Nations Unies

CAT/OP/DEU/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

16 décembre 2013

Français

Original: anglais

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Rapport du Sous-Comité pour la préventionde la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sur sa visite de conseil au mécanisme national de prévention de la République fédérale d’Allemagne

Rapport à l’attention de l’État partie * , **

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1−83

II.Le mécanisme national de prévention9−184

III.Principaux obstacles juridiques, structurels et institutionnels rencontréspar le mécanisme national de prévention19−485

IV.Recommandations finales49−5210

Annexes

I.Liste des hauts fonctionnaires et des autres personnes rencontrés par le SPT11

II.Liste des lieux de détention visités par le SPT13

I.Introduction

Conformément à son mandat tel qu’il est défini dans le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après dénommé «le Protocole facultatif»), le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après dénommé «le SPT») a effectué une visite en République fédérale d’Allemagne (ci-après dénommée «l’Allemagne») du 8 au 12 avril 2013.

Le SPT était représenté par les membres suivants: Mme Mari Amos, Mme Aisha Shujune Muhammad (chef de la délégation), M. Felipe Villavicencio Terreros et M. Victor Zaharia.

Le SPT était assisté de deux spécialistes des droits de l’homme et d’un fonctionnaire chargé du soutien logistique du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), ainsi que de quatre interprètes locaux.

La visite avait pour objectif d’offrir des avis et une assistance technique au mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’Allemagne (ci-après dénommé «le mécanisme national de prévention»), conformément à l’article 11 b) ii) et iii) du Protocole facultatif. Elle visait également à contribuer au renforcement des capacités et du mandat du mécanisme national de prévention, et à l’évaluation des besoins et des moyens nécessaires afin de renforcer la protection des personnes privées de liberté contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Allemagne. Le présent rapport contient des recommandations et des observations adressées à l’État partie à cette fin, formulées en application de l’article 11 b) iv) du Protocole facultatif.

Au cours de la visite, les membres du SPT ont rencontré des représentants du Ministère fédéral de la justice, du Ministère fédéral de l’intérieur, du Ministère fédéral de la défense, du Ministère fédéral de la santé, du Ministère fédéral des affaires étrangères, du Procureur général fédéral près la Cour fédérale de justice, de l’Office fédéral de la migration et des réfugiés, du Ministère de la justice du Land de Bade-Wurtemberg, de l’administration sénatoriale du Land de Berlin chargée de la justice et de la protection des consommateurs, du Ministère de la justice, de l’intégration et de l’Europe du Land de Hesse, du Ministère de la justice et de la protection des consommateurs du Land de Rhénanie-Palatinat, ainsi que des représentants du Bundestag allemand (Chambre basse du Parlement), du Commissaire parlementaire aux forces armées et d’organisations de la société civile (annexe I).

Puisque l’une des principales raisons de la visite était d’offrir au mécanisme national de prévention des avis et une assistance technique, plusieurs rencontres ont eu lieu avec les membres et le personnel du mécanisme national de protection lui-même afin de débattre de ses méthodes de travail et d’étudier les moyens de renforcer et d’accroître son efficacité, comme il est expliqué ci-après. Pour se rendre compte de la manière dont le mécanisme national de prévention applique ses méthodes de travail, le SPT a aussi accompagné le mécanisme national de prévention dans des visites des lieux de détention (annexe II). Les lieux de privation de liberté ont été choisis par les représentants de l’Agence fédérale pour la prévention de la torture (ci-après dénommée «l’Agence fédérale») et la Commission mixte des États (Länder) pour la prévention de la torture (ci-après dénommée «la Commission mixte»). Lors des visites conjointes, les membres du SPT ont joué le rôle d’observateurs tandis que les membres de l’Agence fédérale et de la Commission mixte conduisaient la visite.

En plus des visites qu’ils ont effectuées dans les lieux de privation de liberté, les membres du SPT ont rencontré plusieurs responsables de l’État fédéral et des Länder et des représentants d’organisations de la société civile en vue d’examiner les aspects institutionnels du mécanisme national de prévention et ses relations avec d’autres organismes, sans la présence des représentants de l’Agence fédérale et de la Commission mixte.

Le SPT tient à exprimer sa gratitude aux autorités du Gouvernement fédéral ainsi que des Länder concernés, pour avoir facilité le bon déroulement de la visite.

II.Le mécanisme national de prévention

La République fédérale d’Allemagne a ratifié le Protocole facultatif le 4 décembre 2008, lequel est entré en vigueur pour l’Allemagne le 3 janvier 2009, en assortissant sa ratification d’une déclaration effectuée en vertu de l’article 24 indiquant que le pays ajournait l’obligation lui incombant de désigner ou de mettre en place un mécanisme national de prévention au plus tard un an après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie.

Le 8 novembre 2010, l’État partie a notifié au SPT la mise en place du mécanisme national de prévention, conformément à la quatrième partie du Protocole facultatif, constitué de deux composantes: une Agence fédérale pour la prévention de la torture compétente pour les lieux de détention relevant de la compétence fédérale (établissements de détention sous l’autorité de la Bundeswehr, de la Police fédérale et de l’administration des douanes allemandes) et une Commission mixte pour la prévention de la torture compétente pour les lieux de détention relevant de la compétence des Länder (police, autorité judiciaire, services fermés d’établissements psychiatriques, centres de rétention, centres de long séjour, établissements de protection de la jeunesse).

Les modalités de création et de fonctionnement du mécanisme national de prévention ont été définies par la loi autorisant la ratification du Protocole facultatif, publiée le 2 septembre 2008, et le décret du Ministère fédéral de la justice en date du 20 novembre 2008 qui a créé l’Agence fédérale, ainsi que par le Traité conclu entre les 16 Länder le 24 juin 2009 qui a créé la Commission mixte.

L’Agence fédérale et la Commission mixte constituent une institution: l’Agence nationale pour la prévention de la torture (ci-après dénommée «l’Agence nationale»). L’Agence nationale est opérationnelle, mais elle est confrontée à de graves problèmes de ressources humaines et financières, ce que l’État partie a aussi reconnu.

Le SPT salue les efforts faits par les autorités en vue de réprimer et de prévenir la torture et les mauvais traitements et de s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu du Protocole facultatif, entre autres par le renforcement du cadre législatif, l’adoption de politiques globales et la mise en place de mécanismes spécifiques de contrôle de la privation de liberté au niveau fédéral et à celui des Länder.

Le SPT accueille avec satisfaction le fait que l’Agence fédérale et la Commission mixte œuvrent l’une et l’autre en faveur d’approches non bureaucratiques, en faisant des recommandations sur des problèmes spécifiques aux autorités responsables des lieux de privation de liberté qu’elles visitent. Il se réjouit aussi des réponses positives données par les autorités compétentes à la majorité des recommandations formulées par le mécanisme national de prévention.

Le SPT prend note des affirmations des autorités de l’État fédéral et de celles des Länder qu’il a rencontrées selon lesquelles il n’a été récemment signalé aucun cas de torture en Allemagne, et plusieurs mécanismes assurent la surveillance des lieux de détention. Cela ne diminue cependant en rien l’importance du mandat du mécanisme national de prévention concernant la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

En dépit de la volonté des autorités de l’État fédéral et de celles des Länder de se conformer aux dispositions du Protocole facultatif, le SPT note l’existence de certains problèmes juridiques, structurels et institutionnels qui risquent de nuire à l’efficacité et à la crédibilité institutionnelle du mécanisme national de prévention dans son ensemble. Il faudra donc que les autorités se préoccupent, par exemple, de facteurs institutionnels comme la taille et la composition du mécanisme national de prévention et la sélection de ses membres, ainsi que son rôle limité à l’égard des projets de loi et, plus particulièrement, la question de l’insuffisance de ses ressources budgétaires et humaines.

L’insuffisance des ressources allouées au mécanisme national de prévention a été mise en cause par d’autres mécanismes internationaux de surveillance, notamment le Comité contre la torture et le Rapporteur spécial contre la torture de l’ONU, et le Comité européen pour la prévention de la torture.

Conformément à son mandat, tel qu’il est défini à l’article 11 b) ii) et iii), le SPT adressera séparément au mécanisme national de prévention de l’Allemagne un rapport confidentiel.

III.Principaux obstacles juridiques, structurels et institutionnels rencontrés par le mécanisme national de prévention

S’il est vrai que le Protocole facultatif laisse toute latitude à l’État partie pour décider de la forme institutionnelle du mécanisme national de prévention, il est impératif que ce mécanisme soit structuré et qu’il s’acquitte de son mandat conformément aux dispositions du Protocole facultatif, telles qu’elles sont précisées dans les «Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention».

Le SPT recommande aux autorités de l ’ État fédéral et à celles des Länder d ’ aider le mécanisme national de prévention à procéder lui-même à une évaluation de ses activités pour faire en sorte qu ’ il exerce son mandat conformément aux dispositions du Protocole facultatif et aux Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention . Le SPT recommande aussi à l ’ État partie de prendre des mesures afin de garantir et de respecter l ’ indépendance financière et opérationnelle du mécanisme national de prévention, conformément à l ’ article 18, paragraphe 1, du Protocole facultatif .

Le SPT souligne que selon les dispositions de la quatrième partie du Protocole facultatif, le mécanisme national de prévention a pour rôle, non pas de surveiller les mécanismes de contrôle existants, mais d’exercer son propre mandat visant à renforcer la protection des personnes privées de liberté contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce faisant, il convient d’éviter les doubles emplois afin de garantir une utilisation efficace des ressources, et de ne pas envoyer des messages contradictoires.

Le SPT recommande que tout en exerçant ses propres attributions en matière de visites, le mécanisme national de prévention coopère avec les autres mécanismes existants chargés de contrôler les lieux de privation de liberté afin de rechercher d ’ éventuelles synergies, y compris dans le cadre de la surveillance des foyers pour personnes âgées. Le SPT recommande en particulier que la Commission mixte coopère avec les services municipaux de contrôle des foyers pour personnes âgées car le mécanisme national de prévention n ’ a jusqu ’ à présent pas effectué de visite dans ces institutions (à de rares exceptions près), faute des compétences nécessaires .

Le SPT observe que le nom du mécanisme national de prévention − l’Agence nationale pour la prévention de la torture − met implicitement l’accent sur la possibilité qu’il existe des actes de torture, suscitant ainsi une réaction de défense de nombreux secteurs qui entrave l’efficacité de son fonctionnement.

Faisant observer que le mandat du mécanisme national de prévention en vertu du Protocole facultatif est d ’ agir en vue de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le SPT recommande d ’ adapter le nom du mécanisme national de prévention afin qu ’ il reflète pleinement son mandat, compte tenu des sensibilités socioculturelles du pays.

Le SPT est particulièrement préoccupé par l’insuffisance des ressources budgétaires et humaines allouées au mécanisme national de prévention, comme indiqué ci-dessus (par. 17). Le SPT est certes informé d’une proposition tendant à porter à deux le nombre de membres de l’Agence fédérale, par la nomination d’un adjoint au chef de l’Agence fédérale, mais il faut bien comprendre que le mandat de celle-ci couvre quelque 370 institutions. En conséquence, même ce renfort de 100 % ne contribuera guère à alléger la charge que doit actuellement supporter l’Agence fédérale. La Commission mixte se trouve dans une situation comparable, avec quatre membres et un mandat couvrant quelque 13 000 lieux de détention.

Le SPT recommande d ’ accroître la taille du mécanisme national de prévention et de renforcer son personnel d ’ appui afin qu ’ il dispose de moyens adaptés au nombre de lieux de détention couverts par son mandat et suffisants pour lui permettre de s ’ acquitter des autres fonctions essentielles dont il est chargé en vertu du Protocole facultatif .

Le SPT rappelle à l’État partie qu’en vertu de l’article 18, paragraphe 3, du Protocole facultatif, il est légalement tenu de dégager des ressources financières et humaines suffisantes. À ce propos, le SPT note que le Ministère de la justice du Land de Hesse envisage de renforcer les effectifs et le financement du mécanisme national de prévention. En outre, le SPT a noté que le Gouvernement fédéral s’est dit prêt à envisager un accroissement des fonds alloués au mécanisme national de prévention dans le cadre d’une renégociation de l’accord administratif avec les Länder. Le SPT souhaite être informé des résultats de ces initiatives.

Le SPT souhaite être informé, à titre prioritaire, des mesures prises pour allouer au mécanisme national de prévention les ressources financières et humaines suffisantes lui garantissant une complète autonomie financière et opérationnelle. Notant que le Gouvernement fédéral a reconnu que les ressources dont dispose la Commission mixte, compte tenu de l ’ ampleur de son mandat, ne correspondent qu ’ à des exigences minimales, le SPT souhaite aussi être informé des mesures prises par les gouvernements des Länder pour améliorer la situation financière de la Commission mixte.

Le taux élevé de renouvellement des membres du mécanisme national de prévention en raison des démissions fréquentes de la Commission mixte est source de préoccupation. Il a été expliqué que la démission des membres honoraires était due à l’insuffisance des ressources allouées au mécanisme et à l’indisponibilité de certains membres en raison de leurs obligations professionnelles quotidiennes ou autres obligations personnelles. Le SPT considère que cette situation compromet la possibilité de mettre en place un mécanisme national de prévention professionnel et efficace, vu l’impossibilité de garantir la continuité des travaux de ce mécanisme dans le temps.

Le SPT recommande que les dispositions indispensables soient prises, notamment que soient adoptés les changements législatifs éventuellement nécessaires, pour que les membres du mécanisme national de prévention soient disponibles pour exercer efficacement leurs fonctions au sein du mécanisme, ainsi qu ’ il est prévu à l ’ article 5, paragraphe 6, du Protocole facultatif.

Les membres de l’Agence fédérale sont nommés tandis que ceux de la Commission mixte sont choisis par les Ministres de la justice des Länder. La procédure actuelle de nomination des membres du mécanisme national de prévention manque de transparence et d’ouverture faute d’une information suffisante du public et de la société civile. En outre, la pratique actuelle de sélection des membres du mécanisme national de prévention ne correspond pas aux Directives du SPT concernant les mécanismes nationaux de prévention puisqu’elle ne fait pas l’objet d’un processus ouvert, non exclusif et transparent.

Le SPT recommande que les vacances de postes au sein du mécanisme national de prévention fassent l ’ objet d ’ une large publication et qu ’ il soit procédé à la consultation d ’ organisations de la société civile et d ’ autres parties prenantes préalablement à la sélection des membres, en vue de rendre le processus plus transparent. Le SPT recommande aussi de faire en sorte que la candidature de personnes de différentes origines puisse être prise en considération lors de la sélection des membres du mécanisme national de prévention, afin d ’ accroître les chances de parvenir à une diversité de professions et d ’ expériences, notamment d ’ assurer un meilleur équilibre entre les sexes et une représentation adéquate des groupes ethniques et minoritaires au sein du mécanisme national de prévention et de ses équipes chargées des visites, conformément à l ’ article 18, paragraphe 2, du Protocole facultatif.

La composition du mécanisme national de prévention a suscité des inquiétudes. Le SPT a constaté une insuffisance des compétences médicales, psychologiques et autres sur le plan interne, par exemple dans les domaines du travail social, de la sécurité, de la pédagogie et des enfants, qui limite la capacité du mécanisme national de prévention de mener à bien efficacement ces travaux. En outre, le mécanisme n’engage que de temps à autre des experts extérieurs, en raison principalement de la limitation de ses ressources.

Le SPT recommande, dans le cadre de la sélection, d ’ élargir la composition du mécanisme national de prévention pour que celui-ci dispose de compétences médicales, psychologiques et autres pertinentes lui permettant d ’ exercer ses activités conformément au Protocole facultatif. Le mécanisme national de prévention devrait disposer de ressources suffisantes pour faire appel à des experts extérieurs, en cas de besoin, afin de combler d ’ éventuelles lacunes.

À la connaissance du SPT, l’Agence fédérale et la Commission mixte, en leur qualité de mécanisme national de prévention, ne présentent pas régulièrement des propositions concernant la législation en vigueur ou des projets de loi, alors que cette fonction est prévue à l’article 19 c) du Protocole facultatif. Cela peut s’expliquer par une double raison: l’absence d’une claire base légale permettant au mécanisme national de prévention de présenter des observations au sujet des projets de loi, et le manque de ressources humaines suffisantes pour exercer ces attributions.

Conformément à l ’ article 19 c) du Protocole facultatif, le SPT recommande à l ’ État partie de modifier le décret du Ministère fédéral de la justice du 20 novembre 2008 et le Traité du 24 juin 2009 entre les 16 Länder, ainsi que tout autre acte juridique le cas échéant, pour faire en sorte que le mécanisme national de prévention puisse présenter des propositions et des observations au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi se rapportant à son mandat. Parallèlement, le SPT recommande à l ’ État partie d ’ allouer au mécanisme national de prévention des ressources suffisantes pour lui permettre de s ’ acquitter pleinement de son mandat à cet égard.

Le SPT a conscience de l’existence d’autres obstacles d’ordre institutionnel, structurel et législatif à l’activité du mécanisme national de prévention, comme l’absence d’un budget suffisant pour les déplacements et des moyens nécessaires pour effectuer des visites de suivi. Le SPT note que certaines institutions fédérales ont tenté de soutenir le mécanisme en fournissant, par exemple, un appui logistique et des moyens de transport. Le SPT comprend les bonnes intentions qui sous-tendent l’action de ces institutions fédérales, mais il considère que ces activités pourraient nuire à l’image d’indépendance du mécanisme national de prévention en rendant celui-ci tributaire du soutien pratique fourni par l’administration.

Le SPT recommande aux autorités de la justice au niveau fédéral et des Länder et à toute autre institution compétente de collaborer de manière proactive avec le mécanisme national de prévention afin de contribuer à l ’ élimination de tous les obstacles actuels ou futurs d ’ ordre juridique, structurel ou institutionnel. Le SPT recommande aussi à l ’ État partie d ’ accroître le budget du mécanisme national de prévention dans la mesure nécessaire pour lui permettre de mener à bien son programme de visites dans toutes les régions du pays, de procéder à des visites de suivi et de disposer de ses propres locaux, en rappelant que l ’ existence d ’ un budget suffisant contribue à garantir l ’ indépendance fonctionnelle et subjective du mécanisme national de prévention.

Tout en sachant et en reconnaissant que les membres du mécanisme national de prévention possèdent une grande expérience dans leurs domaines respectifs, le SPT constate que ce mécanisme, faute de ressources et à cause d’une formation insuffisante, s’attache principalement aux conditions matérielles de détention et n’est pas suffisamment rigoureux dans la conduite de ses visites. D’autres aspects des fonctions de prévention du mécanisme national, concernant par exemple des moyens innovants à proposer pour renforcer les garanties dans le cadre de la rétention administrative, l’utilisation de moyens de contrainte physique (Fixierung), la détention préventive et l’isolement cellulaire ou le cadre juridique de la privation de liberté, ne sont pas dûment couverts.

Le SPT recommande à l ’ État partie de faciliter la formation conjointe des membres et du personnel du mécanisme national de prévention, y compris par la fourniture de ressources suffisantes, afin de renforcer leur capacité de s ’ acquitter efficacement, collectivement et individuellement, des fonctions incombant au mécanisme national de prévention en vertu du Protocole facultatif.

Le SPT a noté avec satisfaction la distribution par la Commission mixte d’une brochure relative au mécanisme national de prévention. Il a cependant observé que les autorités responsables des lieux de détention, les personnes privées de liberté et la société civile ne comprenaient pas bien le rôle du mécanisme et les attributions respectives de l’Agence fédérale et de la Commission mixte, ainsi que les relations entre elles, en tant qu’organe collectif. Le manque de visibilité du mécanisme national de prévention risque de nuire à son efficacité. C’est ainsi que certains acteurs de la société civile qu’a rencontrés le SPT ont souligné l’absence de clarté et de transparence des activités, des résultats et des priorités du mécanisme, y compris en ce qui concerne la procédure de sélection de ses membres.

Le SPT recommande à l ’ État partie: a) de prendre des mesures pour aider le mécanisme national de prévention à mieux faire connaître son mandat et ses travaux auprès du grand public; b) de s ’ employer à faire reconnaître le mécanisme national de prévention comme une composante clef du système de prévention de la torture et des mauvais traitements du pays; c) de contribuer à améliorer la visibilité des travaux du mécanisme national de prévention, par exemple en menant des campagnes de sensibilisation du public et d ’ autres activités de promotion, y compris la production de matériels d ’ information concernant le mandat et les activités du mécanisme, dans différentes langues, et leur distribution au personnel des lieux de détention et aux personnes détenues ainsi qu ’ à la société civile, notamment aux associations d ’ anciens utilisateurs des services, aux avocats et aux magistrats. Le SPT recommande en outre à l ’ État partie de publier et de diffuser largement les rapports annuels du mécanisme national de prévention, notamment en les transmettant au SPT, conformément à l ’ article 23 du Protocole facultatif.

La prévention de la torture et d’autres formes de mauvais traitements ne devrait pas se limiter à l’examen des conditions matérielles de privation de liberté mais devrait consister à étudier d’autres questions comme la détention préventive, la rétention administrative et le recours à l’isolement cellulaire, parmi beaucoup d’autres.

Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ aider le mécanisme national de prévention en reconnaissant son rôle concernant tant les conditions matérielles de détention que les cadres légaux et réglementaires applicables, vu que ces deux aspects sont également importants, et en reconnaissant en particulier qu ’ il entre dans ses attributions de proposer des approches innovantes à l ’ égard de questions comme la rétention administrative, le recours à des moyens de contrainte physique ( Fixierung ), la détention préventive et l ’ isolement cellulaire, etc.

Le SPT a constaté que le mécanisme national de prévention rencontrait des problèmes pour avoir accès aux dossiers de détenus, y compris aux registres de détenus et d’incidents et aux dossiers médicaux, en raison soit de leur inexistence soit de la manière dont ils sont actuellement tenus.

Le SPT recommande à l ’ État partie de faciliter l ’ accès rapide, régulier et libre du mécanisme national de prévention aux informations concernant les personnes détenues, conformément à l ’ article 20 b) du Protocole facultatif, et de veiller à ce que des registres concernant les détenus, y compris des registres d ’ incidents et des dossiers médicaux, soient tenus dans tous les lieux de détention, en plus des dossiers personnels.

Le SPT a noté que lors de ses rencontres avec les autorités, certaines d’entre elles étaient incapables de donner des exemples concrets de recommandations que le mécanisme national de prévention leur avait adressées ou de faire des commentaires sur leur mise en œuvre. Cela laisse penser que ces autorités n’ont pas encore engagé un véritable dialogue avec le mécanisme national de prévention. En outre, le SPT s’inquiète de l’absence d’un mécanisme établi de coordination entre les différentes parties prenantes à l’intérieur de l’État partie. Tous les organismes œuvrant dans ce domaine, y compris les mécanismes de contrôle judiciaire, le Bureau du Procureur général, les ministères compétents et divers mécanismes de contrôle exerçant leurs activités dans les lieux de privation de liberté devraient développer une coopération et une coordination entre eux, d’une part, et avec le mécanisme national de prévention, d’autre part. Le SPT tient à souligner que l’absence d’un programme de coordination pourrait porter à croire qu’il n’existe pas de stratégie nationale cohérente et bien définie visant à prévenir la torture et les mauvais traitements.

Le SPT considère qu ’ un e action concertée pourrait considérablement accroître l ’ efficacité des mesures prises pour réduire la probabilité d ’ actes de torture et de mauvais traitements. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ encourager une démarche coordonnée entre les différentes entités et institutions compétentes. En outre, le SPT recommande, comme le prévoit l ’ article 22 du Protocole facultatif, que les autorités compétentes de l ’ État partie examinent les recommandations du mécanisme national de prévention et engagent un véritable dialogue avec lui au sujet des mesures qui pourraient être prises pour les mettre en œuvre. À cet égard, un coordonnateur pourrait être désigné dans chacun, ou pour l ’ ensemble, des ministères compétents afin de suivre la mise en œuvre des recommandations du mécanisme national de prévention et de collaborer à cette fin avec celui-ci.

IV.Recommandations finales

Le SPT rappelle que la prévention de la torture constitue une obligation permanente et de large portée incombant à l’État partie. C’est pourquoi il accueille avec satisfaction l’engagement de l’État partie de revoir l’adéquation des ressources financières et humaines dont dispose le mécanisme national de prévention, et d’encourager et d’appuyer de nouveaux développements et perfectionnements des méthodes de travail de ce mécanisme. Le SPT prie l’État partie de le tenir informé de toute éventuelle révision législative ou modification de politique, ou de tout autre fait nouveau pertinent concernant le mécanisme national de prévention, pour lui permettre de continuer à aider l’État partie à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif.

Le SPT pense que sa visite offre à l’Allemagne une occasion idéale pour montrer que celle-ci tient et est prête à s’acquitter de ses obligations internationales dans le cadre du Protocole facultatif.

Le SPT espère que sa récente visite de conseil et le présent rapport marqueront le début d’un dialogue constructif avec l’Allemagne. Il est tout disposé à aider l’Allemagne, dans la mesure de ses possibilités, à s’acquitter de ses obligations conformément au Protocole facultatif, en particulier en lui offrant une assistance technique et des avis, en vue de la réalisation de leur objectif commun de prévention de la torture et des mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté.

Le SPT recommande à l’État partie de rendre public le présent rapport, considérant que cela est en soi une mesure de prévention. Il lui recommande en outre de faire distribuer ce rapport à tous les départements et établissements publics concernés.

Annexe I

Liste des hauts fonctionnaires et des autres personnes rencontréspar le SPT

Autorités nationales

Ministère fédéral de la justice

M. Alfred Bindels, Directeur général − Direction générale IV, Droit constitutionnel et administratif; Droit international et européen

M. Hans-Jörg Behrens, Chef de Division, Protection des droits de l’homme

Mme Katja Behr, Chef de Division, Protection des droits de l’homme

Mme Sonja Winkelmaier, Responsable de secteur, Division de la Protection des droits de l’homme

Mme Claudia Radziwill, Responsable de secteur adjointe, Division de la Protection des droits de l’homme

Corps législatif

M. Thomas Schotten, Directeur − Direction des pétitions et conclusions, Administration du Bundestag allemand

M. Wolfgang Finger, Chef du Secrétariat, Secrétariat de la Commission des pétitions

Commissaire parlementaire aux forces armées

M. Fritz Günther, Chef de Division, Politiques, Principes de l’action internationale, Administration internationale

Procureur général fédéral près la Cour fédérale de justice

M. Kai Lohse, Procureur général principal auprès de la Cour fédérale de justice

Ministère fédéral des affaires étrangères

M. Stephan Lanzinger, Responsable de secteur, Direction générale pour l’ONU et les affaires mondiales, Division des droits de l’homme

Ministère fédéral de l’intérieur

M. Tobias Plate, Responsable de secteur, Division du droit européen, du droit international, du droit constitutionnel en relation avec le droit européen et le droit international

M. Moritz Jürgen Wieck, Responsable de secteur, Division du commandement et des questions opérationnelles de la Police fédérale

Ministère fédéral de la défense

M. Carsten Denecke, Conseiller juridique principal, Missions territoriales de commandement de la Bundeswehr

Ministère fédéral de la santé

Mme Anne Kahmann, Responsable de secteur, Division des aspects médicaux et infirmiers de l’assurance des soins de longue durée

Office fédéral de la migration et des réfugiés

M. Michael Kleinhans, Directeur général − Direction générale de la procédure d’asile, du droit de séjour, de la sécurité, Centre d’information sur l’asile et les migrations

Ministère de la justice du Land de Bade-Wurtemberg

M. Justus Schmid, Chef de la Division du droit pénitentiaire, des questions budgétaires, du logement et de l’emploi des détenus, et de l’administration financière

Administration sénatoriale du Land de Berlin chargée de la justice et de la protection des consommateurs

M. Gero Meinen, Directeur général – Direction générale des affaires pénitentiaires

Ministère de la justice, de l’intégration et de l’Europe du Land de Hesse

M. Torsten Kunze, Chef de la Division de la législation et des questions générales concernant le droit pénitentiaire; la loi sur les prisons du Land de Hesse; la loi du Land de Hesse sur l’exécution de la détention préventive; la privatisation; les relations publiques de la Direction; les questions relatives à la protection des données; les questions pénitentiaires internationales

Ministère de la justice et de la protection des consommateursdu Land de Rhénanie‑Palatinat

M. Gerhard Meiborg, Directeur général – Direction générale des affaires pénitentiaires

Mécanisme national de prévention

M. Klaus Lange-Lehngut, Directeur de l’Agence fédérale

M. Rainer Dopp, Président de la Commission mixte des Länder

Mme Petra Heß, Membre honoraire de la Commission mixte

M. Rudolf Egg, Chef du Centre de criminologie (KrimZ)

Mme Christina Hof, Chef du Secrétariat du mécanisme national de prévention

Mme Jennifer Bartelt, Membre du Secrétariat du mécanisme national de prévention

M. Jan Schneider, Membre du Secrétariat du mécanisme national de prévention

Mme Sarah Mohsen, Membre du Secrétariat du mécanisme national de prévention

Société civile

Institut allemand des droits de l’homme

Association des avocats républicains (RepublikanischerAnwältinnen- undAnwälteverein e. V.)

Human Rights Watch

Amnesty International

Annexe II

Liste des lieux de détention visités par le SPT

Police fédérale en gare de Mayence, relevant de la compétence fédérale

Centre de rétention de la prison de Mannheim, relevant de la compétence du Land