Présentée par:

Pagdayawon Rolando(représenté par un conseil, M. Theodore O. Te, du Free Legal Assistance Group (FLAG))

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Philippines

Date de la communication:

22 juillet 1998 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 86 et de l’article 91 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 28 août 2002 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

3 novembre 2004

Le 3 novembre 2004, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations concernant la communication no 1110/2002 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif. Le texte figure en annexe au présent document.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre‑vingt‑deuxième session

concernant la

Communication n o  1110/2002 **

Présentée par:

Pagdayawon Rolando(représenté par un conseil, M. Theodore O. Te, du Free Legal Assistance Groupe (FLAG))

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Philippines

Date de la communication:

22 juillet 1998 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 3 novembre 2004,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1110/2002, présentée au nom de Pagdayawon Rolando en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est Pagdayawon Rolando, de nationalité philippine, actuellement incarcéré au pénitencier de New Bilibid, à Muntinlupa. Il dit être victime de violations du paragraphe 2 de l’article 5, des paragraphes 1 et 2 de l’article 6, de l’article 7, des paragraphes 1 à 4 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10 et des paragraphes 1, 2 et 5 de l’article 14 du Pacte. Il est représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 22 novembre 1989.

1.2Le 28 août 2002, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial pour les nouvelles communications, le Comité des droits de l’homme a demandé à l’État partie, en application de l’article 86 de son règlement intérieur, de surseoir à l’exécution de l’auteur condamné à la peine capitale, tant que sa communication serait à l’examen.

1.3Le 20 octobre 2003, informé que l’État partie avait l’intention d’exécuter l’auteur, le Comité des droits de l’homme, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial pour les nouvelles communications, a de nouveau demandé à l’État partie, conformément à l’article 86 de son règlement intérieur, de ne pas exécuter l’auteur tant que sa communication était à l’examen devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En septembre 1996, l’auteur a été arrêté et conduit au poste de police, sans mandat d’arrêt. Il a été informé qu’il était arrêté parce que sa femme l’accusait d’avoir violé sa belle‑fille. L’auteur, qui a été policier, a demandé à voir le mandat d’arrêt le concernant ainsi qu’une copie de la plainte officielle, mais n’a reçu aucun des deux. Il dit ne pas avoir été informé de son droit de garder le silence ou de son droit de consulter un avocat, comme l’exige l’article III, section 12‑1, de la Constitution de 1987. Il a été libéré le 1er novembre 1996. À aucun moment durant sa détention, il n’a été traduit devant une autorité judiciaire ni formellement inculpé.

2.2Le 27 janvier 1997, il a de nouveau été arrêté et accusé du viol de sa belle‑fille Lori Pagdayawon, en vertu du paragraphe 3 de l’article 335 du Code pénal révisé, tel que modifié. Il dit ne pas avoir été informé de son droit de garder le silence ou de consulter un avocat. Il indique également qu’il n’a pas pu engager un avocat à titre privé avant l’enquête. Il a été représenté par le même avocat tout au long de la procédure. Le 27 mai 1997, le tribunal régional de première instance de Davao l’a reconnu coupable des faits qui lui étaient reprochés et l’a condamné à mort, ainsi qu’au versement de 50 000 pesos à la victime. Selon l’auteur, la peine de mort est obligatoire en cas de viol. C’est un crime contre la personne, en vertu de la loi de la République no 8353.

2.3Le 15 février 2001, dans le cadre de sa procédure de contrôle juridictionnel automatique, la Cour suprême a confirmé la condamnation à mort prononcée par le tribunal de première instance mais a porté l’indemnisation due à la victime au titre de la responsabilité civile à 75 000 pesos et a ajouté «un montant supplémentaire de 50 000 pesos pour préjudice moral». Selon l’auteur, la Cour suprême s’est conformée à sa pratique habituelle qui consiste à ne pas entendre de témoins pendant le contrôle et à s’appuyer uniquement sur l’appréciation des éléments de preuve faite par les juridictions inférieures. Elle a réaffirmé sa position, établie par la jurisprudence, en ce qui concerne le crédit accordé au témoignage des jeunes femmes qui disent avoir été violées, déclarant que «le témoignage d’une victime de viol, qui est très jeune, est crédible et doit recevoir le crédit mérité, en particulier lorsque les faits la désignent comme victime d’une agression sexuelle. Elle ne chercherait certainement pas la publicité et n’endurerait pas l’épreuve et l’humiliation que représente un procès public si elle n’avait pas été effectivement violée.». Selon l’auteur, le seul critère retenu par le tribunal pour juger de la véracité des allégations de la victime présumée est le fait qu’elle soit disposée à subir un examen médical et à endurer l’épreuve d’un procès.

2.4L’auteur décrit la procédure énoncée à l’alinéa a du paragraphe 7 du document EP 200, publié par le Bureau correctionnel en vertu de la loi de la République no 8177, concernant son exécution. Le condamné n’est prévenu de la date de son exécution qu’à l’aube du jour fixé, et l’exécution doit avoir lieu au plus tard 8 heures après que le condamné en a été informé. Il n’est pas prévu de prévenir la famille du condamné. Celui‑ci a uniquement le droit de contacter un prêtre ou son avocat et ne peut leur parler qu’à travers un grillage.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient que sa première mise en détention était illégale et constituait une violation des paragraphes 1 à 4 de l’article 9. Il estime que le refus de le laisser consulter un avocat lors de sa première détention constituait une violation du paragraphe 1 de l’article 14, car ses chances d’avoir un procès équitable s’en sont trouvé réduites.

3.2L’auteur indique que la position de la Cour suprême, réaffirmée dans la présente affaire, qui consiste à accepter le témoignage d’une victime de viol comme étant forcément véridique, constitue une violation de son droit à être présumé innocent et de son droit à l’égalité devant les tribunaux, conformément au paragraphe 2 de l’article 14. Il estime qu’elle constitue également une violation du droit à l’égalité consacré par le paragraphe 1 de l’article 14, ainsi que de son droit à un procès équitable. Il fait valoir que le fait que le tribunal n’ait pas respecté la présomption d’innocence et n’ait pas «imputé la charge de la preuve à l’accusation» constitue une violation manifeste de l’obligation d’impartialité qui incombe au juge. Il indique que, le tribunal régional de première instance ayant adopté la même position en l’espèce, la présomption d’innocence n’a pas été respectée et qu’il n’a pas bénéficié d’un procès équitable.

3.3L’auteur ajoute que la pratique de la Cour suprême, qui consiste à ne pas entendre de témoins pendant le contrôle et donc à s’appuyer sur l’appréciation des éléments de preuve faite par les juridictions inférieures, constitue une violation du droit d’examen par une juridiction supérieure consacré par le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Dans le cas d’espèce, l’un des arguments de l’auteur devant la Cour suprême était que le tribunal s’était trompé dans son appréciation du témoignage de Lori Pagdayawon. Il estime que, pour examiner correctement l’affaire, la Cour suprême aurait dû entendre la victime afin d’évaluer la véracité de ses dires.

3.4L’auteur estime que l’application de la peine de mort à des crimes tels que le viol en application de la loi de la République no 8353 de 1997 constitue une violation de l’obligation de l’État partie de restreindre la peine de mort aux «crimes les plus graves», conformément à l’article 6. Il fait valoir qu’aux termes de la résolution du Conseil économique et social de 1984 intitulée «Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort», l’expression «crimes les plus graves» s’applique au moins aux crimes intentionnels ayant des conséquences fatales ou d’autres conséquences extrêmement graves. L’auteur évoque le consensus international croissant contre la peine de mort et le fait que les statuts du Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie, du Tribunal pénal international pour le Rwanda et de la Cour pénale internationale ne prévoient pas l’application de la peine de mort.

3.5Il indique que s’il était exécuté, il serait informé de son exécution seulement 8 heures avant au maximum, ne pourrait dire adieu à sa famille et pourrait seulement parler à son avocat et à un prêtre à travers un grillage, conformément à la procédure en vigueur aux Philippines, telle qu’elle est énoncée dans le document EP 200. Il soutient que cette procédure constitue une peine inhumaine et dégradante et ne respecte pas la dignité inhérente à la personne humaine, garantie par l’article 7 et le paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte. L’auteur fait valoir qu’un tel traitement constitue une torture psychologique/mentale analogue au «syndrome du quartier des condamnés à mort».

3.6L’auteur ajoute qu’en rétablissant la peine de mort pour les «crimes odieux», conformément à la loi de la République no 7659, l’État partie a violé les dispositions de l’article 6 du Pacte. Il soutient que les paragraphes 1, 2 et 6 de l’article 6, lus conjointement, permettent de conclure qu’une fois qu’un État a aboli la peine de mort, il n’est pas libre de la rétablir. Qui plus est, une «interprétation au sens large» du paragraphe 2 de l’article 5 du Pacte, qui permettrait à un État partie de restaurer la peine de mort, serait contraire à cette disposition.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

4.1La communication et les documents joints ont étés transmis à l’État partie le 28 août 2002. Malgré plusieurs rappels, l’État partie n’a pas donné de réponse au Comité qui l’avait prié, conformément aux articles 86 et 91 de son règlement intérieur, de lui soumettre des explications ou des observations portant sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Le Comité rappelle qu’il ressort implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que les États parties sont tenus d’examiner de bonne foi toutes les allégations portées contre eux et de faire parvenir au Comité toutes les informations dont ils disposent. Compte tenu de l’absence de coopération de l’État partie avec le Comité dans l’affaire dont il est saisi, il convient d’accorder tout le crédit voulu aux allégations de l’auteur, dans la mesure où elles ont été étayées.

4.2Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.3Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, le Comité note que l’État partie n’a pas évoqué l’existence de recours internes qui auraient pu être épuisés par l’auteur.

4.4En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que le droit à la présomption d’innocence a été violé du fait que le tribunal a accepté le témoignage d’une victime mineure, le Comité relève à la lecture des jugements rendus par le tribunal régional de première instance et la Cour suprême que le pouvoir judiciaire a effectivement tenu compte de l’âge de la victime en appréciant son témoignage et a effectivement considéré qu’un procès pour viol était une épreuve telle qu’il était improbable que quelqu’un engage un tel procès si un viol n’avait pas été effectivement subi. Mais ces considérations n’ont pas été les seuls éléments examinés par le tribunal régional de première instance et par la Cour suprême. Les deux juridictions ont pris en considération, entre autres éléments, des preuves d’ordre médical et les dépositions de témoins pour apprécier les faits et les preuves dans cette affaire. Le Comité a également relevé dans le jugement du tribunal régional de première instance une confirmation que «dans l’ensemble, les preuves à charge sont d’un poids tel qu’elles l’emportent sur le principe constitutionnel de la présomption d’innocence de l’accusé. L’accusation a établi la culpabilité de l’accusé au‑delà du doute raisonnable. Les preuves à décharge, qui consistent simplement à nier les faits, n’ont pas une valeur probante suffisante par rapport aux preuves administrées par l’accusation qui établissent sa culpabilité au‑delà de tout doute possible.». Le Comité réaffirme sa jurisprudence selon laquelle les juridictions des États parties sont le mieux à même d’apprécier les faits et les éléments de preuve, sauf si cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. L’auteur n’ayant fourni aucun élément de preuve pour démontrer que les décisions des juridictions d’appel étaient manifestement arbitraires ou ont représenté un déni de justice, le Comité considère cette plainte comme irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, faut d’éléments pour étayer sa recevabilité. En conséquence, le grief énoncé sur ce point est irrecevable.

4.5Pour ce qui est du grief de violation des droits consacrés au paragraphe 5 de l’article 14, du fait que la Cour suprême n’a pas entendu la déposition des témoins mais a repris l’interprétation des preuves donnée en première instance, le Comité rappelle, conformément à sa jurisprudence, que le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte n’exige pas «un nouveau procès sur les faits de la cause» ni une «nouvelle audience». En conséquence, cette partie de la communication est irrecevable car, aux termes de l’article 3 du Protocole facultatif, elle est incompatible avec les dispositions du Pacte.

4.6Le Comité considère les autres griefs de l’auteur comme recevables et procède par conséquent à l’examen quant au fond des plaintes au titre de l’article 6, de l’article 7, du paragraphe 1 de l’article 10, de l’article 9 et du paragraphe 3 d) de l’article 14.

Examen au fond

5.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été soumises par les parties, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

5.2Il ressort des jugements rendus par le tribunal régional de première instance et par la Cour suprême que l’auteur a été reconnu coupable de viol sur mineur en vertu de l’article 335 du Code pénal révisé, tel que modifié par l’article 11 de la loi de la République no 8353 (voir la note 2 ci‑dessus), qui dispose que «la peine de mort est aussi prononcée lorsque le crime de viol est commis dans les circonstances aggravantes suivantes: 1. la victime a moins de 18 ans et l’auteur est le père ou la mère, un ascendant, un beau‑parent, un tuteur, un parent consanguin ou allié au troisième degré ou le concubin du parent de la victime…». La peine de mort a donc été appliquée automatiquement en vertu de l’article 335 du Code pénal révisé, tel que modifié. Le Comité renvoie à sa jurisprudence qui veut que la condamnation obligatoire et automatique à la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, dans des circonstances où la peine capitale est prononcée sans qu’il soit possible de prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances ayant entouré le crime en question. Le Comité note par ailleurs que, dans le droit interne de l’État partie, le viol est une notion large qui recouvre des infractions de différents degrés de gravité. Il en découle que la condamnation automatique de l’auteur à la peine de mort en vertu de l’article 335 du Code pénal révisé, tel que modifié, constitue une violation des droits qui lui sont reconnus au paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte.

5.3Ayant constaté la violation de l’article 6 du Pacte, le Comité n’a pas lieu de se pencher sur les autres griefs de l’auteur au titre des paragraphes 1, 2 et 6 de l’article 6 qui concernent tous l’imposition de la peine capitale.

5.4Le Comité prend note des griefs de violation de l’article 7 et du paragraphe 1 de l’article 10 avancés par l’auteur du fait qu’il ne serait informé de la date de son exécution qu’à l’aube du jour où elle aurait lieu, qu’il serait alors exécuté dans les 8 heures et n’aurait pas le temps de dire adieu à sa famille et de mettre en ordre ses affaires personnelles. Il prend également note de l’argument de l’État partie qui fait valoir que la peine capitale sera exécutée «au plus tôt un an et au plus tard 18 mois après que le jugement serait devenu définitif et exécutoire, sans préjudice de l’exercice à tout moment de son droit de grâce par le Président de la République». Le Comité croit comprendre, au vu du texte de la loi, que l’auteur aurait au moins un an et au plus 18 mois après l’épuisement de tous les recours internes pour prendre des dispositions pour voir sa famille avant la notification de la date de l’exécution. Il note aussi qu’en vertu de l’article 16 de la loi de la République no 8177, après notification de son exécution, l’auteur aurait environ 8 heures pour prendre les dernières dispositions concernant ses affaires personnelles et voir les membres de sa famille. Le Comité réaffirme sa jurisprudence selon laquelle l’établissement d’un mandat d’exécution, provoque nécessairement chez l’individu concerné une angoisse intense et il estime que l’État partie devrait s’efforcer de réduire cette angoisse dans la mesure du possible. Cependant, sur la base des informations fournies, le Comité ne peut pas conclure que l’exécution de l’auteur dans les 8 heures suivant la notification, considérant qu’il aurait déjà eu au moins un an après avoir épuisé les recours internes et avant la notification de son exécution pour mettre en ordre ses affaires et voir sa famille, violerait les droits qui lui sont reconnus par l’article 7 et le paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte.

5.5Pour ce qui est du grief de violation de l’article 9, étant donné que l’État partie n’a pas contesté les éléments de fait présentés par l’auteur, le Comité conclut que, quand il a été arrêté en septembre 1996, l’auteur n’a pas été informé des motifs de son arrestation et n’a pas reçu notification dans le plus court délai de l’accusation portée contre lui; l’auteur a été arrêté sans mandat et par conséquent en violation du droit interne applicable; ensuite, après son arrestation, il n’a pas été traduit dans le plus court délai devant un juge. En conséquence, il y a eu violation des paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 9 du Pacte.

5.6En ce qui concerne le grief de l’auteur selon lequel il n’a pas pu communiquer avec un avocat pendant la première période de détention et que pendant l’une et l’autre période il n’a pas été informé de son droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat, grief que l’État partie n’a pas contesté, le Comité estime qu’il y a violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte.

6.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par les Philippines du paragraphe 1 de l’article 6, des paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 9 et du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

7.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’offrir à l’auteur un recours approprié, consistant en une commutation de sa peine. Il est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

8.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est également invité à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

Opinion individuelle des membres du Comité dont le nom suit: M. Martin Scheinin, M me  Christine Chanet et M. Rajsoomer Lallah (partiellement dissidente)

Nous appuyons pleinement la conclusion du Comité selon laquelle le paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte a été violé du fait que le prononcé obligatoire de la peine de mort à l’encontre de l’auteur constitue une privation arbitraire de la vie. À cet égard, cette affaire confirme et développe la jurisprudence antérieure du Comité, telle qu’établie dans les affaires Thompson c. Saint ‑Vincent ‑et ‑les Grenadines (communication no 806/1998), Kennedy c. Trinité ‑et ‑Tobago (communication no 845/1998), Carpo et al. c. Philippines (communication no 1077/2002) et Ramil Rayos c. Philippines (communication no 1167/2003).

Toutefois, nous ne partageons pas l’avis du Comité, exprimé au paragraphe 5.3 des constatations, selon lequel il est inutile d’examiner les autres réclamations de l’auteur portant sur l’article 6. Bien que la majorité des membres du Comité ait aussi suivi, en l’espèce, les constatations formulées le 28 mars 2003, dans l’affaire Carpo, nous sommes d’avis que le moment est venu d’examiner la question de la compatibilité avec l’article 6 du rétablissement de la peine capitale dans un pays l’ayant précédemment abolie. Depuis la décision prise dans l’affaire Carpo − à laquelle nous avons participé −, deux faits nouveaux importants se sont produits qui justifient, selon nous, que le Comité se penche à présent sur la question.

Premièrement, en octobre 2003, le Comité a examiné le deuxième rapport périodique des Philippines et abordé à cette occasion la question de la peine capitale sous différents angles, ce qui lui a permis de comprendre beaucoup mieux le droit et la pratique de l’État partie (voir le rapport de l’État partie CCPR/C/PHL/2002/2, les comptes rendus de séance CCPR/C/SR.2138, 2139 et 2140, et les observations finales du Comité CCPR/CO/79/PHL).

Deuxièmement, au cours de la session qui a suivi le règlement de l’affaire Carpo, le Comité s’est interrogé sur le point de savoir si le rétablissement de la peine capitale, une fois qu’elle a été abolie, est compatible avec l’article 6. Cette question a été examinée dans le cadre de l’affaire Roger Judge c. Canada (communication no 829/1998, constatations adoptées le 5 août 2003), au sujet de laquelle le Comité a estimé que le Canada, bien qu’ayant aboli la peine capitale, avait violé l’article 6 en expulsant l’auteur de la communication vers un pays où il était passible de la peine de mort. Il convient de souligner que le Comité n’est pas parvenu à cette conclusion parce que le Canada était partie au deuxième Protocole facultatif − il ne l’est pas −, ni parce que le pays d’accueil était susceptible de violer l’article 6. La question était plutôt de savoir si le fait, pour un pays abolitionniste, de faire courir à une personne le risque d’être condamnée à la peine capitale dans un autre pays constituait en soi une violation de l’article 6.

Le Comité a répondu par l’affirmative à cette question dans les termes suivants:

«10.4 Pour étudier la question de l’application de l’article 6, le Comité note que, comme il est prescrit par la Convention de Vienne sur le droit des traités, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Le paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, qui dispose que “le droit à la vie est inhérent à la personne humaine…” est une règle générale qui vise à protéger la vie. Les États parties qui ont aboli la peine de mort sont tenus en vertu de ce paragraphe de protéger la vie dans toutes les circonstances. Les paragraphes 2 à 6 de l’article 6 ont de toute évidence été inclus afin d’éviter que le premier paragraphe de l’article 6 ne puisse être interprété comme abolissant la peine de mort. Cette interprétation de l’article est confortée par les premiers mots du paragraphe 2 (“Dans les pays où la peine de mort n’a pas été abolie…”) et par le paragraphe 6 (“Aucune disposition du présent article ne peut être invoquée pour retarder ou empêcher l’abolition de la peine capitale par un État partie au présent Pacte.”). En effet, les paragraphes 2 à 6 ont la double fonction de créer une exception au droit à la vie du fait de l’existence de la peine de mort et d’imposer des limites à la portée de cette exception. Ce n’est que quand la peine capitale est prononcée alors qu’un certain nombre d’éléments précis sont réunis que l’exception peut s’appliquer. Au nombre de ces éléments restrictifs figure celui qui est exprimé au début du paragraphe 2, c’est‑à‑dire que seuls les États “où la peine de mort n’a pas été abolie” peuvent se prévaloir des exceptions créées aux paragraphes 2 à 6. Les pays qui ont aboli la peine de mort sont tenus de ne pas exposer un individu au risque réel de son application. Ils ne peuvent donc pas renvoyer quelqu’un de leur juridiction, par voie d’expulsion ou d’extradition, s’il peut être raisonnablement prévu que l’intéressé sera condamné à mort, sans obtenir la garantie que la peine capitale ne sera pas appliquée.». (C’est nous qui soulignons.)

Pour tout lecteur familiarisé avec la question de la peine capitale, il est clair que, dans ce paragraphe, le Comité a arrêté non seulement sa position au sujet de la réintroduction «indirecte» de la peine capitale, lorsqu’un pays abolitionniste expulse quelqu’un vers un autre pays où il risque de se faire condamner à mort, mais qu’il s’est aussi prononcé sur ce qui revient à la réintroduire directement dans sa propre législation après l’avoir abolie.

Ainsi, la question juridique de savoir si la réintroduction de la peine capitale après qu’elle a été abolie constitue une violation de l’article 6 a été clarifiée après l’adoption des constatations du Comité dans l’affaire Carpo. Ce qui ne l’a pas été, en revanche, est le point de fait de savoir si les modifications constitutionnelles et législatives intervenues aux Philippines en 1987 équivalaient à l’abolition de la peine capitale. Telle est la question que le Comité aurait pu − et, selon nous, dû − examiner. La majorité des membres du Comité a toutefois estimé qu’il était inutile de la traiter dans le cas d’espèce, sans l’examiner au fond.

Le Pacte est entré en vigueur pour les Philippines le 23 janvier 1987, sans qu’aucune réserve y soit apportée. À compter de cette date, les Philippines étaient tenues par l’ensemble des obligations qui découlaient de l’article 6 du Pacte. Tout de suite après, le 2 février 1987, une nouvelle Constitution approuvée par plébiscite populaire est entrée en vigueur. L’article 3 19) 1) de la Constitution a abrogé la peine de mort dans les termes suivants:

«Il est interdit d’imposer des amendes administratives, ou d’infliger un châtiment cruel, dégradant ou inhumain. La peine de mort ne sera pas prononcée, si ce n’est pour des raisons impérieuses concernant des crimes odieux, comme prévu ci‑après par le Congrès. Toute condamnation à mort qui a déjà été prononcée sera commuée en réclusion à perpétuité.».

De 1987 à 1993, l’ordre juridique en vigueur aux Philippines ne permettait pas de condamner une personne à mort, ni même d’instituer la peine de mort. La situation était donc différente de celle d’un simple moratoire, où la peine capitale demeure en vigueur en droit mais son application est suspendue dans la pratique. Le 13 décembre 1993, le Congrès des Philippines a adopté la loi de la République no 7659, qui rétablissait la peine de mort pour un certain nombre d’infractions. Comme il ressort clairement de la disposition constitutionnelle précitée, seule une nouvelle décision législative permettait de rétablir la peine de mort. Cette décision a été prise en 1993 et, bien que sa constitutionnalité ait été contestée, celle-ci a été confirmée, aux fins du droit constitutionnel interne, par opposition à sa conformité avec le Pacte, par la Cour suprême dans l’affaire People c. Echegaray (GR No 117472, arrêt du 7 février 1997). Dans cet arrêt, la Cour suprême a estimé, à la majorité, qu’une nouvelle législation autorisant la peine capitale n’était pas inconstitutionnelle. Le raisonnement de la majorité était, en partie, le suivant:

«Le paragraphe 19 1) de l’article III de la Constitution de 1987 confère clairement au Congrès le pouvoir de rétablir la peine de mort “pour des raisons impérieuses concernant des crimes odieux”. Ce pouvoir ne relève donc pas de la compétence législative plénière du Congrès puisqu’il est clairement tributaire de “raisons impérieuses concernant des crimes odieux”. L’exercice constitutionnel de ce pouvoir limité de rétablir la peine de mort exige 1) que le Congrès définisse ou explique ce qu’il faut entendre par des crimes odieux; 2) qu’il précise et rende passible de la peine capitale uniquement les crimes susceptibles d’être qualifiés d’odieux en fonction de la définition ou de l’explication qui figurera dans la loi relative à la peine de mort et/ou qu’il indique quels sont les crimes passibles de la réclusion à perpétuité ou de la peine de mort, et dans ce cas la peine de mort ne pourra être prononcée qu’après qu’un tribunal aura qualifié d’odieuses les circonstances caractérisant le crime, au sens de la définition ou de l’explication formulée dans la loi relative à la peine de mort; et 3) que le Congrès, en adoptant la loi relative à la peine de mort, soit singulièrement motivé par “des raisons impérieuses concernant des crimes odieux”.».

Selon nous, il ressort clairement de ce passage et d’autres passages de l’arrêt que l’analyse de la Cour suprême se limitait au droit constitutionnel interne, et qu’elle ne portait pas sur la question de savoir si l’adoption de la Constitution de 1987 équivalait à une abolition au sens du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte et, si tel avait été le cas quelles en auraient été les conséquences au titre du Pacte. Il nous semble néanmoins utile de citer aussi un avis de la minorité particulièrement bien formulé, qui porte également sur le droit constitutionnel interne plutôt que sur le droit international:

«… la Constitution n’a pas simplement suspendu l’application de la peine de mort, elle l’a en réalité complètement abolie en droit. Le fait de commuer ou de transformer automatiquement toute condamnation à mort prononcée mais non encore appliquée depuis l’entrée en vigueur de la Constitution en réclusion à perpétuité démontre clairement que, s’il est toujours possible d’un accusé pour un crime capital, la mort en tant que peine a cessé d’exister dans notre droit pénal et ne peut donc plus être appliquée. Telle était clairement l’intention des auteurs de la Constitution.».

Dans la présentation des événements qui précède, nous avons évité de prendre position sur la question de savoir si ce qui s’est déroulé aux Philippines en 1987 équivalait à une abolition de la peine de mort au sens du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte. Il est temps à présent de répondre à cette question.

Comme le fait observer le Comité, au paragraphe 4.1 de ses constatations dans la présente affaire, les Philippines n’ont communiqué aucune information au Comité en réponse à la communication. Cette situation est bien évidemment regrettable, mais elle ne saurait empêcher le Comité d’établir les faits à la lumière des éléments dont il dispose.

La distinction entre abolition et moratoire est, selon nous, capitale. En 1987, les Philippines ont supprimé la peine capitale de leur ordre juridique, de sorte qu’aucune disposition du droit pénal ne prévoyait la possibilité de condamner une personne à mort. La peine de mort ne pouvait être appliquée au motif qu’il y était fait référence dans la Constitution. Au contraire, la Constitution elle‑même précisait très clairement que la peine capitale avait été supprimée de l’ordre juridique, c’est‑à‑dire abolie. Le fait qu’elle ait comporté une espèce de réserve interne, en ce sens que la réintroduction de la peine capitale selon certaines modalités pourrait ne pas être inconstitutionnelle, est sans incidence sur les dispositions de fond ou l’application de l’article 6 du Pacte en tant que traité international.

Partant, nous concluons que, aux fins du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte, les Philippines ont aboli la peine capitale en 1987 et l’ont réintroduite en 1993. Suite à cela, l’auteur de la présente communication a été condamné à mort, ce qui constitue, selon nous, une violation de l’article 6 du Pacte. Cette violation se distingue de la violation de l’article 6 établie par le Comité sur le fondement du prononcé obligatoire de la peine de mort, et s’y ajoute.

Notre conclusion est appuyée par les arguments que l’État partie lui‑même a communiqués au Comité dans le cadre de l’affaire Carpo. Bien que l’État partie n’ait pas coopéré avec le Comité en l’espèce, il est à présent intéressant d’observer que, avant que le Comité n’ait statué sur l’affaire Carpo, l’État partie avait fait valoir que:

1)«Le fait que les Philippines aient décidé, en vertu de la Constitution de 1987, d’abolir [la peine de mort] ne saurait empêcher pour autant le législateur de la rétablir, dans la mesure où la Constitution elle‑même le permet.».

2)«… il appartient à l’État partie de se prononcer sur la constitutionnalité de la peine de mort. Le Comité n’est pas compétent pour interpréter la constitution d’un État partie afin de déterminer si celui-ci se conforme aux obligations qui lui incombent en vertu des Pactes.».

3)Le paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte «ne fait pas référence aux pays qui ont précédemment aboli la peine de mort: il se réfère simplement aux pays où la peine de mort est toujours prévue par la législation».

La première observation est correcte du point de vue du droit constitutionnel philippin, mais elle revient en même temps à reconnaître que l’enchaînement des événements devrait être considéré comme une abolition suivie d’une réintroduction. La deuxième observation est techniquement correcte, mais elle ne saurait affecter la compétence du Comité pour interpréter l’article 6 du Pacte. Quant à la troisième observation, elle est manifestement incorrecte au regard du début du paragraphe 2 de l’article 6: «Dans les pays où la peine de mort n’a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que…».

Depuis qu’il a été établi, il y a plus de 25 ans, le Comité des droits de l’homme a élaboré une jurisprudence particulièrement importante en ce qui concerne le droit à la vie, qui a eu pour effet de restreindre toute application de la peine capitale. Les auteurs du Pacte ne sont manifestement pas parvenus à se mettre d’accord pour abolir la peine capitale, mais ils ont néanmoins prévu dans les dispositions détaillées de l’article 6 un certain nombre de restrictions quant à l’application de cette peine que de nombreux États, des cours suprêmes ou des cours constitutionnelles dans différents pays du monde, des juristes éminents, des universitaires et de simples particuliers considèrent inhumaine. Grâce à une application rigoureuse des divers éléments de l’article 6, le Comité est parvenu à instituer, par sa jurisprudence, une surveillance internationale de l’application de la peine de mort, sans toutefois interpréter l’article 6 comme interdisant totalement cette peine. Certains des aspects les plus importants de cette volumineuse jurisprudence portent sur l’effet d’une violation des droits de la défense dans le cadre d’un procès aboutissant à une condamnation à la peine capitale, ce qui constitue une violation non seulement de l’article 14 mais aussi de l’article 6, sur le fait de considérer le prononcé obligatoire de la peine capitale pour un crime défini en termes vagues comme une privation arbitraire de la vie, sur la portée de la notion de «crimes les plus graves» figurant au paragraphe 2 de l’article 6 et, dans l’affaire Judge, sur la question du rétablissement indirect de la peine capitale découlant du fait pour un pays abolitionniste d’expulser une personne vers un autre pays où elle court le risque d’être condamnée à mort, tous ces points constituant des violations de l’article 6. En outre, s’agissant de l’article 7 du Pacte, le Comité a également estimé que certaines formes d’exécution, ainsi qu’un séjour prolongé dans le quartier de la mort, s’il s’accompagne d’«autres circonstances déterminantes», constituent des violations du Pacte. Toute cette jurisprudence, associée au fait que l’article 6 exclut que certaines catégories de personnes puissent être condamnées à la peine capitale, a effectivement restreint le recours à cette peine. Un jour le Comité disposera peut-être de raisons suffisantes pour conclure que, compte tenu de l’évolution de l’opinion publique, de la pratique des États et de la jurisprudence de diverses juridictions, toute forme d’exécution constitue un châtiment inhumain au sens de l’article 7.

Les affaires futures montreront si c’est effectivement dans ce sens qu’évoluera la jurisprudence du Comité. En tout état de cause, nous sommes d’avis que le Comité aurait dû suivre en l’espèce l’interprétation qu’il avait déjà formulée dans l’affaire Judge et aborder la question de savoir si les Philippines avaient violé l’article 6 en réintroduisant la peine capitale en 1993, après l’avoir abolie en 1987. Comme indiqué ci‑dessus, notre réponse à cette question est affirmative.

[Signé] Martin Scheinin

[Signé] Christine Chanet

[Signé] Rajsoomer Lallah

[Adopté en anglais (version originale), en français et en espagnol. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

Opinion individuelle des membres du Comité suivants: M me  Ruth Wedgwood et M. Nisuke Ando

Dans le prolongement de l’opinion individuelle que nous avions formulée au sujet de l’affaire Carpo c. Philippines (no 1077/2002), le 6 mai 2002, nous ne sommes pas en mesure de nous associer aux conclusions que le Comité a formulées au paragraphe 5.2 de ses constatations. En outre, nous ne partageons pas l’opinion dissidente de M. Scheinin, de Mme Chanet et de M. Lallah en l’espèce. Le Comité n’a jamais laissé entendre, et il ne le fait guère plus en l’espèce, qu’une lecture expansionniste du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte devait aller à l’encontre de la volonté d’un État partie de réformer ses dispositions en matière pénale. En l’espèce, l’État partie a modifié sa Constitution pour limiter la peine de mort aux «infractions odieuses» et il a révisé en conséquence ses lois pénales. Il s’efforçait ainsi, de bonne foi, de s’acquitter de l’obligation lui incombant en vertu du Pacte de limiter la peine de mort aux «crimes les plus graves». Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte offre un cadre distinct aux États qui souhaitent abolir la peine de mort dans tous les cas. En laissant entendre que même en cas de suspension temporaire pendant une période de réforme législative une application limitée de la peine de mort devrait être interdite, on ne ferait que décourager toute volonté d’améliorer les dispositions en matière pénale. Une telle interprétation n’est pas confirmée par le texte ou les travaux préparatoires du paragraphe 2 de l’article 6 et serait contraire aux objectifs mêmes visés par les auteurs de cette disposition.

[Signé] Ruth Wedgwood

[Signé] Nisuke Ando

[Adopté en anglais (version originale), en français et en espagnol. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

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