Observations finales sur le cinquième rapport périodique de l’Afrique du Sud *

Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de l’Afrique du Sud (CEDAW/C/ZAF/5) à ses 1839e et 1840e séances (CEDAW/C/SR.1839 et CEDAW/C/SR.1840), le vendredi 5 novembre 2021. La liste de points et de questions établie par le groupe de travail de présession figure dans le document CEDAW/C/SAF/Q/5, et les réponses de l’Afrique du Sud dans CEDAW/C/ZAF/RQ/5.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de l’État partie mais regrette que ce rapport ait été soumis avec quatre ans et huit mois de retard. Il remercie l’État partie de son rapport faisant suite aux précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/ZAF/CO/4/Add.1) et de ses réponses écrites à la liste de points soulevés par le groupe de travail de présession, tout en soulignant que les deux documents ont été reçus avec un retard considérable. Il accueille avec satisfaction l’exposé oral de la délégation et les éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions qu’il a posées oralement au cours du dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir constitué une délégation de haut niveau, qui a participé au dialogue à distance, conduite par la Ministre des femmes, de la jeunesse et des personnes handicapées, Maite Nkoana-Mashabane. La délégation comprenait aussi des représentants du Ministère du développement social, du Ministère de la santé, de la Police sud-africaine, de l’Autorité nationale chargée des poursuites judiciaires, du Ministère de l’enseignement de base, du Ministère de la justice, du Ministère de la fonction publique et de l’administration, du Ministère de la forêt, de la pêche et de l’environnement, du Ministère de l’intérieur, du Ministère du travail et de l’emploi, du Ministère du développement des petites entreprises et du Ministère de l’agriculture, de la réforme agraire et du développement rural.

* Adopté par le Comité à sa huitième session (du 18 octobre au 12 novembre 2021).

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès réalisés depuis l’examen en 2011 du rapport valant deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie en ce qui concerne les réformes législatives, en particulier les mesures suivantes :

a)la loi intitulée Recognition of Customary Marriages Amendment Act 1, adoptée en juin 2021, portant modification de la loi sur la reconnaissance des mariages coutumiers (Recognition of Customary Marriages Act, loi no 120 de 1998), réglementant les conséquences patrimoniales des mariages coutumiers contractés avant l’entrée en vigueur de la loi de 1998 ;

b)la loi intitulée Legal Aid South Africa Act, adoptée en décembre 2014 (loi no 39 de 2014) ;

c)la loi intitulée Employment Equity Act, relative à l’équité en matière d’emploi (loi no 47 de 2013), adoptée en janvier 2014 ;

d)la loi intitulée Judicial Matters Second Amendment Act, portant deuxième modification de la loi sur les affaires judiciaires (loi no 43 de 2013), adoptée en janvier 2015 et prévue pour entrer en vigueur en janvier 2020 à l’exception de son article 4 ;

e)la loi intitulée Prevention and Combating of Torture of Persons Act, relative à la prévention et la lutte contre la torture des personnes (loi no 13 de 2013), adoptée en juillet 2013, qui qui érige la torture en crime ;

f)la loi intitulée Prevention and Combating of Trafficking in Persons Act, relative à la prévention et à la répression de la traite des personnes (loi no 7 de 2013), adoptée en juillet 2013.

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination contre les femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)la Politique nationale de prévention et de gestion de la grossesse chez les mères en âge d’aller à l’école, afin de réduire l’incidence des grossesses précoces parmi les étudiantes, par une éducation à la sexualité complète et de qualité, en 2021 ;

b)le Plan stratégique national de lutte contre la violence fondée sur le genre et le féminicide pour la période 2020–2030, ainsi que le Conseil national de lutte contre la violence fondée sur le genre et le féminicide, en 2020 ;

c)le Cadre national d’orientation sur la gestion des infractions liées à la traite des personnes, qui renforce la prestation de services afin de répondre aux besoins des victimes, en 2019 ;

d)le Plan d’action national de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée pour la période 2019–2024, qui fournit une définition de la discrimination à l’égard des femmes, en 2019 ;

e)le Plan stratégique national de lutte contre le VIH, les infections sexuellement transmissibles et la tuberculose pour la période 2017–2022, visant à lutter contre les obstacles sociaux et structurels qui augmentent la vulnérabilité des femmes à l’infection, à empêcher les nouvelles infections, à renforcer la protection des droits humains et à améliorer l’accès à la justice, en 2017 ;

f)le Cadre d’orientation et la stratégie destinés à favoriser l’intégration des questions de genre dans le secteur de l’environnement pour la période 2016–2021, visant à garantir l’inclusion d’une perspective de genre dans la gestion de l’ensemble du cycle des projets, en 2016 ;

g)la Stratégie nationale de gestion intersectorielle des infractions sexuelles, visant à améliorer l’accès des femmes aux tribunaux en charge des infractions sexuelles, en leur ouvrant l’accès à des services tels que des programmes de préparation aux audiences ou la fourniture de supports d’information, en 2014 ;

h)la Stratégie nationale d’intervention en faveur des communautés lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI), visant à riposter à la violence fondée sur le genre à l’encontre des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes et à la prévenir, en 2014 ;

i)le Programme d’action intégré de l’Afrique du Sud pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des enfants (2013-2018), qui prévoit une évolution de la réaction aux situations de crise à une concentration sur la prévention et l’intervention rapide, en 2013.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments internationaux suivants ou d’y avoir adhéré, au cours de la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport :

a)le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2019 ;

b)le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2015 ;

c)la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du Travail, en 2013.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et préconise le respect de l’égalité des genres en droit (de jure) et dans les faits (de facto), conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il souligne l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l’État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l’Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité salue les efforts de l’État partie pour résoudre la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre sur son territoire, avec notamment l’adoption en 2020 du Plan stratégique national de lutte contre la violence fondée sur le genre et le féminicide. Le Comité note toutefois avec inquiétude la persistance de défaillances systémiques dans l’application de la législation et des politiques visant à résoudre la violence fondée sur le genre, ainsi que le caractère généralisé de la violence fondée sur le genre, dont les féminicides, dans l’État partie. Il remarque en particulier avec inquiétude :

a)que la violence fondée sur le genre est exacerbée par une culture de silence et d’impunité ;

b)que la police sud-africaine manque à son obligation d’enquêter systématiquement sur les cas de négligence et de mauvaise gestion des dossiers par des officiers de police, de les poursuivre et de les punir comme il se doit ;

c)l’absence de formation régulière des juges, procureurs et officiers de police à l’application rigoureuse des dispositions de la législation pénale en matière de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ;

d)le risque particulièrement élevé de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles victimes de discrimination croisée, comme les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes, les réfugiées, les femmes en situation de handicap et les femmes et les filles atteintes d’albinisme ;

Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) de sensibiliser les dirigeants traditionnels et communautaires et le grand public aux droits humains des femmes, avec la participation active des organisations de femmes et des défenseurs des droits humains des femmes, ainsi qu’au risque particulier que courent les femmes et les filles victimes de discrimination croisée, comme les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, les migrantes, les réfugiées et les demandeuses d’asile, les femmes en situation de handicap et les femmes et les filles atteintes d’albinisme, d’être victimes de violence fondée sur le genre ;

b) d’assurer la formation systématique des juges, des procureurs, des officiers de police et des autres responsables de l’application des lois à la mise en œuvre rigoureuse des dispositions du droit pénal relatives à la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre et aux procédures d’enquête et d’interrogation prenant en compte les questions de genre, et créer un climat aidant les femmes et les filles à signaler les violences dont elles sont victimes en combattant la stigmatisation des victimes, les stéréotypes discriminatoires et les préjugés liés au genre dans le système judiciaire ;

c) de renforcer les services de soutien aux victimes, notamment en mettant en place des centres d’hébergement et des résidences protégées dotés de financements adéquats, partout dans l’État partie et en particulier dans les zones rurales et isolées.

Le Comité note avec inquiétude que le Conseil national de lutte contre la violence fondée sur le genre et le féminicide n’est pas encore installé, malgré son annonce par le président en avril 2020. Il note aussi avec préoccupation l’absence d’informations sur les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à la mise en œuvre du Plan stratégique national de lutte contre la violence fondée sur le genre et le féminicide pour la période 2020–2030.

Le Comité recommande à l’État :

a) d’ établir sans délai le Conseil national de lutte contre la violence fondée sur le genre et le féminicide, de le doter de ressources humaines, techniques et financières adéquates, de l’investir d’un mandat fort et de garantir son indépendance ;

b) d’ assurer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour l’application du Plan stratégique national de lutte contre la violence fondée sur le genre et le féminicide pour la période 2020–2030, et de mettre en place des mécanismes efficaces de coordination, de suivi et d’évaluation axés sur les résultats.

Le Comité remarque que la loi sur la violence domestique (1998) définit la violence domestique et prévoit la délivrance d’ordonnances de protection. Le Comité exprime toutefois sa préoccupation quant à l’absence d’infraction pénale spécifique de violence domestique. Le Comité note en outre que divers projets de loi restent non aboutis, à savoir le projet d’amendement de la loi sur la violence domestique, le projet de loi relatif aux affaires pénales et aux questions connexes et le projet d’amendement de la loi portant modification du droit pénal (délits sexuels et questions connexes), et qu’il existe un manque de données ventilées sur l’incidence de la violence domestique.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) d’ appliquer les recommandations que le Comité a énoncées dans le rapport sur son enquête concernant l’Afrique du Sud menée en vertu de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention ( CEDAW/C/ZAF/IR/1 ), dans un délai clairement défini, conformément à la recommandation générale n o 35 (2017) du Comité ;

b) d’ adopter une législation érigeant expressément en crime la violence domestique et le féminicide et veiller à ce que ces deux infractions soient passibles de poursuites à la diligence du ministère public ;

c) d’ adopter sans délai le projet d’amendement de la loi sur la violence domestique, le projet de loi relatif aux affaires pénales et aux questions connexes et le projet d’amendement de la loi portant modification du droit pénal (délits sexuels et questions connexes) ;

d) de veiller à ce que toutes les affaires de violence domestique et de féminicide fassent l’objet d’une enquête et de poursuites, que leurs auteurs soient frappés de sanctions adéquates et puissent être traduits en justice d’office, et que les victimes disposent d’un accès effectif aux recours, dont la délivrance d’ordonnances de protection, ainsi qu’à des réparations intégrales ;

e) de fournir systématiquement des données statistiques sur la portée et l’étendue des violences domestiques et des autres formes de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, ventilées en fonction de l’âge, de l’appartenance ethnique, du handicap, du statut socioéconomique et de la relation entre la victime et l’auteur.

Droits des femmes et égalité des genres en lien avec la pandémie de maladie à coronavirus et avec les efforts de relèvement

Le Comité salue les efforts de l’État partie pour lutter contre la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et l’allocation de ressources à cette fin. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises pour contrer l’impact de la pandémie sur les droits des femmes et l’égalité des genres et pour assurer la participation des femmes à l’élaboration, à l’adoption et à la mise en œuvre de programmes et stratégies de reprise post-COVID-19. Le Comité s’inquiète aussi des réticences signalées, parmi les femmes et les hommes de l’État partie, à se faire vacciner contre la COVID-19, en particulier dans les zones rurales.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de corriger les inégalités existant de longue date entre les femmes et les hommes et donner un nouvel élan à la réalisation de l’égalité des genres en érigeant en priorité stratégique pour un changement durable conforme aux objectifs de développement durable le placement des femmes au centre des efforts de relèvement de la COVID-19 ;

b) de veiller à ce que les femmes et les filles ne se voient pas reléguées à des rôles domestiques et autres rôles stéréotypés liés au genre dans le cadre de la riposte à la COVID-19 et du relèvement ;

c) de veiller à ce que les femmes et les filles, en particulier celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés et celles qui vivent en zone rurale, soient véritablement associées à la conception et à l’application des programmes et stratégies de relèvement liées à la COVID-19 ;

d) de veiller à ce que les femmes et les filles bénéficient dans des conditions d’équité des plans de relance économique qui visent à atténuer les conséquences socioéconomiques de la pandémie, notamment l’aide financière destinée aux personnes dispensant des soins non rémunérés ;

e) de veiller à ce que toutes les femmes et toutes les filles bénéficient d’un accès gratuit à la vaccination contre la COVID-19, y compris dans les zones rurales et isolées, et de mener des campagnes de sensibilisation et des campagnes dans les médias pour lutter contre les perceptions erronées sur les risques de la vaccination par opposition à ceux de la COVID-19 et ses effets à long terme, ainsi que les fausses informations propagées par les opposants au vaccin.

Visibilité de la Convention et de son Protocole facultatif

Le Comité note avec préoccupation l’absence de sensibilisation des femmes aux droits que leur confère la Convention et leur méconnaissance des procédures de plainte et d’enquête visées dans le Protocole facultatif à la Convention, en particulier dans les zones rurales.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de faire mieux connaître aux femmes les droits que leur confère la Convention et les recours dont elles disposent pour déposer plainte en cas de violation de leurs droits, notamment les procédures de communication et d’enquête visées dans le Protocole facultatif à la Convention, et diffuser l’information sur la jurisprudence établie par le Comité au titre du Protocole facultatif et sur ses recommandations générales dans des formats accessibles et inclusifs, y compris dans les zones rurales et auprès des groupes de femmes défavorisées et marginalisées ;

b) de renforcer systématiquement les capacités des juges, procureurs, officiers de police et avocats, afin de leur permettre d’appliquer, d’invoquer et de mentionner directement les dispositions de la Convention et d’interpréter la législation nationale à la lumière de la Convention ;

c) d’exécuter le programme national d’information sur les instruments internationaux, continentaux et régionaux de protection des droits humains des femmes.

Cadre constitutionnel et législatif

Le Comité se félicite de l’adoption du Plan d’action national de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée 2019–2024, qui fournit une définition de la discrimination à l’égard des femmes, ainsi que de la déclaration de la délégation au cours du dialogue qui souligne les efforts de l’État partie pour intégrer la Convention par l’adoption de divers actes législatifs. Il remarque que le chapitre 2 de la Constitution sud-africaine contient une Charte des droits qui affirme le droit à l’égalité et interdit la discrimination fondée sur le genre. Le Comité s’inquiète toutefois que le projet de loi sur l’avancement des femmes et l’égalité des genres soit caduc depuis longtemps et que l’État partie n’ait pas encore adopté de loi interdisant expressément la discrimination à l’égard des femmes conformément à la Convention. Le Comité s’inquiète en outre du manque d’information sur les affaires dans lesquelles la Convention et le Protocole facultatif ont été appliqués ou invoqués dans des procédures judiciaires.

Le Comité rappelle les obligations que les articles 1 et 2 de la Convention et de l’objectif n o 5.1 des objectifs de développement durable imposent à l’État partie et recommande à celui-ci :

a) d’adopter une loi d’ensemble sur l’égalité des genres ainsi qu’une définition de la discrimination à l’égard des femmes qui englobe la discrimination directe comme indirecte dans les sphères publique et privée, y compris la discrimination croisée, conformément aux articles 1 et 2 de la Convention ;

b) d’incorporer le principe d’égalité de fait dans le droit national et de renforcer en conséquence la législation existante en matière d’égalité des genres ;

c) d’inclure, dans son prochain rapport périodique, des informations sur le nombre d’affaires dans lesquelles des dispositions de la Convention ont été invoquées, appliquées ou mentionnées chaque année dans des procédures judiciaires, ainsi que leur résultat.

Accès des femmes à la justice

Le Comité note que Legal Aid South Africa a identifié les femmes, en particulier dans des procédures de divorce, de pension alimentaire et de violence domestique, comme prioritaires en matière d’octroi d’une aide juridictionnelle gratuite. Il remarque cependant avec inquiétude que Legal Aid South Africa ne dispose pas des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour exécuter son mandat. Le Comité note en outre avec préoccupation les obstacles à l’accès des femmes à la justice, dont les services de soutien aux victimes dans l’État partie, en particulier dans les affaires de violence domestique. Il note également avec préoccupation les faibles taux de poursuites et de condamnation dans les affaires de délits sexuels. Il exprime par ailleurs sa préoccupation quant à la persistance de stéréotypes de genre discriminatoires au sein du système judiciaire et la stigmatisation des plaignantes, en particulier celles qui vivent dans des établissements informels, les femmes migrantes, rurales, handicapées et affectées d’albinisme.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de veiller à ce que Legal Aid South Africa dispose de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour fournir, comme le veut son mandat, une assistance juridictionnelle adéquate et gratuite aux femmes ne disposant pas de moyens suffisants ;

b) de faire en sorte que toutes les affaires de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, notamment de violence sexuelle, fassent l’objet d’une enquête, que leurs auteurs soient poursuivis et punis comme il se doit, et que les victimes aient accès à des réparations adaptées ;

c) de renforcer les capacités du personnel judiciaire, des procureurs, des officiers de police et des autres responsables de l’application des lois et greffiers de tribunal sur la stricte application de la loi sur la violence domestique et de la loi sur les infractions sexuelles, sur les méthodes d’enquête et d’interrogation prenant en compte les questions de genre, sur la bonne gestion des dossiers et la collecte et l’utilisation des preuves scientifiques, ainsi que sur leur rôle de protection, d’encouragement et d’assistance aux victimes pour le signalement des cas de violence domestique à l’égard des femmes ;

d) de collecter systématiquement des données sur le nombre et les types de services fournis par Legal Aid South Africa aux femmes et aux filles qui méritent une attention particulière, et examiner le financement et la conception de ces services en conséquence.

Le Comité note que les tribunaux de l’égalité examinent des affaires de discrimination, de discours haineux et de harcèlement, y compris à l’égard de femmes, et que la Commission pour l’égalité des sexes a pour mandat d’apporter une assistance aux plaignantes afin de leur permettre de porter des affaires devant les tribunaux de l’égalité. Le Comité note toutefois que les tribunaux de l’égalité sont concentrés dans les zones urbaines, ce qui complique l’accès à la justice et aux réparations pour les femmes rurales, en particulier celles qui ne disposent pas de moyens suffisants pour se déplacer. Il note en outre que de nombreuses femmes ignorent l’existence des tribunaux de l’égalité ainsi que le manque de données sur le nombre d’affaires portées devant ces tribunaux et leurs résultats.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de sensibiliser les femmes, notamment les femmes appartenant à des minorités ethniques, les femmes handicapées, les migrantes et les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, aux recours en justice à leur disposition en cas de discrimination ;

b) de veiller à ce que les tribunaux de l’égalité soient accessibles aux femmes des zones rurales ;

c) de veiller à la collecte de données ventilées sur le nombre d’affaires de discrimination à l’égard de femmes et leurs résultats.

Le Comité s’inquiète que la faculté de retrait ait pu être supprimée de la dernière version du projet de loi sur les tribunaux traditionnels, les femmes n’ayant dès lors pas la possibilité de faire appel des décisions des tribunaux traditionnels devant les tribunaux ordinaires.

Le Comité recommande à l’État partie d’examiner l’avant-projet de loi relatif aux tribunaux traditionnels de manière à faire en sorte que les femmes puisse se retirer d’une procédure devant ces tribunaux et faire appel des décisions de ceux-ci devant les tribunaux ordinaires.

Dispositif national pour la promotion des femmes

Le Comité salue la mise en place en 2019, au sein de la présidence, du Ministère des femmes, des jeunes et des personnes handicapées. Il note toutefois les contraintes auxquelles est confronté le Département en termes de capacité et de ressources humaines, techniques et financières, ainsi que le nombre insuffisant de coordonnateurs et de coordonnatrices pour les questions de genre à différents niveaux du gouvernement et des institutions. Le Comité est en outre préoccupé par le manque de coordination et de collaboration entre les différents mécanismes du dispositif national et la participation limitée de la société civile et des organisations de femmes et de jeunes en tant que partenaires égaux au processus de renforcement de la capacité du dispositif national.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) d’ allouer au Ministère des femmes, des jeunes et des personnes handicapées des ressources humaines, techniques et financières adéquates ;

b) d’ augmenter le nombre de coordonnateurs et coordonnatrices pour les questions de genre au sein des ministères et des administrations municipales et veiller à ce qu’ils disposent de suffisamment de pouvoir pour participer aux structures décisionnelles ;

c) de renforcer la coordination et la collaboration entre les différents organes du mécanisme national de promotion de l’égalité des sexes aux niveaux national, régional et local ainsi qu’au sein du système judiciaire ;

d) de veiller à ce que les organisations de la société civile et les organisations de femmes et de jeunes soient véritablement associées au processus visant à renforcer les capacités du mécanisme national ;

e) de mettre en place un comité interministériel permanent chargé de coordonner les obligations de signalement des violations des droits des femmes et d’effectuer un suivi de l’application des recommandations du Comité.

Institutions nationales des droits de l’homme

Le Comité note que la Constitution a établi six institutions d’État indépendantes pour renforcer la démocratie, dont la Commission sud-africaine des droits de l’homme, en tant qu’institution nationale des droits de l’homme, le Protecteur du citoyen et la Commission pour l’égalité des sexes, qui a pour mandat de promouvoir le respect, la protection, le développement et la réalisation de l’égalité des sexes. La Constitution dispose que la Commission pour l’égalité des sexes est indépendante et rend compte à l’Assemblée nationale. La Commission surveille, enquête, effectue des recherches, éduque, conseille le parlement et présente des rapports sur les problématiques d’égalité des genres ; elle assure un suivi du respect des conventions régionales et internationales. Le Comité note toutefois avec préoccupation les ressources humaines, financières et techniques limitées dont dispose la Commission pour l’égalité des sexes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) d’ allouer à la Commission pour l’égalité des sexes des ressources humaines, techniques et financières adéquates ;

b) de renforcer la Commission sud-africaine des droits de l’homme de manière qu’elle puisse exécuter efficacement son mandat.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note que l’État partie continue à appliquer une politique de parité des sexes dans la fonction publique et que plus de 40 % des postes d’encadrement sont occupés par des femmes. Il note toutefois avec préoccupation l’absence de mesures temporaires spéciales pour permettre la réalisation d’une égalité de fait entre femmes et hommes, notamment par un système de quotas, dans d’autres domaines de la société où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, notamment dans le secteur privé.

Conformément à l’article 4(1) de la Convention et à la recommandation générale du Comité n o 25 (2004) relative aux mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures temporaires spéciales concernant la participation des femmes à la vie politique et publique, ainsi que dans les domaines de l’éducation et de l’emploi. Il recommande également à l’État partie de fixer des objectifs et critères assortis de délais et de sanctions en cas de non-respect, afin d’accélérer la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont défavorisées ou sous-représentées, en particulier aux postes de direction.

Stéréotypes et pratiques pernicieuses

Le Comité s’inquiète de la persistance, dans l’État partie, d’attitudes patriarcales et de stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société. Il note avec préoccupation que la loi sur les enfants n’interdit les tests de virginité que pour les enfants de moins de 16 ans et que les filles des zones rurales sont fréquemment soumises à de prétendus tests de virginité qui portent atteinte à leur vie privée et ont des effets préjudiciables sur leur développement, dont l’abandon des études. Le Comité est également préoccupé de la persistance de pratiques pernicieuses, principalement celle de l’ukuthwala (enlèvement de femmes et de filles) pour des mariages d’enfants ou mariages forcés, ainsi que des mutilations génitales féminines dans certaines communautés, bien que la loi sur les enfants les interdise. Le Comité note en outre l’absence de données ventilées sur les pratiques pernicieuses, en particulier celle de l’ukuthwala.

Rappelant la recommandation générale n o 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes/l’observation générale n o 18 du Comité des droits de l’enfant (2019) sur les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l’État partie :

a) de modifier la loi sur les enfants de manière à interdire les soi-disant tests de virginité pour toutes les femmes et filles et veiller à l’application de la loi, y compris dans les zones rurales ;

b) d’ ériger en crime la pratique néfaste de l’ ukuthwala et veiller à ce que tous les cas d’ ukuthwala et de mutilation génitale féminine fassent l’objet d’une enquête, que leurs auteurs soient poursuivis et punis comme il se doit, et que les femmes et les filles concernées par ces unions aient accès à une protection, notamment à un hébergement adéquat, ainsi qu’à des services de soutien aux victimes ;

c) d’ adopter sans délai une stratégie d’ensemble visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires et toutes les pratiques néfastes, comme les soi-disant tests de virginité, l’ ukuthwala , les mutilations génitales féminines et les mariages d’enfants et mariages forcés, et veiller à ce que les victimes aient accès à des services de soutien et des programmes de réadaptation adéquats ;

d) de sensibiliser les chefs traditionnels et religieux, les parents, les enseignants, les femmes et le public sur la nature criminelle et l’impact dévastateur des pratiques néfastes sur les vies des femmes et des filles, et fournir une formation systématique aux juges, procureurs, officiers de police et autres officiers d’application des lois sur l’application rigoureuse des dispositions du droit pénal interdisant les pratiques néfastes.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité remarque que la déclaration de la délégation au cours du dialogue selon laquelle la loi intitulée Prevention and Combating of Trafficking in Persons Act relative à la prévention et la répression de la traite des personnes (loi no 7) couvre toutes les formes de traite et que les données indiquent un taux de condamnation élevé dans les affaires de traite. Il note également le lancement, en 2019, du Cadre national d’orientation sur la gestion des infractions liées à la traite des personnes, ainsi que l’adoption de la nouvelle directive générale relative à l’identification des victimes. Le Comité reste cependant préoccupé par le fait que l’État partie est un pays d’origine, de transit et de destination de la traite des personnes et qu’il n’existe pas de données ni de statistiques sur l’étendue de la traite et ses causes profondes. Le Comité s’inquiète en outre du manque de sensibilisation tenant compte des questions de genre au sein des autorités traitant avec les victimes de la traite, et d’assistance à ces victimes. Le Comité exprime également sa préoccupation concernant les informations reçues sur l’exploitation par le travail de professionnelles de santé étrangères (médecins et infirmières).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) d’appliquer sans délai la loi intitulée Prevention and Combating of Trafficking in Persons Act, relative à la prévention et la répression de la traite des personnes (loi n o 7 de 2013), et de collecter des données sur la traite, ventilées par sexe, âge, nationalité, appartenance ethnique, handicap et situation socioéconomique, afin de faire face aux conséquences de la loi ;

b) de dispenser des formations de renforcement des capacités de l’appareil judiciaire, des agents des services d’immigration, des responsables de l’application des lois, des garde-frontières et des travailleurs sociaux sur l’application de la loi relative à la prévention et la répression de la traite des personnes et de procédures prenant en compte les questions de genre, pour identifier les victimes et les orienter rapidement vers les services appropriés ;

c) de veiller à ce que les femmes victimes de traite bénéficient d’une protection adéquate, comme des programmes de protection des témoins et des permis de résidence temporaire, indépendamment de leur capacité ou de leur disposition à coopérer avec les autorités chargées des poursuites judiciaires ;

d) de veiller à ce que les trafiquants et leurs complices soient poursuivis et sanctionnés comme il se doit ;

e) d’ enquêter sur les plaintes et de veiller à ce que les droits des professionnelles de santé étrangères soient protégés.

Le Comité note avec préoccupation des informations faisant état de violence fondée sur le genre et d’exploitation de femmes victimes de traite par la prostitution.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de s’attaquer aux causes profondes de la prostitution et d’adopter des politiques publiques et économiques qui font que les femmes et les filles ont accès à des moyens de subsistance durables et à un niveau de vie correct ;

b) d’ éliminer la violence fondée sur le genre, la discrimination contre les victimes de la traite et leur exploitation sexuelle, et de veiller à ce qu’elles aient accès à la justice, notamment à l’aide juridictionnelle et à des réparations adéquates, à une protection, y compris sous forme de logement, et à des soins de santé ;

c) de proposer des programmes de sortie et d’autres options génératrices de revenus aux femmes désireuses d’abandonner la prostitution, ainsi que des programmes de réadaptation et de réintégration.

Participation égale à la vie politique et publique

Le Comité se félicite de l’augmentation du nombre de femmes siégeant à l’Assemblée nationale suite aux élections de mai 2019 (45 %). Il note toutefois avec préoccupation que la représentation des femmes dans les collectivités locales et l’appareil judiciaire reste faible et qu’aucune mesure concrète n’a été prise pour mettre en application la politique de parité entre les femmes et les hommes. Le Comité s’inquiète également que la loi intitulée Traditional and Khoisan Leadership Act relative aux autorités traditionnelles et khoisanes (loi no 3 de 2019) impose un quota de seulement 30 % de représentation féminine à la Chambre nationale des chefs traditionnels. Le Comité s’inquiète en outre du très faible taux de participation à la vie politique et publique des femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) d’ accélérer l’adoption du projet de loi sur l’avancement des femmes et l’égalité des genres et d’ intensifier ses efforts pour augmenter la représentation des femmes aux postes de décision pourvus par élection comme par nomination ;

b) de prendre des mesures temporaires spéciales, comme des quotas statutaires et un système de parité des genres au sein de la fonction publique et de la diplomatie, conformément à l’article 4 (1) de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité relative aux mesures temporaires spéciales, afin d’augmenter la représentation des femmes aux postes ministériels, dans les conseils municipaux, le système judiciaire, la fonction publique et la diplomatie ;

c) de renforcer les capacités des candidates, dont celles en situation de handicap et celles atteintes d’albinisme, en matière de leadership politique, de conduite de campagne et d’accès au financement de campagne, et de sensibiliser les dirigeants politiques et le public au fait que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, sur un pied d’égalité avec les hommes, est nécessaire à la pleine application de la Convention ;

d) de veiller au respect du quota requis pour la représentation des femmes à la Chambre nationale des chefs traditionnels et modifier la loi relative aux autorités traditionnelles et khoisanes (loi n o 3 de 2019) de manière à augmenter le quota afin de parvenir à la parité dans les systèmes de gouvernance traditionnelle.

Nationalité

Le Comité prend note de la déclaration de la délégation au cours du dialogue, selon laquelle l’État partie a lancé un projet d’enregistrement des naissances afin de s’assurer que toutes les naissances intervenant dans les 1 445 centres de santé disposant d’une maternité soient enregistrées. Il s’inquiète toutefois que les femmes et les filles vivant dans les zones rurales et dans les établissements informels en zone urbaine soient confrontées à des difficultés d’accès aux documents d’enregistrement des naissances et d’identité, ce qui les prive de l’accès à des services de base et à la vaccination contre la COVID-19. Le Comité note également avec préoccupation l’absence de dispositions dans la loi relative à l’enregistrement des naissances et des décès (loi no 51 de 1992) destinées à éviter aux enfants de femmes sans papiers de devenir apatrides.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de faciliter l’accès aux documents d’enregistrement des naissances et d’identité pour les femmes et les filles vivant en zone rurale et dans des établissements informels dans des zones urbaines par des procédures abordables et simples, y compris en ligne et par des unités d’état civil foraines, en vue d’assurer leur accès aux services de base et à la vaccination contre la COVID-19 ;

b) de modifier la loi relative à l’enregistrement des naissances et des décès (loi n o 51 de 1992) afin que les enfants de femmes sans papiers ne deviennent pas apatrides.

Éducation

Le Comité note avec préoccupation le taux alarmant des grossesses de mères en âge d’aller à l’école dans l’État partie, qui contribue de manière importante au taux élevé d’abandon des études chez les écolières. À cet égard, il note que le projet de politique visant la prévention et la gestion de la grossesse chez les mères en âge d’aller à l’école, censé assurer aux futures mères le maintien à l’école jusqu’à leur accouchement et leur réadmission après la naissance, est toujours en attente de promulgation par le cabinet. Le Comité note aussi avec préoccupation le taux élevé d’abandon des études chez les filles pendant la pandémie de COVID-19 et l’absence de données sur l’abandon des études chez les filles, ventilées par appartenance ethnique, âge, handicap, zone urbaine ou rurale et contexte socioéconomique.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) d’ adopter et d’ appliquer sans délai le projet de politique nationale de prévention et de gestion de la grossesse chez les mères en âge d’aller à l’école et veiller à ce que toutes les filles enceintes puissent continuer à fréquenter l’école jusqu’à leur accouchement et que les jeunes mères soient réintégrées dès qu’elles sont prêtes à poursuivre leur parcours scolaire ;

b) d’ adopter des mesures ciblées pour lutter contre l’abandon des études, en se concentrant sur des mesures visant à maintenir les filles rurales à l’école et à accroître leur fréquentation du primaire et du secondaire ;

c) de collecter systématiquement des données sur les taux d’abandon des études chez les filles, ventilées par appartenance ethnique, âge, handicap, zone urbaine ou rurale et contexte socioéconomique, et de proposer des programmes de formation continue aux femmes et aux filles qui n’ont pas pu achever leurs études.

Le Comité note avec inquiétude que les filles, en particulier les filles handicapées, continuent à être confrontées à la violence fondée sur le genre et la discrimination dans leur environnement scolaire et au cours de trajets dangereux entre le domicile et l’établissement scolaire. Il est également préoccupé du risque élevé de harcèlement, de violence et d’exploitation sexuels dans les milieux d’enseignement, malgré l’adoption en 2018 du Protocole de gestion et de signalement de la violence et du harcèlement sexuels en milieu scolaire. Le Comité s’inquiète en outre du manque de campagnes de sensibilisation, dans les écoles, pour éliminer les stéréotypes discriminatoires et la violence fondée sur le genre.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) d’ assurer un environnement éducatif sûr, exempt de violence fondée sur le genre et de discrimination et assurer pour toutes les filles un transport sûr entre leur domicile et l’établissement scolaire qu’elles fréquentent ;

b) de faire face aux cas de harcèlement, de violence et d’exploitation sexuels des filles et des femmes dans les établissements d’enseignement par des mécanismes de signalement confidentiels et indépendants, des sanctions adaptées et des services de soutien appropriés aux victimes ;

c) d’ inclure dans les programmes scolaires une éducation aux droits des femmes, à l’égalité des genres et au rôle des hommes et des garçons dans la prévention de la violence sexuelle, de la violence fondée sur le genre et des pratiques néfastes, et assurer le renforcement des capacités des enseignants dans ces domaines.

Emploi

Le Comité salue la modification de la loi intitulée Employment Equity Act sur l’équité en matière d’emploi (loi no 47 de 2013) pour intégrer explicitement le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Il note cependant avec préoccupation la faible application de ce principe et la persistance de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’État partie. Le Comité note que l’État partie a élaboré en 2013 une politique et des procédures relatives à la gestion du harcèlement sexuel dans la fonction publique afin de promouvoir des lieux de travail exempts de harcèlement sexuel. Il juge cependant regrettable le manque d’information sur le nombre et les résultats des plaintes pour harcèlement sexuel sur le lieu de travail, tant dans le secteur public que le secteur privé.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de conclure sans délai l’examen des rémunérations en cours et appliquer de manière efficace le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale afin de resserrer et de combler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, en procédant à des inspections du travail régulières, en appliquant des méthodes analytiques de classement et d’évaluation des emplois neutres en termes de genre et en procédant à des enquêtes régulières sur les salaires ;

b) de collecter des données sur le nombre et les résultats des plaintes pour harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes prestataires de soins et les travailleuses domestiques, y compris les travailleuses migrantes, ne bénéficient pas du même niveau de protection et d’avantages que les autres travailleurs, en particulier en ce qui concerne le salaire minimum, les congés payés, l’horaire de travail hebdomadaire maximum et les jours de repos réguliers, ni d’un mécanisme de contrôle des conditions de travail. Il note aussi avec préoccupation que la Sectoral Determination 7: Domestic Worker Sector (décision sectorielle no 7 relative au secteur des travailleurs domestiques), prise en application de la loi intitulée Basic Conditions of Employment Act sur les conditions d’emploi de base, ne protège pas les droits de travailleuses domestiques à la vie privée, à la liberté de mouvement, à un logement décent, à l’alimentation du personnel logé, au regroupement familial ni à leur droit de créer ou d’adhérer à des syndicats. Il note en outre que le projet d’amendement introduit en 2020 en vue de modifier la loi intitulée Compensation for Occupational Injuries and Diseases Act sur l’indemnisation en cas de blessures ou de maladies professionnelles, censé permettre aux travailleuses domestiques de présenter une réclamation au Fonds d’indemnisation en cas de blessures ou de maladies professionnelles, n’a toujours pas été adopté.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de veiller à ce que les femmes prestataires de soins et travailleuses domestiques bénéficient de la même protection que les travailleurs des autres secteurs en matière de rémunération et de conditions de travail, et que l’exécution de cette protection soit contrôlée par le moyen d’inspections du travail régulières et inopinées ;

b) de renforcer les services d’inspection du travail afin de contrôler les conditions de travail domestique de manière efficace et recevoir, enquêter sur et trancher les plaintes portant sur des cas d’exploitation et de violence sur le lieu de travail ;

c) d’ accélérer l’adoption du projet d’amendement de la loi sur l’indemnisation en cas de blessures ou de maladies professionnelles.

Émancipation économique des femmes

Le Comité se félicite des déclarations de la délégation au cours du dialogue selon lesquelles les ministères réservent 40 % de leurs dépenses de marchés publics à des femmes entrepreneurs, et que des centres d’incubation ont été mis en place pour aider les femmes exerçant dans le secteur informel à améliorer leur capacité à faire des affaires via des plateformes numériques. Il note toutefois le manque d’information sur l’accès des femmes aux prêts et autres formes de crédit financier et sur la fourniture aux femmes d’une formation spécifique à l’entrepreneuriat, ainsi que l’absence de programmes de soutien à l’entrepreneuriat et de promotion de l’émancipation économique des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques et programmes d’émancipation économique des femmes et, à cette fin :

a) d’adopter un programme national d’émancipation économique des femmes afin de créer un environnement permettant aux femmes, sans emploi ou employées dans le secteur informel en particulier, de devenir économiquement indépendantes ;

b) de concevoir des interventions ciblées destinées à exploiter les occasions d’émancipation économique des femmes, en particulier les jeunes femmes désireuses de gérer leur propre entreprise ;

c) de fournir un soutien adapté à l’entrepreneuriat féminin en facilitant l’accès des femmes aux services financiers, notamment à des crédits à faible taux d’intérêt, entre autres perspectives économiques.

Santé

Le Comité prend note de la déclaration de la délégation pendant le dialogue, selon laquelle la décision de suspendre les services de santé « non essentiels » pendant la pandémie de COVID-19, principalement les services de santé sexuelle et génésique et le traitement du VIH/sida, a été levée avec effet immédiat. Il note également la déclaration de la délégation indiquant que des unités de soin mobiles assurent l’accès des femmes des zones rurales aux soins de santé. Le Comité reste toutefois préoccupé de l’accès limité des femmes aux soins de santé, dont les services de santé sexuelle et génésique, en particulier dans les zones rurales et surtout pendant la pandémie de COVID-19. Il note avec inquiétude le nombre élevé de grossesses précoces et l’accès limité des femmes et des filles à l’information sur leurs droits sexuels et reproductifs, sur les formes modernes de contraception et les services d’avortement sans danger. Le Comité note avec préoccupation des informations faisant état de stérilisation forcée de femmes vivant avec le VIH/sida dans les centres de santé publics et de discrimination à l’égard des femmes en situation de handicap, des femmes atteintes d’albinisme, des femmes qui se prostituent et des femmes migrantes, demandeuses d’asile et réfugiées sollicitant l’accès à des services de santé sexuelle et génésique et en particulier à un avortement sans danger.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de veiller à ce que les femmes disposent d’un accès adéquat aux soins de santé, en particulier aux services de santé sexuelle et génésique tels que services d’avortement sans danger et de suivi post-avortement, y compris dans les zones rurales ;

b) d’ assurer un accès adéquat à l’information des adolescentes et des jeunes femmes sur la santé sexuelle et génésique et sur leurs droits en matière de sexualité et de procréation, notamment sur la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles ;

c) de mettre fin immédiatement à la pratique de stérilisation forcée de femmes vivant avec le VIH/sida et de modifier la loi sur la stérilisation (loi n o 44 de 1998) de manière à rendre obligatoire le consentement libre, préalable et informé de la femme concernée à toute intervention ;

d) de veiller à ce que les femmes en situation de handicap, les femmes atteintes d’albinisme, les femmes exploitées dans le cadre de la prostitution et les femmes migrantes, demandeuses d’asile et réfugiées disposent d’un accès abordable à des services de santé sexuelle et génésique, notamment des services d’avortement sans danger et de suivi post-avortement, exempts de violence fondée sur le genre, de discrimination ou de harcèlement.

Femmes rurales

Le Comité note la déclaration de la délégation pendant le dialogue, selon laquelle l’État partie a pris des mesures pour accélérer l’accès des femmes aux terres dans le cadre de son programme de redistribution des terres. Il reste toutefois préoccupé du fait que les femmes rurales sont affectées de manière disproportionnée par la pauvreté. Il note aussi avec inquiétude la persistance de pratiques coutumières discriminatoires qui continuent à limiter l’accès des femmes rurales à la propriété foncière, au patrimoine et à l’héritage, malgré la modification de la loi sur la reconnaissance des mariages coutumiers (loi no 120 de 1998) réglementant les conséquences patrimoniales des mariages coutumiers.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de veiller à ce que la législation et les politiques relatives à la réforme foncière et l’utilisation des terres reconnaissent et protègent pleinement le droit des femmes rurales à la propriété et à l’utilisation des terres ;

b) d’ assurer l’accès des femmes rurales à des services de base comme le logement, une eau salubre, l’assainissement et l’électricité, ainsi qu’à des perspectives économiques et au progrès technologique ;

c) de collecter des données sur l’accès des femmes rurales à la terre et à l’héritage et d’ élaborer des politiques et programmes visant à assurer leur émancipation économique.

Changements climatiques et réduction des risques de catastrophe

Le Comité félicite l’État partie pour avoir mis en place un fonds vert et une politique verte destinés à promouvoir l’émancipation économique des femmes dans l’économie verte. Le Comité note que le Livre blanc consacré à la riposte nationale aux changements climatiques reconnaît que les femmes sont particulièrement vulnérables aux effets négatifs des changements climatiques, et qu’il énonce dans ses principes la prise en compte de besoins et circonstances particuliers. Il note la déclaration de la délégation au cours du dialogue, selon laquelle un système spécial de suivi et d’évaluation contrôle la manière dont le pays évolue vers une société résiliente face aux changements climatiques. Il s’inquiète toutefois de la faible participation des femmes aux processus de prise de décision liés aux changements climatiques et à la réduction des risques de catastrophe dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de garantir la participation et le leadership des femmes dans la prise de décisions concernant la transition d’une énergie fondée sur le charbon à des sources d’énergie faiblement carbonées et d’autres sources d’énergie abordables et durables ;

b) de promouvoir l’emploi des femmes dans divers secteurs de l’économie verte et les doter des compétences, de la formation et de l’éducation requises pour tirer pleinement avantage des occasions d’affaires dans ce secteur ;

c) de veiller à ce que les femmes soient véritablement associées à l’élaboration, à l’adoption et à la mise en œuvre de la législation, des politiques et des programmes relatifs aux changements climatiques, à l’intervention en cas de catastrophe et à la réduction des risques de catastrophe, notamment le dialogue national de sensibilisation à l’importance de l’intégration des questions de genre et des changements climatiques, le plan d’action de l’État partie sur les changements climatiques et les questions de genre, le système de budgétisation et de suivi tenant compte des changements climatiques et des questions de genre et l’éducation et la sensibilisation du public aux changements climatiques.

Groupes de femmes défavorisées

Le Comité note avec préoccupation les informations reçues sur la situation des femmes et des filles victimes de discrimination croisée, y compris les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et les personnes intersexes, les femmes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile, les femmes vivant avec le VIH/sida, les femmes en situation de handicap et les femmes atteintes d’albinisme, ainsi que le manque de données sur les mesures prises par l’État partie pour se conformer à son obligation de diligence raisonnable en matière de prévention et de protection de ces femmes contre la violence fondée sur le genre.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) de veiller à ce que toutes les allégations de violence fondée sur le genre à l’égard de femmes victimes de discrimination croisée fassent l’objet d’une enquête dans les meilleurs délais, que leurs auteurs soient poursuivis et punis comme il se doit, et que les survivantes aient accès à des services de soutien aux victimes et à des réparations adaptées ;

b) de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur la situation des femmes victimes de discrimination croisée , dont les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et les personnes intersexes, les migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile, les femmes vivant avec le VIH/sida, les femmes en situation de handicap et les femmes atteintes d’albinisme, ainsi que sur les mesures prises pour mettre fin à cette discrimination.

Mariage et relations familiales

Le Comité prend note du processus en cours dans l’État partie pour harmoniser en un seul projet de loi la législation sur le mariage. Il note toutefois des retards dans l’adoption du projet de loi et que, dans l’État partie, les mariages musulmans et hindous ne sont reconnus que dans le contexte de mariages religieux. Le Comité note en outre avec préoccupation que la loi sur la reconnaissance des mariages coutumiers admet les mariages d’enfants avec le consentement des parents.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter sans délai un projet de loi unique sur le mariage afin de faire coïncider les lois et pratiques coutumières en matière de mariage avec la Convention, y compris en ce qui concerne la succession, l’héritage et la garde des enfants, et de veiller à ce qu’il soit possible de saisir les tribunaux civils pour obtenir l’exécution de ses dispositions. Il recommande à l’État partie d’adopter une législation reconnaissant les mariages musulmans et hindous. Le Comité recommande également que l’État partie modifie sans délai la loi sur la reconnaissance des mariages coutumiers de manière à relever l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles comme pour les garçons, sans exception, et de faire respecter l’interdiction des mariages d’enfants ou des mariages forcés, en particulier dans les zones rurales et au sein des communautés traditionnelles.

Modification de l’article 20(1) de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à accepter, dès que possible, la modification de l’article 20(1) de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et à continuer d’évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention dans le contexte de l’examen après 25 ans de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing afin de parvenir à l’égalité réelle des femmes et des hommes.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l’État partie, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local en particulier au Gouvernement, au parlement et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Ratification d’autres traités

Le Comité constate que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il l’invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

L e Comité demande à l’État partie de lui rendre compte par écrit, dans les deux ans, des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations des alinéas 10 b) et c), 28 e) et 34 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son sixième rapport périodique en novembre 2025. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits humains, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).