Présentée par:

Maximino de Dios Prieto (représenté par un avocat, M. José Luis Mazón Costa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

17 juin 2002 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 3 juin 2004 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

25 juillet 2006

Objet: Condamnation de l’auteur sur la base de preuves insuffisantes.

Questions de procédure: Plainte non étayée.

Questions de fond: Défaut de réexamen des faits en deuxième instance.

Article du Pacte: 14 (par. 5).

Article du Protocole facultatif: 2.

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre-vingt-septième session

concernant la

Communication n o  1293/2004 *

Présentée par:

Maximino de Dios Prieto (représenté par un avocat, M. José Luis Mazón Costa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

17 juin 2002 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 juillet 2006,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 17 juin 2002, est Maximino de Dios Prieto, qui se dit victime d’une violation par l’Espagne des paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte. Il est représenté par José Luis Mazón Costa, avocat. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 avril 1985.

Exposé des faits

2.1L’auteur a été arrêté par des membres de la Garde civile en décembre 1999 pour délit présumé de trafic de drogues (haschisch). Cinq mois plus tard, il a été inculpé d’un délit présumé de corruption, car il aurait offert 10 millions de pesetas à l’un des gardes civils ayant procédé à l’arrestation.

2.2Par un jugement du 23 février 2001, l’Audiencia Provincial d’Oviedo a condamné l’auteur à deux peines: une de quatre ans et six mois, avec une amende de 400 millions de pesetas, pour le délit de trafic de drogues, et l’autre de trois ans de prison avec une amende de 10 millions de pesetas pour le délit de corruption. Pendant le procès, l’auteur a nié toute implication dans les deux délits. L’auteur signale qu’il n’existe pas de procès-verbal in extenso du procès, étant donné que le Code de procédure pénale (Ley de Enjuiciamiento Criminal) autorise seulement un compte rendu analytique, dans lequel est consigné au maximum un septième de la teneur des déclarations faites.

2.3L’auteur a formé un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême, pourvoi qui ne permet pas un nouvel examen des preuves testimoniales à charge qui ont été décisives pour la condamnation de l’auteur. À l’appui de ses affirmations, celui‑ci cite un paragraphe du jugement rendu par le Tribunal, qui se lit comme suit: «En ce qui concerne l’atteinte au droit à la présomption d’innocence, cette plainte équivaut à affirmer que l’auteur a été condamné en l’absence de preuves et oblige la présente Chambre de cassation à s’assurer qu’il y a eu “examen des preuves”, alors qu’il n’entre pas dans le champ de sa compétence d’examiner “l’appréciation de la preuve”, laquelle appartient à la juridiction de jugement en vertu du fait qu’elle recueille directement les éléments de preuve.».

2.4L’auteur signale enfin que le recours en amparo concernant les plaintes pour absence de double degré de juridiction en matière pénale est inutile, vu la jurisprudence constante du Tribunal constitutionnel selon laquelle cette absence n’est pas contraire au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il y a eu violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte et se réfère aux constatations du Comité concernant la communication no 701/1996 (Gómez Vásquez c. Espagne), dans lesquelles cette violation a été mise en évidence. Selon l’auteur, la disposition du paragraphe 5 de l’article 14 implique le droit à obtenir un réexamen complet de la condamnation, dans tous ses aspects.

3.2L’auteur signale également que le compte rendu du procès n’a pas reflété tout ce qui s’est passé au cours de celui‑ci, et qu’il est inhérent à la notion de procès équitable donnant droit au double degré de juridiction que tout ce qui s’est passé à l’audience soit consigné dans un procès‑verbal in extenso. Il en déduit une violation des paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Par une note verbale du 2 août 2004, l’État partie a fait savoir que les motifs invoqués par l’auteur en cassation ont été les suivants: atteinte au droit fondamental d’accès aux tribunaux défini par la loi; violation du droit à la présomption d’innocence et du principe in  dubio pro  reo, également en ce qui concerne le délit de corruption; application erronée du Code pénal pour le calcul des peines et l’application de la circonstance aggravante de récidive; violation du Code pénal concernant la peine d’amende; erreur sur les preuves écrites en ce qui concerne l’acte constitutif de corruption. Tous ces motifs ont été écartés, aucune violation n’ayant été constatée ni en ce qui concerne les droits fondamentaux, ni les règles de procédure, ni l’application des dispositions du Code pénal.

4.2Les violations présumées formulées dans la communication soumise au Comité n’ont jamais été invoquées devant les tribunaux internes, d’où il résulte que les recours internes n’ont pas été épuisés. L’auteur a eu à plusieurs reprises accès à la justice, a obtenu des décisions entièrement motivées dans lesquelles les tribunaux internes ont dûment répondu à ses allégations et il présente une communication au Comité pour la prétendue violation de droits fondamentaux distincts de ceux qui ont été invoqués devant les tribunaux internes et sans avoir épuisé les recours internes. La communication est par conséquent dénuée de fondement, l’auteur cherchant à utiliser le mécanisme du Pacte de manière manifestement abusive. L’État partie demande au Comité de déclarer la communication irrecevable pour incompatibilité avec les dispositions du Pacte, conformément à l’article 3 du Protocole facultatif, et pour non‑épuisement des recours internes.

4.3Le 31 mai 2005, l’État partie a réaffirmé les arguments indiqués dans les paragraphes qui précèdent et a également répondu sur le fond de la communication.

4.4L’État partie fait référence à l’arrêt du Tribunal suprême et, plus concrètement, au paragraphe de cet arrêt cité par l’auteur. L’État partie précise que l’auteur passe sous silence intentionnellement les paragraphes suivants, qui concernent l’examen et l’appréciation des preuves par l’Audiencia Provincial concernant le délit de corruption. Le Tribunal suprême a procédé à un très large réexamen des éléments de fait sur lesquels était fondée la condamnation, ce qui fait que la condamnation elle‑même et la peine prononcée objet du recours ont été soumises, dans leur totalité, à une juridiction supérieure.

4.5Au sujet des griefs de l’auteur concernant l’absence de procès‑verbal in extenso du procès, l’article 14 du Pacte n’exige nullement que le compte rendu du procès soit in extenso, mais seulement qu’y soit consigné tout ce qui est essentiel pour la défense du justiciable. De plus, l’auteur n’a à aucun moment invoqué devant le Tribunal suprême ou le Tribunal constitutionnel une violation présumée de son droit à un procès équitable en alléguant l’absence d’un procès‑verbal in extenso de la procédure qui s’est déroulée devant l’Audiencia Provincial. Pour ce motif, et indépendamment du fait que cette plainte n’est pas étayée, elle devrait être déclarée irrecevable conformément à l’article 3 du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur

5.Dans ses commentaires du 29 juillet 2005, l’auteur indique que le Tribunal constitutionnel rejette systématiquement, sans l’examiner au fond, toute plainte portant sur l’absence d’un double degré de juridiction qui s’appuie sur la jurisprudence du Comité. L’auteur indique en outre qu’il n’a pas eu accès à un réexamen authentique de sa condamnation pour aucun des deux délits, trafic de haschisch et corruption, délits pour lesquels il a été condamné et dans lesquels il a nié toute participation. Le jugement rendu par l’Audiencia de Oviedo est fondé sur l’appréciation de preuves testimoniales à charge que l’auteur de la communication rejette. L’arrêt rendu par le Tribunal suprême définit clairement les limites de la cassation en matière pénale: l’appréciation de la preuve ne peut être réexaminée en cassation. Le cadre légal de la cassation n’a pas permis à l’auteur de demander une nouvelle appréciation des preuves ayant servi à le condamner, limite imposée par la loi qui est contraire au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il n’y a pas non plus droit véritable au double degré de juridiction en l’absence de procès‑verbal in extenso consignant en détail toutes les déclarations faites par les témoins, experts et intervenants.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si elle est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

6.2Le Comité s’est assuré, conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’est pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note des allégations de l’État partie, à savoir que les recours internes n’auraient pas été épuisés parce que les violations présumées soumises au Comité n’auraient jamais été formulées devant les juridictions internes. Toutefois, le Comité rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle seuls doivent être épuisés les recours internes ayant une chance raisonnable d’aboutir. Le recours en amparo n’avait aucune chance d’aboutir concernant la violation alléguée du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte; le Comité considère de ce fait que les recours internes ont été épuisés.

6.4L’auteur allègue une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, parce que les preuves testimoniales à charge qui ont été décisives pour sa condamnation n’ont pas été réexaminées par une juridiction supérieure, étant donné que le pourvoi en cassation espagnol n’est pas une procédure d’appel et ne permet pas un tel réexamen. Le Comité observe que l’auteur n’explique pas les raisons pour lesquelles il considère que le tribunal d’instance n’a pas procédé à une appréciation correcte des preuves, et ne précise pas celui des délits qui lui étaient imputés auquel se rapportent les preuves qu’il conteste. Par ailleurs, il ressort de l’arrêt du Tribunal suprême que ce dernier a examiné minutieusement l’appréciation des preuves effectuée par le tribunal d’instance se rapportant au délit de corruption, et que le Tribunal suprême est parvenu à la conclusion que cette appréciation avait été correcte. Le Comité estime que la plainte relative au paragraphe 5 de l’article 14 n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité, et conclut qu’elle est irrecevable conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5En ce qui concerne les allégations de l’auteur au titre du paragraphe 1 de l’article 14, fondées sur l’absence de procès-verbal in extenso du procès, le Comité relève que l’auteur n’a pas exposé les raisons pour lesquelles il considère que le compte rendu du procès qui s’est déroulé devant l’Audiencia Provincial ne rendait pas compte correctement de ce qui s’était passé pendant cette procédure et portait atteinte à ses droits. L’auteur n’a pas non plus formé de recours au sujet de cette plainte. Par conséquent, le Comité considère que cette partie de la communication doit également être considérée comme irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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