Présentée par:

M. L. P.

Au nom de:

L’auteur et son fils (noms supprimés)

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

17 mai 1999 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial conformément à l’article 91 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 28 septembre 2000 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

25 juillet 2002

Le 25 juillet 2002, le Comité des droits de l’homme a adopté ses constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 946/2000. Le texte est annexé au présent document.

[ANNEXE]

ANNEXE

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Soixante ‑quinzième session

concernant la

Communication n o  946/2000 **

Présentée par:

M. L. P.

Au nom de:

L’auteur et son fils

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

17 mai 1999 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 juillet 2002,

Ayant achevé l’examen de la communication no 946/2000, présentée par M. L. P. en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et par l’État partie,

Adopte les constatations suivantes:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est L. P., citoyen tchèque. Il affirme que lui et son fils sont victimes d’une violation par la République tchèque des articles 17, paragraphes 1 et 2, et 2, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le Pacte). Il n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur, homme d’affaires, un des principaux représentants de l’organisation non gouvernementale «Justice pour les enfants» et membre fondateur de la «Société pour la médiation familiale» a un fils né en 1989. Depuis que l’auteur s’est séparé de son épouse et mère de son enfant, Mme R. P., en mars 1991, son fils est sous la garde exclusive de sa mère, et l’auteur ne peut avoir de relations régulières avec lui.

2.2Par une décision provisoire du tribunal régional de Prague‑Ouest en date du 12 juillet 1993, confirmée dans une autre décision judiciaire provisoire datée du 2 octobre 1995, l’auteur s’est vu accorder le droit de voir son fils un week-end sur deux, du samedi matin au dimanche soir. Mme R. P. n’a cependant pas exécuté ces décisions et a toujours empêché l’auteur d’exercer son droit de visite. Ce n’est qu’en 1994 et 1995 que l’auteur a pu voir son fils, irrégulièrement, et sous la surveillance d’un membre de la famille de Mme R. P. ou d’agents de sécurité armés. Mme R. P. a été condamnée à de multiples amendes pour son refus d’exécuter les décisions de justice.

2.3En 1994, l’auteur a engagé des poursuites pénales contre Mme R. P. pour son refus d’exécuter lesdites décisions de justice, en vertu du Code pénal, loi no 140/1961 Coll., article 171, paragraphe 3. C’est le tribunal d’Okresní soud Ústí nad Labem qui a connu de l’affaire, qui n’avait pas été tranchée à la date de la communication de l’auteur, le 9 février 2002.

2.4Ultérieurement, l’auteur a de nouveau déposé une plainte au pénal contre Mme R. P. pour n’avoir pas exécuté d’autres décisions provisoires qui l’autorisaient à voir son fils durant la période allant de décembre 1997 à août 1998. La procédure a duré plus de deux ans, du 11 janvier 1999 au 14 février 2001, date à laquelle le juge s’est retiré de l’affaire. Le nouveau juge a rejeté les accusations portées contre Mme R. P. L’auteur allègue néanmoins que cette décision n’a pas été signifiée aux parties conformément à la loi et qu’elle n’est donc pas entrée en vigueur. La plainte portée par l’auteur devant la Cour constitutionnelle a été rejetée.

2.5Le 18 novembre 1993, le tribunal régional de Kladno a condamné Mme R. P. pour trois infractions concernant la garde de l’enfant. Cette décision a fait l’objet d’un appel, mais peu avant que la cour d’appel ait rendu son verdict, Mme R. P. a été graciée pour deux des infractions en cause, la troisième demeurant en suspens pour être finalement prescrite. Le 20 novembre 1995, l’auteur a déposé une plainte constitutionnelle, qui a été rejetée au motif qu’il n’avait pas été partie à l’instance pénale.

2.6Dans une déclaration datée du 1er juin 1992, un expert désigné par le tribunal, le docteur J. K. et le docteur J. B. ont expliqué que l’épouse de l’auteur souffrait de troubles mentaux affectant le développement de sa personnalité. Dans une autre déclaration, signée des docteurs J. C. et H. D. le 11 mai 1993, il était dit que l’épouse de l’auteur nuisait aux intérêts de leur fils en n’autorisant pas l’enfant à voir son père. Ces déclarations ont été étayées par les déclarations d’un autre expert nommé par le tribunal, le docteur V. F., datées des 14 mai 1995 et 15 avril 1997.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur allègue des violations de son droit et de celui de son fils à la protection de leur vie familiale, y compris le droit de voir régulièrement son fils.

3.2L’auteur affirme que les autorités tchèques ont refusé de faire exécuter les décisions judiciaires l’autorisant à rendre régulièrement visite à son fils, violant ainsi son droit et le droit de son fils à la protection de leur vie de famille reconnu à l’article 17, et à un recours utile garanti par l’article 2, paragraphe 3, du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Par une note verbale datée du 28 février 2002, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et quant au fond. Il considère que la communication est irrecevable au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés et qu’elle est manifestement infondée.

4.2En ce qui concerne les faits, l’État partie explique que l’instance de divorce entre l’auteur et son épouse, qui a débuté en 1989, est toujours pendante. La garde de leur fils est donc régie par des ordonnances provisoires. L’énorme dossier relatif à l’affaire de divorce représente maintenant plusieurs milliers de pages.

4.3L’État partie indique que le 22 novembre 1994, l’auteur a engagé une action pénale contre Mme R. P. en l’accusant de faire obstacle à l’exécution d’une décision de justice, en application du Code pénal, loi no 140/1961, article 171, paragraphe 3.

4.4Le 16 septembre 1997, une audience a eu lieu devant le tribunal de district à Ústí. Selon les procès‑verbaux de cette audience, après les réquisitions de l’accusation, l’auteur a demandé des renseignements sur ses droits procéduraux. Le juge lui a conseillé de lire le Code de procédure pénale, loi no 141/1961, article 43. L’auteur a refusé de le faire, prétendant que le juge, l’avocat de l’accusation et tous les avocats du bureau du Procureur avaient un parti pris contre lui. Il a aussi informé le tribunal qu’il avait intenté une action pénale contre le juge. Le 19 septembre 1997, le tribunal a décidé que le juge ne serait pas récusé pour parti pris. L’auteur a contesté cette décision devant le tribunal régional d’Ústí nad Labem, qui a rejeté sa plainte le 23 mars 2000. L’audience suivante dans le procès pénal était prévue pour le 23 février 2001, mais l’affaire est toujours pendante.

4.5Le 29 décembre 1994, l’auteur a de nouveau intenté une action pénale contre Mme R. P., l’accusant d’«oppression», infraction prévue à l’article 237 du Code pénal.

4.6La police a néanmoins décidé, le 30 juin 1995, de ne pas donner suite à l’affaire. Le recours de l’auteur concernant cette décision a été rejeté par une résolution du Procureur d’Ústí nad Labem en application de l’article 148, paragraphe 1 c), du Code de procédure pénale.

4.7Le Procureur a engagé des poursuites pénales distinctes contre Mme R. P. pour obstruction à l’exécution d’une décision de justice en application du Code pénal, article 171, paragraphe 3, devant le tribunal de district d’Ústí nad Labem. L’audience a eu lieu les 13 mai et 17 août 1999 et aussi bien l’auteur que son épouse ont été entendus. L’affaire a été ajournée pour complément d’information. Le juge a demandé que lui soient communiqués des documents du tribunal régional, mais ceux‑ci n’ont pu être obtenus car le dossier avait dans l’entre‑temps été envoyé à la Haute Cour du fait de l’appel de l’auteur. L’audience suivante a aussi été ajournée pour complément d’information après que l’avocat de Mme R. P. eut demandé qu’un expert soit consulté en ce qui concerne le fils de sa cliente. L’affaire est toujours pendante.

4.8Le Procureur a engagé d’autres poursuites pénales contre Mme R. P. sur la base de la plainte pénale déposée par l’auteur. L’enquêteur a toutefois décidé de ne pas poursuivre la procédure compte tenu de l’avis d’un spécialiste en psychologie clinique qui a déclaré que l’enfant était très ferme dans ses convictions et refusait de passer avec l’auteur le temps prévu dans l’ordonnance du tribunal.

4.9L’auteur a contesté la décision de l’enquêteur. Le 5 avril 2000, en application du Code de procédure pénale, article 148, paragraphe 1 a), le Procureur a rejeté sa plainte comme étant sans fondement.

4.10L’auteur a voulu exercer un recours contre cette décision, mais il a été mis fin à la procédure le 6 octobre 2000 au motif que la plainte n’était pas juridiquement fondée.

4.11L’auteur a déposé un total de huit plaintes constitutionnelles, dont sept ont été rejetées comme manifestement infondées. Ces plaintes alléguaient des violations du droit à la protection de la justice. Dans deux d’entre elles, l’auteur se plaignait d’avoir été condamné à une amende pour avoir attaqué verbalement un magistrat. Dans une autre, il demandait que Mme R. P. soit condamnée à une amende, et dans une autre encore, il se plaignait de la décision d’un inspecteur de police de ne pas engager l’action pénale. Dans deux de ses plaintes, l’auteur demandait l’annulation d’une décision du tribunal régional, et d’une résolution de la Cour constitutionnelle, et dans une autre il demandait un complément d’information à l’appui de sa requête. La seule plainte constitutionnelle qui n’ait pas été rejetée comme manifestement infondée n’a pas été examinée par la Cour constitutionnelle parce qu’elle ne constituait pas, du point de vue formel, une requête introductive d’instance devant la Cour constitutionnelle, mais seulement une plainte contre les décisions du parquet et une demande en prescription de mesures provisoires.

4.12S’agissant de la recevabilité de la communication, l’État partie fait valoir que les plaintes constitutionnelles déposées par l’auteur concernaient d’autres droits que ceux invoqués devant le Comité, et qu’en conséquence la communication devrait être déclarée irrecevable parce que les recours internes n’ont pas été épuisés.

4.13En outre, l’État partie affirme que la documentation fournie par l’auteur n’établit pas que ce dernier ait fait l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales des autorités tchèques au sens de l’article 17 du Pacte, et la communication devrait être déclarée irrecevable comme étant manifestement infondée.

4.14Sur le fond, et en ce qui concerne l’article 17, l’État partie réaffirme qu’il n’a jamais arbitrairement ou illégalement porté atteinte aux droits de l’auteur au sens de l’article 17 du Pacte, et que toutes les mesures et décisions prises par les tribunaux de tous ressorts ont respecté les règles de procédure énoncées par la loi tchèque. Il fait observer que les nombreuses pétitions et requêtes de l’auteur sont à l’origine d’un important retard dans le règlement de son divorce et de la question de la garde de son fils. Selon l’État partie, l’auteur a accusé de parti pris pratiquement toutes les autorités ayant pris part au règlement de ses problèmes de famille, et il a notamment engagé des actions pénales contre des enquêteurs, des avocats et des juges, ainsi que contre ses beaux‑parents et d’autres personnes liées à Mme R. P.

4.15En ce qui concerne la prétendue violation de l’article 2, paragraphe 3 a) et c), du Pacte, l’État partie estime que la communication ne relève pas de ce paragraphe.

Commentaires de l’auteur

5.1Par lettre datée du 22 avril 2002, l’auteur a répondu aux observations de l’État partie. Il estime que ce dernier a à plusieurs égards déformé les faits. Il déclare que l’État partie s’est abstenu d’aborder le fond de l’affaire, à savoir que depuis 11 ans l’auteur est empêché de voir son fils et que les autorités tchèques ont négligé de protéger ses droits de père, en ne faisant pas diligenter les enquêtes voulues en ce qui concerne les allégations d’infraction pénale formulées par lui.

5.2Pour ce qui est de l’allégation de l’État partie selon laquelle l’auteur n’a pas épuisé les recours internes parce qu’il n’a pas invoqué des droits énoncés dans le Pacte dans ses plaintes constitutionnelles, l’auteur fait observer qu’il a invoqué en substance les droits énoncés dans le Pacte en soutenant que l’État partie ne le protégeait pas contre les immixtions arbitraires dans sa vie privée et sa vie de famille et n’assurait pas cette protection en utilisant tous les moyens à sa disposition.

5.3S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel les nombreux recours exercés par l’auteur devant les tribunaux ont causé des retards dans la procédure, l’auteur fait valoir que l’État partie confond la cause et l’effet, et que ses nombreux recours sont le résultat de la tolérance par l’État partie du comportement pénalement répréhensible de Mme R. P.

5.4L’auteur affirme en outre que la seule accusation pénale qu’il ait portée contre les grands‑parents de son fils est celle par laquelle il a reproché à la mère de Mme R. P. d’avoir porté atteinte à ses droits parentaux et de l’avoir agressé verbalement et physiquement. Il a aussi engagé une action pénale contre le nouveau mari de la grand‑mère, qui a menacé de le tuer et qui n’a pas été puni pour le préjudice corporel qu’il a infligé à l’auteur le 30 octobre 1999.

5.5Selon l’auteur, l’article premier du Code pénal dispose que les instances pénales doivent viser à renforcer la primauté du droit et à anticiper et prévenir la criminalité. Il estime que cet article du Code met à la charge de l’État partie l’obligation d’agir pour mettre fin à la violation en ce qui concerne la garde du fils de l’auteur et prévenir toute nouvelle violation des droits de l’auteur. L’auteur souligne qu’il a engagé des poursuites pénales contre Mme R. P. non parce qu’il estimait qu’il était nécessaire d’emprisonner celle‑ci mais parce qu’il espérait, en la faisant incarcérer, la persuader de mettre fin à son déni coupable de ses droits en ce qui concerne la garde de son fils.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, en application de l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’est pas déjà à l’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Quant au critère de recevabilité énoncé à l’alinéa b du paragraphe 2 de l’article 5, l’État partie allègue que les plaintes constitutionnelles de l’auteur concernaient d’autres droits que ceux invoqués devant le Comité et qu’en conséquence l’auteur n’a pas épuisé les recours internes. Certes, la nature exacte de la procédure en cause n’est pas claire mais le Comité note que l’instance concernant le divorce et le droit de garde dure depuis 13 ans sans qu’une décision définitive soit prise.

6.3Le Comité conclut que même si certains retards dans la procédure peuvent être imputés à l’auteur lui‑même, compte tenu de toutes les circonstances de la cause, l’application des recours a été excessivement longue au sens du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.4Le Comité note que dans ses observations l’auteur a également affirmé que les droits de son fils avaient été violés. Toutefois, comme il ne prétend pas représenter son fils, le Comité conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article premier du Protocole facultatif.

6.5Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication ne révèle, de la part des autorités tchèques, aucune immixtion arbitraire ou illégale au sens de l’article 17 du Pacte. Il considère néanmoins que l’auteur a dûment établi, aux fins de la recevabilité, que sa communication soulève des questions relevant de l’article 17 du Pacte, au motif que l’État partie n’aurait pas protégé le droit de l’auteur de voir son fils. Il décide donc que la communication est recevable dans la mesure où elle soulève des questions relevant de l’article 17 compte tenu de l’article 2 du Pacte.

Examen de l’affaire au fond

7.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.2En ce qui concerne la violation présumée de l’article 17, le Comité note l’affirmation de l’État partie selon laquelle aucune immixtion arbitraire ou illicite de l’État partie dans la vie de famille de l’auteur n’est établie, les décisions des tribunaux de tous les ressorts étaient conformes aux règles de procédure énoncées par la loi et les retards dans les procédures concernant le divorce et la garde de l’enfant sont imputables aux nombreuses requêtes présentées par l’auteur. Toutefois, le fait est que la communication à l’examen n’est pas fondée uniquement sur le paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte mais aussi sur le paragraphe 2 dudit article aux termes duquel toute personne a droit à la protection de la loi contre les immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée et sa famille.

7.3Le Comité considère que l’article 17 garantit d’une manière générale une protection effective du droit d’un parent d’avoir des relations régulières avec ses enfants mineurs. Même s’il peut exister des circonstances exceptionnelles dans lesquelles le déni de toute relation est nécessaire dans l’intérêt de l’enfant et ne saurait être considéré illégal ou arbitraire, dans le cas d’espèce, les tribunaux de l’État partie ont statué qu’il fallait maintenir une telle relation. En conséquence, la question qui se pose est celle de savoir si l’État partie a assuré une protection effective du droit de l’auteur de voir son fils conformément aux décisions des tribunaux nationaux.

7.4Bien que les tribunaux aient maintes fois condamné l’épouse de l’auteur à une amende pour ne pas avoir respecté les ordonnances préliminaires accordant à l’auteur le droit de voir son fils, les amendes imposées n’ont été ni pleinement mises à exécution ni remplacées par d’autres mesures destinées à garantir les droits de l’auteur. Dans ces circonstances et compte tenu du retard considérable constaté dans différentes phases de la procédure, le Comité est d’avis que les droits de l’auteur consacrés par l’article 17 du Pacte, lu conjointement avec les paragraphes 1 et 2 de l’article 2, n’ont pas été protégés d’une manière effective. En conséquence, le Comité estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 17, lu conjointement avec l’article 2 du Pacte.

8.Aux termes de l’alinéa a du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, l’État partie a l’obligation de mettre à la disposition de l’auteur un recours utile, qui devrait comprendre des mesures propres à assurer l’exécution rapide des ordonnances judiciaires concernant les relations entre l’auteur et son fils. L’État partie est aussi tenu de veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent pas à l’avenir.

9.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité était compétent pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, aux termes de l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est également invité à rendre ces constatations publiques.

[Adopté en anglais (original), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Opinion individuelle de M. Nisuke Ando et de M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, membres du Comité

Tout en convenant que la communication est recevable conformément au paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, je ne peux partager le point de vue du Comité selon lequel les droits de l’auteur consacrés par l’article 17 du Pacte, lu conjointement avec l’article 3, ont été violés.

Premièrement, à mon sens, la disposition de l’article premier ne garantit pas à un père séparé le «droit absolu» d’avoir accès à son enfant placé sous la garde de sa mère. Le Comité devrait se rappeler de ses constatations concernant la communication no 201/1985 (Hendriks c. Pays-Bas) dans lesquelles il a été estimé qu’une situation identique ou similaire soulevait des questions au titre de l’article 23.

Deuxièmement, le Comité semble conclure que l’auteur n’a pas bénéficié d’une «protection effective» comme l’exigent les articles 17 et 2 du Pacte (par. 7.4). Pour ma part, je considère que l’État partie a fait ce qu’il a pu. C’est ainsi que dans la décision préliminaire du tribunal régional de Prague‑Ouest en date du 12 juillet 1993, qui a été confirmée par une autre décision préliminaire datée du 2 octobre 1995, l’auteur a obtenu le droit de voir son enfant un week‑end sur deux. De fait, l’auteur a été autorisé à voir son fils en 1994 et 1995 quoique d’une manière irrégulière et sous la surveillance de membres de la famille de la mère ou d’agents de sécurité armés (par. 2.2). Ultérieurement, comme la mère ne se conformait pas à la décision du tribunal, le Procureur a engagé contre elle des poursuites pénales (par. 4.6). En outre, le Procureur a engagé d’autres poursuites pénales contre la mère sur la base d’une plainte pénale déposée par l’auteur lui‑même (par. 4.7). Manifestement, la mère a été condamnée à de multiples amendes (par. 2.2).

Troisièmement, je ne comprends pas pourquoi la mère a catégoriquement refusé d’autoriser le père à voir son fils mais je prends note du fait qu’au cours de la procédure se rapportant aux autres plaintes pénales mentionnées ci‑dessus, un expert en psychologie clinique a déclaré que l’enfant était très ferme dans ses convictions et refusait de passer avec son père le temps prévu dans l’ordonnance du tribunal (par. 4.7). Sachant qu’étant âgé de plus de 10 ans, le fils devrait être en mesure de juger par lui‑même et que le père n’a fait aucune observation sur ce point précis, le Comité devrait à mon avis tenir dûment compte des souhaits de l’enfant. À cet égard, je tiens à souligner que le plus important en l’espèce c’est «l’intérêt supérieur de l’enfant» et que les tribunaux tchèques doivent disposer d’éléments concrets pour se prononcer sur la question d’autant plus que l’auteur n’a pas fourni au Comité suffisamment d’arguments pour qu’il soit possible d’aller à l’encontre des jugements des tribunaux. Quoi qu’il en soit, selon la jurisprudence du Comité, ce n’est pas au Comité mais aux tribunaux nationaux compétents qu’il appartient d’évaluer les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée à moins qu’une telle évaluation ne soit entachée d’impartialité ou ne constitue un déni de justice. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Enfin, l’auteur fait valoir que l’État partie n’a pas assuré la protection requise en utilisant tous les moyens à sa disposition (par. 5.3) et le Comité estime que l’État partie a l’obligation de fournir à l’auteur un recours utile, qui devrait comprendre des mesures propres à assurer l’exécution rapide des ordonnances judiciaires concernant les relations entre l’auteur et son fils (par. 8). Eu égard au caractère particulier des questions familiales en général et des circonstances particulières de la présente affaire, je dois admettre que le recours judiciaire n’est pas omnipotent et qu’il existe certaines limites au‑delà desquelles il ne peut et ne doit pas aller. En conséquence, l’État partie aurait difficilement pu faire plus que ce qu’il a fait.

-----