situées au bord des fleuves ou le long des voies ferrées, ce qui met en grand danger leurs habitants et menace l’environnement dans son ensemble.

64.La nouvelle politique foncière approuvée par le Parlement en 2009 recommande d’élaborer des directives pour contrôler les expulsions et les implantations. Un groupe de travail gouvernemental a été créé pour élaborer ces directives et a déjà commencé à mettre en œuvre cette politique. De plus, le gouvernement a élaboré une politique nationale des droits de l’homme dans laquelle il s’engage à prendre les mesures suivantes pour renforcer le droit au logement:

reconnaissance du droit au logement et mise à disposition des moyens nécessaires à cet effet;

mise en œuvre de la politique du logement, respect des droits de l’homme et élaboration d’une législation appropriée;

rénovation des logements dans toutes les zones d’habitat précaire; et

création d’un dispositif économique et financier qui permette plus facilement aux personnes à faible revenu et à celles vivant dans des zones d’habitat précaire de bénéficier du droit au logement.

65.Pour assurer le droit au logement, le gouvernement a créé un ministère du logement spécialement chargé d’améliorer l’exécution des programmes, mis au point une politique nationale du logement et adopté un document de session sur ce sujet en vue de préparer un projet de loi national sur le logement. En outre, des travaux de rénovation des logements précaires sont en cours dans le cadre du Programme national d’amélioration des conditions de logements dans les zones d’habitat précaire (KENSUP).

Recommandation no 23

L’État partie devrait garantir le droit de réunion pacifique et n’imposer que les restrictions nécessaires dans une société démocratique.

66.Cette question sera traitée dans le chapitre consacré à l’article 21.

Recommandation no 24

L’État partie est instamment invité à relever l’âge minimum de la responsabilité pénale.

67.Le Gouvernement du Kenya, par le biais de la Commission nationale de réforme du droit, a entrepris de réviser la loi sur les enfants de 2001. Cette révision a entre autres objectifs, celui de relever l’âge minimum de la responsabilité pénale pour aligner le droit interne en la matière sur les normes internationales correspondantes.

Recommandation no 25

L’État partie devrait adopter une législation spécifique réprimant la traite des êtres humains et prévoyant la protection des droits fondamentaux des victimes, et veiller à ce que des enquêtes soient diligemment menées sur les affaires de traite qui doivent donner lieu à des poursuites. Il devrait également veiller à ce que le gouvernement, à tous les niveaux, s’implique dans une politique visant l’élimination de la traite et la fourniture d’une assistance aux victimes.

68.Le Gouvernement du Kenya a fourni des efforts méritoires pour se conformer aux normes minimales relatives à l’élimination de la traite, laquelle a été reconnue comme constituant une forme moderne d’esclavage. De nombreux efforts ont été consentis pour mener des enquêtes sur les cas de traite, protéger les victimes de ces actes criminels et sensibiliser le public sur la question.

69.Bien que le Kenya n’interdise pas toutes les formes de traite, la traite des enfants et des adultes à des fins d’exploitation sexuelle est une infraction pénale aux termes de la loi sur les délits sexuels de 2006. La loi prévoit des peines suffisamment sévères et proportionnées à celles prononcées en cas de viol. La loi sur l’emploi de 2007 interdit le travail forcé et comporte des dispositions supplémentaires réprimant la traite à des fins d’exploitation par le travail. La police kényenne collabore de plus en plus avec INTERPOL pour enquêter sur des cas présumés de traite dont seraient victimes des ressortissants kényens à l’étranger. Afin de lutter plus efficacement contre ce phénomène, le Ministère de l’intérieur recueille des informations sur les cas de traite auprès de la police, des médias, des gouvernements étrangers et de l’ONUDC.

70.Depuis le dernier rapport, des mesures ont été prises pour renforcer les services de protection offerts aux victimes de la traite. Ces mesures sont les suivantes:

soustraction des victimes de la traite aux réseaux qui les exploitent et placement de ces dernières dans des centres d’hébergement;

orientation des Kenyans victimes de la traite à l’étranger vers l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) afin que celle-ci puisse leur porter assistance;

création de centres d’hébergement et de réadaptation pour les enfants des rues susceptibles d’être soumis au travail forcé ou d’être victimes de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales; mise en place dans ces foyers de services d’assistance aux enfants exploités par l’industrie sexuelle; création d’un foyer de réadaptation à Mombasa permettant d’accueillir et de protéger les victimes de la traite et de leur fournir un appui psychosocial avant leur réinsertion dans leurs communautés d’origine;

mise en place d’un service gratuit d’assistance téléphonique permettant aux adultes et aux enfants de signaler les cas de traite, de travail forcé et de violences sexuelles;

recrutement d’agents chargés de la protection de l’enfance et formation de ces derniers dans tous les domaines pertinents au regard de leurs fonctions tels que les techniques d’enquêtes, la prise en charge psychologique des victimes et leur suivi;

mise en place à l’intention des fonctionnaires des services diplomatiques d’un forum de sensibilisation les informant qu’ils doivent assister les Kényens poursuivis dans des affaires de traite et veiller à ce qu’ils ne soient pas incarcérés ou autrement sanctionnés pour avoir commis des actes illégaux découlant directement de la contrainte exercée à leur encontre.

71.Depuis la soumission du dernier rapport, des progrès significatifs ont été accomplis dans le domaine de la lutte contre la traite et de la sensibilisation du public sur les dangers de cette pratique. Les mesures suivantes ont été prises:

déclarations publiques des dirigeants politiques du pays au cours de campagnes de sensibilisation, notamment pendant la Journée de l’enfant africain;

diffusion d’informations par les médias kényens, notamment l’Office national de radiodiffusion, sur des cas présumés de traite;

création d’un comité directeur national de lutte contre la traite en juillet 2007;

lancement de campagnes agressives de sensibilisation dans les hôtels et auprès des voyagistes sur les dangers de la prostitution infantile et du tourisme sexuel visant notamment à leur faire signer le Code de conduite contre la prostitution des enfants.

72.Le 22 juin 2010, le Parlement a donné son approbation préalable au projet de loi de 2010 sur la lutte contre la traite des êtres humains qui incorporera dans l’ordre juridique interne les protocoles de Palerme (Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée) que le gouvernement a ratifiés. Le projet de loi entend également rendre la législation du Kenya pleinement conforme à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Aux termes de cette nouvelle loi, les délinquants appartenant à des réseaux de traite organisée seront condamnés à la peine capitale et ceux opérant seuls à une peine minimale de 15 ans de prison ou à une amende minimale de cinq millions de shillings kényens (62000 dollars E.-U.) et à la peine de mort en cas de récidive. En vertu de la loi, les tribunaux seront également habilités à ordonner le versement aux victimes d’une réparation financière pour leurs frais de subsistance, leurs frais de prise en charge médicale et psychologique ou, à défaut, d’un « juste dédommagement » au titre du préjudice subi. Les victimes seront également exemptées de toutes poursuites au cas où elles auraient commis des actes illégaux découlant directement de la contrainte exercée à leur encontre et le gouvernement sera tenu de créer pour les victimes de la traite un Fonds national d’assistance qui sera financé par les saisies opérées sur les trafiquants.

Recommandation no 26

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour réduire sinon éliminer le travail des enfants.

73.Le travail des enfants continue d’entraver la marche du Kenya vers le développement et a un impact considérable sur la vie des enfants, des familles, que ce soit à l’échelon local ou national. On le rencontre sur tout le territoire, zones rurales et urbaines confondues. Le rapport analytique sur le travail des enfants 2008 montre qu’en 2006, sur un total de 1,01 million d’enfants travailleurs, 909 323 (89,8 %) vivaient dans les zones rurales et 102 861 (10,2 %) dans les zones urbaines. Si l’on considère le travail des enfants sous l’angle de sa ventilation, il y avait davantage d’enfants de 15 à 17 ans qui travaillaient que d’enfants de 10 à 14 ans et de cinq à neuf ans (47,8 % contre 36,4 et 15,8 % respectivement). Les enfants au travail représentaient 7,9 % de l’ensemble des enfants âgés de 5 à 17 ans. Les provinces les plus fortement touchées par le travail des enfants étaient la province centrale (10,2 %), la Rift Valley (10,2 %) et la province orientale (9,1 %). Dans la province occidentale et la province de Nyanza ces pourcentages s’élevaient respectivement à 7,7 % et à 6,5 %. Les provinces les moins touchées étaient la province du nord-est (4,1 %) la province côtière (3,5 %) et Nairobi (2 %).

74.Le secteur de l’agriculture est majoritairement concerné par le travail des enfants (79,5% des enfants travailleurs). Les autres secteurs touchés sont l’industrie des services (services sociaux, à la communauté et à la personne (11,8 % des enfants travailleurs)) et le secteur commercial (4,2%). Cette étude confirme les travaux de l’enquête intégrée sur la population active selon laquelle la majorité des enfants au travail se trouvaient dans le commerce, l’agriculture de subsistance, la pêche et les services domestiques. Des études plus tardives ont également montré une progression du travail des enfants dans les plantations de khat, l’extraction de sable, les mines, les carrières, les activités de colportage, le ramassage des ordures, les transports, le travail domestique, le bâtiment et le commerce sexuel.

75.L’absence de données complètes et actualisées sur la nature et l’ampleur du phénomène ont conduit à prendre des mesures incohérentes. De plus, les effets persistants des facteurs liés au travail des enfants comme la pauvreté, le nombre croissant d’orphelins dont les parents sont décédés du VIH/sida, le haut niveau de chômage et les possibilités réduites en matière d’activités génératrices de revenu aggravent le problème. Le gouvernement s’est efforcé de faire reculer le travail des enfants en mettant en place des politiques ciblées, entre autres, sur l’éducation, la jeunesse, les orphelins et les enfants vulnérables mais sans les intégrer dans un cadre cohérent. En raison du manque de coordination de l’approche adoptée et d’une mise en œuvre inefficace, ces mesures ont créé plus de difficultés qu’elles n’en ont résolu et seuls de maigres résultats ont été obtenus.

76.Pour résoudre ce problème de coordination, le gouvernement a élaboré une politique nationale de lutte contre le travail des enfants qui entend protéger l’ensemble des enfants du Kenya contre toutes les formes dangereuses de travail et permettre aux enfants de s’épanouir physiquement, psychologiquement et socialement. Conformément aux instruments internationaux sur le travail des enfants, cette politique accorde la priorité aux mineurs exposés aux pires formes de travail des enfants afin de répondre aux besoins de protection les plus urgents. Les politiques ciblant les enfants qui sont déjà assujettis au travail sont également fondamentales pour éviter que la plupart d’entre eux atteignent l’âge adulte dans des conditions défavorables en étant traumatisés physiquement ou psychologiquement par des expériences de travail précoces. La politique nationale de lutte contre le travail des enfants souligne que des interventions directes doivent être mises en place pour recenser et secourir les enfants exposés à des formes de travail qui menacent directement leur santé et leur sécurité ou bafouent leurs droits fondamentaux.

77.La politique nationale de lutte contre le travail des enfants entend prendre des mesures stratégiques de prévention et de protection. En premier lieu, le nombre d’enfants susceptibles d’être un jour contraints de travailler est très élevé et il convient de prendre des mesures de protection pour limiter cette éventualité. En deuxième lieu, des mesures préventives sont nécessaires pour réduire le nombre d’enfants travailleurs, soustraire ces derniers au travail, faciliter leur réadaptation et leur réinsertion et éviter qu’ils ne retombent dans le même piège. Le gouvernement estime que tout enfant a le droit d’être protégé mais reconnaît que les « enfants en situation difficile » sont plus vulnérables que d’autres et requièrent une attention particulière. Il faut non seulement fournir un environnement sûr à ces enfants mais il est également impératif de s’assurer que tous les autres enfants restent protégés. La protection des enfants est intimement liée aux autres droits des enfants. Par exemple, les objectifs du Millénaire pour le développement ne peuvent être atteints que si la protection de l’enfance fait partie intégrante des plans et stratégies de programmation.

78.Depuis le dernier rapport, le Kenya a accompli de grands progrès sur la voie d’une meilleure protection des enfants contre l’exploitation et les conditions de travail inhumaines. La nouvelle loi sur l’emploi adoptée en 2008 comporte des dispositions détaillées interdisant les pires formes de travail des enfants. Elle les définit de la façon suivante: esclavage ou pratiques similaires à l’esclavage, vente ou traite d’enfants, prostitution des enfants et pornographie impliquant des enfants, implication d’enfants dans des activités illicites, notamment la production et le trafic de drogue, et travail susceptible de porter préjudice à la santé, à la sécurité ou à la moralité d’un enfant. La loi prévoit également de lourdes peines pour les employeurs qui enfreignent ces règles. La loi autorise cependant l’emploi des enfants âgés de 13 à 16 ans à des travaux légers et définit quel type d’activités peuvent exercer les jeunes de 16 à 18 ans.

79.L’article 10 de la loi sur les enfants protège les enfants « du travail des enfants, de l’exploitation économique et des travaux dangereux ». La loi définit les travaux dangereux pour les enfants de la manière suivante: pêche en haute mer et sur les lacs, ramassage des ordures, mendicité, fabrication de paniers et de tapis, extraction minière, concassage, extraction de sable, récolte du khat, fabrication de briques, activités domestiques pour des ménages tiers, travail dans des verreries ou des tanneries, participation à des conflits armés internes, travaux agricoles, travail dans les transports, le bâtiment ou les entreprises industrielles, et travail dans les fabriques d’allumettes et de feux d’artifice.

80.La loi sur les enfants interdit également le recrutement des enfants de moins de 18 ans dans l’armée et tient le gouvernement responsable de la protection, de la réadaptation et de la réinsertion dans la société des enfants impliqués dans des conflits armés. Cependant la loi sur les forces armées autorise le recrutement des enfants de moins de 18 ans munis de l’autorisation d’un parent, d’un tuteur ou d’un commissaire de district.

81.La loi de 2007 sur la santé et la sécurité au travail interdit d’employer les enfants dans des lieux de travail dangereux pour leur santé et encourage les employeurs à fixer pour leurs entreprises des objectifs de sécurité atteignables.

82.L’introduction en 2003 par le gouvernement de l’éducation primaire obligatoire et gratuite a permis de réduire l’ampleur du travail des enfants au Kenya. La loi sur les enfants sanctionne sévèrement toute personne qui porte atteinte au droit à l’éducation et veille à ce que le plus grand nombre d’enfants soit scolarisé et n’exerce aucune activité professionnelle.

83.En 2008, le gouvernement a renforcé son programme de transferts en espèces pour les orphelins et les enfants vulnérables afin de couvrir 25 000 enfants dans 17 districts. Le programme alloue des aides financières mensuelles aux familles des enfants travailleurs pour les aider à couvrir leurs besoins essentiels, y compris les frais de scolarisation des enfants, et faire en sorte qu’elles ne soient pas contraintes de faire travailler leur progéniture. Les familles ne reçoivent cette aide financière que si elles envoient leurs enfants à l’école.

84.En partenariat avec une organisation de la société civile, le Ministère de la condition féminine, de l’enfance et du développement social a mis en place en mai 2008 à l’échelon national une permanence téléphonique gratuite destinée aux enfants ayant besoin d’aide. Ce service d’assistance fournit des conseils aux enfants et les oriente, si nécessaire, vers des organisations de prévention et de lutte contre le travail et la prostitution des enfants.

85.Pour renforcer les mesures prises, le Ministère du travail crée actuellement dans la plupart des districts des comités de lutte contre le travail des enfants. Ces comités de district dont la composition est très diversifiée regroupent des syndicalistes, des membres des organisations de la société civile et des organisations confessionnelles, des fonctionnaires des ministères et des départements ministériels, et des travailleurs et entrepreneurs du secteur privé. Le ministère travaillant avec l’Organisation internationale du travail est également en train de mettre au point un manuel de formation visant à harmoniser et à unifier la formation des membres de ces comités de district.

Recommandation no 27

Il est instamment demandé à l’État partie d’abroger l’article 162 du Code pénal.

86.Le Kenya ne peut à ce stade dépénaliser les unions entre personnes du même sexe car de tels actes sont considérés par les Kényens comme tabous et contraires à l’ordre de la nature et aux valeurs culturelles et morales nationales. La population intervient fréquemment auprès de la Commission d’experts pour lui demander de ne pas intégrer le droit à l’homosexualité dans la nouvelle constitution. Il doit cependant être rappelé que le gouvernement traite chacun sur un pied d’égalité sans opérer de discrimination et que nul n’est contraint par la loi de faire état de son orientation sexuelle dans quelque circonstance que ce soit.

IV.Autres mesures prises depuis le dernier rapport

87.Cette partie du rapport rend compte des mesures judiciaires, législatives administratives et autres que le gouvernement a prises pour se conformer à la Convention ainsi que des difficultés qu’il a rencontrées dans la mise en application des autres dispositions de la Convention qui ne faisaient pas l’objet de recommandations dans le cadre du dernier rapport. Elle décrit également les stratégies en cours d’élaboration ou actuellement appliquées pour remédier aux lacunes existantes. Lorsqu’aucune nouvelle mesure n’a été prise, le rapport le précise.

Article premier

Tous les peuples ont droit à l’autodétermination

88.Aucune nouvelle mesure n’a été prise au titre de cet article.

Article 2

Non-discrimination

89.Le gouvernement du Kenya s’attache à éradiquer toutes les formes de discrimination et à élaborer des mesures législatives, administratives et politiques qui luttent avec efficacité contre la discrimination, les comportements anti-ethniques et l’intolérance qui en découle.

90.Il est admis que la pauvreté, les déséquilibres économiques, les divisions ethno-politiques, la corruption et les injustices historiques sont des facteurs qui ont contribué à l’instauration d’une société inégalitaire du point de vue économique et social. En raison de cette situation, une grande partie de la population a aujourd’hui le sentiment de ne pas être traitée sur un pied d’égalité et d’être marginalisée, ce qui engendre des tensions sociales et interethniques. Les violences qui ont frappé le pays après les élections de 2008 sont largement considérées comme étant la conséquence directe de ces tensions.

91.Conscient que le développement dépend étroitement de la paix, de la stabilité et de la sécurité dans le pays, le gouvernement de coalition a en conséquence adopté des lois , des politiques et des programmes visant d’une part, à lutter contre les inégalités économiques, historiques et de développement entre les régions ou au sein de la société et d’autre part, à apaiser les conflits ethniques qui en résultent. Ces mesures sont censées veiller à ce que les ressources publiques soient, sous réserve que la géographie le permette, équitablement réparties entre les populations, compte tenu de leur niveau respectif de pauvreté. La loi dispose que tout fonctionnaire est tenu de répartir équitablement les ressources entre les ethnies et que nul ne peut privilégier une personne aux dépens d’une autre dans les opérations ayant trait à la mise à disposition, à la gestion, à la vente ou à la location de biens publics destinés à l’ensemble de la population.

92.Le projet de nouvelle constitution prend en compte la volonté du gouvernement et des Kényens d’interdire la discrimination et de lutter contre l’exclusion. Il donne une acception très large de la discrimination en déclarant que « Nul ne fera l’objet de la part de l’État d’une quelconque discrimination directe ou indirecte, pour quelque motif que ce soit – race, sexe, grossesse, situation matrimoniale, état de santé, origine ethnique ou sociale, couleur de peau, âge, handicap, religion, conscience, croyance, culture, tenue vestimentaire, langue ou naissance ». La Constitution ne se limite pas à cet aspect puisqu’elle prévoit que des dispositions doivent être prises pour mettre en place des programmes et des politiques d’action positive en faveur de personnes ou de groupes défavorisés ayant été victimes ou non de discriminations dans le passé.

Loi de 2008 sur la cohésion nationale et l’intégration

93.La loi de 2008 sur la cohésion nationale et l’intégration traite de l’élimination de la discrimination ethnique et de ses effets. Elle entend promouvoir l’égalité et des relations harmonieuses dans la société et définit les mesures qui doivent être prises pour régler les questions liées à la discrimination ethnique. Elle stipule en outre que les organismes publics ne doivent pas recruter plus d’un tiers de leurs employés au sein d’une même communauté.

94.La loi met en place la Commission nationale pour la cohésion et l’intégration qui est chargée de contrôler sa mise en œuvre. La commission facilite et promeut l’égalité des chances, les bonnes relations et la coexistence pacifique et harmonieuse entre les personnes appartenant aux différentes communautés ethniques et raciales du Kenya. À cet effet, la loi dispose que tous les organismes publics doivent chercher à diversifier la représentation ethnique de leur personnel et leur interdit de recruter plus d’un tiers de leurs employés dans une seule tribu. Un employeur n’a pas le droit d’avoir un comportement discriminatoire en matière de recrutement, de licenciement et de conditions d’emploi offertes au personnel. Il lui est également interdit d’écarter ou de défavoriser une personne sur la base de son affiliation syndicale et de priver, en raison de son appartenance ethnique, une personne des services et des avantages auxquels elle a droit.

95.La loi réprime en outre les discours ou déclarations visant à susciter l’hostilité entre les ethnies. Elle interdit également aux médias de publier des déclarations destinées à susciter des sentiments d’animosité fondés sur l’appartenance ethnique ou raciale.

Loi sur l’emploi

96.La loi n° 11 de 2007 sur l’emploi comporte des dispositions détaillées visant à protéger les personnes de toute discrimination en matière d’emploi. Elle interdit toute discrimination en matière d’emploi et prend à cet égard des dispositions dans les trois domaines suivants: i) promotion de l’égalité des chances dans l’emploi; ii) élimination de la discrimination dans toute politique de l’emploi ou pratique de recrutement, et interdiction dans ce cadre de toute approche consistant à écarter des candidats potentiels sur la base de critères tels que la race, la couleur, le sexe, l’origine ethnique, le statut sérologique au regard du VIH, le handicap et la grossesse; et iii) versement d’une rémunération égale pour une travail de valeur égale (article 5 de la loi sur l’emploi de 2007). La loi charge en outre le Ministre du travail de promouvoir et de garantir l’égalité des chances dans l’emploi pour toutes les personnes y compris les travailleurs migrants et les membres de leurs familles qui vivent légalement dans le pays.

Loi de 2007 sur l’égalité des chances

97.Ce projet de loi a été rédigé et publié. Une fois adoptée, cette loi permettra de promouvoir l’égalité des chances, interdira la discrimination et donnera aux personnes victimes de discrimination les moyens d’obtenir réparation.

Loi sur les partis politiques

98.La loi sur les partis politiques qui a été adoptée en 2007 interdit d’enregistrer un parti qui se fonde, entre autres, sur l’appartenance ethnique et utilise un langage, des slogans, des emblèmes ou des symboles visant à susciter des tensions et des divisions fondées sur l’ethnie, l’âge, la race, l’appartenance ou l’origine tribale ou régionale, le sexe, la langue, l’affiliation syndicale, la profession ou la religion. Elle interdit également l’enregistrement d’un parti dont les statuts ou l’éthique opérationnelle prévoient, d’une quelconque manière, l’emploi de pratiques discriminatoires contraires aux dispositions de la Constitution ou de toute autre loi écrite.

Loi sur les personnes handicapées

99.Le Kenya a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées en mai 2008. La loi sur les personnes handicapées est en cours d’examen pour veiller à ce que les dispositions de la Convention soient pleinement intégrées dans l’ordre juridique interne. Le Conseil national chargé des personnes handicapées qui est pleinement opérationnel est chargé de veiller au respect des obligations que le Kenya a signées au titre de la Convention. Le Conseil a également pour mission de veiller à ce que le Fonds national pour les personnes handicapées du Kenya, un fonds de dotation créé en vertu de l’article 164 de la loi sur la succession perpétuelle (Lois du Kenya) utilise ses revenus pour venir en aide aux personnes handicapées du pays.

100.Plusieurs autres politiques visent à assurer la protection d’autres groupes vulnérables notamment le projet de politique nationale sur les personnes âgées et le vieillissement de la population et le projet de politique nationale sur la protection sociale qui sont en instance d’adoption par le Conseil des ministres.

Politique nationale de réforme du régime foncier

101.Conscient que la question de la répartition des terres est la principale source de conflits et de tensions entre les ethnies, le Parlement a approuvé la politique nationale de réforme du régime foncier en décembre 2009. Cette politique met en place un cadre systématique permettant de gérer et d’administrer les terres et leurs ressources au Kenya. On estime que cette politique permettra aux communautés d’entretenir des relations réciproques sans se sentir défavorisées ou marginalisées. Cette politique entend notamment: reconnaître les groupes marginalisés, les implantations spontanées et les petites communautés comme les Ogieks; harmoniser les lois foncières pour garantir une administration des terres plus efficace; réintégrer dans le domaine public des terres qui avaient été jusqu’alors attribuées à des personnes privées et élaborer un plan-cadre d’utilisation des terres permettant d’exploiter de manière optimale les ressources foncières.

Programme de stimulation économique 2009

102.Le Programme de stimulation économique a été mis en œuvre par le gouvernement en 2009. Il s’agit d’un programme de court à moyen terme, très intensif et à fort impact, qui vise à relancer l’économie vers le développement et la croissance à long terme, à consolider les moyens de subsistance des Kényens et à réduire les inégalités entre les régions et entre les générations. Le Programme de stimulation économique est basé sur les principes de « Vision 2030 » et tient compte des préoccupations mondiales en matière de durabilité écologique.

Fonds pour le développement des collectivités

103.Ce fonds qui a été créé en 2003 continue de jouer un rôle important. Il assure un développement équitable et équilibré entre les régions du pays en allouant des fonds publics à des programmes sociaux et d’activités génératrices de revenu. Les opérations de ce fonds sont en permanence examinées pour lutter contre la pauvreté la plus criante dans le cadre de la mise en œuvre de projets communautaires dont les effets à long terme amélioreront le bien-être économique de la population. Le fonds a été renforcé et par son intermédiaire, les collectivités locales reçoivent une partie des recettes annuelles ordinaires de l’État proportionnelle à leur indice de pauvreté.

104.Il est essentiel de relever que le pays est sur le point d’adopter un nouvel ordre constitutionnel qui devrait instaurer un cadre politique, juridique et institutionnel plus solide permettant de promouvoir et de faire respecter les droits de l’homme et l’état de droit, de prévenir la corruption et d’autres formes d’injustice sociale et donc d’éliminer les facteurs d’hostilité interethnique qui ont attisé les violences au lendemain de l’élection. Parmi les valeurs mises en avant et défendues par la nouvelle Constitution figurent la dignité humaine, l’équité, la justice sociale, la non-exclusion, l’égalité, les droits de l’homme, la non-discrimination et la protection des personnes en situation d’exclusion.

105.Dans le cadre de son règlement intérieur adopté en 2008, le 10e Parlement du Kenya a également établi une nouvelle commission parlementaire chargée de l’égalité des chances. Cette commission a pour mission de contrôler et de promouvoir des mesures destinées à renforcer l’égalité et à améliorer la qualité de vie et les conditions sociales de tous les Kényens. Elle conduira des enquêtes et présentera des rapports sur toutes les questions de discrimination et d’exclusion fondées sur l’âge, le sexe, le handicap, l’état de santé, l’origine ou l’appartenance ethnique, raciale, culturelle et religieuse et formulera des propositions, y compris d’ordre législatif, en vue de protéger et de promouvoir le bien-être des groupes et des personnes concernés.

Education supérieure

106.Pour ce qui est des établissements d’éducation supérieure, il existe sept universités publiques établies par des lois du Parlement et 17 universités privées. La discrimination sur la base de l’origine ethnique, de la croyance ou de l’appartenance confessionnelle est interdite par les diverses lois sur les universités publiques. Tous les instruments constitutifs des universités publiques comportent la disposition qui suit: « L’admission à l’université des candidats à des diplômes ou certificats délivrés par l’université est ouverte à toute personne reconnue comme ayant les qualifications requises par le conseil d’administration quelle que soit son origine ethnique, sa croyance ou sa confession. Aucune prescription fondée sur les critères précités ne peut empêcher une personne de poursuivre des études en vue de l’obtention d’un diplôme ou de devenir professeur ou assistant de l’université ou de continuer à exercer de telles fonctions et aucun privilège ne peut être accordé ou avantage retiré à une personne au motif de son origine ethnique, de sa croyance ou de sa confession ».

107.Cependant, la loi sur les universités (chapitre 210 B [1986]) et le Code des universités de 1989 en vertu desquels les universités privées sont autorisées à délivrer des certificats et des diplômes de l’enseignement supérieur ne comportent pas ce type de disposition. De la même manière, la loi sur l’éducation (chapitre 211; Lois du Kenya) n’interdit pas expressément les pratiques discriminatoires dans les établissements privés d’enseignement primaire et secondaire.

Organisations de la société civile

108.L’article 10 c) du Code de conduite des ONG oblige toutes les organisations de la société civile à « assurer à tous l’égalité des chances sans considération de la nationalité, de l’origine ethnique, du sexe, de la religion ou de la croyance ». Ce code est rédigé et appliqué par un conseil - le Conseil des organisations non gouvernementales - qui veille à son application et qui est institué par la loi [art. 23-24 de la loi sur la coordination des ONG]. Le Conseil peut recommander la suspension ou l’annulation du certificat d’enregistrement d’une ONG pour infraction au Code de conduite.

109.Les statuts de certains organismes nationaux imposent à ces derniers d’intégrer au moins un tiers de femmes dans leur personnel. Cela permet d’instaurer l’égalité des chances entre tous les individus, de faciliter l’intégration des principes d’égalité et de non-discrimination et de contrôler la mise en œuvre des mécanismes garantissant la non-discrimination. Ces organismes sont notamment les suivants: la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya, la Commission nationale sur l’égalité des sexes et le développement, le Conseil national chargé des personnes handicapées et le Conseil national de lutte contre le sida.

Accès à la justice et à l’administration de la justice

110.Étant donné que l’ancien gouvernement a lancé des réformes institutionnelles et juridiques substantielles et de vaste portée visant à renforcer l’accès à la justice des plus démunis, des personnes marginalisées et des personnes vulnérables, le gouvernement s’est engagé dans Vision 2030 à poursuivre les mêmes objectifs et à garantir l’égalité de tous devant les tribunaux. Les réformes suivantes ont notamment été engagées:

Mise en place en septembre 2008 sous l’autorité du Ministère de la justice, de la cohésion nationale et des affaires constitutionnelles du programme d’aide juridictionnelle et d’information sur les droits (examiné plus haut au paragr. 61).

Création de tribunaux supplémentaires et de plus de 50 salles d’audience à Nairobi.

À l’heure actuelle, la Cour d’appel siège aussi dans d’autres grandes villes et les magistrats de la Haute Cour se rendent également dans d’autres villes pour éviter que les Kényens n’accomplissent de trop longues distances pour accéder à la justice.

Le corps judiciaire

111.Le gouvernement a pris plusieurs mesures visant à permettre aux personnes dont les droits garantis par le Pacte ont été lésés d’obtenir réparation.

La pratique et les règles de procédure de la Haute Cour figurant dans la Constitution du Kenya (Juridiction suprême et protection des droits fondamentaux et des libertés de l’individu), prévoient qu’en cas de violation alléguée ou démontrée de tout droit humain et liberté fondamentale protégé par les articles 70 à 83 compris de la Constitution, une requête peut être adressée directement à la Haute Cour. Ces règles renforcent la capacité des personnes à faire respecter leurs droits fondamentaux et libertés individuelles en explicitant la procédure qui, en vertu de l’article 84 de la Constitution, doit être engagée pour saisir la Haute Cour.

112.Un groupe de travail créé en 2009 pour réformer le système judiciaire a formulé des recommandations de nature très diverse en vue d’instaurer une justice indépendante et efficace. Une fois mises en œuvre, ces recommandations favoriseront la mise en place de normes élevées en matière de conduite et de discipline au sein de la magistrature, permettront de diminuer le nombre d’affaires en attente de jugement et les retards de procédure, d’améliorer les résultats de l’institution et de responsabiliser cette dernière, et enfin, d’accélérer le cours de la justice et de rendre le système plus efficace. Le groupe de travail a recommandé de porter le nombre des magistrats de la Cour d’appel à 30 et celui de la Haute Cour à 120.

113.La Haute Cour a augmenté le nombre de ses chambres pour traiter rapidement les affaires spécialisées. Par exemple, une chambre spéciale a été établie pour régler les litiges fonciers et les différends en matière d’environnement et pallier aux retards de procédure dans ce domaine. La nouvelle chambre qui est devenue opérationnelle en juillet 2009 prélude à la création d’un tribunal à part entière ayant compétence pour statuer sur ces questions.

114.Le projet de loi sur les tribunaux chargés de statuer sur les créances de faible montant a été publié par le Procureur général. Cette loi entend instituer un tribunal qui se saisirait des plaintes concernant les créances d’un montant n’excédant pas sa compétence en matière financière et statuerait de manière informelle et à peu de frais mais conformément aux principes légaux établis et au droit coutumier.

115.Le Sous-comité pour le règlement extrajudiciaire des différends de la Commission du règlement de la Haute Cour du Kenya a établi en partenariat avec le Chartered Institute of Arbitrators et à titre expérimental un tribunal contraignant les parties en cause à entamer une procédure de conciliation avant d’engager une action en justice.

116.La magistrature a également publié la Charte des parties destinée à mieux faire connaître au public les procédures judiciaires et leurs droits et obligations dans le cadre d’un litige. La Charte fournit dans une langue aisément accessible des informations sur le tribunal, son fonctionnement et les procédures à suivre pour engager une action. De plus, un projet d’informatisation des procédures judiciaires permettant aux avocats, aux juristes et au public de consulter en ligne la législation et la jurisprudence est en cours de réalisation et devrait bientôt être opérationnel.

117.Les autres institutions permettant un règlement simplifié des différends sont les suivantes:

La Commission nationale des droits de l’homme du Kenya – une institution chargée de défendre les droits de l’homme créée par l’État et mise en place en 2002 par une loi du Parlement. La Commission est chargée d’enquêter de sa propre initiative ou à la suite d’une plainte d’une personne ou d’un groupe de personnes sur les violations des droits de l’homme. Le nombre des citoyens et des groupes portant plainte pour violation des droits de l’homme devant la Commission est en augmentation comme en témoignent les chiffres ci-dessous:

a)1er juillet 2004 au 30 juin 2005: 1 796 plaintes;

b)1er juillet 2005 au 30 juin 2006: 2 481 plaintes;

c)1er juillet 2006 au 30 juin 2007: 2 580 plaintes;

d)1er juillet 2007 au 30 juin 2008: 1 465 plaintes;

e)1er juillet 2008 au 30 juin 2009: 1 861 plaintes.

La Commission permanente des plaintes contre l’administration a été établie en 2008 pour enquêter sur les plaintes déposées contre des fonctionnaires et les organismes publics de manière coordonnée. Cette initiative pourrait déboucher sur la création d’un médiateur. Le projet de loi sur le médiateur a été élaboré pour mettre en place le cadre législatif nécessaire à la création d’un Bureau du médiateur qui sera chargé d’instruire les plaintes pour conduite inappropriée ou irrégulière d’une administration publique et sera, à cet effet, doté de davantage de pouvoir que la Commission.

Article 3

Égalité entre hommes et femmes

(Il convient de se reporter au septième rapport périodique du Kenya présenté au titre de la Convention )

118.En s’efforçant de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes, le Kenya se conforme aux obligations qui lui incombent au titre des instruments internationaux des droits de l’homme auxquels il est partie, à savoir, notamment, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

119.Bien que la Constitution du Kenya garantisse l’égalité, certaines formes de discrimination à l’encontre des femmes sont perceptibles dans le domaine du droit de la personne. Les pratiques culturelles et les réalités et situations économiques exercent une pression telle qu’elles empêchent les femmes d’exercer leurs droits humains sur un pied d’égalité avec les hommes. Le domaine dans lequel le droit coutumier désavantage le plus les femmes est celui des droits à la propriété et à l’héritage. Selon le droit coutumier de la plupart des groupes ethniques du Kenya, les femmes ne peuvent hériter de biens fonciers et sont simplement considérées comme des hôtes sur les propriétés appartenant aux hommes auxquels elles sont apparentées par le sang ou le mariage.

120.Dans une certaine mesure, la loi relative aux successions (chapitre 160; Lois du Kenya) tente de rétablir l’équilibre et dispose que les garçons et les filles ont des droits égaux en matière de succession. Cependant, en excluant les propriétés agricoles de son champ d’application, la loi empêche les femmes d’exercer pleinement leurs droits à la propriété dans la mesure où elle permet en substance au droit coutumier qui défavorise les femmes en matière de succession ou d’héritage d’entrer en vigueur.

121.Les personnes de religion musulmane ne sont pas soumises aux dispositions de la loi relative aux successions et peuvent appliquer le droit islamique qui ne prévoit pas l’octroi de parts égales du patrimoine aux filles et aux épouses. Au regard de la loi relative aux successions, les veuves n’ont pas les mêmes droits que les veufs. Par exemple, les droits des veuves sur l’usufruit des biens de leur défunt mari s’éteignent lorsqu’elles se remarient alors que les veufs continuent de jouir de leurs droits sur les biens de leur épouse décédée, qu’ils se remarient ou non. Lorsqu’un adulte célibataire sans enfants décède intestat, la loi relative aux successions stipule que les biens fonciers sont hérités en priorité par le père du défunt, puis par sa mère, puis par ses frères et sœurs.

122.Néanmoins, les tribunaux kényens, comme il a été précisé au paragraphe 21, ont donné une large interprétation des dispositions de cet article pour appliquer les dispositions des conventions internationales en matière de droits des femmes à la propriété. En 2008, la décision prise dans l’affaire relative à l’héritage de Peter Lerionika Ole Ntutu, (cas d’héritage n°1263 de 2000) a été un tournant dans la mesure où elle a reconnu en partie que les enfants de sexe masculin et féminin avaient des droits égaux en matière de propriété. Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel dans le cas Mary Rono v. Jane Rono & William Rono [Appel civil no 66 de 2002]. La Cour d’appel a cité l’article 1 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes afin de justifier l’octroi de parts égales d’héritage aux filles d’un homme polygame (marié selon le droit coutumier), qui était décédé intestat.

123.La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a également été invoquée par la Haute Cour dans l’affaire Ngoka v. Madzomba pour statuer contre la confiscation des droits à héritage des veuves en l’absence de législation nationale spécifique en la matière. La coutume traditionnelle qui contraint une femme à se marier contre sa volonté a été considérée comme injuste, amorale et contraire aux droits humains. Ces décisions ont confirmé qu’en l’absence d’incorporation du droit international dans l’ordre juridique national, les tribunaux sont libres de recourir aux instruments internationaux auxquels le Kenya est partie pour statuer sur les cas dont ils sont saisis. En outre, la Commission nationale de réforme du droit a entrepris de réviser la loi relative aux successions et appelé le public à soumettre des memoranda en faveur d’une prise en compte par le droit de notions modernes allant dans le sens du développement.

124.Les projets de loi sur le mariage (le projet de loi sur les biens matrimoniaux, le projet de loi sur le mariage, le projet de loi sur l’égalité des chances et le projet de loi concernant la protection de la famille (violences domestiques) – qui remontent tous a 2007 – ont été des étapes décisives sur la voie de la reconnaissance et de la protection effectives des droits des femmes et de l’égalité des sexes. Ces projets de loi ont déjà été soumis au Conseil des ministres. Ils prévoient de fusionner toutes les lois existantes sur le mariage, de définir un seul régime matrimonial, de reconnaître les mariages coutumiers qui sont potentiellement polygames et de fournir une protection juridique pleine et entière aux enfants nés de ces unions. Cela est important au regard des droits de succession définis aux articles 29 et 2 (5) de la loi relative aux successions. Le projet de loi sur les biens matrimoniaux dispose que les hommes et les femmes disposent des mêmes droits en matière de biens matrimoniaux.

125.Le Kenya a également élaboré une politique nationale et un plan d’action en matière de droits de l’homme qui, sur la base d’une enquête réalisée dans tout le pays, prennent en compte les préoccupations les plus urgentes de la population dans le domaine des droits fondamentaux. Cette politique entend traiter les questions que la population considère comme devant être prioritairement abordées pour aboutir à un plein exercice des droits humains, tant par les hommes que par les femmes.

126.Au sens large, le Kenya a pris des mesures pour garantir l’égalité entre hommes et femmes dans les domaines suivants: vote, élection à des charges publiques, participation à la formulation et à la mise en œuvre de la politique du gouvernement et participation à des activités sociales et nationales. Le nombre de femmes élues au Parlement s’est accru au fil des années et s’élève actuellement à 21. Cependant, les femmes sont encore largement sous-représentées dans cette institution. Le tableau ci-dessous montre que le nombre de femmes siégeant à l’Assemblée nationale a nettement augmenté en l’espace de 10 ans.

Ventilation par sexe des députés à l’Assemblée nationale, 1998-2008

Année

Femmes

Hommes

Total

% de femmes

1998

9

213

222

4,1

2003

18

204

222

8,1

2008

21

201

222

9,5

Source: Commission électorale du Kenya, 2008.

127.On relève une progression similaire de la présence des femmes dans les administrations locales (voir tableau ci-dessous)

Présence des femmes dans l’administration des collectivités locales

1998

2002

2008

Total

Femmes

Total

Femmes

Total

Femmes

Comtés

2 455

201

1 847

24,8

1 618

252

Municipalités

596

52

446

60

391

63

Conseils (cités)

69

7

113

13

99

15

Conseils (villes)

572

40

431

56

378

63

Total

3 692

300

2 837

377

2 486

393

Source: Commission électorale du Kenya, 2008.

128.Ces dernières années, le gouvernement s’est efforcé d’appliquer des mesures qui garantissent que les hommes et les femmes soient égaux en droit et bénéficient des mêmes possibilités. En 2006, le Président de la République du Kenya a fait paraître un décret aux termes duquel les femmes devaient être représentées à hauteur de 30 % dans la fonction publique et que cette règle valait également en matière de recrutement, de nominations et de formation. Ce décret avait pour but de mettre hommes et femmes sur un pied d’égalité en matière d’accès à l’emploi et de promotion aux postes importants de l’administration. Depuis la parution de ce décret, la participation des femmes à la gouvernance et à la direction des affaires publiques a progressivement augmenté bien que la directive soit encore loin d’avoir atteint l’objectif désiré. Cela a conduit à mettre en place un cadre national pour recueillir des données sur l’intégration d’une démarche soucieuse d’égalité entre les sexes dans la planification, la budgétisation, la législation et la formulation des politiques du gouvernement et contrôler ce processus. Chaque ministère et chaque administration doit s’engager par contrat à atteindre des objectifs en matière de parité. Il s’agit là d’un des domaines où une évaluation obligatoire des résultats est contractuellement prévue.

129.Plusieurs institutions ont également été créées pour veiller à ce que le principe d’égalité des chances soit respecté, favoriser l’intégration des principes d’égalité et de non-discrimination et contrôler la mise en œuvre des mécanismes visant à garantir la non-discrimination. Il s’agit notamment de la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya, de la Commission nationale sur l’égalité des sexes et le développement, du Conseil national chargé des personnes handicapées et du Conseil national de lutte contre le sida.

130.La loi no 10 de 2007 sur les partis politiques qui est entrée en vigueur en janvier 2009 est censée veiller à ce que les partis politiques adoptent le principe de discrimination positive dans leurs programmes politiques et mettent en place un cadre juridique encourageant les femmes à davantage intervenir au niveau de la formation et de la direction des partis politiques. La loi prévoit que les deux sexes doivent être représentés parmi les cadres d’un parti à hauteur d’un tiers au moins. Il s’agit d’une étape décisive sur la voie de la promotion de la démocratie et de la responsabilisation à l’échelle interne.

Composition des directions exécutives nationales des partis politiques ventilée par sexe

Parti politique

Nombre de membre de la direction exécutive nationale

Nombre de femmes

Orange Democratic Movement

56

25

Orange Democratic Movement – Kenya

15

4

National Rainbow Coalition

21

7

FORD – Kenya

60

23

NARC – Kenya

36

13

KANU

41

12

Party of National Unity

38

11

Source: Registre des partis politiques.

131.Bien que les femmes soient toujours très largement sous-représentées aux différents niveaux de l’administration, le projet de constitution permet de réaliser des avancées notables sur le plan de l’égalité des sexes en interdisant notamment toute forme de discrimination à l’encontre des femmes.

132.Par l’intermédiaire du Parlement, le gouvernement a également adopté des lois visant à lutter contre la violence sexiste et les atteintes aux droits de l’homme. Ces législations qui protègent dans une large mesure les droits des femmes sont notamment les suivantes:

La loi sur les délits sexuels - le gouvernement a établi un groupe de travail national sur la mise en œuvre de la loi sur les délits sexuels de 2006 dont les membres proviennent d’organismes publics et d’organisations de la société civile. Le groupe de travail a élaboré une réglementation permettant de mettre en œuvre la loi sur les délits sexuels de 2006. Une banque de données répertoriant les délinquants sexuels devrait être mise en place par cette réglementation. Le groupe de travail travaille à la création d’une police nationale spécialisée dans les délits sexuels.

La loi sur la protection des témoins – Cette loi a été adoptée en 2006 par le gouvernement et a été récemment amendée par la loi portant modification de la loi sur la protection des témoins qui a été votée par l’Assemblée nationale en avril 2010. Cette législation encouragera les femmes qui sont victimes de violences sexuelles, d’actes de violence familiale et d’autres maltraitances et qui craignent des représailles à se manifester et de demander réparation en justice.

Un manuel du ministère public sur les délits sexuels a été élaboré et est actuellement utilisé pour former les enquêteurs et les policiers sur les méthodes d’enquête et les poursuites à engager dans les cas d’agression sexuelle. Des services spécialisés ont été créés dans les postes de police du Kenya pour aider les policiers à traiter les affaires de cette nature. Des sessions de sensibilisation et d’information sur les délits sexuels destinées aux membres de la police judicaire et aux enquêteurs sont actuellement organisées aux niveaux national et provincial.

Un centre spécialisé sur les violences sexuelles a été créé en 2008 à l’Hôpital national Kenyatta pour fournir un appui médical et psychosocial aux victimes de violences sexuelles. Le centre travaille en étroite collaboration avec la police, des spécialistes de Laboratoire national des expertises et des organisations non gouvernementales pour veiller à ce que les victimes de violences sexuelles puissent obtenir de l’aide auprès d’un centre. Des centres analogues ont été créés dans d’autres hôpitaux provinciaux du pays.

La loi de 2006 sur la prévention et le contrôle du VIH/sida cherche à protéger et à promouvoir les droits des femmes vivant avec le VIH/sida dans la mesure où les femmes sont davantage pénalisées par les effets de la maladie.

133.Pour ce qui est de l’autonomisation économique des femmes, le Fonds d’aide aux entrepreneuses a été créé en 2007 pour aider les femmes à accéder aux crédits de microfinance et à d’autres services financiers destinés aux plus démunis. Les fonds sont distribués sous forme de prêts dans le cadre du Constituency Women Enterprise Scheme (système de répartition des fonds aux entreprises dirigées par des femmes) et par le biais d’institutions de microfinance. Des Commissions du fonds pour les entrepreneuses ont été créées au niveau des divisions (circonscriptions administratives des provinces) et sont opérationnelles sur tout le territoire. Au mois de juin 2010, 586 millions de shillings kényens avaient été versés et avaient permis à 9 300 femmes d’investir individuellement ou à plusieurs dans différents projets.

134.Le Kenya a accompli de grands progrès en matière d’éducation en élaborant plusieurs cadres politiques et législatifs visant à promouvoir à tous les niveaux l’égalité entre hommes et femmes dans ce domaine. La loi sur l’éducation et la loi sur les enfants adoptées en 2001 disposent que chacun a droit à l’éducation. Sur le plan politique, le Kenya a mis en place le document de session no 1 de 2005 qui est un cadre directif pour l’éducation, la formation et la recherche. Il s’agit d’une feuille de route stratégique et détaillée visant à établir la parité entre hommes et femmes. Il entend garantir que tous – garçons et filles, hommes et femmes – participent sur un pied d’égalité à l’acquisition et à la gestion des connaissances à tous les niveaux. L’instauration d’une éducation primaire et secondaire gratuite par le gouvernement a également fait augmenter le taux d’admission dans l’éducation secondaire des filles ayant achevé leurs études primaires. Pendant la période couverte par le rapport, ce taux n’a cessé d’augmenter passant de 40,2 % en 2005 à 50 % en 2008.

Articles 4 et 5

135.Rien de nouveau n’est à signaler au titre de cet article.

Article 6

Droit à la vie

136.Bien qu’au Kenya, la Constitution et la législation garantissent le droit à la vie, celui-ci a été gravement remis en cause par des exécutions illégales commises par la police. Le gouvernement a condamné de façon catégorique ces actes qui constituent des violations extrêmement graves des droits de l’homme. Toute allégation d’exécution illégale fait l’objet d’une enquête diligentée par les autorités et les auteurs sont jugés et condamnés par un tribunal compétent s’il est démontré qu’ils ont usé d’une force excessive.

137.En outre, les violences qui ont éclaté au Kenya en 2008 au lendemain des élections constituent non seulement une violation excessivement grave du droit à la vie mais témoignent également du fait que la culture d’impunité est profondément ancrée dans les esprits. N’étant pas parvenu après ces événements à mettre en place un tribunal local pour juger les auteurs de ces violences, le Kenya a accepté de coopérer avec le Procureur de la Cour pénale internationale pour faire en sorte que les principaux responsables des violences en question soient traduits en justice et ne restent pas impunis.

138.Conscient de la nécessité impérieuse de lutter contre l’impunité et de promouvoir l’état de droit, le gouvernement a prioritairement entrepris de réformer la justice, la police et le Bureau du Procureur général afin de renforcer leur capacité à résoudre les affaires qui leurs sont confiées. À cet égard, un groupe de travail chargé de réformer la police a été créé en 2009. Son rapport qui a été adopté par le gouvernement préconise des mesures ambitieuses en vue de créer des services de police plus efficaces, plus performants et plus responsables. Ses recommandations sont notamment les suivantes: création en vertu de la loi d’un organisme indépendant de contrôle de la police civile chargé de surveiller le comportement des policiers; examen du programme de formation de l’ensemble des policiers; réexamen des procédures de recrutement pour veiller à ce que seules des personnes d’une moralité irréprochable intègrent les forces de l’ordre; et amélioration générale du système de gestion des ressources humaines et des conditions d’emploi dans la police. Le Secrétariat chargé de la réforme de la police est en train d’instaurer un partenariat avec des services de police étrangers dans le cadre duquel la police kényenne pourra se former à des pratiques optimales. Le gouvernement a créé un comité de mise en œuvre chargé de contrôler l’application des recommandations.

139.Dans le domaine de la justice, le gouvernement a créé en mai 2009 un groupe de travail chargé de réformer le système judiciaire et de rechercher les moyens d’en accélérer les procédures. Dans son rapport, le groupe de travail a formulé des recommandations détaillées pour rationaliser et renforcer le système judiciaire et le doter des capacités nécessaires à l’accomplissement de ses fonctions. Le groupe de travail a depuis soumis son rapport et ses recommandations au gouvernement. Il recommande notamment de renforcer la Commission de la fonction judiciaire –organisme chargé du recrutement des magistrats et des actions disciplinaires à leur encontre – et de lui conférer une autonomie financière. Il propose notamment que 1% du budget de l’État soit alloué à la justice. Le groupe de travail a également préconisé – et cette recommandation a été retenue dans le projet de constitution – de soumettre les magistrats à des procédures de contrôle, ce qui permettra de renforcer le professionnalisme et la méritocratie au sein de la magistrature.

140.Une Commission pour la vérité, la justice et la réconciliation faisant office de mécanisme de justice transitoire a également été créée en vertu des principes de partenariat du gouvernement de coalition signé le 28 février 2008 au titre du Cadre pour la réconciliation et le dialogue national au Kenya. Ce cadre a défini quatre grands domaines prioritaires dans lequel des actions sont nécessaires pour sortir le pays de la crise politique provoquée par l’élection présidentielle de 2007. La Commission est chargée d’enquêter sur les injustices historiques et sur leurs causes sous-jacentes.

Moratoire sur la peine de mort

141.Un moratoire de facto sur les exécutions capitales est en vigueur depuis 1987. Le gouvernement estime en effet que la peine capitale n’est pas compatible avec les normes relatives aux droits fondamentaux définies par les instruments internationaux auxquels le Kenya est partie. Le 3 août 2009, le Président de la République a commué 4 000 condamnations à la peine capitale en emprisonnements à vie. Actuellement, le gouvernement n’est pas en mesure d’abolir la peine de mort dans la mesure où l’opinion rejette massivement sa suppression pour les crimes les plus graves. Toutefois, le gouvernement, en collaboration avec la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya et d’autres parties prenantes, continue de promouvoir l’abolition de la peine capitale auprès de la population.

Article 7

Protection contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

142.Les mesures prises au titre de cet article renvoient aux informations correspondantes fournies dans le document CAT/C/KEN/CO/1.

143. À la suite de la présentation du premier rapport du Kenya au Comité contre la torture en novembre 2008, le gouvernement a adopté un projet de loi contre la torture pour se conformer aux recommandations du Comité et tenir compte des préoccupations relatives à l’utilisation très fréquente de la torture par la police. Cet instrument définit non seulement le crime de torture, ce que les législateurs avaient jusqu’alors négligé de faire, mais comporte également des dispositions sanctionnant ce délit. Il intègre ainsi dans l’ordre juridique national la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

144.À l’heure actuelle, la Commission nationale de réforme du droit examine également les autres législations concernées, telles que le Code pénal, la loi sur les preuves et la loi sur la procédure pénale afin de veiller à ce qu’elles soient conformes aux obligations découlant de la Convention contre la torture.

145.Reconnaissant que tout détenu a droit aux libertés fondamentales qui sont garanties par la Constitution et d’autres normes internationales relatives aux droits de l’homme, le gouvernement a réorganisé l’administration pénitentiaire en mettant en place des programmes axés sur les droits de l’homme visant à promouvoir des pratiques démocratiques et de bonne gouvernance dans la gestion des établissements pénitentiaires. L’article 90 de la loi sur les établissements pénitentiaires a été modifié pour prendre en compte cette initiative. L’article 92 de la loi sur les maisons de redressement est également en cours de révision afin de l’aligner sur la loi sur les enfants. Cette mesure a pour but de mieux appréhender les besoins et les difficultés des jeunes détenus.

146.Le gouvernement a également lancé des programmes de restructuration (travaux de génie civil et modernisation des infrastructures de plusieurs prisons du pays) pour améliorer les conditions carcérales. Ces travaux permettront d’humaniser les conditions générales de détention en offrant davantage d’espace aux détenus.

147.La loi sur les ordonnances relatives aux travaux d’intérêt général récemment adoptée a également un effet positif sur la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les prisons et les lieux de détention. Les 11 000 condamnés à des peines privatives de liberté qui, sans cette loi, seraient incarcérés dans des établissements surpeuplés vivent dans leurs foyers et participent à des projets d’intérêt général sous la supervision des autorités provinciales. S’ils sont accusés d’avoir commis des actes de torture, ils font d’une part l’objet de mesures disciplinaires par l’administration pénitentiaire qui les emploie et sont, d’autre part, susceptibles d’être poursuivis dans le cadre du droit pénal.

148.Les fonctionnaires de police et le personnel pénitentiaire peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires internes décidées par leur employeur, c’est-à-dire, l’administration pénitentiaire. La loi prévoit également que des poursuites peuvent être engagées contre ces fonctionnaires s’ils sont accusés d’avoir commis des actes constitutifs de torture au sens de l’article premier de la Convention.

Article 8

Droit de ne pas être tenu en esclavage ni en servitude

149.Les mesures prises conformément à cet article intègrent celles examinées au titre de la recommandation 25 des observations finales dans les paragraphes 53 à 57 de ce document.

150.De nombreuses initiatives législatives ont été prises pour veiller à ce que soit respectée la garantie constitutionnelle selon laquelle « Aucun citoyen de la République du Kenya ne doit être tenu en esclavage ou en servitude ou contraint d’exercer une activité sous la contrainte ». La loi sur l’emploi, la loi sur les relations professionnelles, la loi sur les accidents du travail et la loi sur la santé et la sécurité des travailleurs ont toutes été adoptées en 2007.

151.Le projet de Constitution interdit également l’esclavage et le travail forcé. Il contient un Bill of rights (Déclaration des droits) qui garantit l’égalité, la liberté d’association et la protection contre les discriminations, l’esclavage et le travail forcé. Il définit également les droits des travailleurs, des employeurs et des syndicats, notamment le droit à une juste rémunération, le droit à des conditions de travail raisonnables, le droit d’adhérer à un syndicat ou à une organisation d’employeurs, le droit de grève et le droit de prendre part à des négociations collectives.

152.Le projet de loi de 2009 sur la lutte contre la traite des êtres humains qui est examiné au paragraphe 72 du présent document permettra de réprimer une pratique reconnue comme étant une forme moderne d’esclavage. Le projet de loi définit la traite comme le fait de priver une personne de sa liberté et de la soumettre à des pratiques analogues à l’esclavage en vue de l’exploiter. Aux termes du projet de loi qui entend lutter contre les pratiques commerciales illicites au Kenya, toute personne employant une domestique de moins de 18 ans est passible d’une amende d’au moins 5 millions de shillings kényens ou d’une peine de 15 ans de prison. L’utilisation des êtres humains à des fins de prélèvement d’organes ou de parties du corps humain, de travail forcé et de mariage forcé est également considérée comme illégale par le projet de loi.

Articles 9 à 12

153.Rien de nouveau n’est à signaler au titre de ces articles depuis le précédent rapport si ce n’est les mesures prises dans le cadre de la justice pour mineurs au titre de l’article 10. Depuis juin 2005, Youth Alive! Kenya! met en œuvre en partenariat avec le Département des services à l’enfance un projet de justice pour mineurs soutenu par Action Aid International Kenya, GOAL Ireland Kenya, la Fondation finlandaise pour les droits de l’homme KIOS et la Safaricom Foundation. Le projet entend promouvoir un système de justice pour mineurs efficace axé sur la réadaptation des jeunes délinquants. Son objectif est d’améliorer la qualité de la rééducation institutionnelle et de renforcer parallèlement les liens avec la population pour favoriser la réinsertion des jeunes délinquants après leur libération.

154.Ce projet est entrepris dans le cade du programme Justice et Droits de l’homme qui entend faciliter l’accès à la justice de personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées et promouvoir ainsi le respect et la protection des droits de l’homme au Kenya. Le programme a notamment pour objectif:

d’améliorer l’accès à la justice des enfants défavorisés et des jeunes vivant dans les zones d’habitat marginalisées;

de promouvoir un système judiciaire efficace, condition essentielle pour le développement des communautés, la sécurité publique et la réinsertion des jeunes délinquants;

d’inculquer le respect des droits de l’homme et de promouvoir les principes des droits de l’homme en tant que fondements pour la paix et le développement.

Afin de faire en sorte que les jeunes délinquants soient séparés des adultes au cours de leur détention, un programme de déjudiciarisation pour les mineurs délinquants a été mis en place par des ONG partenaires clés en collaboration avec des organismes gouvernementaux pour éviter que les enfants ne fassent l’objet d’un placement inapproprié en détention et proposer une alternative viable à cette option. Entre autres mesures, le programme prévoit d’affecter un travailleur social dans chaque poste de police afin de veiller à ce que le point de vue des enfants soit pris en compte et que les droits de ces derniers ne soient pas négligés dans le cadre de la procédure extrajudiciaire. Étant donné que les magistrats et d’autres fonctionnaires des organes judicaires interviennent également dans le cadre de cette procédure, ils sont en mesure de conseiller la police sur la manière de préserver les droits des enfants.

Article 13

Expulsion d’un étranger vivant légalement au Kenya

155.Le Kenya place la lutte contre le terrorisme parmi ses principales priorités. Cela s’explique notamment par les raisons suivantes:

Le Kenya est lié par ses obligations en matière de lutte contre le terrorisme international en vertu de la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies;

Le Kenya est géographiquement proche de la Somalie;

Dans le passé des attaques ont eu lieu sur le territoire kényen contre les intérêts d’Israël et des États-Unis.

156.Le Kenya a adhéré aux 13 conventions définies dans la résolution 1373 et a soumis trois rapports au Comité contre le terrorisme comme il est exigé au paragraphe 6 de la résolution 1973 du Conseil. Le Comité contre le terrorisme s’est rendu au Kenya en 2005 et a félicité le gouvernement pour la sincérité de son rapport et ses plans visant à créer une unité de lutte contre le financement du terrorisme. Au cours de sa visite, le Directeur exécutif de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme « a souligné l’importance de l’existence au Kenya d’une législation réprimant le terrorisme et d’instruments contrôlant le financement du terrorisme ».

157.Bien que le Kenya ait fermé sa frontière avec la Somalie en janvier 2007, la cinquième réunion spéciale du Comité contre le terrorisme sur le thème « Prévention de la circulation des terroristes et sécurité effective des frontières » s’est tenue à Nairobi en octobre 2007 avec plusieurs organisations internationales, régionales et sous-régionales. Le Kenya a expliqué - et ses positions n’ont pas varié depuis - que la fermeture de sa frontière était nécessaire pour permettre aux forces de sécurité de distinguer les vrais réfugiés des insurgés qui désiraient utiliser le territoire kényen comme base arrière pour lancer des attaques contre l’Union des tribunaux islamiques de Somalie et ensuite contre le Gouvernement fédéral de transition.

158.Depuis des années, le Kenya accueille des milliers de réfugiés provenant notamment de pays voisins touchés par la guerre, ce qui met le pays dans une situation délicate en matière de sécurité. La prolifération d’armes légères et de petit calibre et l’augmentation concomitante du nombre de bandes criminelles armées sont à imputer directement à cet état de fait. Il a donc fallu prendre des mesures sévères pour redresser une situation dont certains policiers corrompus profitaient pour extorquer de l’argent aux réfugiés. La lutte contre la corruption des policiers est aujourd’hui une priorité majeure dans le cadre des réformes de la police.

159.De plus, le Kenya a adopté en 2006 la loi sur les réfugiés qui contient des dispositions claires sur la promotion et la protection des réfugiés au Kenya. Cette loi transpose dans le droit national les conventions de l’Union africaine et des Nations Unies sur les réfugiés. Elle protège de toute discrimination les requérants d’asile, les réfugiés et leurs familles lorsqu’ils entrent dans le pays. L’article 16 de la loi énonce que les réfugiés statutaires et les membres de leurs familles résidant au Kenya bénéficient des droits garantis par les traités internationaux auxquels le Kenya est partie. Cette disposition étend donc aux réfugiés les protections contre les discriminations prévues par les différents instruments internationaux. L’article 18 (a) de la loi dispose également que nul ne peut être bloqué à l’entrée du territoire, expulsé, extradé ou renvoyé du Kenya vers un autre pays s’il risque d’y être persécuté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à une association particulière ou de ses opinions politiques.

160.En 2009, le gouvernement a publié les Dispositions réglementaires relatives aux réfugiés qui contiennent des directives opérationnelles visant à garantir une mise en œuvre efficace de la loi de 2006 sur les réfugiés. Le gouvernement n’en est pas moins toujours confronté aux mêmes difficultés dans la mesure où il est difficile aux forces de sécurité de distinguer parmi les réfugiés somaliens les requérants d’asile authentiques des personnes qui peuvent représenter une menace contre la sécurité du pays. Au moment de la rédaction du présent rapport, le gouvernement était en train d’élaborer une politique nationale des réfugiés.

Article 14

Égalité devant les tribunaux et droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi

161.Le droit à un jugement équitable est un droit fondamental qui est inscrit dans la Constitution kenyane ainsi que dans d’autres instruments des droits de l’homme ratifiés par le Kenya. L’accès de tous à une justice rapide, efficace et équitable est l’une des priorités majeures du gouvernement. En fait, le gouvernement est déterminé à réformer radicalement le système judiciaire pour faire en sorte qu’il joue pleinement le rôle qui lui est dévolu dans un régime démocratique. Des réformes radicales sont entreprises au sein du système de justice pénale pour le rendre efficace. Un groupe de travail spécial a été créé en mai 2009. Il est chargé de réformer le système judiciaire et de rechercher les moyens d’en accélérer les procédures.

162.Le groupe de travail a formulé des recommandations détaillées pour rationaliser et renforcer le système judiciaire et faire en sorte qu’il réponde davantage aux besoins de la population. Il recommande principalement de renforcer les procédures judiciaires et administratives et d’adopter une méthode plus transparente de recrutement des juges, de renforcer l’autonomie et l’indépendance de la Commission de la fonction judiciaire en adoptant le projet de loi sur la fonction judiciaire, d’augmenter les ressources financières allouées à la justice et de mettre en place des mécanismes permanents de traitement des plaintes déposées contre des membres de l’institution judiciaire. Il recommande également que la Commission de la fonction judiciaire instruise les plaintes déposées contre les magistrats et le personnel de l’institution judiciaire et que soit porté à 30 le nombre de juges de la Cour d’appel et à 120 le nombre de juges de la Haute Cour pour diminuer, entre autres, le nombre d’affaires en attente de jugement.

163.Des programmes de formation continue également dénommés cours de formation juridique continue ont été mis en place pour permettre aux juges et aux avocats de s’informer sur les pratiques juridiques modernes et d’actualiser leurs connaissances. Un centre de formation juridique a été créé en 2008.

Article 15

164.Aucun fait nouveau n’est à signaler au titre de cet article.

Article 16

Droit d’une personne à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique

165.En vertu de la législation kényenne, les réfugiés ne peuvent obtenir la nationalité kényenne par la naturalisation. Les enfants d’origine inconnue – considérés comme apatrides s’ils n’obtiennent pas la nationalité kényenne - ainsi que certains orphelins et enfants des rues ne sont pas automatiquement naturalisés. Des exigences de sécurité ainsi que certaines mesures de contrôle contraignantes ciblant des groupes ayant des liens historiques ou ethniques avec d’autres pays ont donné lieu à des plaintes pour contrôles arbitraires et partiaux et lenteur injustifiée des procédures de naturalisation.

166.Les dispositions relatives à l’acquisition de la nationalité kényenne figurent au chapitre VI de la Constitution et à l’article 170 de la loi sur la citoyenneté kényenne (Lois du Kenya). Elles énoncent que la nationalité kényenne peut être acquise par la naissance, l’ascendance, l’enregistrement ou la naturalisation. Ces trois dernières procédures concernent généralement des personnes nées hors du pays.

167.Le processus d’enregistrement exige du postulant qu’il produise des documents attestant son âge (en règle générale, un certificat de naissance) mais aussi sa nationalité. Cette deuxième exigence est mal acceptée dans la mesure où elle représente un obstacle majeur pour certaines minorités comme les Somalis, les Nubiens et les Arabes vivant sur la côte. Le plus souvent, les personnes obtenant la nationalité par la naissance doivent uniquement démontrer qu’un de leurs parents est de citoyenneté kényenne en présentant, dans la plupart des cas, un document d’identité. Cependant pour les Nubiens, les Somalis du Kenya et les Arabes de la côte, les exigences sont plus élevées et sont ressenties comme étant, dans la pratique, plus arbitraires.

168.Le gouvernement a pris les mesures voulues pour accélérer les procédures de délivrance des cartes d’identité, des passeports et des certificats de naissance. La présentation d’un certificat de naissance est indispensable pour obtenir une carte d’identité ou un passeport et ces deux derniers documents sont essentiels pour mener l’existence normale d’un citoyen et exercer la plupart des droits civils et politiques.

169.Ces documents sont très importants car la citoyenneté kényenne est principalement déterminée par le jus sanguinis (fondé sur la filiation) même si la loi, pour des raisons d’ordre historique, l’accorde également à des personnes qui se trouvaient au Kenya au moment de l’indépendance du pays.

170.Il est démontré – et c’est ce qu’a d’ailleurs reconnu Independent World Report en 2009 – que des mesures sont actuellement prises pour établir des procédures d’enregistrement exemptes de tout élément discriminatoire. L’adoption en 2006 de la loi sur les réfugiés est un progrès dans cette direction. En 2006, la communauté nubienne a introduit une requête auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) en Gambie pour pratiques discriminatoires. Le cas est toujours pendant mais les dirigeants nubiens considèrent que leur démarche a récemment permis de faire évoluer positivement la situation. Les Nubiens doivent encore se soumettre à des contrôles administratifs mais il leur est plus facile désormais d’obtenir la carte d’identité kényenne. Les institutions nationales prennent actuellement des mesures pour simplifier le processus d’enregistrement et faire en sorte que l’obtention d’un document d’identité kényen soit un droit plutôt qu’un privilège. Le Bureau national d’enregistrement a fait paraître en 2006 une directive nationale selon laquelle il n’est plus nécessaire d’exiger les documents d’identité des grands-parents. Cependant, cette directive n’est pas encore uniformément appliquée sur tout le territoire.

Articles 17 et 18

Droit de chacun au respect de sa vie privée, de sa famille, de son domicile et de sa correspondance et à la protection de son honneur et de sa dignité. Liberté de pensée, de conscience et de religion

171.Aucun fait nouveau n’est à signaler au titre de cet article.

Article 19

Liberté d’expression

172.Comme il était dit dans le précédent rapport, la Constitution du Kenya garantit la liberté d’expression et la liberté d’opinion. Ces droits sont également inscrits dans le projet de constitution. L’article 33 du projet de constitution comporte une disposition totalement révisée sur la liberté d’expression. Il énonce que toute personne a droit à la liberté d’expression laquelle inclut la liberté de rechercher et de recevoir des informations et de transmettre des informations ou des idées, la liberté de création, la liberté d’enseignement et la liberté de se livrer à des recherches scientifiques. Cependant, l’article 33 pose des limites à cette liberté en interdisant la propagande belliciste, les incitations à la violence, les appels à la haine et à la violence de toute forme, y compris contre des ethnies différentes, les propos ou écrits diffamatoires ou toute expression fondée sur des critères discriminatoires tels que définis ou prévus à l’article 27 4).

173.Dans l’exercice de ses droits à la liberté d’expression, toute personne doit respecter les droits et la réputation d’autrui. Les « limites des droits fondamentaux et des libertés fondamentales », y compris de la liberté d’expression sont définies à l’article 27 (4) qui énonce que « Nul ne fera l’objet de la part de l’État d’une quelconque discrimination directe ou indirecte, pour quelque motif que ce soit – race, sexe, grossesse, situation matrimoniale, état de santé, origine ethnique ou sociale, couleur de peau, âge, handicap, religion, conscience, croyance, culture, tenue vestimentaire, langue ou naissance ».

174.La loi portant modification de la loi sur les communications comporte un certain nombre de dispositions régissant la liberté d’expression et réprimant l’incitation à la haine. La loi amende la loi sur les communications de 1998 et modifie légèrement d’autres instruments. La Commission des communications est notamment chargée de promouvoir « la diversité et la pluralité des points de vue pour donner lieu à un échange d’idées fructueux» et dispose que le gouvernement peut « appliquer des réglementations concernant tous les services de radio et de télévision… sans que cela ne porte atteinte à la promotion et à la sauvegarde de la diversité des points de vue et à leur échange ». Avec ces dispositions, le Kenya se conforme pleinement aux exigences des normes internationales sur la création d’une politique publique et d’un cadre réglementaire promouvant le pluralisme et la diversité.

175.De plus, la loi portant modification de la loi sur les communications énonce que tous les organismes de radiodiffusion agréés doivent « transmettre des programmes responsables et adaptés qui répondent aux besoins variés et aux sensibilités diverses des différentes communautés de la population kényenne … et veiller à ne pas diffuser des déclarations malveillantes et discriminatoires fondées sur la race, l’ethnie, la couleur, le sexe et la croyance ».

176.Lorsque la loi portant modification de la loi sur les communications a été adoptée, les médias ont craint que certaines dispositions de la loi ne conduisent à la suppression de la liberté d’expression. Le contentieux portait plus particulièrement sur les dispositions de l’article 88 (1) qui octroyait de larges pouvoirs au Ministre chargé de la presse et des médias électroniques. Après des discussions entre le gouvernement et les organes de presse, un projet de loi portant divers amendements a été déposé au Parlement. Le projet d’amendement prévoit la création d’un Conseil consultatif chargé d’examiner le contenu des programmes de radio et de télévision, tâche que la loi sur les médias du Kenya confiait jusqu’alors exclusivement au Ministre de l’information et des communications.

Article 20

Interdiction de toute propagande en faveur de la guerre et de tout appel à la haine nationale, raciale et religieuse

177.Le Kenya a adopté un certain nombre de législations interdisant tout appel à la haine nationale, raciale, interethnique ou religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. Cependant, à la suite des violences postélectorales qui ont éclaté en 2008 dans le pays, il a été nécessaire de réviser et d’harmoniser la législation sur les appels à la haine pour veiller à ce qu’elle soit conforme aux normes internationales acceptables. De l’avis général, il n’est pas nécessaire d’adopter une nouvelle législation en la matière mais il convient de faire appliquer strictement la législation en vigueur.

178.En 2008, le Parlement a adopté la loi sur la cohésion nationale et l’intégration interdisant l’incitation à la haine ou les déclarations susceptibles d’inciter à la haine ethnique ou de la susciter. La loi établit également une commission qui a pour mission de favoriser, notamment, les bonnes relations, l’harmonie et la coexistence pacifique entre les membres des différentes communautés ethniques du Kenya. L’article 13 de la loi sur la cohésion nationale et l’intégration définit explicitement « l’incitation à la haine ». On entend par incitation à la haine tout propos ou discours « menaçant, violent ou insultant ou recourant à des expressions menaçantes , violentes ou insultantes tenu par une personne ayant l’intention délibérée de susciter la haine ethnique ou de favoriser son apparition dans tout type de circonstances susceptible de l’engendrer ». Dans cet article, le terme « haine ethnique » est entendu comme visant « la haine contre un groupe de personnes au motif de leur couleur, de leur race, de leur nationalité (y compris la citoyenneté) ou de leur origine nationale ou ethnique ».

179.Conformément à la loi, la qualification d’incitation à la haine s’étend à « tout comportement ou discours menaçant violent et insultant », dans le cadre suivant: publication ou distribution de documents écrits, présentation publique d’un spectacle ou d’une pièce de théâtre, enregistrement ou diffusion d’images visuelles ou fourniture, production ou direction d’un programme. Quiconque enfreint cette disposition est passible d’une amende d’un montant d’un million de shillings au maximum et/ou d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement.

180.Le Code pénal du Kenya, tel qu’il a été révisé en 2009, comporte un certain nombre de dispositions réprimant les diverses formes d’incitations à la haine. Bien que le Code pénal ne fasse pas directement référence à l’incitation à la haine ou aux propos incitant à la haine, son article 77 (1) relatif aux « activités subversives » stipule que « toute personne qui a l’intention d’accomplir, tente d’accomplir, prépare, ou accomplit un acte subversif ou conspire avec une autre personne à cet effet ou s’exprime par oral ou par écrit dans cette intention est coupable d’un délit et encourt une peine d’emprisonnement de sept ans au maximum… » L’article 77 (3) qualifie de « subversif » tout acte consistant à soutenir, recommander ou … promouvoir tout acte susceptible de porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité du Kenya ou à l’administration de la justice; toute incitation à la violence, à toute autre forme de désordre ou au crime; tout appel au mépris de la loi et de toute autorité légale ou à la désobéissance à ces dernières ainsi que toute action préméditée ou non visant à prôner l’inimitié ou la haine ou à susciter de tels sentiments entre les différentes races ou communautés du Kenya. Ne sont en revanche pas considérées par cet article comme des incitations à la haine les observations ou critiques formulées de bonne foi et visant à éradiquer les causes d’inimitié ou de haine entre les races et les communautés.

181.Ainsi, dans la mesure où elles ne sont pas prononcées de bonne foi et ne visent pas à éradiquer les causes de la discrimination, les déclarations préméditées ou non visant à promouvoir la haine et l’inimitié entre les différentes races ou communautés au Kenya constituent une activité subversive au sens de l’article 77 (3) (e) et sont passibles d’une peine d’emprisonnement de sept ans au maximum. Des critiques ont été formulées quant au fait que l’article 77 (3) (e) ne répond pas aux exigences de l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et notamment ne traite pas la question du risque imminent de discrimination, d’hostilité ou de violence envers des personnes appartenant à un groupe déterminé. Ce léger vide juridique est cependant compensé par les mesures préventives prises au titre de la loi sur la cohésion nationale et l’intégration.

182.Par ailleurs, l’article 96 du Code pénal sanctionne d’une peine d’emprisonnement de cinq ans au maximum toute personne qui, « par des propos tenus, imprimés ou publiés ou par ses agissements indique ou laisse entendre qu’il serait souhaitable de commettre un acte ou de s’abstenir de le commettre en vue de blesser ou d’entraîner la mort d’une personne ou d’un ensemble de personnes appartenant à une classe sociale, un communauté ou un groupe… » Cette disposition réprime de fait les propos ou déclarations susceptibles d’induire un risque imminent de violence à l’encontre de personnes appartenant à un groupe déterminé.

183.La loi de 2007 sur les médias instaure le Conseil des médias du Kenya qui est notamment chargé d’agir en tant que médiateur ou d’arbitre « dans tous les conflits entre le gouvernement et les médias, entre le public et les médias ou entre les médias en tant que tels ». Le deuxième titre de la loi sur les médias comporte un « Code de conduite pour la pratique du journalisme » dont les dispositions sont pertinentes quant aux divers aspects de la protection de la liberté d’expression au Kenya et de la répression des incitations à la haine. Cet article contient notamment les dispositions suivantes:

Il est interdit de citer des propos malveillants et humiliants ayant trait à la race, l’ethnie, la croyance et le sexe;

Il est interdit de diffuser ou de publier des propos racistes ou discriminatoires à l’encontre d’une ethnie;

Compte tenu des effets que peut avoir sur une ethnie ou un groupe racial concerné, sur la population dans son ensemble et sur l’évolution du comportement du public, l’utilisation de termes se rapportant à l’ethnie ou à la race, il est essentiel de s’interroger au préalable sur ce qui est acceptable ou ne l’est pas lorsque l’on est appelé à faire usage de ces termes.

184.L’article 34 (2) des règlements sur la radio et télédiffusion dispose également que lorsque la Commission des communications du Kenya examine une charte éthique qui lui est soumise par un organisme de radio-télédiffusion pour approbation, elle doit prendre en considération les normes et règles spécifiques ayant trait notamment aux droits individuels, au respect de la vie privée, à la lutte contre la discrimination et les attaques personnelles et contrôler si la programmation est susceptible d’inciter à la haine ou au dénigrement d’individus ou de communautés par des contenus discriminatoires axés sur l’ethnie, la race, le sexe, la religion, la culture, l’âge ou le handicap.

185.Les tribunaux ont également été appelés à interpréter certaines lois. Dans l’affaire pénale no 5812 de 2006 R. v. Michael Otanga Mulei and three others, le différend portait sur le fait de savoir si les quatre missionnaires soupçonnés d’avoir diffusé une littérature contraire aux normes de l’islam étaient coupables ou non d’incitation à la violence. Le tribunal a jugé que du fait que la liberté de religion était légalement reconnue au Kenya, tant les chrétiens que les musulmans étaient habilités à propager librement leur religion et que les actes incriminés ne pouvaient être considérés comme des incitations à la violence.

186.En vertu des dispositions de la loi sur les partis politiques de 2007 (art. 10), un parti qui accepte d’utiliser la violence ou de la promouvoir pour atteindre des objectifs politiques ne peut être enregistré. La loi interdit également l’enregistrement de tout parti qui utilise des termes, des slogans, des emblèmes ou des symboles susceptibles de susciter des divisions fondées sur l’ethnie, l’âge, l’appartenance tribale, la race, le sexe, la domiciliation régionale, la langue, la profession, la corporation ou la religion.

Article 21

Droit de réunion pacifique

187.Comme il a été précisé dans le précédent rapport, l’article 80 de la Constitution du Kenya garantit le droit de réunion pacifique. La loi relative à l’ordre public (chapitre 56; Lois du Kenya) réglemente l’exercice de ce droit. Cependant la période qui a suivi les élections présidentielles controversées de 2007 a posé de sérieuses difficultés quant à l’application et au respect de ce droit. En janvier 2009, l’ONG internationale Freedom House a signalé qu’elle avait abaissé la note qu’elle accordait au Kenya en matière de démocratie et qu’elle considérait désormais le Kenya comme un État « partiellement libre » et non plus « libre ». Cette décision s’expliquait, selon cette organisation, par le fait que les libertés et droits fondamentaux des Kényens, notamment en matière de réunion pacifique, avaient été gravement bafoués au cours de 2008. La police a été accusée d’avoir violemment dispersé les réunions publiques et manifestations notamment celles des personnes déplacées dans leur propre pays protestant contre l’insécurité, celles des citoyens réclamant que la rémunération des parlementaires soit imposée comme celle des autres Kényens et celles des médias exigeant que soient révisées certaines dispositions de la loi amendant la loi sur les communications qui étaient susceptibles à leurs yeux de restreindre leur liberté d’expression.

188.Si les violations survenues pendant cette période sont regrettables, il convient toutefois d’observer que le pays n’avait auparavant jamais connu de telles violences et que les forces de l’ordre ont été, en conséquence, totalement débordées. Il y a également lieu de souligner que des restrictions légales au droit de réunion existent dans toutes les démocraties et ne prêtent pas à controverse. On notera enfin qu’après ces incidents, le gouvernement a mis en place à l’intention de la police des formations renforcées sur l’encadrement des rassemblements visant à assurer une gestion pacifique et maîtrisée des divers événements pouvant survenir au cours des manifestations et qu’un certain nombre de policiers ayant fait un usage excessif de la force ont été poursuivis.

189.Afin qu’il n’y ait aucun doute sur le fait que le Kenya est profondément attaché au droit de rassemblement pacifique, le gouvernement fait observer que le projet de constitution réaffirme que toute personne a le droit de participer pacifiquement et sans armes à des rassemblements, à des manifestations et à des piquets de grève et de soumettre des pétitions aux autorités publiques.

Article 22

Liberté d’association et droit de constituer des syndicats et de s’y affilier

190.Le Kenya est membre de l’OIT depuis janvier 1964 et a ratifié 49 conventions de l’OIT dont 43 sont actuellement en vigueur. Depuis le dernier rapport, le Parlement a adopté de nouvelles lois du travail destinées à renforcer les normes du travail et les libertés syndicales. En particulier, la loi sur les relations professionnelles de 2007 reconnaît la liberté d’association, le droit syndical, le droit à la négociation collective et à la résolution des conflits du travail. La liberté d’association est, en outre, protégée par d’autres législations en vigueur telles que la loi sur les coopératives et la loi sur les sociétés. Le droit kényen protège également de nombreuses associations et organisations professionnelles comme l’Association médicale du Kenya, l’Association du Barreau et l’Association des architectes du Kenya.

191.La liberté d’association et le droit de constituer des syndicats et de s’y affilier sont également reconnus dans le projet de constitution. L’article 36 du projet de constitution reconnaît la liberté d’association et prévoit notamment que toute personne a le droit de constituer une association, quelle qu’en soit la nature, de s’y affilier et de participer à ses activités. L’enregistrement d’une association ne doit pas être annulé sans raisons valables et le cas échéant, le droit à une procédure équitable devant les tribunaux doit être garanti.

Article 23

Protection de la famille et de l’institution du mariage

192.Depuis le dernier rapport, certaines initiatives législatives destinées à moderniser le droit du mariage et de la famille ont été lancées et font actuellement l’objet d’un débat national. Il s’agit du projet de loi sur le mariage, du projet de loi sur les biens matrimoniaux et du projet de loi concernant la protection de la famille.

193.Le nouveau projet de loi sur le mariage de 2007 qui a été présenté au Parlement en 2009 est un indéniable progrès. Il a pour but essentiel de veiller à ce que les droits des femmes et l’égalité des sexes soient respectés dans le mariage. Il reconnaît aussi bien les mariages monogames que les mariages polygames. Cependant, les personnes qui ont contracté un mariage monogame ne peuvent plus en vertu de la loi prétendre à la polygamie. Le projet de loi prévoit également de fusionner toutes les lois existantes sur le mariage.

194.Au Kenya, la question des biens matrimoniaux a toujours été considérée comme une menace pour l’institution du mariage. Depuis la célèbre affaire Kivuitu c. Kivuitu (1991), dans deux rapports de la Cour d’appel (no 241), des tribunaux ont soutenu que même en l’absence de preuves claires concernant l’importance de la contribution effective de chacun des deux conjoints, les biens ayant été acquis au cours du mariage seraient considérés comme propriété commune. Dans le cas Echaria c. Echaria, la Haute Cour a reconnu la contribution non financière de l’épouse. Cette décision a été annulée par la Cour d’appel qui a jugé que le principe de non-contribution financière dans le cas Kivuitu c. Kivuitu était sans portée directe sur le litige et par conséquent ne pouvait faire jurisprudence. Cette décision a laissé un vide juridique que le projet de loi de 2007 sur les biens matrimoniaux devrait pouvoir combler. Le projet de loi de 2007 sur les biens matrimoniaux instaure un cadre qui garantit l’égalité des hommes et des femmes mariées en matière de biens matrimoniaux du point de vue du droit à la propriété, du contrôle, de la libre disposition des biens matrimoniaux et de l’accès à ces derniers.

Projet de loi de 2007 concernant la protection de la famille (violences domestiques)

195.Le projet de loi entend prendre des dispositions pour garantir la protection des victimes de violences domestiques et leur rétablissement et traiter toutes les questions relevant de cette problématique. Le droit du Kenya érige en délits plusieurs formes de violence domestique mais il apparaît clairement que la complexité des procédures judiciaires ainsi que le poids de certains facteurs économiques et culturels empêche nombre de victimes d’intenter des actions en justice. Le peuple kényen reconnaît que la violence domestique et toutes ses manifestations sont inacceptables et qu’il est donc nécessaire de disposer d’une législation protectrice qui permette aux victimes d’accéder à des procédures judiciaires rapides, peu coûteuses et simplifiées au sein desquelles les tribunaux peuvent imposer aux auteurs de violences un suivi thérapeutique préventif et proposer aux victimes une aide psychologique dans le cadre de programmes d’accompagnement.

196.Le projet de constitution reconnaît que la famille constitue une unité naturelle et fondamentale qui est à la base même de la société et de l’ordre social et qu’elle doit jouir à ce titre de la reconnaissance et de la protection de l’État. Il prévoit donc que toute personne a le droit d’épouser une personne du sexe opposé et que les parties au mariage ont des droits égaux lorsqu’ils se marient, au cours de leur mariage et lors de la dissolution de ce dernier. Cette disposition est remise en question par certains au motif qu’elle constitue une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Cependant, les enquêtes d’opinion ont montré que la population est dans son immense majorité opposée aux unions entre personnes du même sexe dans la mesure où elle les considère comme contraires à la nature et culturellement inacceptables.

Article 24

Droits de l’enfant à la protection, à l’enregistrement et la nationalité

197.Pour cet article, il convient de se reporter également au deuxième rapport périodique du Kenya soumis au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/KEN/2). Les droits reconnus par cet article le sont également par le projet de constitution qui prévoit à l’article 53 que tout enfant a droit à un nom et à une nationalité par la naissance, à une éducation de base gratuite et obligatoire, à une alimentation suffisante ainsi qu’à un hébergement et à des soins de santé. Il doit également être protégé contre la maltraitance, la négligence, les pratiques culturelles nocives et dangereuses, toutes les formes de violence, de peines et de traitement inhumain et contre les travaux dangereux et l’exploitation par le travail. De plus, l’enfant a droit aux soins et à la protection de ses parents et ne doit pas être placé en détention sauf s’il s’agit d’une mesure prise en dernier ressort et inévitable. Le cas échéant, il doit être détenu pendant la période la plus brève possible en étant séparé des adultes et placé dans des conditions tenant dûment compte de son sexe et de son âge.

Article 25

Droit de prendre part aux affaires publiques, de voter et d’être élu et d’accéder aux fonctions publiques

198.Tout citoyen kényen a le droit de voter et de prendre part à la conduite des affaires publiques soit directement soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. Cependant, ce droit a été gravement remis en cause par le contentieux provoqué par les élections présidentielles de 2007 sur lesquelles ont pesé de forts soupçons d’irrégularités. Le gouvernement a créé une commission indépendante de contrôle, l’IREC, pour enquêter de manière approfondie sur le déroulement de cette élection. Présidée par le juge Kriegler, cette commission a élaboré des recommandations permettant d’améliorer le fonctionnement du système électoral au Kenya.

199.La Commission a remarqué qu’il existait de nombreuses lacunes et incohérences dans les procédures juridiques, constitutionnelles, institutionnelles et opérationnelles qui régissent les élections au Kenya. Plusieurs anomalies relatives à la délimitation des circonscriptions ont entaché la légitimité des élections avant même qu’elles ne débutent. La Commission Kriegler a recommandé la création des deux nouvelles commissions, la Commission indépendante intérimaire sur le système électoral (IIEC) et la Commission indépendante intérimaire d’examen des circonscriptions électorales (IIBRC). La première est chargée de superviser la réforme du système électoral et notamment de créer un nouveau registre des électeurs, d’élaborer un système moderne de collecte, de compilation, de transmission et de vérification des données électorales, de promouvoir l’éducation des électeurs et d’assurer le bon déroulement des élections et des référendums. Au moment de la rédaction du présent rapport, la commission a déjà supervisé deux élections partielles, pour lesquelles aucune irrégularité n’a été constatée.

200.La Commission indépendante intérimaire d’examen des circonscriptions électorales est chargée, quant à elle, de définir et d’établir de nouvelles circonscriptions administratives et électorales. Elle formulera également des recommandations pour la délimitation des circonscriptions électorales et des unités électorales des collectivités locales ainsi que sur le nombre optimal de circonscriptions à retenir sur la base de l’égalité des votes.

201.La loi de 2007 sur les partis politique établit le Fonds de financement des partis politiques qui est géré par le Registre des partis politiques. La loi garantit que les fonds distribués aux partis sont utilisés à des fins conformes aux principes démocratiques tels que la promotion de la participation active des citoyens à la vie politique et la mise en place par les partis de programmes d’éducation civique portant sur la vie démocratique et les divers processus électoraux.

202.L’article 38 (2) du projet de constitution dispose également que tous les citoyens ont le droit de voter, d’être élus et de désigner leurs représentants à des charges publiques au cours d’élections libres, équitables et périodiques fondées sur le suffrage universel et assurant la libre expression des électeurs. L’article 38 (3) prévoit, quant à lui, que tout électeur a le droit d’être enregistré sur les listes électorales, de voter au scrutin secret dans toute élection ou référendum et de se porter candidat à une charge publique ou à une fonction au sein d’un parti politique.

203.Ces dispositions marquent une étape importante pour la participation à la vie publique des personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées, notamment les femmes, les personnes handicapées et les groupes minoritaires. Elles renvoient à une affaire remarquable portée devant la justice en vertu de l’article 84 de la Constitution actuelle à savoir le cas Rangal Lemeiguran & Others v. Attorney General and others plus communément connu sous le nom d’affaire Ilchamus. Dans cette affaire, les Ilchamus, un groupe minoritaire du Kenya ont demandé à la Cour de se prononcer en faveur de l’attribution d’un siège qui leur serait spécifiquement réservé au sein de l’Assemblée nationale. Les requérants ont fait valoir que leurs droits reconnus par le Bill of Rights, notamment le droit à l’égalité de traitement et à la participation sur un pied d’égalité à la vie publique, étaient bafoués et continueraient à l’être s’ils n’étaient pas représentés au Parlement.

204.En statuant en faveur des requérants, la Cour s’est appuyée sur la décision prise par Ringera J. dans le cas Njoya & Others v. AG & Others (2004) qui énonce que « les notions d’égalité devant la loi, les droits des citoyens dans un état démocratique ainsi que la norme fondamentale relative à la non-discrimination exigent que chaque vote ait le même poids et qu’en vertu de ce principe, les minorités ne sauraient devenir des majorités dans les organes décisionnaires de l’État. Toutefois ce dernier point ne peut être l’unique élément à prendre en considération. Il faut en effet garder à l’esprit que les minorités quelle que soient leurs opinions ou leur couleur de peau ont le droit d’être protégées et qu’en vertu de la Constitution qui vaut pour tous les citoyens, pour les majorités comme pour les minorités, tous les points de vue sans exception doivent être pris en compte ».

Article 26

Égalité devant la loi

205.Ces informations doivent être recoupées avec celles fournies au titre de l’article 2. Le droit à l’égalité et à la non-discrimination a été reconnu dans le projet de constitution. Dans l’article 27, il est déclaré que tous les individus sont égaux devant la loi et que celle-ci doit leur accorder une égale protection. L’égalité dans ce cas signifie la jouissance pleine et entière et à part égale de toutes les libertés et droits fondamentaux. Cet article impose en outre à l’État de prendre des mesures législatives et autres, y compris des programmes et politiques de discrimination positive, pour compenser le handicap dont souffrent certains groupes ou individus en raison de discriminations passées.

Article 27

Droit des minorités d’avoir leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion ou d’employer leur propre langue

206.Le Kenya est un pays de 40 millions d’habitants qui compte des minorités ethniques, linguistiques et religieuses aux cultures différentes. Bien que ce fait n’ait jamais prêté à controverse, de récents événements et certaines décisions judiciaires ont conduit à reconnaître cette réalité et à prendre des initiatives concrètes pour la promouvoir. Le préambule du projet de constitution qui énonce que les Kényens sont « fiers de » leur « diversité ethnique, culturelle et religieuse et déterminés à vivre dans la paix et l’unité en tant que nation souveraine et indivisible » reconnaît que la diversité du Kenya ne doit pas porter atteinte à son unité. C’est dans cet esprit que le projet de constitution prévoit que la souveraineté populaire s’exerce tant au niveau national qu’à celui des comtés. L’article 6 (3) exige de l’État qu’il assure l’accès aux services publics dans tout le pays et ne laisse pas comme dans le passé, certaines zones totalement à l’écart.

207.En outre, l’article 7 énonce que si l’anglais et le swahili sont les deux langues officielles du pays, l’État se doit également de promouvoir et de protéger la diversité des langues du Kenya. L’article 8 stipule qu’il n’y a pas de religion d’État au Kenya, ce qui signifie toutes les religions sont égales devant la loi.

208.L’unité nationale, le patriotisme, le partage du pouvoir, l’inclusion sociale, la justice sociale, l’égalité, la non-discrimination et la protection des exclus font partie des valeurs nationales et des principes de gouvernance du Kenya, lesquels entendent promouvoir la justice et l’intégration nationale. L’article 12 (1) garantit à tous les citoyens l’égalité en matière de droits, de privilèges et d’avantages en veillant plus particulièrement à ce que ce principe s’applique à certains groupes considérés et reconnus comme étant plus vulnérables que le restant de la population. Il demande donc à l’État de répondre, entre autres, aux besoins des minorités et des communautés marginalisées et des membres de certaines communautés ethniques, religieuses ou culturelles. En particulier, l’article 27 garantit l’égalité des droits et prohibe la discrimination quels qu’en soient les motifs – race, origine ethnique, couleur, religion, opinion, conscience, culture ou langue – et dispose que des mesures de discrimination positive doivent être prises pour compenser les handicaps hérités d’anciennes discriminations.

209.De façon plus ciblée, l’article 44 protège le droits des minorités à employer leur propre langue et à avoir leur propre culture et l’article 56 dispose que des actions de discrimination positive doivent être entreprises en faveur des minorités et des groupes marginalisés dans les domaines suivants: satisfaction des besoins essentiels, accès à l’éducation, aux activités économiques et à l’emploi, participation aux affaires publiques et promotion de leur propre culture. L’article 100 demande au Parlement de promouvoir la représentation en son sein des ethnies, des minorités et des communautés marginalisées.

210.Lorsque la nouvelle constitution entrera en vigueur et sera pleinement opérationnelle, le Kenya aura dans une large mesure répondu aux exigences de l’article 27 du Pacte même s’il a été reconnu lors de la présentation du premier rapport que les droits des minorités d’avoir leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue ont toujours été garantis par l’actuelle Constitution et les autres législations.

V.Conclusion

211.Les difficultés que le Kenya a dû et doit encore surmonter dans le domaine des droits civils et politiques sont étroitement liées à des événements historiques que le projet de constitution a su prendre en compte en reconnaissant et en garantissant toutes les catégories de droits. Pour le Kenya, il est incontestable que tous les êtres humains sont égaux et, comme il a été réaffirmé à Vienne en 1993, tous les droits de l’homme sont universels, interdépendants et intimement liés.

212.Pour consolider les progrès qu’il a accomplis en matière de droits de l’homme, le Kenya est en train de finaliser l’élaboration d’une politique nationale et d’un plan d’action national pour les droits de l’homme, au moyen d’un vaste processus consultatif. Ces outils serviront à évaluer les atouts et les faiblesses du pays en matière de protection et de promotion des droits de l’homme ainsi que les opportunités et les risques dans ce domaine; ils permettront au gouvernement de fixer des objectifs et des priorités rationnels, assortis de délais réalistes; et ils serviront à planifier la gestion et la répartition des ressources conformément aux priorités identifiées pour la promotion, la protection et le renforcement des droits de l’homme dans le pays. Avec cette politique nationale et ce plan d’action national, les questions des droits de l’homme seront donc clairement associées à la planification nationale et au développement, de façon que le Kenya puisse atteindre cet objectif du plan «Vision 2030»: devenir un pays respectueux des droits de l’homme.