Nations Unies

CED/C/BIH/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

3 novembre 2016

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par la Bosnie-Herzégovine en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention *

Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par la Bosnie-Herzégovine en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/BIH/1) à ses 180e et 181e séances (CED/C/SR.180 et 181), les 4 et 5 octobre 2016. À sa 191e séance, le 12 octobre 2016, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec intérêt le rapport soumis par la Bosnie-Herzégovine en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, qui a été élaboré conformément aux directives pour l’établissement des rapports, ainsi que les informations qui y figurent. Il se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention, dialogue qui lui a permis de dissiper plusieurs de ses préoccupations.

Le Comité remercie aussi l’État partie de ses réponses écrites (CED/C/BIH/Q/1/Add.1) à la liste de points (CED/C/BIH/Q/1).

B.Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la quasi-totalité des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et les protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Le Comité félicite également l’État partie d’avoir reconnu la compétence du Comité pour examiner des communications émanant de particuliers et d’États en application des articles 31 et 32 de la Convention, respectivement.

Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises dans les domaines intéressant la Convention, notamment :

a)L’adoption de la loi sur les personnes disparues entrée en vigueur en 2004 et applicable aux personnes ayant disparu pendant la période allant du 30 avril 1991 au 14 février 1996 ;

b)La création en 2008 de l’Institut des personnes disparues ;

c)L’adoption en 2008 d’une stratégie nationale relative aux crimes de guerre ;

d)L’adoption en 2014 de la loi relative au programme de protection des témoins en Bosnie-Herzégovine ;

e)La signature de divers accords bilatéraux et documents portant sur la coopération avec les pays voisins dans la recherche des personnes disparues et visant à faciliter la poursuite des auteurs présumés de disparitions forcées.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre en Bosnie-Herzégovine. À cet égard, il se félicite que le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires se soit rendu dans le pays en 2010 et encourage l’État partie à continuer de coopérer avec ce mécanisme dans le cadre de son mandat.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures que l’État partie a prises en matière de disparition forcée, notamment le fait que le Code pénal de la Bosnie-Herzégovine érige celle-ci en infraction, mais estime qu’au moment de l’adoption des présentes observations finales, le cadre juridique en vigueur dans l’État partie aux fins de la prévention et de la répression des disparitions forcées n’était pas pleinement conforme aux obligations incombant aux États ayant ratifié la Convention. Le Comité encourage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif et dans le but d’aider, afin que la législation et la manière dont elle est appliquée par les autorités de l’État, des entités et des districts soient pleinement conformes aux droits et obligations consacrés par la Convention.

Renseignements d’ordre général

Structure constitutionnelle de l’État partie

Le Comité est conscient des difficultés posées par la structure constitutionnelle complexe de l’État partie, mais note avec préoccupation qu’en droit comme en pratique les juridictions aux divers niveaux se conforment de manière inégale aux obligations découlant de la Convention. À cet égard, le Comité prend note de l’adoption de mesures en vue d’harmoniser la législation aux niveaux de l’État, des entités et des districts, mais constate qu’en l’état actuel des choses les disparités entre les codes pénaux peuvent créer une incertitude juridique quant aux infractions, à leur définition et aux peines correspondantes, compromettant du même coup l’application uniforme de la Convention sur l’ensemble du territoire national.

Le Comité rappelle l ’ article 41 de la Convention et recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour que la législation et la pratique aux niveaux de l ’ État, des entités et des districts soient pleinement conformes aux obligations énoncées dans la Convention.

Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Impossibilité de déroger à l’interdiction de la disparition forcée

Le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale ne dispose pas expressément qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour déroger à l’interdiction de la disparition forcée (art. 1er).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour inscrire expressément dans le droit interne à tous les niveaux l ’ interdiction absolue de la disparition forcée, conformément au paragraphe 2 de l ’ article premier de la Convention.

Crime de disparition forcée

Le Comité accueille avec satisfaction les modifications apportées au Code pénal de la Bosnie-Herzégovine en mai 2015 aux fins d’ériger la disparition forcée en infraction autonome à l’article 190 a) et prend note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles cette nouvelle disposition ne couvre pas la responsabilité des agents de l’État au niveau des entités et des districts. Il constate qu’un certain nombre d’articles des codes pénaux des entités et des districts comportent des éléments liés à la disparition forcée, mais est préoccupé par le fait que ces articles ne suffisent pas pour couvrir comme il convient tous les éléments constitutifs et formes de la disparition forcée telle qu’elle est définie aux articles 2 et 6 de la Convention. À cet égard, le Comité estime que seule l’incrimination de la disparition forcée en tant qu’infraction distincte dans l’ensemble du pays permettrait à l’État partie de s’acquitter de son obligation au titre de l’article 4, qui est étroitement liée à d’autres obligations conventionnelles relatives à la législation, telles que celles énoncées aux articles 6, 7 et 8 (art. 2 et 4 à 8).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures législatives nécessaires pour faire en sorte que la disparition forcée soit érigée en infraction autonome dans les codes pénaux de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, de la Republika Srpska et du district de Brčko, conformément à la définition figurant à l ’ article 2 de la Convention. À cet égard, l ’ État partie devrait : a) faire en sorte que le crime de disparition forcée emporte des peines appropriées qui prennent en compte son extrême gravité ; b) garantir qu ’ en cas d ’ application d ’ un régime de prescription au crime de disparition forcée le délai de prescription soit de longue durée et proportionné à l ’ extrême gravité de ce crime et, compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, que ce délai commence à courir lorsque cesse le crime ; et c) veiller à ce que les modalités prévues à l ’ article 6 de la Convention soient prises en considération dans toutes les lois applicables.

Circonstances aggravantes et atténuantes

Le Comité note que le Code pénal de la Bosnie-Herzégovine énonce des principes généraux relatifs à la fixation de la peine, mais constate que l’État partie n’y a pas incorporé de dispositions expresses prévoyant les circonstances atténuantes et aggravantes applicables aux actes de disparition forcée qui sont visées à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour que le Code pénal de la Bosnie-Herzégovine prévoie des circonstances atténuantes et aggravantes pour l ’ acte de disparition forcée qui recouvrent tous les éléments énoncés au paragraphe 2 de l ’ article 7 de la Convention.

Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Enquêtes sur les disparitions forcées commises pendant les conflits armés en ex-Yougoslavie

Le Comité se félicite du taux très élevé de localisation et d’identification des personnes portées disparues du fait de la guerre et des récentes mesures prises pour accélérer les enquêtes. Il constate toutefois que l’on ignore toujours quel a été le sort d’environ un tiers des 30 000 personnes portées disparues dans l’État partie du fait de la guerre, ainsi que le lieu où elles se trouvent, et souligne que nombre d’entre elles pourraient avoir été victimes de disparition forcée. À cet égard, le Comité est préoccupé par la lenteur avec laquelle il est procédé à l’exhumation et à l’identification des restes humains, par l’insuffisance du budget alloué au Bureau du Procureur de la Bosnie-Herzégovine et par le manque de médecins légistes dans l’État partie. Le Comité est également préoccupé par le fait que certains problèmes, notamment celui de la politisation, ralentissent le processus de vérification des données du Registre central des personnes disparues (art. 12 et 24).

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de s ’ employer à établir la vérité et à déterminer ce qu ’ il est advenu de toutes les personnes portées disparues et le lieu où elles se trouvent, et, en cas de décès, à identifier leurs restes. Il recommande en particulier à l ’ État partie : a) de doter le Bureau du Procureur de la Bosnie-Herzégovine de ressources humaines et financières suffisantes et de nommer des médecins légistes supplémentaires afin qu ’ il soit procédé à l ’ exhumation et à l ’ identification le plus rapidement possible après que des restes ont été trouvés ; et b) d ’ accélérer le processus de vérification des données du Registre central des personnes disparues.

Institut des personnes disparues

Le Comité constate avec préoccupation que le budget de l’Institut des personnes disparues a diminué de moitié depuis sa création bien que ce dernier reprenne progressivement les responsabilités de la Commission internationale des personnes disparues, et regrette que l’Institut n’ait pas été doté de tous les moyens technologiques nécessaires pour détecter des fosses efficacement et en exhumer les restes humains. Le Comité est également préoccupé par le fait que la nomination des membres du Conseil d’administration est en suspens depuis 2012 et accueille avec satisfaction l’information communiquée par la délégation de l’État partie selon laquelle leur nomination est imminente (art. 12 et 24).

  Le Comité recommande à l ’ État partie de doter l ’ Institut des personnes disparues des ressources financières, humaines et technologiques dont il a besoin pour s ’ acquitter efficacement de son mandat, et d ’ accélérer la nomination des membres du Conseil d ’ administration.

Jugement des affaires de crimes de guerre

Le Comité salue les efforts déployés aux niveaux international et national en vue de juger et de punir les auteurs de crimes liés à la guerre. Il constate néanmoins avec préoccupation que, malgré ces efforts, il subsiste un nombre important d’affaires de crimes de guerre en souffrance et que le nombre de procès et de condamnations d’auteurs de disparitions forcées reste extrêmement limité. Le Comité prend note du fait que la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine n’a pas procédé à une évaluation des circonstances particulières de chaque affaire, s’agissant notamment de la gravité des crimes commis, lorsqu’elle a ordonné l’annulation des verdicts à la suite du jugement rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Maktouf et Damjanović. Il constate avec une vive préoccupation que la réouverture des affaires de crimes de guerre et de génocide a conduit à une réduction radicale des peines prononcées, y compris pour les auteurs de disparitions forcées, et que des délinquants reconnus coupables ont été libérés dans l’attente de la réouverture de leur procès, d’où un climat de peur et d’insécurité et la revictimisation de certaines personnes, ainsi qu’un manque de confiance dans le système de justice (art. 7, 8, 12 et 24).

Le Comité rappelle le caractère continu du crime de disparition forcée et recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour appliquer la Stratégie nationale relative aux crimes de guerre et de veiller à ce que toutes les disparitions forcées qui pourraient être imputables à des agents de l ’ État partie ou à des personnes ou groupes de personnes ayant agi avec l ’ autorisation, l ’ appui ou l ’ acquiescement d ’ agents de l ’ État partie dans le contexte des conflits armés qui ont eu lieu en ex ‑ Yougoslavie, fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et impartiales, et à ce que les individus reconnus coupables, notamment les chefs militaires et les supérieurs hiérarchiques civils, soient condamnés à des peines proportionnelles à la gravité de leurs actes.

Protection des personnes qui participent à une enquête

Le Comité accueille avec satisfaction la création de nouveaux départements chargés d’apporter une aide aux témoins pendant les procès pour crimes de guerre, mais est préoccupé par : a) les cas d’intimidation et de menaces contre des victimes et des témoins de disparition forcée ; b) l’insuffisance des moyens de protection des témoins, notamment l’absence de programmes de protection des témoins dans les entités où les affaires de crimes de guerre ont été transférées ; et c) les insuffisances et les lacunes en matière d’assistance et d’appui psychologique dans tout le pays (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que toutes les allégations de menaces ou d ’ intimidation contre des victimes ou des témoins dans des procédures judiciaires relatives à des crimes de guerre et des disparitions forcées fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et impartiales, et que les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées ;

b) De veiller à ce que les mesures de protection existantes soient effectivement appliquées à toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l ’ article 12 de la Convention et à ce que les personnes qui témoignent devant des tribunaux de district ou de canton ou d ’ autres juridictions inférieures bénéficient de mesures d ’ appui et de protection comparables à celles prévues par la loi de 2014 relative au programme de protection des témoins ;

c) De fournir un appui psychologique approprié et constant aux victimes et aux témoins avant, pendant et après les procès pour crimes de guerre.

Amnistie, remise de peine et immunité

Le Comité est préoccupé par : a) le fait que le paragraphe 2 de l’article 118 du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine prévoit la possibilité d’accorder l’amnistie dans les cas de crimes internationaux ; b) les propositions de loi qui autoriseraient des remises de peine pour les personnes reconnues coupables de crimes de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité lorsqu’elles auraient purgé les trois cinquièmes de leur peine ; c) le fait qu’il peut être accordé une immunité de poursuites avec la conclusion d’un accord de plaider-coupable ou un aveu de culpabilité en échange de renseignements sur des tombes individuelles ou des fosses communes (art. 7, 11 et 24).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger toute disposition qui aurait pour effet d ’ exonérer les auteurs de disparitions forcées de toutes poursuites ou sanctions pénales. Il recommande en particulier à l ’ État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour : a) supprimer la possibilité d ’ accorder l ’ amnistie dans les cas de crimes internationaux, notamment de disparition forcée ; b) retirer la proposition visant à modifier la loi relative à la grâce de la Bosnie-Herzégovine et veiller à ce que l ’ extrême gravité des actes de disparition forcée soit prise en considération, s ’ agissant de la possibilité d ’ accorder une remise de peine ; et c) veiller à ce que la conclusion d ’ accords de plaider-coupable et les autres moyens employés pour élucider des affaires de disparition forcée ou identifier les auteurs d ’ une disparition forcée n ’ entravent pas l ’ accès à la justice des victimes et ne conduisent pas à l ’ impunité.

Suspension de fonctions et procédure de vérification des antécédents

Le Comité note que les policiers et les fonctionnaires de Bosnie-Herzégovine soupçonnés d’avoir commis une infraction peuvent être provisoirement suspendus de leurs fonctions durant l’enquête, mais s’inquiète du manque de clarté sur le point de savoir si la législation en vigueur aux niveaux des entités et des districts offre les mêmes garanties et si des mécanismes procéduraux ont été mis en place sur tout le territoire aux fins d’exclure de l’enquête sur une disparition forcée les forces chargées d’assurer la sécurité ou le maintien de l’ordre, en cas d’implication ou de mise en cause d’un ou plusieurs de leurs membres dans l’affaire (art. 12).

En vue de renforcer le cadre normatif en vigueur et de garantir une application appropriée du paragraphe 4 de l ’ article 12 de la Convention, le Comité recommande que soient adoptées des dispositions juridiques précises au niveau de l ’ État, des entités et des districts qui prévoient expressément : a) la suspension, pendant la durée de l ’ enquête, de tout agent de l ’ État soupçonné d ’ avoir commis un crime de disparition forcée, qu ’ il soit civil ou militaire ; et b) un mécanisme garantissant que les forces de l ’ ordre ou de sécurité dont les membres sont soupçonnés d ’ être les auteurs d ’ une disparition forcée ne sont pas en mesure d ’ influer sur le cours de l ’ enquête ou de faire obstruction à l ’ enquête, de manière directe ou indirecte.

Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

Le Comité observe que le droit interne n’interdit pas expressément l’expulsion, le refoulement, la remise ou l’extradition d’une personne lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être victime d’une disparition forcée (art. 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inscrire expressément dans la législation nationale l ’ interdiction d ’ expulser, de refouler, de remettre ou d ’ extrader une personne s ’ il y a des motifs sérieux de croire qu ’ elle risque d ’ être victime d ’ une disparition forcée.

Mécanisme national de prévention

Le Comité est préoccupé par le retard pris dans l’adoption de la loi portant création d’un mécanisme national de prévention, qui devrait relever de l’institution du médiateur. Il note aussi avec préoccupation que les ressources budgétaires allouées au bureau du Médiateur sont en diminution depuis 2010, bien que son mandat ait été élargi (art. 17).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer la mise en place du mécanisme national de prévention, de s ’ employer rapidement à le rendre pleinement opérationnel et de le doter de ressources humaines et financières suffisantes.

Formation relative à la Convention

Le Comité note que des cours de formation aux droits de l’homme et à d’autres thèmes liés à la Convention sont dispensés à différents acteurs étatiques, mais regrette l’absence de formation spécifique et régulière sur la Convention (art. 23).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que l ’ ensemble du personnel militaire ou civil chargé de l ’ application des lois, le personnel médical, les agents de la fonction publique et les autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde ou le traitement de toute personne privée de liberté, notamment les juges, les procureurs et les autres responsables de l ’ administration de la justice, reçoivent régulièrement une formation adéquate sur les dispositions de la Convention, comme le prévoit l ’ article 23 de celle-ci.

Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

Définition de la victime

Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle la notion de « partie lésée » s’entend de quiconque subit directement un préjudice par suite d’une disparition forcée, mais constate avec préoccupation que le droit interne ne comporte pas de définition de la victime conforme à celle figurant au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention (art. 24).

L ’ État partie devrait procéder aux modifications législatives nécessaires pour établir une définition de la victime qui soit conforme à celle énoncée au paragraphe 1 de l ’ article 24 de la Convention.

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

Le Comité est préoccupé par : a) l’absence de programme national de réparation incluant notamment des mesures d’indemnisation, de restitution, de réadaptation et de satisfaction ainsi que des garanties de non-répétition ; b) le fait que le fonds d’aide aux familles de personnes disparues n’a pas encore été créé alors qu’il devrait être en place depuis plus d’une décennie conformément à la loi sur les personnes disparues, ce qui prive les proches de personnes disparues du droit d’être indemnisés ; c) l’absence de loi fédérale sur l’accès des proches de personnes disparues aux prestations sociales ; d) le fait que les notions de réparation et de protection sociale pour les victimes de la guerre se recoupent et les disparités, liées au lieu de résidence, en ce qui concerne l’accès aux prestations sociales et à d’autres mesures d’aide sociale et les montants accordés ; et e) le fait que plusieurs lois subordonnent le droit des proches d’une personne disparue de bénéficier de prestations sociales ou d’autres formes d’indemnisation à la déclaration du décès de la personne en question. À cet égard, le Comité accueille avec satisfaction les informations communiquées par la délégation de l’État partie concernant les mesures prises en vue de modifier l’article 27 de la loi sur les personnes disparues, qui dispose que les personnes enregistrées comme étant disparues et dont la disparition a été vérifiée dans le Registre central des personnes disparues sont considérées comme étant décédées et enregistrées comme telles dans le Registre des décès (art. 24).

L ’ État partie devrait garantir le droit d ’ obtenir réparation et d ’ être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate à quiconque a subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée, quelle que soit la date à laquelle l ’ acte a été commis et même si aucune procédure pénale n ’ a été engagée contre les auteurs présumés ou si ceux-ci n ’ ont pas été identifiés. À cet effet, le Comité recommande à l ’ État partie : a) d ’ adopter, à titre prioritaire, un système de réparation complète qui tienne compte de la problématique hommes-femmes et qui soit pleinement conforme aux dispositions des paragraphes 4 et 5 de l ’ article 24 de la Convention ; b) de prendre des mesures pour contourner les obstacles qui empêchent la mise en place du f onds d ’ aide aux familles de personnes disparues ; c) de faire en sorte que les proches de personnes disparues aient accès aux prestations sociales et autres mesures d ’ aide sociale et que celles-ci soient harmonisées entre les différents niveaux de pouvoir ; et d) d ’ abroger les dispositions légales qui font obligation de déclarer le décès de la personne disparue pour avoir accès aux prestations sociales ou à d ’ autres formes d ’ indemnisation, et d ’ accélérer la modification de l ’ article 27 de la loi sur les personnes disparues en vue de supprimer la présomption automatique de décès des personnes dont la disparition a été vérifiée dans le Registre central des personnes disparues.           

Législation relative à la soustraction d’enfants

Le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions incriminant expressément les actes liés à la soustraction d’enfants visés au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention. Il note aussi avec préoccupation que le sort de 94 enfants victimes de disparition forcée en 1995 à Srebrenica, et le lieu où ils se trouvent, n’ont toujours pas été déterminés (art. 25).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour incriminer expressément les actes visés au paragraphe 1 de l ’ article 25 de la Convention et prévoir des peines proportionnées à l ’ extrême gravité de ces actes. Il engage aussi instamment l ’ État partie à poursuivre ses efforts en vue de rechercher et d ’ identifier les enfants disparus, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 25 de la Convention.

D.Diffusion et suivi

Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et, à ce propos, demande instamment à l’État partie de veiller à ce que toutes les mesures adoptées, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes aux obligations qu’il a contractées en devenant partie à la Convention et d’autres instruments internationaux pertinents. Le Comité demande tout particulièrement à l’État partie de faire en sorte que toutes les disparitions forcées fassent l’objet d’une enquête efficace et de garantir le plein exercice des droits des victimes tels qu’ils sont consacrés dans la Convention.

Le Comité tient également à souligner l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants qu’elles touchent. Les femmes victimes de disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence sexiste. Lorsqu’elles sont les parentes d’une personne disparue, les femmes sont particulièrement exposées à de graves conséquences sociales et économiques ainsi qu’à la violence, à la persécution et aux représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour localiser leur proche. Pour leur part, les enfants victimes de disparition forcée, qu’ils soient eux-mêmes soumis à une disparition ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition de leurs parents, sont particulièrement exposés à de multiples violations des droits de l’homme, notamment la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste sur la nécessité, pour l’État partie, de tenir compte de la problématique hommes-femmes et de la sensibilité des enfants dans l’application des droits et obligations qui découlent de la Convention.

L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, ainsi que le rapport qu’il a soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29, ses réponses écrites à la liste de points élaborée par le Comité, et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales qui sont actives dans le pays et le grand public. Le Comité invite aussi l’État partie à encourager la société civile à participer à la mise en œuvre des présentes observations finales.

Conformément au règlement du Comité, l’État partie devrait communiquer, le 14 octobre 2017 au plus tard, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 18, 20 et 32.

En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 14 octobre 2022, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tous renseignements nouveaux concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document conforme aux prescriptions énoncées dans les directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (voir CED/C/2, par. 39). Le Comité encourage l’État partie à promouvoir et à faciliter la participation de la société civile à la compilation de ces informations.