Nations Unies

CCPR/C/ISR/CO/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte

3 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

Genève, 12-30 juillet 2010

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Israël

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique d’Israël (CCPR/C/ISR/3) à ses 2717e, 2718e et 2719e séances, les 13 et 14 juillet 2010 (CCPR/C/SR.2717, 2718 et 2719). À sa 2740e séance, le 29 juillet 2010 (CCPR/C/SR.2740), il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité prend note du troisième rapport périodique d’Israël, qui contient des renseignements détaillés sur les mesures adoptées par l’État partie pour continuer à mettre en œuvre le Pacte. Il prend également note des réponses écrites à la liste de points à traiter (CCPR/C/ISR/Q/3/Add.1) mais regrette qu’elles aient été soumises tardivement. Il regrette également l’absence de données ventilées et de réponse aux questions 3, 11, 12, 16, 18, 19, 20, 24 et 28. Le Comité apprécie le dialogue qu’il a eu avec la délégation, les réponses qui ont été apportées oralement pendant l’examen du rapport et les informations complémentaires qui ont été fournies par écrit.

3.Le Comité note et reconnaît les préoccupations de l’État partie en matière de sécurité dans le contexte du conflit actuel. Dans le même temps il insiste sur la nécessité de respecter et de garantir les droits de l’homme, conformément aux dispositions du Pacte.

B.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et autres mesures suivantes, ainsi que la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme énumérés ci-après:

a)La loi no 5765-2005 relative aux procédures en matière d’enquête et de témoignage (dispositions spéciales concernant les personnes handicapées mentales ou souffrant de troubles psychiques) («loi sur les procédures en matière d’enquête et de témoignage (dispositions spéciales concernant les personnes handicapées mentales ou souffrant de troubles psychiques)»);

b)La loi no 5766-2006 relative à la lutte contre la traite (amendements) («loi sur la lutte contre la traite»);

c)La loi no 5768-2007 relative aux incidences de la législation sur l’égalité hommes-femmes (amendements), qui rend obligatoire l’examen systématique des incidences possibles de tout projet de loi sur l’égalité des sexes avant son adoption par la Knesset;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2008);

e)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité réaffirme, comme il l’avait exprimé au paragraphe 11 de ses observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’État partie (CCPR/CO/78/ISR) et au paragraphe 10 de ses observations finales concernant le rapport initial de l’État partie (CCPR/C/79/Add.93), que l’applicabilité des règles du droit international humanitaire en période de conflit armé ainsi que dans une situation d’occupation ne fait pas en soi obstacle à l’application du Pacte, si ce n’est par l’effet de l’article 4, qui prévoit qu’il peut être dérogé à certaines dispositions en cas de danger public exceptionnel. La position du Comité a été entérinée par la Cour internationale de Justice, à l’unanimité de ses membres, dans son avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (avis consultatif, CIJ Recueil 2004, p. 136), qui établit que le Pacte est applicable aux actes d’un État agissant dans l’exercice de sa compétence en dehors de son propre territoire. L’applicabilité des règles du droit international humanitaire ne fait pas obstacle non plus à la responsabilité que doivent assumer les États parties, en vertu du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, pour les actes accomplis par leurs autorités ou leurs agents hors de leur propre territoire, y compris dans des territoires occupés. En conséquence, le Comité réaffirme et souligne que, contrairement à la position de l’État partie, dans les circonstances actuelles, les dispositions du Pacte s’appliquent à la population des territoires occupés, y compris dans la bande de Gaza, en ce qui concerne toute action des autorités ou des agents de l’État partie dans ces territoires qui porte atteinte à l’exercice des droits consacrés par le Pacte (art. 2 et 40).

L ’ État partie devrait garantir le plein respect du Pacte en Israël ainsi que dans les territoires occupés, y compris en Cisjordanie, à Jérusalem-Est, dans la bande de Gaza et dans le territoire syrien occupé des hauteurs du Golan . Conformément à l ’ Observation générale n o 31 du Comité, l ’ État partie devrait faire en sorte que toute personne relevant de sa compétence ou se trouvant sous son contrôle effectif puisse jouir pleinement des droits consacrés par le Pacte.

6.Le Comité note que le principe de non-discrimination est inscrit dans plusieurs textes de loi nationaux et qu’il a été confirmé par la Cour suprême de l’État partie mais il est préoccupé par le fait que la Loi fondamentale de 1992 relative à la dignité et à la liberté de la personne, qui représente la charte des droits en Israël, ne contient pas de disposition générale consacrée à l’égalité et à la non-discrimination. Il est également préoccupé par les longs retards mis à statuer dans les affaires de discrimination ainsi que dans la mise en œuvre des décisions rendues (art. 2, 14 et 26).

L ’ État partie devrait modifier l es loi s fondamentale s et d ’ autres textes de façon à y  inscrire le principe de non-discrimination et faire en sorte que les plaintes pour discrimination portées devant les tribunaux soient traitées avec diligence et que les décisions soient mises en œuvre s ans délai .

7.Eu égard au paragraphe 12 de ses observations finales concernant le rapport précédent (CCPR/CO/78/ISR ) et au paragraphe 11 de ses observations finales concernant le rapport initial de l’État partie (CCPR/C/79/Add.93), le Comité reste préoccupé par le fait que l’État partie a entrepris depuis longtemps de réexaminer la nécessité de maintenir l’état d’urgence proclamé en 1948. Il prend note de la déclaration faite par l’État partie en vertu de l’article 4 relativement aux dérogations à l’article 9 mais il est préoccupé par l’application fréquente et étendue de l’internement administratif, y compris à l’égard d’enfants, fondée sur l’ordonnance militaire no 1591 et sur la loi sur les pouvoirs d’exception (détention). L’internement administratif enfreint le droit des détenus à un procès équitable, notamment leur droit d’être informés dans le plus court délai, dans une langue qu’ils comprennent et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre eux, leur droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense et de communiquer avec le conseil de leur choix, et leur droit d’être présents au procès et de se défendre eux-mêmes ou d’avoir l’assistance d’un défenseur de leur choix (art. 4, 14 et 24).

Eu égard à son Observation générale n o 29, le Comité réaffirme que les mesures dérogeant aux dispositions du Pacte doivent avoir un caractère exceptionnel et provisoire et n ’ être permises que dans la stricte mesure où la situation l ’ exige. En conséquence, l ’ État partie devrait:

a) Achever dès que possible le réexamen de la législation relative à l ’ état d ’ urgence. En attendant, l ’ État partie devrait revoi r attentivement les modalités de renouvellement de l ’ état d ’ urgence;

b) S’abstenir d’appliquer l ’ internement administratif, en particulier en ce qui concerne les enfants, et faire en sorte que le droit des détenus à un procès équitable soit respecté en tout temps;

c) Assurer aux détenus sous le coup d ’ une mesure d ’ internement administratif l ’ accès à un conseil de leur choix dans le plus court délai, les informer immédiatement , dans une langue qu ’ ils comprennent, de l ’accusation portée contre eux, leur donner les informations nécessa ires pour préparer leur défense, les déférer s ans délai devant un juge et les juger en leur présence ou en présence de leur défenseur.

8.Le Comité note avec préoccupation le blocus militaire de la bande de Gaza maintenu par l’État partie depuis juin 2007. Il reconnaît que l’État partie a récemment assoupli le blocus en ce qui concerne l’acheminement de biens civils par voie terrestre mais il est toutefois préoccupé par les conséquences du blocus pour la population civile de la bande de Gaza, notamment par les restrictions à la liberté de circulation qui ont dans certains cas causé la mort de patients qui avaient besoin de soins médicaux d’urgence, ainsi que par les restrictions qui empêchent la population d’avoir accès à une quantité suffisante d’eau potable et à des services d’assainissement adéquats. Le Comité note également avec préoccupation l’emploi de la force lors de l’arraisonnement d’un navire transportant de l’aide humanitaire destinée à la bande de Gaza, opération qui a fait neuf morts et plusieurs blessés. Le Comité prend note des conclusions préliminaires de l’enquête ouverte par l’État partie sur l’incident mais il est préoccupé par l’absence d’indépendance de la commission d’enquête et par le fait qu’il lui est interdit d’interroger les membres des forces armées de l’État partie impliqués dans l’incident (art. 1er, 6 et 12).

L ’ État partie devrait lever le blocus militaire de la bande de Gaza , dans la mesure où il a des conséquences préjudiciables pour la population civile . Il devrait inviter une mission internationale , indépendante , d ’ établissement des faits pour enquêter sur les circonstances de l ’ a rraisonnement de la flottille , notamment au regard de la compatibilité avec le Pacte.

9.Se référant aux conclusions et aux recommandations de la Mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, en date du 5 novembre 2009, le Comité relève que les forces armées de l’État partie ont ouvert peu d’enquêtes criminelles sur les incidents au cours desquels des violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme auraient été commises pendant l’offensive militaire dans la bande de Gaza («opération Plomb durci», 27 décembre 2008-18 janvier 2009), enquêtes qui ont abouti à une condamnation et à deux inculpations. Il note cependant avec préoccupation que la majorité des enquêtes ont été conduites sur la base de débriefings opérationnels confidentiels. Il note que les conclusions des enquêtes ont débouché sur l’établissement de nouvelles directives et instructions concernant la protection de la population et des biens civils et la nomination de spécialistes des questions humanitaires affectés à chaque unité militaire, mais il regrette que l’État partie n’ait pas encore mené d’enquêtes indépendantes et crédibles sur les violations graves du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme telles que les attaques directes contre des personnes et des infrastructures civiles comme des usines de traitement des eaux usées et des stations d’épuration, l’utilisation de civils comme «boucliers humains», le refus d’évacuer les blessés, les tirs à balles réelles pendant des manifestations de protestation contre l’opération militaire et les conditions dégradantes de détention (art. 6 et 7).

L ’ État partie devrait ouvrir, en complément des enquêtes déjà réalisées, des enquêtes indépendantes et crédibl es sur les violations graves du droit international humanitaire , telles que les violations du droit à la vie, de l ’ interdiction de la torture, du droit de toute personne détenue d ’ être traitée avec humanité et du droit à la liberté d ’ expression. Tous les décideurs, qu’ils soient militaire s ou civil s , devraient faire l ’ objet d ’ enquêtes et le cas échéant être poursuivis et sanctionnés .

10.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie qui assure que la plus haute attention est accordée aux principes de nécessité et de proportionnalité dans la conduite des opérations militaires et des actions répondant aux menaces et aux attaques terroristes. Toutefois, il réitère l’inquiétude qu’il avait exprimée au paragraphe 15 de ses précédentes observations finales (CCPR/CO/78/ISR), suscitée par le fait que, depuis 2003, les forces armées ont pris pour cibles et exécuté extrajudiciairement 184 individus dans la bande de Gaza, lors d’opérations qui ont aussi causé la mort accidentelle de 155 autres personnes, et ce en dépit de l’arrêt de 2006 de la Cour suprême, qui exige une application stricte du principe de proportionnalité et le respect d’autres garanties lorsque des opérations ciblées sont menées contre des individus en raison de leur participation à des activités terroristes (art. 6).

L ’ État partie devrait faire cesser la pratique des exécutions extrajudiciaires d ’ i ndividus soupçonnés de participation à des activités terroristes. Il devrait faire en sorte que tous ses agents observ ent le principe de proportionnalité dans l a conduite des actions menées en réponse à des menaces et à des activités terroristes. Il devrait également veiller à ce que toutes les précautions soient prises pour protéger le droit à la vie de chaque civil, y compris des civils de la bande de Gaza. L ’ État partie devrait épuiser tous les moyens pour arrêter et placer en détention les personnes soupçonnées de particip ation à des activités terroristes avant d ’employ er la force meurtrière. Il devrait également mettre en place un organe indépendant chargé de mener des enquêtes diligentes et approfondies sur les plaintes pour usage disproportionné de la force.

11.Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas incorporé dans sa législation l’infraction de torture telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention contre la torture et conformément à l’article 7 du Pacte. Il prend note de l’arrêt de la Cour suprême sur l’exclusion des preuves obtenues illégalement, mais n’en est pas moins préoccupé par les allégations concordantes dénonçant l’utilisation de la torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier à l’égard de détenus palestiniens soupçonnés d’atteintes à la sécurité. Il est également préoccupé par les allégations faisant état de la complicité ou de l’assentiment tacite du personnel médical vis-à-vis de la conduite des enquêteurs. Le Comité exprime en outre sa plus vive préoccupation face aux informations selon lesquelles toutes les plaintes pour torture sont rejetées pour défaut de fondement, ou le traitement faisant grief est justifié par «l’exception de nécessité» soulevée en cas d’attentat imminent. Le Comité fait observer que l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants énoncée à l’article 7 est absolue et qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 4, cette interdiction n’est susceptible d’aucune dérogation, même en cas de danger public exceptionnel (art. 4 et 7).

L ’ État partie devrait incorporer dans sa législation l ’ infraction de torture telle qu ’ elle est définie à l ’ article premier de la Convention contre la torture et conformément à l’article 7 du Pacte . Le Comité, comme il l ’ avait déjà fait dans ses précédentes observations finales (CCPR/CO/78/ISR, par. 18), recommande à l ’ État partie de faire en sorte que l ’ argument de la «nécessité» ne puisse plus être invoqué comme une justification possible de l ’ infraction de torture. L ’ État partie devrait également examiner toutes les plaintes pour torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants en suivant le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

12.Le Comité note que le comportement des membres des forces de l’ordre est soumis à contrôle et à supervision mais s’inquiète de l’indépendance des mécanismes de surveillance, et est préoccupé par le fait que les nombreuses plaintes pour actes de torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants et usage excessif de la force ne donnent lieu que dans de rares cas à des enquêtes pénales et à des condamnations. En ce qui concerne l’indépendance de l’unité du Ministère de la justice chargée des enquêtes sur la police («Mahash»), le Comité note que les enquêteurs qui appartiennent à la police mais sont temporairement affectés à l’unité sont progressivement remplacés par des civils mais il est préoccupé par le fait que le nombre de ces enquêteurs reste supérieur à celui de leurs collègues civils. Le Comité est également préoccupé par le fait que le Contrôleur chargé des plaintes mettant en cause des interrogateurs de l’Agence israélienne de sécurité (AIS) appartient lui-même à l’AIS et que, même s’il agit sous la supervision du Ministère de la justice et si ses décisions sont examinées par le Procureur général et le Procureur de l’État, aucune plainte n’a donné lieu à une enquête criminelle au cours de la période couverte par le rapport. Il est également préoccupé par la disposition de la loi sur le Service général de sécurité qui accorde aux agents de l’AIS l’immunité de poursuites, civiles et pénales, pour toute action ou omission commise dans l’exercice de leurs fonctions s’ils ont agi raisonnablement et de bonne foi. De plus, le Comité note avec préoccupation que les enquêtes sur les plaintes contre des membres des Forces de défense israéliennes sont effectuées par l’unité de la police militaire chargée des enquêtes, qui relève directement du Chef d’état-major des forces armées (art. 6 et 7).

L ’ État partie devrait faire en sorte que toutes les plaintes pour actes de torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants et usage disproportionné de la force mettant en cause des membres des forces de l ’ ordre, y compris de la police, du Service de sécurité et des forces armées, donnent lieu sans délai à des enquêtes approfondies, conduites par une autorité indépendante de la police, du Service de sécurité et des forces armées, que les coupables soient condamnés à des peines à la mesure de la gravité des faits et qu ’ une indemnis ation soit accordée aux victimes et à leur famille .

13.Le Comité note que l’État partie réexamine actuellement la définition du terrorisme et d’autres questions connexes. Il regrette toutefois l’absence d’information sur le point de savoir si la recommandation figurant au paragraphe 14 de ses précédentes observations finales (CCPR/CO/78/ISR) a été prise en considération. Le Comité accueille avec satisfaction l’arrêt de la Cour suprême dans lequel cette dernière a conclu que le fait d’empêcher un détenu soupçonné d’atteintes à la sécurité de l’État de s’entretenir avec un avocat constituait un préjudice grave aux droits de l’intéressé, mais il s’inquiète particulièrement de l’intention de l’État partie d’introduire dans sa législation antiterroriste révisée des dispositions fondées sur la loi de procédure pénale (Détenu soupçonné d’atteinte à la sécurité de l’État) (Disposition temporaire) qui permettent une longue attente avant que le détenu passe en jugement et avant qu’il puisse communiquer avec un avocat, et permettent également de décider en l’absence du suspect, dans des circonstances exceptionnelles, de prolonger sa détention. De surcroît, dans certaines circonstances un juge peut décider de ne pas faire connaître des éléments de preuve au détenu pour des raisons de sécurité. Le Comité est préoccupé en outre par le fait que la Cour suprême continue d’appliquer et de déclarer conforme aux lois fondamentales la loi relative à l’incarcération des combattants illégaux telle qu’elle a été modifiée en 2008. Le Comité regrette également l’absence de renseignements sur la possibilité qu’ont les détenus de faire recours contre toute décision d’ajournement (art. 2 et 14).

Le Comité recommande une nouvelle fois de veiller à ce que les mesures visant à lutter contre le terrorisme, qu’elles aient été adoptées en application de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité ou dans le contexte du conflit armé en cours, soient pleinement conformes au Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que:

a) L a définition du terrorisme et la définition des personnes soupçonnées d’infractions liées à la sécurité de l’État soient précises et limitées à la lutte contre le terrorisme et au maintien de la sécurité national e , et soient pleinement conformes au Pacte ;

b) Toutes les lois, tous les textes réglementaires et toutes les ordonnances militaires satisfassent aux exigences du principe de légalité en matière d’accessibilité, d’égalité, de précision et de non-rétroactivité;

c) Toute personne arrêtée ou détenue du chef d’une infraction pénale, y compris toute personne soupçonnée d’infractions liées à la sécurité, puisse s’entretenir sans délai avec un avocat, par exemple en mettant en place un système d’avocats spécialisés ayant accès à tous les éléments de preuve, y compris ceux qui sont confidentiels , et soit déférée sans délai devant un juge;

d) Toute décision tendant à différer l’ accès à un avocat ou la comparution devant un juge puisse être contestée devant un tribunal;

e) La loi relative à l’incarcération des combattants illégaux, telle qu’elle a été modifiée en 2008, soit abrogée.

14.Le Comité note avec préoccupation la délivrance par le commandant en chef des forces d’occupation israéliennes des ordonnances militaires no 1649 («Ordonnance sur les dispositions relatives à la sécurité») et no 1650 («Ordonnance sur la prévention des infiltrations») portant modification de l’ordonnance militaire no 329 de 1969 et étendant la définition de l’«infiltration illégale» aux personnes qui ne sont pas légalement titulaires d’un permis délivré par le commandant militaire. Le Comité prend note de l’assurance donnée par la délégation israélienne que les ordonnances militaires en question n’auront pas d’incidence pour aucun des résidents de Cisjordanie ni pour les personnes titulaires d’un permis délivré par l’Autorité nationale palestinienne, mais il est préoccupé par l’information selon laquelle, hormis en 2007-2008, Israël n’a traité aucune demande de renouvellement des permis de visite permettant aux étrangers, notamment aux conjoints de résidents en Cisjordanie, de se rendre en Cisjordanie, ni aucune demande d’octroi du statut de résident permanent, ce qui a pour effet de priver de permis un grand nombre de résidents de longue durée, notamment des étrangers. Le Comité est préoccupé également par l’information selon laquelle des personnes en Cisjordanie titulaires d’un permis de résidence indiquant une adresse dans la bande de Gaza sont renvoyées de force, y compris des personnes ayant une autorisation d’entrée en Cisjordanie. Le Comité s’inquiète aussi de ce que, en application des ordonnances militaires, une personne qui est appréhendée moins de soixante-douze heures après son entrée sur le territoire peut être expulsée sans contrôle juridictionnel de la décision. Le Comité relève la création d’un comité chargé d’examiner les arrêtés d’expulsion, mais il est préoccupé par le fait que cet organe manque d’indépendance et d’autorité judiciaire, et que l’examen des mesures d’expulsion n’a pas un caractère obligatoire (art. 7, 12 et 23).

L’État partie devrait procéder à un examen approfondi d u statut de tous les résidents de longue durée en Cisjordanie et veiller à ce qu’un permis valable leur soit délivré et qu’ils soient inscrits sur les registres de population. L’État partie devrait s’abstenir d’expulser des résidents de longue durée en Cisjordanie vers la bande de Gaza en se fondant sur leur ancienne adresse dans la bande de Gaza. À la lumière des obligations de l’État partie découlant de l’article 7, le Comité recommande à l’État partie de réexaminer les ordonnances militaires n os 1649 et 1650 de façon à garantir que tout e personne faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion soit entendue et puisse contester la mesure devant une autorité judiciaire indépendante.

15.Rappelant sa recommandation antérieure formulée au paragraphe 21 des observations finales précédentes (CCPR/CO/78/ISR), le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé par le fait que la loi sur la nationalité et l’entrée en Israël (Disposition temporaire), telle qu’elle a été modifiée en 2005 et 2007, reste en vigueur et a été déclarée constitutionnelle par la Cour suprême. La loi suspend la possibilité de regroupement familial, sous réserve de quelques rares exceptions, entre un Israélien et une personne résidant en Cisjordanie, à Jérusalem-Est ou dans la bande de Gaza, ce qui a un effet préjudiciable sur la vie d’un grand nombre de familles (art. 17, 23 et 24).

Le Comité r éaffirme que la loi sur la nationalité et l’entrée en Israël (Disposition temporaire) devrait être abrogée et que l’État partie devrait revoir sa politique en vue de faciliter le regroupement familial de tous les citoyens et résidents permanents sans discrimination.

16.Se référant au paragraphe 19 de ses observations finales précédentes (CCPR/CO/78/ISR), à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice, ainsi qu’à l’arrêt de la Cour suprême de l’État partie daté de 2005, le Comité se dit préoccupé par les restrictions du droit à la liberté de circulation imposées aux Palestiniens, en particulier aux personnes résidant dans la «zone de séparation» entre le mur et Israël, par le refus fréquent de délivrer des autorisations permettant aux agriculteurs de se rendre dans les terres situées de l’autre côté du mur ou de rendre visite à des proches, ainsi que par l’irrégularité des horaires d’ouverture des points de passage pour les agriculteurs. De plus, le Comité est préoccupé par le fait que, malgré le gel temporaire par l’État partie de la construction de colonies en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans le territoire syrien occupé des hauteurs du Golan, le nombre de colons continue d’augmenter (art. 1er, 12 et 23).

L’État partie devrait se conformer aux observations fi nales précédentes du Comité et tenir compte de l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de Justice et mettre fin à l ’établissement d’une «zone de séparation » par la construction d’ un mur, ce qui compromet gravement l’exercice du droit à la liberté de circulation et du droit à une vie de famil le. L’État partie devrait cesser toute construction de colonies dans les territoires occupés.

17.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré sa recommandation antérieure figurant au paragraphe 16 de ses observations finales précédentes (CCPR/CO/78/ISR), l’État partie poursuit sa pratique consistant à démolir les biens et les habitations des familles dont certains membres ont été ou sont soupçonnés d’être impliqués dans des activités terroristes, sans envisager d’autres mesures moins intrusives. Cette pratique a pris une ampleur disproportionnée au cours de l’intervention militaire de l’État partie dans la bande de Gaza («opération Plomb durci»), et a entraîné la destruction de logements et d’infrastructures civiles comme des hôpitaux, des écoles, des fermes, des installations d’eau, etc. Le Comité est préoccupé en outre par les fréquentes démolitions, au titre d’une mesure administrative, de biens et d’habitations, ainsi que d’établissements scolaires en Cisjordanie et à Jérusalem-Est à cause de l’absence de permis de construire, qui sont souvent refusés aux Palestiniens. De surcroît, le Comité s’inquiète du caractère discriminatoire des systèmes d’aménagement municipal en particulier dans la «zone C» de Cisjordanie et à Jérusalem-Est, qui favorisent de façon disproportionnée la population juive des zones concernées (art. 7, 17, 23 et 26).

Le Comité recommande une nouvelle fois à l ’ État partie de mettre fin à sa pratique consistant à démoli r des habitations et des biens à titre de punition collective. L ’ État partie devrait aussi réexaminer sa politique en matière de logement et de délivrance de s permis de construire de façon à appliquer le principe de non-discrimination aux minorités, en particulier aux Palestiniens, et à augmenter le nombre de constructions légale s destinée s aux minorités de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. L ’ État partie devrait veiller en outre à ce que les systèmes d’aménagement municipal ne soient pas discriminatoires.

18.Le Comité s’inquiète des pénuries d’eau qui touchent d’une façon disproportionnée la population palestinienne de Cisjordanie, en raison des mesures empêchant de construire et d’entretenir des infrastructures d’adduction d’eau et d’assainissement, et de l’interdiction de construire des puits. Le Comité s’inquiète également des informations selon lesquelles les terres palestiniennes seraient polluées par des eaux usées, rejetées notamment par des colonies (art. 6 et 26).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les résidents de Cisjordanie aient accès à l ’ eau dans des conditions d ’ égalité et conformément aux normes qualitatives et quantitatives de l ’ Organisation mondiale de la santé. L ’ État partie devrait autoriser la construction d ’ infrastructures d ’ adduction d ’ eau et d ’ assa inissement ainsi que de puits. De plus , l ’ État partie devrait s’occuper de la question des eaux usées dans les territoires occupés rejetées depuis Israël.

19.Le Comité note que certaines exemptions à l’obligation du service militaire ont été accordées pour des motifs d’objection de conscience. Il s’inquiète de l’indépendance du «Comité chargé d’accorder les exemptions à l’obligation d’assurer un service de défense pour des raisons de conscience» qui, hormis un civil, ne compte que des agents des forces armées. Il note que les personnes dont l’objection de conscience n’est pas acceptée par le comité peuvent être placées en détention de façon répétée pour leur refus de servir dans les forces armées (art. 14 et 18).

Le «Comité chargé d ’ accorder l es exemptions à l ’ obligation d ’ assurer un service de défense pour des raisons de conscience» devrait être rendu pleinement indépendant, les personnes présentant une demande motivée par une objection de conscience devraient être entendues et avoir le droit de contester la décision du c omité en question. Le placement répété en détention pour refus de servir dans les forces armées pourrait constituer une violation du principe ne bis in idem , et il devrait par conséquent y être mis fin.

20.Le Comité note l’argument de l’État partie relatif à la sécurité mais s’inquiète néanmoins des fréquentes restrictions disproportionnées de l’accès aux lieux de culte pour les non-juifs. Il note en outre avec préoccupation que seuls des lieux saints juifs figurent dans la réglementation contenant une liste des sites sacrés (art. 12, 18 et 26).

L ’ État partie devrait intensifi er ses efforts pour protéger les droits des minorités religieuses et garantir l’ accès aux lieux de culte dans des conditions d ’ é galité et sans discrimination. Il devrait en outre continuer d’ envisager d ’ in scrire aussi les sites sacrés des minorités religieuses sur sa liste de s lieux saints.

21.Le Comité note avec préoccupation que la Cour suprême a confirmé l’interdiction faite aux détenus palestiniens en Israël de recevoir des visites de membres de leur famille, y compris d’enfants. Il est aussi préoccupé par le fait que les détenus soupçonnés d’infractions liées à la sécurité ne sont pas autorisés à maintenir un contact téléphonique avec leur famille (art. 23 et 24).

L ’ État partie d evrait rétablir le programme de visites familiales soutenu par le Comité international de la Croix-Rouge, à l’intention des détenus originaires de la bande de Gaza. Il devrait renforcer le droit des détenus soupçonnés d ’ infractions liées à la sécurité de maintenir un contact avec leur famille , y compris par téléphone.

22.Le Comité s’inquiète d’un certain nombre de différences en matière de justice pour mineurs selon que s’appliquent les dispositions de la législation ordinaire israélienne ou celles des ordonnances militaires en Cisjordanie. Les ordonnances militaires prévoient que les enfants de 16 ans sont jugés comme des adultes, même s’ils avaient moins de 16 ans au moment de l’infraction. Les interrogatoires des mineurs en Cisjordanie sont conduits en l’absence des parents, de proches ou d’un avocat, et ne font pas l’objet d’un enregistrement audio ou vidéo. Le Comité s’inquiète également de ce que les mineurs détenus en application d’ordonnances militaires ne seraient pas informés sans délai, dans une langue qu’ils comprennent, des faits qui leur sont reprochés et pourraient être détenus pendant huit jours avant d’être déférés devant un juge militaire. Le Comité est également très préoccupé par les informations faisant état de tortures et de traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux délinquants mineurs (art. 7, 14 et 24).

L ’ État partie devrait:

a) Veille r à ce que les enfants ne soient pas jugés comme des adultes;

b) S ’ abstenir d ’engager des poursuites pénales contre des enfants devant des juridictions militaires, veiller à ce que la détention des enfants soit une mesure utilisée uniquement en dernier recours et pour la plus courte durée possible , garantir l ’ enregistrement audio ou vidéo des procédures impliquant des enfants et faire en sorte que les procès soient conduits avec diligence et impartialité, conformément aux règles d ’ une procédure équitable;

c) Informer les parents ou des proches lorsqu ’un enfant est placé en détention et garantir à l ’ enfant la possibilité de bénéficier sans délai et gratuitement de l ’ assistance indépendante du conseil de son choix;

d) Faire en sorte qu ’ une enquête soit conduite sans retard par un organe indépendant dans tou s les cas signalé s de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant infligé à des enfants détenus.

23.Le Comité note les efforts déployés par l’État partie pour faciliter l’accès de la minorité arabe à l’administration publique, mais il est préoccupé par le fait que les autorités de l’État partie continuent d’utiliser peu la langue arabe, et par l’absence de traduction en arabe des grands arrêts de la jurisprudence de la Cour suprême. Le Comité est également préoccupé par le processus de transcription en arabe des noms hébreux sur les panneaux de signalisation routière, ainsi que par le fait que les indications figurant sur ces panneaux sont rarement en arabe. De plus, le Comité s’inquiète des restrictions graves du droit à des contacts culturels avec d’autres communautés arabes, découlant de l’interdiction de se rendre dans des «États ennemis», qui sont majoritairement des États arabes (art. 26 et 27).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour rendre les services de son administration publique pleinement accessible s à toutes les minorités linguistiques et dans toutes les langues officielles, y compris l ’ arabe. Il devrait envisager en outre de faire traduire en arabe certains arrêts de la Cour suprême. Il devrait également faire en sorte que l’arabe soit utilisé sur tou s les panneaux de signalisation routière et il devrait reconsidérer son processus de trans crip tion en arabe des noms hébreux . De plus , l ’ État partie devrait accroître ses efforts pour garantir le droit des minorités à leur propre vie culture lle, y  compris en se rendant à l ’ étranger.

24.Le Comité note que les taux de scolarisation ont augmenté et que la mortalité infantile a diminué chez la population bédouine. Il s’inquiète néanmoins de ce que la population bédouine serait victime d’expulsions forcées en application de la loi de 1981 relative aux terres du domaine public (Expulsion des envahisseurs), telle qu’elle a été modifiée en 2005, et de ce que les besoins traditionnels de la population ne seraient pas suffisamment pris en considération dans les activités de planification de l’État partie visant au développement du Néguev, en particulier le fait que l’agriculture fait partie des moyens de subsistance et des traditions de la population bédouine. Le Comité s’inquiète en outre des difficultés d’accès aux structures de santé, à l’éducation, à l’eau et à l’électricité pour la population bédouine vivant dans des centres urbains, difficultés que l’État partie n’a pas reconnues (art. 26 et 27).

Dans ses activités d’ aménagement dans la région du Nég u ev, l ’ État partie devrait respecter le droit de la population bédouine à ses terres ancestrales et à son mode de vie traditionnel fondé sur l ’ agriculture. L ’ État partie devrait en outre garantir l ’ accès de la population bédouine aux structures de santé, à l ’ éducation, à l ’ eau et à l ’ électricité, quel que soit le lieu où elle se trouve.

25.Le Comité demande à l’État partie de rendre public son troisième rapport périodique, les réponses écrites à la liste des points à traiter ainsi que les présentes observations finales, et de les diffuser largement dans la population en général et auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives. Il demande aussi que le texte du troisième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter et des présentes observations finales soit mis à la disposition de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Le Comité recommande que le rapport, les réponses à la liste des points à traiter et les observations finales soient traduits non seulement en hébreu mais aussi en arabe et dans les autres langues minoritaires parlées en Israël.

26.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 8, 11, 22 et 24.

27.Le Comité invite l’État partie à faire figurer dans son quatrième rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 30 juillet 2013, des renseignements actualisés et concrets sur la suite qu’il aura donnée à toutes les recommandations et sur la mise en œuvre du Pacte dans son ensemble sur la totalité du territoire de l’État partie, y compris les territoires occupés. Le Comité demande aussi que le quatrième rapport périodique soit élaboré en consultation avec les organisations de la société civile présentes dans l’État partie.