Nations Unies

CERD/C/BIH/CO/7-8

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

23 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale Soixante-dix-septième session2-27 août 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Bosnie-Herzégovine

1.Le Comité a examiné les septième et huitième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine présentés en un seul document (CERD/C/BIH/7-8) à ses 2036e et 2037e séances (CERD/C/SR.2036 et 2037), tenues les 18 et 19 août 2010. À sa 2045e séance (CERD/C/SR.2045), tenue le 25 août 2010, il a adopté les observations finales suivantes.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les septième et huitième rapports périodiques de l’État partie, présentés en un seul document qui contient les réponses aux questions qu’il avait soulevées dans ses observations finales précédentes (CERD/C/BIH/CO/6); il se félicite de l’occasion qui lui est ainsi donnée de reprendre le dialogue avec l’État partie. Il remercie également celui-ci d’avoir présenté les 12 novembre 2007 et 28 mai 2009 des exposés sur les mesures qu’il avait prises pour donner suite à ses observations finales précédentes. Il apprécie hautement le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de Bosnie-Herzégovine, ainsi que les réponses fournies oralement à la liste de questions et de thèmes à traiter qu’il avait établie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des initiatives législatives et institutionnelles qui rapprochent la Bosnie-Herzégovine de la mise en application intégrale de la Convention, à savoir:

a)Création d’un bureau unique du Médiateur des droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine;

b)Adoption de deux nouvelles lois en 2009, l’une portant interdiction de la discrimination, l’autre consacrant la liberté de religion et fixant le statut juridique des églises et des communautés religieuses;

c)Adoption en 2008 par la Republika Srpska et la Fédération de Bosnie-Herzégovine de lois relatives à la protection des droits des membres des minorités nationales;

d)Adoption en 2008 du plan d’action pour les questions roms en matière d’emploi, de logement et de soins de santé, et institution de l’organe de coordination chargé d’en surveiller la mise en œuvre;

e)Décision de mettre en œuvre en Bosnie-Herzégovine la déclaration et le programme d’action de la Décennie européenne de l’inclusion des Roms 2005-2015;

f)Création en 2008 par le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine d’un groupe de travail qui recherchera des solutions de remplacement au système des «deux écoles sous un seul toit».

4.Le Comité se félicite également des efforts entrepris pour légiférer afin d’interdire en Bosnie-Herzégovine toute organisation fasciste ou néofasciste.

5.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a consulté les organisations de la société civile qui militent pour la cause des droits de l’homme pour rédiger son rapport périodique.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour procéder au recensement de la population en 2011. Il s’inquiète cependant des séquelles de la guerre qui ont provoqué d’importantes modifications dans la composition ethnique de la population, et des conséquences que ces modifications risquent d’avoir sur le déroulement du recensement (art. 1 1) et art. 2).

Le Comité recommande d’adopter des mesures et de mettre en place un dispositif pour assurer, grâce à des méthodes efficaces, la collecte de données permettant une analyse fine, complète et digne de foi de la composition ethnique de la population. Il rappelle sa Recommandation générale n o 8 (1990) concernant l’auto-identification de membres de groupes raciaux et ethniques, auto-identification qui devrait se faire sans crainte des conséquences. L’État partie est invité à solliciter dans ce domaine la coopération technique du Fonds des Nations Unies pour la population.

7.Le Comité se félicite de constater que l’État partie est disposé à modifier, le cas échéant, les lois applicables, mais relève avec préoccupation que plusieurs dispositions constitutionnelles accordent certains droits politiques importants en fonction de l’appartenance ethnique (art. 1 4), art. 2 1) c) et art. 5 c)).

Le Comité recommande une nouvelle fois à l’État partie de modifier les dispositions pertinentes de la Constitution de l’État, des constitutions des entités et des lois électorales afin d’en éliminer toutes les stipulations discriminatoires et, plus particulièrement, de garantir à tous les citoyens, quelle que soit leur appartenance ethnique, l’exercice, dans des conditions d’égalité, du droit de voter et d’être candidat.

8.Tout en accueillant favorablement les diverses mesures prises par l’État partie pour résoudre effectivement les problèmes soulevés par le retour des réfugiés et des déplacés, le Comité s’inquiète de constater que de très nombreuses personnes déplacées par la guerre sont incapables de revenir dans leurs foyers et d’intégrer efficacement leur nouvelle ou leur ancienne communauté (al. i du paragraphe d) et par. e) de l’article 5).

Le Comité encourage l’État partie à poursuivre la mise en application des mesures tendant à hâter le retour durable des réfugiés et des déplacés vers leur localité d’origine, et notamment à améliorer les conditions d’accueil. Il recommande que de nouvelles activités soient mises au point pour renforcer l’intégration socioéconomique des personnes de retour et leur permettre de jouir à égalité de leurs droits sociaux, économiques et culturels, surtout dans le domaine de la protection sociale, des pensions de retraite, des soins de santé, de l’emploi et de l’enseignement. Les personnes de retour devraient bénéficier de l’aide ou de l’indemnisation, selon le cas, qui empêcherait que la situation de leurs droits fondamentaux ne se dégrade plus encore.

9.Félicitant l’État partie d’avoir créé un bureau unique du Médiateur des droits de l’homme et institué d’autres organes consultatifs chargés de la question des minorités nationales, le Comité s’inquiète de constater qu’il n’existe pratiquement aucun mécanisme susceptible de surveiller en continu les faits de discrimination et de violence à motif ethnique (art. 2 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures politiques, professionnelles, financières, techniques et autres pour assurer l’indépendance et l’autonomie effectives du Bureau du Médiateur des droits de l’homme, selon les Principes de Paris de 1993 (résolution A/48/134 de l’Assemblée générale en date du 20 décembre 1993), et de faire en sorte que les conseils locaux des minorités nationales puissent travailler efficacement.

10.Tout en prenant note des dispositions du droit pénal qui érigent en infraction pénale l’incitation à la haine raciale ou ethnique, des lois récentes portant interdiction de la discrimination et consacrant la liberté de religion, ainsi que du projet de loi portant interdiction de toutes les organisations fascistes et néofascistes, le Comité est préoccupé par le fait que les manifestations publiques d’intolérance et les discours de haine se poursuivent, de la part notamment de responsables politiques (art. 4 b) et art. 6).

Le Comité recommande que l’État partie continue de lutter contre les préjugés interethniques, notamment en faisant appliquer les dispositions du droit pénal en vigueur qui sanctionnent les discours de haine et la violence sectaire, en continuant de renforcer et de promouvoir, par des campagnes de sensibilisation et d’autres mesures concrètes, l’unité nationale, la tolérance et la coexistence pacifique des membres des diverses nationalités et des divers groupes religieux, et en renforçant les pouvoirs de contrôle de l’Agence de réglementation des communications sur les actes d’incitation publique à la haine ethnique et religieuse.

11.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour faire disparaître les séquelles du système dit «deux écoles sous un seul toit», mais il estime que la ségrégation des établissements d’enseignement sur le territoire de l’État partie perpétue la non-intégration, la méfiance et la crainte de l’«autre» (art. 3, art. 5 e) et art. 7).

Le Comité recommande encore une fois à l’État partie de mettre fin au système de ségrégation des écoles monoethniques et de faire en sorte que le même programme d’études de base soit dispensé à tous les enfants, afin de promouvoir la tolérance entre groupes ethniques et l’appréciation de la diversité.

12.Le Comité accueille favorablement les mesures prises pour faire disparaître la discrimination dont les Roms sont l’objet en matière de logement, d’emploi, d’enseignement et de soins de santé, mais il continue de s’inquiéter de la persistance des actes de discrimination qui visent ce groupe minoritaire marginalisé. Il constate en particulier que la campagne d’inscription à l’état civil des nouveau-nés roms, qui aurait dû se terminer en 2008, n’a pas encore atteint ses objectifs, ce qui a de graves conséquences pour les Roms quant au bénéfice de l’assurance maladie, de l’aide sociale et de la scolarisation (art. 2, art. 3 et art. 5 e)).

Le Comité, se référant à sa Recommandation générale n o 27 (2000), recommande une fois encore à l’État partie de continuer à lutter contre les préjugés dont les Roms sont l’objet et de veiller à ce que tous les membres de ce groupe aient accès aux documents individuels qui sont indispensables à l’exercice des droits civils et politiques, ainsi que des droits économiques, sociaux et culturels. Il recommande également que l’État partie applique intégralement ses diverses stratégies et ses divers plans d’action en faveur des Roms, conformément à la Déclaration et au Programme de travail de la Décennie de l’inclusion des Roms 2005-2015 en concentrant essentiellement son action sur le logement, les soins de santé, l’emploi, la sécurité sociale et l’éducation des Roms.

13.Le Comité accueille favorablement les mesures (législatives et autres) adoptées par l’État partie, mais il constate encore avec préoccupation que la discrimination fondée sur la race ou l’ethnie reste vive dans la société bosniaque (art. 2, 3 et 4, art. 5 d) i) et e), et art. 7).

Le Comité recommande une fois encore à l’État partie de continuer à favoriser le dialogue interculturel, la tolérance et la compréhension en accordant toute l’attention voulue à la culture et à l’histoire des divers groupes ethniques qui composent la Bosnie-Herzégovine.

14.À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, qui s’est tenue à Genève en avril 2009, lorsqu’il applique la Convention dans son ordre juridique interne. Le Comité le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les plans d’action et autres mesures adoptés pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

15.Le Comité recommande que l’État partie poursuive ses consultations et élargisse son dialogue avec les organisations de la société civile qui œuvrent pour la cause des droits de l’homme, notamment en matière de lutte contre la discrimination, à l’occasion de la rédaction de son prochain rapport périodique.

16.Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité en matière de plaintes émanant de particuliers.

17.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements concernant le paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. Il se réfère à cet égard aux résolutions 61/148 et 63/243 de l’Assemblée générale dans lesquelles celle-ci invite instamment les États parties à accélérer leur procédure interne de ratification de l’amendement à la Convention concernant le financement du Comité et de faire savoir rapidement au Secrétaire général par écrit qu’ils acceptent cet amendement.

18.Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser ses observations finales sur ces rapports dans les langues officielles et les autres langues communément utilisées, selon le cas.

19.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de l’informer dans l’année suivant l’adoption des présentes observations finales de la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 9, 11 et 13 ci-dessus.

20.Le Comité souhaite également attirer l’attention de l’État partie sur l’importance particulière que revêtent les recommandations 7, 8 et 12 et le prie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour leur donner suite.

21.Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses neuvième, dixième et onzième rapports périodiques en un seul document, attendu pour le 16 juillet 2014, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en veillant à répondre à tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité engage également l’État partie à respecter la limite de 40 pages imposée pour les rapports présentés au titre d’un traité particulier et la limite de 60 à 80 pages imposée pour le document de base (voir les directives harmonisées données au paragraphe 19 du document HRI/GEN/2/Rev.6).