NATIONS UNIES

CMW

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr.GÉNÉRALE

CMW/C/SEN/14 janvier 2010

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTSET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION

Rapport initial des États parties

SÉNÉGAL *

[1er décembre 2009]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

INTRODUCTION GÉNÉRALE1 − 193

PREMIÈRE PARTIE: Renseignements généraux sur la mise en œuvrede la Convention20 – 588

A.Description du cadre constitutionnel, législatif, judiciaireet administratif régissant la mise en œuvre de la Convention,et des accords bilatéraux, régionaux ou multilatérauxdans le domaine de la migration20 – 458

B.Renseignements quantitatifs et qualitatifs sur les caractéristiqueset la nature des flux migratoires et description de la situationréelle concernant l’application concrète de la Convention…….46 – 5745

C.Informations sur les mesures prises pour la diffusion etla promotion de la Convention5817

DEUXIÈME PARTIE: Informations concernant les dispositionsde la Convention59 – 11218

A.Mise en œuvre des principes généraux de la Convention59 – 6418

B.Mise en œuvre de la troisième partie de la Convention:Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants etdes membres de leur famille65 – 8519

C.Mise en œuvre de la quatrième partie de la Convention:Autres droits des travailleurs migrants et des membresde leur famille qui sont pourvus de documents ouen situation régulière.86 – 9723

D.Mise en œuvre de la cinquième partie de la Convention:Dispositions applicables à des catégories particulières de travailleurs migrants et aux membres de leur famille.Dispositions ou mesures adoptées en ce qui concerneles catégories particulières de migrants indiquéesaux articles 57 à 63 de la Convention, s’il y a lieu98 – 10025

E.Mise en œuvre de la sixième partie de la Convention:Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légalesen ce qui concerne les migrations internationalesdes travailleurs migrants et des membres de leur famille(art. 65 et 66)101 – 11226

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1.Le Gouvernement de la République du Sénégal a l’honneur de soumettre son rapport initial au Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, conformément à l’article 73 de La Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1990 dans sa résolution 45/158 entrée en vigueur le 1juillet 2003. L’État du Sénégal a ratifié la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille le 9 juin 1999.Par cette procédure de ratification, ladite Convention est devenue un élément de l’ordonnancement juridique interne du Sénégal où elle a acquis «une autorité supérieure à celle des lois» (art. 98 de la Constitution). Comme la Constitution, la loi et les règlements, la Convention fait désormais partie du corpus juridique national que les institutions de l’État ont l’obligation d’appliquer.

2.Le Sénégal se situe à l’avancée la plus occidentale du continent africain dans l’Océan Atlantique, au confluent de l’Europe, de l’Afrique et des Amériques, et à un carrefour de grandes routes maritimes et aériennes.D’une superficie d’environ 196 722 km2, il est limité au nord par la Mauritanie, à l’est par le Mali, au sud par la Guinée et la Guinée Bissau, à l’ouest par la Gambie, et par l’Océan Atlantique sur une façade de plus de 500 km. Dakar, la capitale, dont la superficie est de 550 km2, est une presqu’île située à l’extrême Ouest du pays. Le climat est de type soudano-sahélien. Il est caractérisé par l’alternance d’une saison sèche allant de novembre à mai et d’une saison des pluies allant de juin à octobre.

3.Le Sénégal est une République laïque, démocratique et sociale qui assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion et qui respecte toutes les croyances. La Constitution consacre le principe de la démocratie en rappelant que la souveraineté nationale appartient au peuple sénégalais qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. La forme républicaine de l’État prend appui sur le caractère démocratique du système politique marqué par la séparation et l’indépendance des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

4.A la suite des révisions constitutionnelles intervenues en 2007 et 2008, il a été institué un Sénat introduisant un pouvoir législatif exercé par un Parlement (bicaméral) composé d’un Sénat et d’une Assemblée nationale. Dans cette même perspective, la loi n° 2008-32 du 7 Août 2008 a crée un Conseil économique et Social. Le Président de la République, Chef de l’Exécutif, est élu au suffrage universel direct. Il définit la politique de la Nation mise en œuvre par le Gouvernement à la tête duquel se trouve un Premier Ministre qu’il nomme.

5.La population sénégalaise compte environ 11,4 millions d’habitants soit un taux d’accroissement moyen annuel de 2,6% et une densité moyenne de 48 habitants au km². Plus de 25% de la population est concentrée dans la région de Dakar. L’autre pôle de concentration est le centre du pays les régions de Fatick, Kaffrine et Kaolack, qui est le bassin arachidier avec plus de 35 % de la population. L’Est du pays est très faiblement peuplé.

6.Les femmes représentent 52 % de la population. Les étrangers représentent environ 2 %. Ces derniers sont surtout présents dans la capitale Dakar et s’activent dans le commerce, l’industrie, les services et les organismes internationaux. Les religions pratiquées sont l’Islam, le Christianisme et l’animisme (musulmans 94%, chrétiens 5%, et 1% pour les religions traditionnelles).

7.L’examen de la structure par âge, révèle la jeunesse de la population: la moyenne d’âge est de 22 ans et 42,7 % de la population ont moins de 15 ans. La population potentiellement active (15 à 64 ans) représente 53,8 % et celle des personnes âgées (65 ans et plus) 3, 6 %. S’agissant de la population scolarisable, c’est-à-dire celle âgée de 7 à 12 ans, elle représente 17% de la population totale dont les deux tiers vivent en milieu rural.

8.Par ailleurs, la population sénégalaise présente une forte diversité ethnique. Elle compte une vingtaine d’ethnies dont les principales sont les wolofs (43 % de la population), les Pulaars (24%) et les Sérères (15%). Les autres groupes sont constitués de populations, vivants dans des zones  du Sud du pays, notamment dans la région naturelle de la Casamance (à majorité catholique avec souvent une forte tradition animiste). Ce sont les Diolas (3 %) qui en constituent la communauté la plus importante, les Mandingues (5,3 %) et les Bambaras (0,5 % chacun) qui constituent de petites communautés dans les régions périphériques proches du Mali ou de la Guinée. D’autres minorités ethniques habitent dans les montagnes du Sud-Est, tels les Bassari dans les contreforts du Fouta-Djalon.

9.Cette diversité ethnique est accompagnée par un dynamisme culturel alimenté par des traditions séculaires propres à chaque groupe. Le Gouvernement depuis l’accession du pays à la souveraineté internationale a toujours mené des politiques de valorisation des cultures traditionnelles authentiques et positives et le développement des langues nationales au même titre que la langue officielle du pays, le français. Les mariages interethniques, la cohabitation pacifique des communautés religieuses et les traditions de «cousinage à plaisanterie», constituent autant de valeurs garantissant une cohésion de la nation sénégalaise.

10.Au plan économique, en 2004, selon des sources indépendantes, le produit national brut (PNB) s’élevait à 7,2 milliards de dollars, soit un revenu moyen par habitant de 700 dollars. Le Président Abdoulaye Wade a engagé en 2005 le pays dans une «stratégie de croissance accélérée» visant à le hisser au rang de pays émergent et reposant notamment sur la modernisation de l’agriculture et le développement de l’industrie agroalimentaire. Le plan de Retour vers l’agriculture (REVA) encourageant les jeunes et particulièrement les émigrés et les victimes de la migration clandestine à développer des projets agricoles et la Grande Offensive pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA) entamée au cours de l’année 2008 pour répondre à la crise alimentaire témoignent de la volonté politique de l’État de faire de l’agriculture un levier important du développement économique et social.

11.Le secteur tertiaire (tourisme, télé services), l’industrie textile et l’habillement ainsi que les produits de la mer ont connu des développements importants. Il a également lancé de «grands projets» destinée à combler le déficit d’infrastructures entravant le développement du pays (construction d’infrastructures routières modernes à Dakar et à l’intérieur du pays, nouvel aéroport international à Ndiass, autoroute entre Dakar et Thiès pour décongestionner Dakar, projet de construction d’un port minéralier à Bargny, modernisation du réseau ferré, exploitation des mines de fer du Sénégal oriental, des phosphates de Matam…etc.).

12.Les ressources allouées à l’éducation (du préscolaire à l’enseignement supérieur) sont passées de 35% en 2003, à 37% en 2004 et à 40% en 2005, grâce à une politique volontariste du Président de la République. Le Gouvernement a fait des efforts considérables pour augmenter l’offre d’enseignement primaire dans les zones rurales. Au cours de la période 2000-2004, le Gouvernement a construit 7 109 nouvelles classes primaires et a réhabilité 930 autres. Au niveau national, l’enseignement moyen compte en moyenne 295 474 élèves dont 42 % sont des filles.

13.La priorité aux soins de santé primaires donnée au plan national s’est traduite par une distribution correcte des structures de santé. La couverture en postes de santé (≈ 1 poste pour 11 000 habitants), proche de l’objectif national, a été renforcée par des mesures complémentaires conformes aux recommandations de l’Initiative de Bamako (réduction des coûts, amélioration de la gestion, participation des populations, rationalisation de la prescription).

14.Ces mesures ont permis l’accès gratuit ou allégé à des prestations de santé, exécutées dans le cadre de programmes et de plans d’action tels que:

-le Programme élargi de vaccination (PEV);

-la Consultation prénatale (CPN);

-la Consultation primaire curative (CPC);

-la Prise en charge des personnes âgées (Plan Sésame);

-le Programme de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfance);

-le Programme de prise en charge des épidémies;

-le Programme de Renforcement de la Nutrition (PRN), etc.

15.Par ailleurs, le Gouvernement accorde une priorité absolue à la lutte contre le paludisme et le VIH/sida compte tenu de l’impact de ces fléaux sur le développement humain. En effet, leProgramme National de Lutte contre le VIH/sida avec une composante Orphelins et Enfants rendus Vulnérables par le VIH/sida (OEV), a enregistré des résultats satisfaisants. Le taux de prévalence du VIH dans la population en générale est estimé en 2005 à 0,70 % (EDS- 2005) et à 1,5 % au niveau des sites sentinelles. Le Plan d’Action National de Lutte contre le VIH/Sida a été élaboré pour 2002-2006. Un autre Plan d’action national couvrira la période 2007-2011.

16.En matière de politique de sécurité sociale, l’État du Sénégal a ratifié la Convention nº102 de l’OIT et mis en place un système moderne de sécurité sociale au profit des travailleurs et des membres de leur famille. La dynamique de revalorisation des prestations amorcée depuis 2000 a permis d’enregistrer de 2002 à 2008 une augmentation des pensions de 55 % en valeur nominale et de 50 % en valeur réelle et le paiement bimensuel des pensions de retraite.  En ce qui concerne les prestations familiales, elles sont passées de 750 FCFA par à 2400 FCFA par mois et par enfant en charge dans le secteur public. Par ailleurs, dans le secteur privé, le Gouvernement alloue, à travers la Caisse de Sécurité Sociale, des allocations familiales de 6 750 FCFA par trimestre et par enfant. Ces allocations bénéficient aux enfants scolarisés jusqu’à 21 ans, aux non- scolarisés jusqu’à 15 ans et aux enfants en apprentissage (y compris dans le secteur artisanal) jusqu’à 18 ans.

17.À travers son Département pour l’Action Sanitaire, Sociale et Familiale, la Caisse de Sécurité Sociale offre d’autres prestations pour les groupes vulnérables comme l’accès à faible coût aux médicaments ainsi que la récupération nutritionnelle. Le système actuel de sécurité sociale fonctionne sur des dispositifs formels de protection sociale ne prenant en compte que les travailleurs affiliés à la Caisse de Sécurité Sociale. Le Sénégal vient d’élaborer une Stratégie Nationale de Protection Sociale dont l’extension de la protection sociale aux secteurs non formels et la protection sociale des groupes vulnérables constituent des composantes essentielles.

18.Au Sénégal, la catégorie des personnes handicapées regrouperait entre 6 à 10 % de la population sénégalaise répartis comme suit: 32,76 % de handicapés moteurs; 16,60 % de handicapés visuels; 50,64 % des autres catégories, notamment les sourds-muets, albinos, malades mentaux, hanséniens (lépreux lésionnels), etc. Il existe des programmes et services ciblant les handicapés notamment: le Programme d’Education avec une dimension d’éducation intégratrice qui a permis la scolarisation de certains enfants handicapés dans les écoles publiques primaires, les institutions préscolaires (type Case des Tout Petits) avec des aménagements d’environnement physique adéquat; le Centre Talibou Dabo pour la réinsertion sociale des handicapés moteurs; le Centre Verbo-tonal pour la réinsertion sociale des sourds muets; le Centre pour enfants handicapés visuels de Thiès. Concernant la Convention sur les droits des personnes handicapées, la loi autorisant le Président de la République à ratifier ce texte a fait l’objet d’un examen par le Parlement sénégalais et c’est ainsi que l’Assemblée nationale a adopté en sa séance plénière du 26 octobre 2009 et le Sénat en sa séance plénière du 20 novembre 2009.

19.Le Gouvernement sénégalais a mis en œuvre plusieurs initiatives en vue de réduire la pauvreté et soutenir les familles démunies:

-Un Fonds de Développement Social (de 2002 à 2005) qui a soutenu la réalisation de 1.172 projets pour un coup global de 10,5 milliards FCFA (dont 2 milliards pour le financement des activités de Projets touchant directement les familles) avec 486.

-Les Organisations Communautaires de Base (OCB) dont 300 OCB de femmes. En chiffre absolu, le nombre total de bénéficiaires est de 917.385 personnes;

-Le Programme d’Appui à la Réduction de la Pauvreté (PAREP) financé entre 2003 et 2005 pour un montant de 1,3 milliards FCFA en faveur des catégories marginalisés et des groupes vulnérables (femmes, jeunes, enfants, handicapés, personnes du 3ème âge, personnes déplacées et réfugiées) à travers leurs organisations:

-Le Programme de Lutte contre la Pauvreté (PLCP) pour un coût global de 15 milliards avec 75 236 bénéficiaires de micro crédits dont 80 % de femmes.

-Le Fonds de solidarité nationale, dont les dépenses annuelles en 2004 ont été estimées à 650 millions de FCFA.

PREMIÉRE PARTIE: RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION.

A. Description du cadre constitutionnel, législatif, judiciaire et administratif régissant la mise en œuvre de la Convention , et des accords bilatéraux, régionaux ou multilatéraux dans le domaine de la migration

20.Le cadre constitutionnel, législatif, judiciaire et administratif en vigueur au Sénégal traduit l’existence d’une réelle volonté politique de mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative à la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille. L’arsenal juridique sénégalais dans son ensemble accorde beaucoup d’attention aux travailleurs migrants établis au Sénégal sans aucune discrimination, ainsi qu’aux ressortissants des Etats non signataires de ladite Convention, à l’intérieur desquels vivent des milliers de Sénégalais dans des conditions souvent difficiles. Les Sénégalais de l’extérieur, citoyens à part entière et acteurs importants du développement économique et social du pays, bénéficient d’une assistance des Autorités de l’État par le biais du Ministère des Affaires étrangères.

a-1 / Au niveau constitutionnel

21.La Constitution du Sénégal elle-même s’appuie aussi bien sur la primauté du droit que sur les engagements internationaux et régionaux souscrits par l’État sénégalais, pour édicter ses règles et principes fondamentaux d’organisation et de fonctionnement de l’État et de la communauté nationale. En complément des garanties constitutionnelles largement détaillées dans l’introduction général du présent rapport, l’article 25 de la Constitution reconnaît à chacun le droit de travailler et de prétendre à un emploi sans aucune discrimination entre l’homme et la femme devant l’emploi et le salaire. Cette importante œuvre normative, largement inspirée du droit international des droits de l’homme, témoigne de la volonté politique sans équivoque des pouvoirs publics sénégalais de prendre part à la lutte que la communauté internationale mènedans le cadre des Nations Unies et de la coopération régionale et bilatérale contre le fléau de la traite des personnes et pratiques assimilées et la protection des travailleurs migrants y compris les expatriés sénégalais. En effet, les Sénégalais de l’extérieur exercent leurs droits civils et politiques dans les mêmes conditions que les nationaux (droit de vote, accès aux services administratifs et sociaux). À bien des égards, les dispositions pertinentes que renferme la Constitution en ce qui concerne les droits inaliénables de la personne humaine sont naturellement étendues aux étrangers notamment les travailleurs migrants et les membres de leur famille vivant sur le territoire national, par l’existence d’un cadre législatif assez substantiel.

a – 2 Au niveau législatif, réglementaire et judiciaire

22.Plusieurs textes illustrent l’engagement de l’État du Sénégal de mettre en œuvre au niveau législatif, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Au delà des textes de portée générale comme le Code électoral, le Code pénal et le Code de la famille qui garantissent sans aucune discrimination, une mise en œuvre et une protection efficace des droits et libertés individuelles et collectives consacrés par la Constitution, des textes spécifiques ont déjà été adoptés, prenant en compte les intérêts de tous les travailleurs migrants régulièrement établis sur son territoire, mais aussi ceux de la diaspora sénégalaise.

23.On peut citer notamment:

 La loi 71-10 du 25 janvier 1971 relative aux conditions d’admission, de séjour et d’établissement des étrangers au Sénégal et son Décret d’application n° 71- 860 du 28 juillet 1971.

En vertu de cette législation, les travailleurs migrants désirant s’établir au Sénégal doivent se conformer aux prescriptions et conditions édictées par cette législation dont la mise en œuvre est essentiellement assurée par le Ministère de l’Intérieur pour obtenir une autorisation de séjour ou d’établissement.

24.Dans la législation sénégalaise, l’admission de tout travailleur migrant à un emploi salarié est subordonnée à une autorisation administrative préalable valant permis de travail. L’autorité compétente accorde l’autorisation de travail en tenant compte de la situation qui prévaut sur le marché de l’emploi et, en particulier, des possibilités d’embauche de nationaux dont les profils professionnels correspondent au type d’emploi considéré.

25.Une fois l’autorisation de travail octroyée, le migrant doit solliciter, auprès de la Police des Étrangers, la délivrance d’une carte d’identité d’étranger valant titre de séjour.

26.À la date du 2 juillet 2003, les statistiques fournies par le Ministère de l’intérieur situent le nombre de migrants immatriculés au Sénégal à 53 966 personnes: 29 926 hommes pour 24 040 femmes.

27.Ainsi, les étrangers désireux de s’établir au Sénégal pour y exercer une activité salariale doivent produire un contrat de travail réglementaire muni du visa d’approbation prévu par le Code du travail. Pour les activités non salariales, le requérant doit prouver les moyens d’existence dont il dispose.

28.L’article 13 du décret d’application dispose expressément «l’autorisation de séjour ou d’établissement est individuelle. Elle s’étend toutefois aux enfants de moins de quinze ans de l’étranger, si celui-ci (le requérant) en a fait la demande et sous réserve que ses enfants l’accompagnent lors de son entrée au Sénégal»

29.Par ailleurs, dans le souci de faciliter l’utilisation de la main d’œuvre étrangère par les entreprises sénégalaises, un système d’allégement des conditions d’établissement est codifié (dispense de versement de consignation de rapatriement et de taxes).

30.Cette réglementation générale est fortement atténuée pour les originaires des zones d’intégration dont le Sénégal est membre. En effet, l’acte constitutif de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et ses différents accords garantissent, dans la zone, une libre circulation des biens et des personnes. Les instruments de l’Union économique et monétaire de l’Ouest africain (UEMOA) ont renforcé d’avantage le droit d’établissement des ressortissants de la zone. Le respect de ces règles communautaires est contrôlé par des Cours de justice commune. L’Organisation pour l’harmonisation des droits des affaires en Afrique (OHADA) offre un cadre juridique harmonisé assurant une plus grande sécurité des investissements et la protection sociale des travailleurs.

La loi 97-17 du 1 er décembre 1997 portant Code du Travail; les différentes lois sociales ( La loi 75-50 du 03 avril 1975 relative aux Institutions de Prévoyance Sociale et le Décret 75-895 du 14 août 1975 portant organisation des institutions de prévoyance maladie d’entreprise ou interentreprises et rendant obligatoire la création desdites institutions , la loi 73-37 du 31 juillet 1973 portant Code de la sécurité sociale et le Décret 75 455 du 24 avril 1975 rendant obligatoire pour tous employeurs et pour tous les travailleurs l’affiliation à un régime de retraite et les accords bilatéraux.

31.Les étrangers employés au Sénégal bénéficient d’un régime de protection juridique spécifique. En plus des conditions de travail et de rémunération identiques à celles des nationaux, le migrant a droit, en vertu des dispositions du Code du travail notamment en son article L106, au regroupement familial et au logement qui est à la charge de l’employeur. Ce dernier supporte les frais de transport du travailleur migrant, de son conjoint, et de ces enfants mineurs vivant habituellement avec lui.

32.Les enquêtes menées au sein des Universités Cheikh Anta Diop de Dakar et Gaston Berger de Saint-Louis indiquent l’égalité de chances entre nationaux et étrangers dans le recrutement des personnels enseignants et de recherche. On notera à titre d’exemple que sur les 103 PER (Personnel Enseignant et de Recherche) recrutés par la deuxième université du Sénégal, 10 sont d’origine étrangère: 1 Mauritanien, 2 Béninois (dont 1 naturalisé), 1 Nigérien, 1 Congolais de Brazzaville, 2 ressortissantsde la République démocratique du Congo, 1 Centrafricain, 1 Malien et 1 Camerounais. Ces derniers ont les mêmes avantages que les nationaux et bénéficient, outre le logement, d’un voyage au pays d’origine tous les quatre ans en compagnie de leur épouse et des enfants mineurs. Le voyage au pays d’origine n’est toutefois pas cumulable avec le voyage d’études auquel tout enseignant ou chercheur a droit une fois tous les deux ans.»

33.Le droit syndical et la protection du droit syndical, sont reconnus à toute personne exerçant son activité professionnelle au Sénégal y compris le travailleur migrant. Tout ressortissant étranger peut adhérer librement à un syndicat. Il peut, s’il est domicilié au Sénégal depuis cinq ans au moins, accéder aux fonctions d’administration et de direction d’un syndicat, à condition que son pays d’origine accorde le même droit aux ressortissants sénégalais.

34.Le travailleur migrant et les membres de sa famille bénéficient, dans les mêmes conditions et suivant les mêmes règles appliquées aux travailleurs sénégalais d’une couverture en matière de risques sociaux.

35.En ce qui concerne le versement des pensions de retraite, la législation nationale ne pose aucune restriction relativement au lieu de résidence du travailleur migrant. Celui-ci peut choisir de les percevoir sur le territoire sénégalais, dans son pays d’origine ou tout autre lieu de son choix. Les frais de mise à disposition de la pension de retraite sont à la charge de l’institution de retraite d’affiliation. 

« La reconnaissance des droits des travailleurs migrants par voie législative ou réglementaire constitue certes une avancée significative mais leur application peut laisser à désirer. Quand ces droits sont bafoués, le travailleur migrant peut assigner son employeur devant l’Inspection du Travail et de la Sécurité socialede son lieu d’emploi. Celui-ci doit examiner le recours du plaignant dans le sens d’une conciliation des différentes parties. Si un règlement à l’amiable ne peut être obtenu, le travailleur peut introduire un recours en justice notamment devant de le Tribunal du Travail.»(Source: Papa Demba Fall «Migration internationale et droits des travailleurs au Sénégal» 5 Avril 2003, Section de la migration internationale et des politiques multiculturellesSérie UNESCO: Rapports par pays sur la ratification de la Convention des Nations Unies sur les droits des migrants).

36.Cette législation appréciée positivement est largement inspirée des arrangements bilatéraux ou multilatéraux ainsi les conventions internationales.En effet l’État du Sénégal a ratifié une trentaine des Conventions de l’Organisation internationale duTravail(OIT).Le tableau ci-après donne un aperçu global de la situation des conventions signées et ratifiées:

- Convention 4 sur le travail de nuit (femmes), 1919 04:11:1960 ratifiée

- Convention 5 sur l’âge minimum (industrie), 1919 04:11:1960 dénoncée le 15:12:1999

- Convention 6 sur le travail de nuit des enfants (industrie), 1919 04:11:1960 ratifiée

- Convention 10 sur l’âge minimum (agriculture), 1921 22:10:1962 ratifiée

- Convention 11 sur le droit d’association (agriculture), 1921 04:11:1960 ratifiée

- Convention 12 sur la réparation des accidents du travail (agriculture), 1921 22:10:1962

ratifiée

- Convention 13 sur la céruse (peinture), 1921 04:11:1960 ratifiée

- Convention 14 sur le repos hebdomadaire (industrie), 1921 04:11:1960 ratifiée

- Convention 18 sur les maladies professionnelles, 1925 04:11:1960 dénoncée le 10:05:1971

- Convention 19 sur l’égalité de traitement (accidents du travail), 1925 22:10:1962 ratifiée

- Convention 26 sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928 04:11:1960 ratifiée

- Convention 29 sur le travail forcé, 1930 04:11:1960 ratifiée

- Convention 33sur l’âge minimum (travaux non industriels), 1932 04:11:1960 dénoncée le

15:12:1999

- Convention 41 (révisée) du travail de nuit (femmes), 1934 04:11:1960 dénoncée le

22:10:1962

- Convention 52 sur les congés payés, 1936 22:10:1962 ratifiée

- Convention 81 sur l’inspection du travail, 1947 22:10:1962 ratifiée

- Convention 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 04:11:1960

ratifiée

- Convention 89 sur le travail de nuit (femmes) (révisée), 1948 22:10:1962 ratifiée

- Convention 95 sur la protection du salaire, 1949 04:11:1960 ratifiée

- Convention 96 sur les bureaux de placement payants (révisée), 1949 22:10:1962 ratifiée

- Convention 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949 28:07:1961 ratifiée

- Convention 99 sur les méthodes de fixation des salaires minima (agriculture), 1951 22:10:1962 ratifiée

- Convention 100 sur l’égalité de rémunération, 1951 22:10:1962 ratifiée

- Convention 101 sur les congés payés (agriculture), 1952 22:10:1962 ratifiée

- Convention 102 concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952 22:10:1962 ratifiée

- Convention 105 sur l’abolition du travail forcé, 1957 28:07:1961 ratifiée

- Convention 111 concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 13:11:1967 ratifiée

- Convention 116 portant révision des articles finals, 1961 13:11:1967 ratifiée

- Convention 117 sur la politique sociale (objectifs et normes de base), 1962 13:11:1967 ratifiée

- Convention 120 sur l’hygiène (commerce et bureaux), 1964 25:04:1966 ratifiée

- Convention 121 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies

Professionnelles, 1964 25:04:1966 ratifiée

- Convention 122 sur la politique de l’emploi, 1964 25:04:1966 ratifiée

- Convention 125 sur les brevets de capacité des pêcheurs, 1966 15:07:1968 ratifiée

- Convention 135 concernant les représentants des travailleurs, 1971 24:08:1976 ratifiée

- Convention 138 sur l’âge minimum, 1973 15:12:1999 ratifiée

- Convention 182 sur les pires formes de travail des enfants, 1999 01:06:2000 ratifiée

(Source: Organisation internationale du Travail)

Par ailleurs, le Code des Impôts, le Code des investissements, le Code des Douanes et des accords bilatéraux spécifiques, garantissent à plusieurs ressortissants, travailleurs établis au Sénégal, le choix d’une sécurité sociale plus avantageuse, la franchise des biens et effets personnels, le rapatriement des avoirs et une imposition fiscale unique.

 La loi relative à la lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants.

37.L’État du Sénégal s’est doté de la loi n° 2005 - 06 du 10 mai 2005 relatif à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes, suite à la ratification du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants et le Protocole additionnel à la même Convention visant à combattre le trafic des migrants par mer ou terre. Cette loi de 2005 incrimine les délits de traite, d’exploitation de la mendicité d’autrui, de la migration clandestine par terre, air et mer et la falsification de documents d’identification et de voyage, tout en accordant une protection judiciaire et sociale aux victimes et aux témoins. Rappelons qu’auparavant le Sénégal a ratifié le 14 octobre 2003, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente des enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

 La loi n° 61-10 du 7 mars 1961, modifiée par la loi n° 89-42 du 26 décembre 1989 relative à la nationalité sénégalaise.

38.L’acquisition de la nationalité sénégalaise pour les étrangers procède d’une décision de l’autorité publique sur demande du requérant. Celui-ci doit avoir séjourné de manière continue au Sénégal pendant 10 ans au moins. Ce délai est réduit à cinq ans pour ceux qui sont mariés à un ressortissant sénégalais, rendu un service exceptionnel à la Nation ou travaillé cinq ans dans l’administration ou dans un Établissement public.

39.En outre «Peut opter pour la nationalité sénégalaise à partir de l’âge de 18 ans et jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de 25 ans:

1.L’enfant légitime né d’une mère sénégalaise et d’un père de nationalité étrangère;

2.L’enfant naturel lorsque celui de ses parents à l’égard duquel la filiation a été établie en second lieu est sénégalais si l’autre parent est de nationalité étrangère.»

La femme étrangère qui épouse un Sénégalais peut acquérir la nationalité sénégalaise, sauf si elle y a renoncé expressément lors de la célébration du mariage. Inversement, la femme sénégalaise qui épouse un étranger ne perd pas sa nationalité d’origine, sauf si en vue de son mariage, elle demande expressément à en être déchue. Dans ce cas, la déchéance ne joue que si elle peut acquérir la nationalité du futur époux.

40.Selon l’étude universitaire précitée, les communautés installées de longue date comptent un nombre important de membres nés au Sénégal: 59,61 % de Béninois, 41,19 % d’Ivoiriens, 38,38 % de Burkinabès, 24,63 % de Nigériens. En l’absence de données chiffrées, on connaît très peu le statut de ces populations qui sont fort discrètes. Si les enfants sont presque tous nés au Sénégal, leur accès à la nationalité sénégalaise est rendu difficile selon certains observateurs, notamment par la lenteur de la procédure de naturalisation.

 Les lois sur la liberté d’association et d’expression et de lutte contre la discrimination

41.Ces libertés publiques sont garanties par plusieurs dispositions législatives, notamment:

a.La loi n° 79-02 du 4 janvier 1979 abrogeant et remplaçant les alinéas 2 et 3 de l’article 814 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, et l’article 2 de la loi n° 68-08 du 26 mars 1968 modifiant le chapitre II relatif aux associations du livre VI du Code des Obligations Civiles et Commerciales et réprimant la constitution d’associations illégales;

b.La loi n° 79-03 du 4 janvier 1979 abrogeant et remplaçant l’alinéa premier de l’article 5 de la loi n° 65-40 du 22 mai 1965 sur les associations séditieuses;

c.La loi n° 81-17 du 15 mai 1981 relative aux partis politiques;

d.La loi n° 81-77 du 10 décembre 1981 relative à la répression des actes de discrimination raciale, ethnique ou religieuse.

 Principaux accords de sécurité sociale conclus par l’État du Sénégal

42. L’État du Sénégal, dans ce domaine, a signé les accords bilatéraux avec plusieurs pays tels que:

a.la France, Accord du 5 mars 1960 renégocié le 29 mars 1974 et ratifié par la loi n° 75-33 du 3/31975. L’accord limite le nombre d’enfants à charge à quatre;

b.le Gabon, Accord datant de1982 signé et ratifié par le Sénégal;

c.le Mali, convention du13 mai 1965, renégociée le 26 juillet 1996, ratifiée par le Sénégal en 1998. L’application est limitée à une entraide administrative;

d.la Mauritanie, Convention du 28 octobre 1972, remplacée par une nouvelle convention en date du 5 décembre 1987. L’application est limitée aux risques professionnels (paiement d’aérages de rentes) et ne prévoit pas d’avantages liés au service des prestations sociales du fait que le taux mauritanien est plus élevé.

Sur l a mise en œuvre au plan judiciaire

43.En vertu des dispositions de l’article 98 de la Constitution, les Conventions régulièrement ratifiées, appartiennent à l’ordonnancement juridique interne du Sénégal où elles acquièrent «une autorité supérieure à celle des lois». Comme la Constitution, la loi et les règlements, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille fait désormais partie du corpus juridique national que les institutions judiciaires de l’État ont l’obligation d’appliquer. En d’autres termes, les travailleurs migrants comme les nationaux ont la faculté d’évoquer devant les juridictions nationales, les dispositions de ladite Convention, mais également initier toutes procédures (civile, pénale ou administrative) pour défendre leurs intérêts ou faire cesser et obtenir réparation d’une violation.

44.Le contentieux entre travailleurs et employeurs est porté auprès des juridictions spécialisées (tribunaux du travail) qui se caractérisent notamment par la gratuité de la procédure.

a-3 / La mise en œuvre au plan administratif

45.Au sein du Gouvernement, plusieurs départements ministériels sont impliqués dans la mise en œuvre de la Convention. A coté des départements ministériels et autres programmes engagés dans la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels (santé, éducation, services sociaux de base, stratégies de réduction de la pauvreté, populations et statistiques, etc.), d’autres par contre sont particulièrement intéressés par la gestion des flux migratoires et les conditions d’existence des migrants. Il s’agit notamment des Ministères suivants:

-Ministère des Affaires étrangères qui est chargé de la gestion des affaires consulaires pour les Sénégalais établis à l’extérieur.

-Ministère de l’intérieur qui est chargé du contrôle de la réglementation relative à l’entrée et au séjour des étrangers. Ce Département dispose de services spécialisés, compétents pour délivrer aux migrants et leurs membres de leurs familles, les documents administratifs prévus par la loi. En outre dans le cadre de l’émigration des jeunes Sénégalais notamment vers l’Espagne, ce Département a piloté la conclusion d’accords bilatéraux pour trouver des solutions à la migration clandestine par voie maritime. Un Accord cadre a été signé avec le Royaume d’Espagne le 10 octobre 2006 mettant en place un mécanisme ayant permis à 202 jeunes travailleurs sénégalais de travailler en Espagne et d’être dans une situation régulière. Dans le même sens, un avenant à l’Accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires a été conclu, le 25 février 2008, avec le Gouvernement français.

-Ministère de la fonction publique, du travail, de l’emploi et des Organisations professionnelles qui est chargé de garantir l’effectivité des lois du travail et de la sécurité sociale notamment la régularité des contrats et conditions de travail des travailleurs migrants

-Ministère des Sénégalais de l’extérieur qui a pour attribution essentielle d’apporter une assistance sociale aux Sénégalais établis à l’extérieur par le soutien à leurs projets économiques et par le développement de politiques de réinsertion en vue de faciliter leur retour.

Le Gouvernement sénégalais s’est également doté de mécanisme pour protéger les migrants sénégalais en cas de crise notamment à l’échelle continentale. Plusieurs opérations de rapatriement de ressortissants sénégalais en situation de précarité ont été prises en charge par le Gouvernement.

B) Renseignements quantitatifs et qualitatifs sur les caractéristiques et la nature des flux migratoires et description de la situation réelle concernant l’application concrète de la Convention

46.La position géostratégique du pays, à la croisée des voies maritimes et aériennes ouvertes vers le continent américain et européen et de son héritage historique comme principale capitale de l’ancienne Afrique occidentale française (AOF), font du Sénégal, un lieu privilégié de transit et de destination de flux migratoires important provenant principalement de la région de l’Afrique de l’Ouest.

47.Concernant la situation du flux migratoire des étrangers établis au Sénégal, les caractéristiques et la nature de la migration peuvent être analysées sous plusieurs angles. Le Sénégal est un pays de départ, de transit et de destination favorisé par sa situation géographique (frontière avec 5 pays, un territoire maritime immense difficilement contrôlable).

48.Depuis les années 2000, un constat empirique, notamment, au niveau de la capitale, Dakar, autorise le doublement des chiffres issus des derniers recensements officiels. En effet, l’effondrement progressif des économies des pays de la région ouest africaine secoués par des crises politiques récurrents, a considérablement augmenté le flux migratoire vers le Sénégal. L’immigration y est importante à cause des faveurs fiscales, à l’importance du secteur informel (notamment le commerce), à la main d’œuvre à bon marché, mais aussi par l’installation de plus en plus croissante de nouvelles entreprises, fruit du dynamisme de l’économie sénégalaise porté par le nouveau régime en place.

49.Toutefois, la faiblesse des données statistiques disponibles, constitue une source de difficulté majeure, pour jauger du niveau d’application réelle de la Convention. La collecte d’informations sur les flux migratoires est rendue difficile par plusieurs obstacles liés, notamment, au caractère lacunaire des données statistiques relatives à la migration économique au niveau interne comme au niveau des Sénégalais expatriés.

50.Les statistiques du Ministère de l’Intérieur ainsi que les recensements de 1976 (RGP) et de 1988 (RGPH) apportent cependant quelques informations. Le nombre d’étrangers vivant au Sénégal est passé de 119 000 en 1976 à 122 340 en 1988. En 1993 la population étrangère est estimée à 121 321 individus soit 1,5 % de la population totale (EMUS 1997). Pour la même période, les expatriés recensés tournent autour 285 000 âmes. Le groupe des Non-africains, estimé à environ 25 000 personnes en 1997, est constitué d’Européens avec notamment les Français, premier groupe européen au Sénégal et de Libanais. Ces derniers sont présents dans le secteur formel des PME et PMI. On notera que les années 2000 sont marquées par l’arrivée de Taïwanais et de Chinois.

51.Une fois le permis de travail octroyé, le migrant doit solliciter, auprès de la Police des Étrangers, la délivrance d’une carte d’identité d’étranger valant titre de séjour.

52.Malgré les dispositions de la loi 71-02 du 10 février 1971 relative au séjour des étrangers au Sénégal imposant à tout étranger de se faire délivrer un permis de séjour et de se déclarer au niveau des autorités consulaires de leur pays dans un délai de trois mois à compter de leur date d’installation, certains migrants s’activant dans le secteur informel, ne respectent pas cette procédure. En outre, il est constaté un recours abusif aux procédures d’éligibilité au statut de réfugié. Les requérants n’ayant pu obtenir ce statut préfèrent vivre dans la clandestinité profitant ainsi de la clémence du Gouvernement qui par conviction à la réalité d’une citoyenneté africaine, ne procède pas systématiquement et massivement à des expulsions.

53.Le chômage important des jeunes Sénégalais ne facile guère l’accès des migrants au travail salarié mais, rien ne s’oppose à leur insertion dans le secteur informel. L’immense majorité des migrants est réduite, à titre individuel ou collectif, à inventer des stratégies propres d’appropriation d’espaces commerciaux, notamment dans les grands centres urbains, ou d’occuper les créneaux laissés vacants par les nationaux.

54.Concernant les Sénégalais expatriés, le même constat est de rigueur. Il n’existe pas encore un recensement exhaustif des Sénégalais de l’extérieur. Le recensement consulaire effectué, notamment, à l’occasion des élections présidentielles et législatives de l’année 2007, révèle certes un chiffre important avoisinant plus d’un million de personnes. Durant l’année 2007, l’État du Sénégal, conscient de la contribution importante des Sénégalais de l’extérieur dans l’économie nationale (soit 925 millions de dollars US en 2007), a entrepris des réformes ambitieuses en renforçant le dispositif institutionnel du Ministère technique en charge de ces questions, afin de favoriser un plus grand accès au logement et une réinsertion socio-économique réussie, mais aussi par la mise en place dans les pays d’accueil de services spécialisés capables de prendre en charge les difficultés quotidiennes auxquelles ils sont confrontées.

55.Les expatriés sénégalais, véritables acteurs de développement, ont pu dans certaines localités du pays, réaliser des structures publiques dans le domaine de la santé, de l’éducation et de la micro finance. Les transferts officiels et contrôlables des émigrés sénégalais vers leur pays d’origine sont évalués à 242 milliards de francs CFA, soit 7 % du Produit intérieur brut (PIB) et 82 % de l’aide publique au développement.

56.Il est également enregistré un accroissement exponentiel des émigrants ayant eu accès au logement. Les Sénégalais de l’extérieur ont bénéficié de 30 % des crédits accordés ces cinq dernières années par la Banque de l’habitat du Sénégal (BHS), selon les autorités de l’institution financière. Les émigrés sénégalais constituent également «une population très importante»’ du volet épargne de la BHS, avec 50 % du volume de l’épargne logée au sein de la banque spécialisée dans le financement de l’habitat social. (Source bilan 2005 BHS).

57.Toutefois, la non ratification de la Convention par certains pays d’accueil pourrait constituer une source de difficultés pour la défense des intérêts des émigrés. Les travailleurs sénégalais migrants admis à faire valoir leurs droits à la retraite sont contraints de demeurer sur le territoire du pays d’accueil pour jouir de leurs pensions. En cas de retour au Sénégal ou de changement de résidence, le versement des pensions est suspendu et aucun remboursement de droits n’est prévu.

C. Informations sur les mesures prises pour la diffusion et la promotion de la Convention

58.Comme indiqué dans l’introduction générale du présent rapport (première partie), l’État du Sénégal s’est distingué très tôt dans la création de mécanismes et institutions durables propres à promouvoir et renforcer les droits de l’homme. Le Ministère de l’intérieur et le Ministère des Sénégalais de l’extérieur ont développé des stratégies d’informations notamment sur internet pour informer les migrants et les Sénégalais de l’extérieur la législation, les politiques et les programmes menés par le Gouvernement pour la promotion et la protection de leurs droits. Il convient de souligner, par ailleurs, que le Gouvernement sénégalais a toujours plaidé dans les enceintes internationales appropriées en faveur de la ratification la plus large possible de la Convention.

DEUXIÉME PARTIE: INFORMATIONS CONCERNANT LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION

A. Mise en œuvre des principes généraux de la Convention: Articles premier (par. 1) et 7: Non-discrimination

59.En application des dispositions de la Constitution et des lois en vigueur, Il ne peut être tenu compte du sexe, de la race, de la religion ni de l’opinion du travailleur migrant et des membres de sa famille pour la détermination de leur sort. (Titre II de la Constitution, Code pénal et Code de procédure pénale).

60.Le Code du travail (la loi 97-17 du 1er décembre 1997) et la convention collective nationale interprofessionnelle interdisent toute discrimination à l’égard des travailleurs quelque soit leur statut (travailleurs migrants ou non) en matière de recrutement, de traitement salarial, de conditions de travail, de sanction et de sécurité sociale.

61.En outre les lois n° 79-02, 79-03 et 81-17, qui sont toutes relatives au cadre légal des groupements associatifs et politiques, interdisent, pour l’admission dans l’association, toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion sauf en ce qui concerne les associations à caractère exclusivement religieux, ainsi que sur les opinions politiques sauf en ce qui concerne les partis politiques ou les groupements qui leur sont rattachés. La violation des principes énoncés est sanctionnée par les articles 166 bis, 256 bis, 257 bis, 277, 278, 281,295 et l’alinéa 2 de l’article 296 du Code pénal.

− Article 83: Droit à un recours utile

62.Au Sénégal, toute personne, quelle soit étrangère ou non, dont les droits et libertés ont été violés peut recourir à l’autorité judiciaire compétente afin d’être rétabli dans ses droits et éventuellement demander réparation du préjudice. L’autorité examine et statue sur le recours dont elle a été saisie. Sa décision motivée est notifiée au requérant. Cependant, les étrangers déposent une caution destinée à couvrir les frais éventuels de justice susceptible d’être mis à leur charge (article 110 du Code de procédure civile). Toutefois, devant les juridictions sociales, la procédure est gratuite. Le droit sénégalais admet l’exception d’inconstitutionnalité des lois, permettant au plaideur de critiquer une loi contraire à la Constitution ou à une convention régulièrement ratifiée.

− Article 84: Devoir d’appliquer les dispositions de la Convention

63.Il résulte de l’état des lieux de la législation en vigueur qu’avant la ratification de la Convention, le Sénégal avait déjà pris un ensemble de disposition de nature à protéger les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

64.En vertu des dispositions de l’article 98 de la Constitution, les Conventions régulièrement ratifiées, appartiennent à l’ordonnancement juridique interne du Sénégal où elles acquièrent «une autorité supérieure à celle des lois». Comme la Constitution, la loi et les règlements, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille fait désormais partie du corpus juridique national que les institutions politiques, judiciaires et administratives de l’État ont l’obligation d’appliquer.

B. Mise en œuvre de la troisième partie de la Convention: Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

- Article 8: Droit de quitter tout pays, y compris le sien, et d’y retourner

65.La Constitution du Sénégal, garantit à toute personne la liberté de mouvement. Sous réserve de remplir les formalités administratives, toute personne peut quitter le Sénégal et y retourner. En outre la législation en vigueur autorise les travailleurs migrants d’être accompagnés ou rejoints par les membres de leur famille. Le Code du travail en son article L159 oblige même l’employeur de prendre en charge les frais de transports du travailleur, de son conjoint et de ses enfants mineurs.

- Articles 9 et 10: Droit à la vie; interdiction de la torture; interdiction des traitements inhumains ou dégradants

66.La loi fondamentale en son article 7 considère la personne humaine comme étant sacrée et inviolable. L’individu à droit à «l’intégrité corporelle notamment à la protection contre toutes mutilations physiques». Tout acte de torture ou traitement inhumain est sanctionné par le Code pénal notamment en son article 295-1, donnant ainsi effet aux recommandations de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradant adoptée à new York le 10 décembre 1984, ratifié le 15 juillet 1986.

67.En 2005, la loi interdisant et réprimant la traite des personnes et les pratiques assimilées est venue renforcer le dispositif répressif en incriminant toutes les pratiques assimilables à l’esclavage.

68.Au niveau des entreprises et autres lieux de travail, même le contrôle qu’exerce l’employeur est tenu dans l’exercice de ses prorogatives patronales de respecter l’intégrité, la moralité et la dignité du travailleur. L’harcèlement sexuel est également incriminé dans le Code pénal.

- Article 11: Interdiction de l’esclavage et du travail forcé

69.La loi 97-17 du 1er décembre 1997, portant Code du travail, interdit le travail forcé ou obligatoire considéré comme «tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque d’une sanction et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré».

- Articles 12, 13 et 26: Droit à la liberté d’opinion et d’expression; droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; droit de s’affilier à un syndicat

70.Les libertés individuelles sont garanties par la Constitution qui y consacre plusieurs développements à son titre II. Toute personne quelque soit sa nationalité dispose des libertés d’opinion, d’expression, de pensée et de religion. Cette même loi reconnaît aux personnes la latitude de se regrouper en association professionnelle. La liberté syndicale est aussi garantie à tous les travailleurs qu’ils soient expatriés ou non par l’article 25 de la Constitution et les articles L9 L29 du Code du travail.

- Articles 14 et 15: Interdiction de toute immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée, le domicile, la correspondance et les autres modes de communication; interdiction de la privation arbitraire de biens.

71.Aux termes de l’article 16 de la Constitution, «Le domicile est inviolable… des mesures portant atteinte à l’inviolabilité du domicile ou la restreignant ne peuvent être prises que pour parer à un danger collectif ou protéger des personnes en péril de mort.». La loi fondamentale dispose également en son article 13 que «le secret de la correspondance, des communications postales, télégraphiques, téléphoniques et électroniques est inviolable. Il ne peut être ordonné de restrictions à cette inviolabilité qu’en application de la loi». Le respect de ces principes constitutionnels est garanti par les dispositions du Code pénal.

- Articles 16 (par. 1 à 4), 17 et 24: Droit à la liberté et à la sécurité de la personne; protection contre l’arrestation et la détention arbitraires; droit à la reconnaissance de la personnalité juridique. Articles 16 (par. 5 à 9), 18 et 19: Droit aux garanties de procédure

72.Le travailleur migrant et les membres de sa famille comme tout citoyen sénégalais, bénéficie du droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Le Code de procédure pénale sénégalais garantit, dans le cadre de la procédure pénale, le respect des droits de la défense. Une personne ne peut être détenue au niveau de l’enquête préliminaire que pour une période maximale de 48 heures sauf prorogation d’un autre délai de 48 heures autorisée par le Procureur de la République. À l’expiration de ce premier délai de garde à vue, le prévenu est informé sous peine de nullité de la procédure de son droit de communiquer avec un avocat et d’être examiné par un médecin de son choix. En outre, les officiers de police judiciaire s’exposent à des sanctions disciplinaires et pénales pour non respect des prescriptions de la loi.

73.Au niveau des juridictions d’instruction et de jugement, la procédure est contradictoire et le prévenu dispose de voies de recours appropriés contre les actes de procédure mais aussi de voies de réformation comme l’appel et le recours en cassation. Au niveau du traitement des détenus, les étrangers au Sénégal ne font l’objet d’aucun acte de discrimination. Les lieux de détention sont régulièrement visités par les organisations de défense des droits de l’homme. En outre, suite à la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, le Sénégal a mis en place un mécanisme national de prévention de la torture.

74.Par ailleurs, les autorités consulaires peuvent solliciter des informations sur les raisons de l’arrestation de leurs ressortissants et les conditions de détention. (Pour informations complémentaires, voir développements sur le point relatif à la mise en œuvre au niveau judiciaire).

- Article 20: Interdiction d’emprisonner un travailleur migrant, de le priver de son autorisation de résidence ou de son permis de travail et l’expulser pour la seule raison qu’il n’a pas exécuté une obligation contractuelle.

75.En droit sénégalais, en principe, l’inexécution d’une obligation contractuelle est une affaire purement civile qui ne relève pas de la matière pénale. Par conséquent, le non respect d’une obligation contractuelle par le travailleur migrant ne l’expose pas à une sanction d’emprisonnement, qui est une peine pénale. Pour informations complémentaires, voir développements sur le point relatif à la mise en œuvre au niveau judiciaire).

76.Sur le plan du contentieux social, les tribunaux du travail statuent sur le fondement du Code du travail pour situer les responsabilités liées notamment à la rupture du contrat de travail pour manquement ou inexécution d’une obligation préexistante.

77.En tout état de cause, le travailleur migrant licencié pour inexécution de son obligation contractuelle vis-à-vis de son employeur, ne le prive pas automatiquement de son autorisation de séjour. Il a en effet, la possibilité de rechercher un autre emploi, ou justifier conformément à la législation régissant l’entrée et le séjour des étrangers, des moyens de subsistance.

- Articles 21, 22 et 23: Protection contre la confiscation et/ou la destruction de pièces d’identité et autres documents; protection contre l’expulsion collective; droit de recours à la protection consulaire ou diplomatique.

78.Il n’a pas été enregistré ou dénoncé au niveau des associations de défense des droits de l’homme des cas avérés de confiscation ou de destruction illégales depièces d’identité et autres documents appartenant à des étrangers. En tout état de cause, les autorités sénégalaises, à travers le Ministère des affaires étrangères, donnerait une suite à toute demande d’information officiellement formulée par les autorités consulaires des étrangers qui seraient victimes de ces voies de fait. Naturellement dans des situations de fraude, d’usurpation d’identité ou de falsification de documents, les juridictions compétentes en ordonnent systématiquement la confiscation et la destruction.

79.Concernant l’expulsion par la voie administrative des étrangers, la situation de chaque migrant est appréciée individuellement conformément aux prescriptions de laloi 71-10 du 25 janvier 1971 relative aux conditions d’admission, de séjour et d’établissement des travailleurs étrangers au Sénégal et son décret d’application n° 71- 860 du 28 juillet 1971. La décision d’expulsion est motivée et l’intéressé dispose du droit de recours pour excès de pouvoir contre l’acte administratif devant le Conseil d’État. L’expulsion peut être également prononcée suite à une condamnation pénale devenue définitive pour crimes et délits graves.

- Articles 25, 27 et 28: Principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne: la rémunération et les autres conditions de travail et d’emploi; la sécurité sociale; le droit de recevoir des soins médicaux d’urgence.

80.Le Code du travail interdit et réprime toute discrimination entre les salariés, qu’ils soient nationaux ou étrangers en matière de traitement salarial, de conditions de travail, de sécurité sociale. Toutes les personnes employées au Sénégal au sens du Code du travail, sont soumises au même régime. Les migrants bénéficiant d’un régime de sécurité sociale plus favorable ne sont pas soumis au régime en cours (loi 75-50 du 03 avril 1975 relative aux institutions de prévoyance sociale et le décret 75-895 du 14 août 1975 portant organisation des institutions de prévoyance maladie, loi 73-37 du 31 juillet 1973 portant Code de la sécurité sociale et le décret 75 455 du 24 avril 1975 rendant obligatoire pour tous employeurs et pour tous les travailleurs l’affiliation à un régime de prévoyance maladie.

- Articles 29, 30 et 31: Droit de tout enfant d’un travailleur migrant à un nom, à l’enregistrement de sa naissance et à une nationalité; accès à l’éducation sur la base de l’égalité de traitement; respect de l’identité culturelle des travailleurs migrants et des membres de leur famille

81.En vertu des dispositions de l’article 51 du Code de la famille «toute naissance doit être déclarée à l’officier d’état civil…». Ainsi, l’enfant d’un travailleur migrant né au Sénégal, bénéficie du droit à enregistrement à l’état civil de sa circonscription administrative de naissance.

82.À l’instar des autres pays de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, l’enregistrement des enfants à la naissance a été érigé au rang de priorité par le Gouvernement du Sénégal pour permettre aux enfants de jouir de ce droit conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant. Pour atteindre cet objectif, l’État du Sénégal s’est engagé avec ses partenaires tels l’UNICEF, Plan Sénégal et le FNUAP dans une vaste campagne pour l’enregistrement des enfants à la naissance lancée le 16 juin 2003.

83.À travers diverses activités menées sur toute l’étendue du territoire, le Sénégal a enregistré des résultats satisfaisants qui ont permis de faire passer le taux de couverture nationale de l’enregistrement des enfants à la naissance de 60,9% selon le rapport MICS de 2000 à 78,5% selon l’enquête de couverture réalisée en 2004. Dans les perspectives, il est prévu:

-la généralisation de l’enregistrement des enfants à la naissance

-la réalisation des activités inscrites dans le document intitulé: «Promotion de l’enregistrement des enfants à la naissance; priorités 2005-2006»

84.Tous les enfants, garçons et filles, en tous lieux du territoire national, ont le droit d’accéder à l’école». Comme l’enfant de père et de mère sénégalais, les enfants des travailleurs migrants ont accès à l’éducation de base. Le taux brut de scolarisation pour l’école élémentaire est de 82,5 % dont 80,6 % pour les filles et 84,4 % pour les garçons. La loi n°91-92 portant loi d’orientation scolaire a été largement renforcée par la modification intervenue en décembre 2004, rendant «obligatoire» la scolarisation de 6 à 16 ans. Les communautés sont libres de créer et d’organiser des structures d’éducation religieuse.

- Articles 32 et 33: Droit des travailleurs migrants de transférer leurs gains, leurs économies et leurs effets personnels dans l’État d’origine; droit d’être informé des droits que leur confère la Convention et diffusion d’informations.

85.La législation sénégalaise donne le droit aux travailleurs migrants de transférer leurs biens dans leur État sous réserve du paiement des taxes prévues à cet effet. Ce transfert de fonds doit obéir à la procédure de déclaration douanière en vigueur portant notamment sur les devises. En principe, les transferts de fonds en FCFA dans la zone UEMOA sont sans aucune entrave. Concernant l’information des migrants des droits que leur confère la convention, il y a lieu de souligner que les communautés de migrants établis au Sénégal sont organisées autour d’associations reconnues par les pouvoirs publics dont la mission est de défendre les intérêts des membres. Les structures et institutions en charge des questions des Droits de l’Homme ainsi que les ONG peuvent être saisis librement.

C. Mise en œuvre de la quatrième partie de la Convention: Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière

- Article 37: Droit d’être informé avant le départ des conditions d’admission dans l’État d’emploi et de celles concernant leurs activités rémunérées.

86.Le travailleur migrant peut se renseigner, avant son départ auprès des autorités consulaires et diplomatiques du Sénégal accréditées par son pays en ce qui concerne les formalités administratives et l’emploi. Dès son entrée sur le territoire, il peut également obtenir les informations nécessaires au niveau des services compétentes du Ministère de l’intérieur (Direction des titres de voyages et des Etrangers) et du Ministère en charge de l’emploi et du travail.

- Articles 38 et 39: Droit de s’absenter temporairement sans que cela n’affecte l’autorisation de séjour ou de travail; droit de circuler librement sur le territoire de l’État d’emploi et d’y choisir librement sa résidence.

87.En application de la législation en vigueur, Le travailleur expatrié réside là où il le souhaite en fonction de ses moyens. Il circule librement à l’intérieur du pays. Il peut aussi, sans que cela n’affecte son autorisation de séjour, s’absenter temporairement du pays (par exemple pour passer son congé ou ses vacances à l’étranger).

- Articles 40, 41 et 42: Droit des travailleurs migrants de former des associations et des syndicats; droit de prendre part aux affaires publiques de leur État d’origine, de voter et d’être élus au cours d’élections organisées par cet État; procédures ou institutions destinées à permettre de tenir compte de leurs besoins et possibilité pour eux de jouir des droits politiques dans l’État d’emploi.

88.Les travailleurs sénégalais travaillant à l’étranger sont des citoyens à part entière comme ceux qui vivent dans le pays. De ce point de vue, sous réserve de remplir les conditions prévues par la législation, ils peuvent se constituer en association, en syndicat, ils sont électeurs et peuvent être candidats aux postes soumis en compétition. La réciprocité est accordée aux ressortissants d’autres pays installés au Sénégal, qui exercent leur droit de vote conformément à leur législation au niveau des représentations consulaires.

89.Toutefois, le Code électoral sénégalais n’autorise pas encore le vote des étrangers notamment pour les élections locales.

90.La législation sénégalaise reconnaît aux migrants d’un même pays d’origine la faculté de se regrouper en association en vue de la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Ces associations sont soumises au régime de la déclaration préalable et ne peuvent revendiquer des droits qui sont de la compétence des mouvements corporatifs. En vertu du Code des obligations civiles et commerciales (section 3), les associations doivent avoir un caractère apolitique et ne pas traiter de questions religieuses sous peine de dissolution.

- Articles 43, 54 et 55: Principe de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État d’emploi en ce qui concerne les questions indiquées; égalité de traitement en ce qui concerne la protection contre le licenciement, les prestations de chômage et l’accès à des programmes d’intérêt public destinés à combattre le chômage ainsi que l’accès à un autre emploi; égalité de traitement dans l’exercice d’une activité rémunérée.

91.Tous les travailleurs au sens du Code du travail exerçant leur activité professionnelle au Sénégal sont traités avec égalité en matière de traitement salarial, de protection et d’accès aux emplois ouverts.

- Articles 44 et 50: Protection de l’unité de la famille du travailleur migrant et regroupement familial; conséquences du décès ou de la dissolution du mariage.

92.«L’État et les collectivités publiques ont le devoir de veiller à la santé physique et morale de la famille…» (article 14 de la Constitution). La loi sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers garantit le regroupement familial. Le Code de la famille sénégalais organise le droit de la succession et la procédure de divorce et ses conséquences sur la garde des enfants et la liquidation de la communauté. Le même code reconnaît le droit international privé permettant l’application par les juridictions de la loi nationale des époux, si une telle législation ne contrevient pas aux règles et principes d’ordre public.

- Articles 45 et 53: Égalité de traitement des membres de la famille d’un travailleur migrant en ce qui concerne les aspects indiqués et mesures prises pour garantir l’intégration des enfants de travailleurs migrants dans le système scolaire local; droit des membres de la famille d’un travailleur migrant de choisir librement une activité rémunérée.

93.Comme précisé ci-dessus, la loi 91-22 modifiée portant orientation de l’éducation nationale donne le droit d’accès à l’éducation de base à tous les enfants vivant au Sénégal. Le pays a mis en œuvre un ensemble de politiques et programmes pour atteindre le seuil de l’éducation pour tous.

- Articles 46, 47 et 48: Exemption des droits et taxes d’importation et d’exportation en ce qui concerne certains effets personnels; droit de transférer leurs gains et économies de l’État d’emploi à leur État d’origine ou à tout autre État; conditions d’imposition et mesures visant à éviter la double imposition.

94.Les travailleurs migrants sont soumis aux mêmes règles que les nationaux en matière de taxes fiscales, d’exportation et de transfert de fonds. Cependant, en matière d’importation, seuls les travailleurs immigrés originaires d’un pays membre de la CEDEAO et de l’UEMOA ont le même traitement que les nationaux. Le Code général des impôts et des accords bilatéraux avec certains pays organisent un système d’imposition unique. Il appartient au travailleur migrant de faire les déclarations nécessaires au niveau des services de la Direction des impôts et domaines.

- Articles 51 et 52: Droit de chercher un autre emploi en cas de cessation de l’activité rémunérée des travailleurs migrants non autorisés à choisir librement une activité rémunérée; conditions et restrictions imposées aux travailleurs migrants qui peuvent choisir librement une activité rémunérée.

95.Les travailleurs migrants choisissent librement l’activité rémunérée qu’ils exercent. En cas de chômage, ils ont la latitude de chercher un emploi sur le marché du travail. Dans la pratique, le secteur informel est le réceptacle privilégié pour le redéploiement de cette catégorie de migrants.

- Articles 49 et 56: Autorisation de résidence et autorisation d’exercer une activité rémunérée; interdiction générale et conditions de l’expulsion

96.En application de la législation sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers, lorsqu’une personne obtient un emploi au Sénégal, sous réserve de remplir les formalités administratives, elle a droit à une autorisation de séjour. La perte de son emploi ne la met pas immédiatement dans une situation d’irrégularité, il doit toutefois au moment du renouvellement du titre de séjour donner la preuve de moyens de subsistance.

97.Concernant les conditions d’expulsion des étrangers, elle est prononcée par arrêté motivé du Ministère de l’intérieur. La personne est traitée avec humanisme et respect de sa dignité en tant que membre de la communauté humaine. On ne peut malheureusement espérer les mêmes conditions dans les situations d’expulsion de Sénégalais en situation irrégulière dans beaucoup de pays d’accueil.

D. Mise en œuvre de la cinquième partie de la Convention: Dispositions applicables à des catégories particulières de travailleurs migrants et aux membres de leur famille. Dispositions ou mesures adoptées en ce qui concerne les catégories particulières de migrants indiquées aux articles 57 à 63 de la Convention , s’il y a lieu

98.Les travailleurs saisonniers et frontaliers bénéficient des droits et garantis spécifiés dans la quatrième partie de la Convention. D’ailleurs, il est souvent difficile d’identifier cette catégorie de travailleurs par rapport aux nationaux compte tenu que du fait que le tracé des frontières hérité de la colonisation n’a pas tenu compte des réalités sociologiques. Un flux important de personnes traversent les frontières vice- versa.

99.Ce sont souvent les mêmes communautés, unies par des liens de famille, de culture et de religion qui vivent entre les frontières. Cette situation est observable au niveau de la vallée du fleuve Sénégal où la communauté négro-africaine de Mauritanie et les populations du Fouta (Région de Saint Louis et Matam) entretiennent des liens solides. C’est ce qui explique la présence massive dans cette zone de réfugiés mauritaniens qui ont pu s’intégrer facilement au sein de la société sénégalaise. Cette partie du Sénégal utilise un nombre important de travailleurs saisonniers, notamment dans des activités agricoles (riziculture, culture de la canne à sucre, etc.).Dans la région orientale du pays (région de Tambacounda) ce phénomène de travailleurs saisonniers et frontaliers est également important dans les activités minières et les plantations. Pour ce type de main d’œuvre, le Code du travail et le Code de l’investissement prévoient la possibilité de recourir à des contrats à durée déterminée dont le terme varie en fonction de la nature de l’activité. La plupart du temps, ces travailleurs saisonniers, frontaliers ou itinérants, sont des travailleurs journaliers.

100.Cette flexibilité des conditions d’embauche et de rupture des liens de travail est toutefois réglementée par les dispositions du Code du travail et les abus et manquements peuvent faire l’objet de sanctions devant les juridictions du travail. Il n’existe pas un système de discrimination positive privilégiant une catégorie particulière de ressortissants.

E. Mise en œuvre de la sixième partie de la Convention: Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille. (articles 65 et 66.)

101.Au niveau de l’organisation des services de l’État, des services techniques existent pour garantir la promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

102.Le Ministère de l’intérieur est chargé de la police des étrangers et de l’immigration et est habilité à délivrer les permis de séjour et les regroupements familiaux en application de la législation en vigueur. Par ailleurs, ce département ministériel pilote avec le Royaume d’Espagne, les programmes de recrutement de migrants sénégalais devant travailler dans ce pays suite à une convention bilatérale.

103.Au niveau des différentes représentations diplomatiques et consulaires du Sénégal, des informations relatives aux conditions de migration économique dans le pays sont disponibles. Le Ministère des affaires étrangères a une compétence générale dans le cadre des négociations d’accords bilatéraux en matière de migration économique.

104.Plusieurs migrants sénégalais ont régulièrement travaillé, par exemple, au Gabon et en Guinée équatoriale. En effet, la législation sénégalaise ne prévoit pas de restriction qui empêche un travailleur sénégalais d’être employé dans un autre État. Le Ministère en charge du travail et de l’emploi qui exécute la politique de l’État en matière d’emploi, apporte son visa aux contrats de travail des étrangers pour les postes ouverts à l’immigration. Le Ministère des Sénégalais de l’extérieur, pour sa part, apporte une contribution important dans la formation et l’information des Sénégalais de l’extérieur.

− Article 67: Mesures relatives à la bonne organisation du retour des travailleurs migrants et des membres de leur famille dans l’État d’origine, leur réinstallation et leur réintégration culturelle

105.L’État dispose d’un service opérationnel spécialisé dans le rapatriement des Sénégalais de l’extérieur dans des situations de crise, il s’agit d’un comité d’aide et d’assistance aux réfugiés et rapatriés, logé à la Présidence de la République et présidé par le Chef d’état major particulier du Chef de l’État. Ce dernier à plusieurs occasions, a mis à contribution des moyens subséquents pour le rapatriement de Sénégalais.

106.Concernant l’organisation du retour et la réinsertion socio-économique des travailleurs migrants sénégalais et des membres de leurs familles, le Ministère des Sénégalais de l’extérieur conformément à sa lettre de mission, est habilité, en collaboration avec tous les départements et services techniques de l’État, de créer les conditions favorables de ce retour. Ainsi, la création et le renforcement d’un Ministère des Sénégalais de l’extérieur est un pas très important dans la mise en œuvre d’une politique d’organisation des émigrés pour leur meilleure contribution au développement du pays, leur protection et leur gestion dans le cadre d’un retour régulier et d’une réintégration réussie.

− Article 68: Mesures visant la prévention et l’élimination des mouvements et de l’emploi illégaux ou clandestins de travailleurs migrants en situation irrégulière

107.Le dispositif de contrôle et d’endiguement de la migration clandestine, a été renforcé suite à la recrudescence de l’émigration clandestine. Suite à des accords de partenariat avec le gouvernement espagnol et l’Organisation internationale pour les migrations, les capacités des forces de sécurité en charge du contrôle des frontières ont été renforcées notamment dans le domaine de la formation et des moyens matériels et techniques de surveillance des frontières maritimes. Au niveau législatif, la loi de 2005, relative à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées, a incriminé le délit de migration clandestine.

108.En principe, l’emploi de migrants en situation irrégulière est sanctionné par les dispositions du Code du travail. Le corps des inspecteurs du travail relevant du Ministère en charge du travail et de l’emploi dispose de pouvoirs de contrôle et d’investigation. Toutefois, le déficit de personnel et le manque de moyens constituent des handicaps majeurs.

− Article 69: Mesures prises pour que la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière sur le territoire de l’État partie ne se prolonge pas et circonstances dont il convient de tenir compte en cas de procédures de régularisation.

109.En principe, en application de la législation en vigueur, il appartient au travailleur migrant en situation irrégulière de se rapprocher des services de la Direction de la police des étrangers et des titres de voyages pour obtenir les informations relatives à la régularisation de leur situation. Dans pareille situation, les autorités policières et civiles aident les travailleurs immigrés en situation irrégulière au Sénégal de se régulariser en leur fournissant les renseignements utiles pour remplir toutes les formalités administratives. Durant l’instruction de la demande, l’étranger en situation irrégulière dispose d’un récépissé de dépôt qui peut être considéré comme un titre provisoire de séjour.

− Article 70: Mesures prises pour faire en sorte que les conditions de vie des travailleurs migrants et des membres de leur famille en situation régulière soient conformes aux normes de santé, de sécurité et d’hygiène et aux principes inhérents à la dignité humaine.

110.Le Code du travail dispose en son article L106 que «dans le cas où le travailleur a été déplacé de sa résidence habituelle et introduit au lieu d’emploi par l’employeur pour l’exécution d’un contrat de travail, celui-ci est tenu de lui procurer un logement suffisant pour lui et sa famille».

− Article 71: Rapatriement des corps des travailleurs migrants ou des membres de leur famille décédés et questions de dédommagement relatives au décès.

111.Aux termes de l’article L161 du Code du travail, «en cas de décès au lieu d’emploi d’un travailleur déplacé, ou d’un membre de sa famille dont le voyage était à la charge de l’employeur, le rapatriement du corps du défunt au lieu de résidence habituelle est à la charge de l’employeur…».

112. L’État du Sénégal renouvelle solennellement son engagement à poursuivre la promotion et la protection des droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille aux niveaux national, régional et international.

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