NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/MUS/CO/217 mars 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANTQuarante et unième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales: Maurice

A. Introduction

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la République de Maurice (CRC/C/65/Add.35) à ses 1105e et 1107e séances (voir CRC/C/SR.1105 et CRC/C/SR.1107), tenues le 19 janvier 2006, et a adopté à sa 1120e séance, tenue le 27 janvier 2006, les observations finales ci‑après.

2.Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique de l’État partie ainsi que des réponses écrites détaillées qui ont été données à sa liste des points à traiter (CRC/C/MUS/Q/2), ce qui lui a permis d’avoir une idée claire de la situation des enfants dans le pays.

3.Le Comité apprécie le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et se félicite des réactions positives aux suggestions et recommandations faites au cours du débat.

B. Mesures de suivi adoptées et progrès accomplis par l’État partie

3.Le Comité note avec satisfaction les efforts que l’État partie a faits dans le domaine de la réforme du droit et en particulier l’adoption des lois ci-après:

a)La loi de 1998 sur la protection de l’enfance (Dispositions diverses) portant modification de la loi de 1994 sur la protection de l’enfance ainsi que de 23 textes législatifs;

b)La loi de 2003 relative au Code pénal (modification), qui a introduit dans le droit pénal l’infraction de torture afin de donner effet à l’article 2 de la Convention contre la torture;

c)La loi de 2004 sur la protection contre la violence familiale (modification), qui vise tous les cas de violence familiale;

d)La loi de 2002 sur la discrimination fondée sur le sexe;

e)La loi de 2003 sur l’utilisation abusive de l’informatique et la cybercriminalité, qui érige la pédopornographie en infraction pénale;

f)La loi de 2004 sur l’état civil (modification); et

g)La loi de 2005 sur le Conseil national de l’enfance portant création du Conseil de l’enfance à Rodrigues.

5.Le Comité se félicite que l’État partie ait ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après ou y ait adhéré:

a)Le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2005;

b)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2003;

c)La Convention n° 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, en juin 2000;

d)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en 2002; et

e)La Convention n° 33 de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, en 1998.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

6.Le Comité note avec satisfaction que certaines des préoccupations qu’il a exprimées et des recommandations qu’il a formulées (CRC/C/15/Add.64 d’octobre 1996) lors de l’examen du rapport initial de l’État partie (CRC/C/65/Add.35) ont donné lieu à des mesures et à des dispositions législatives. Cependant, les recommandations relatives, notamment, aux réserves, au manque de centres de réadaptation destinés aux enfants victimes de violence et à l’insuffisance des travaux de recherche dans des domaines cruciaux concernant les enfants n’ont pas été suffisamment prises en compte. Le Comité note que ces préoccupations et recommandations sont réitérées dans le présent document.

7. Le Comité prie instamment l’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations figurant dans les observations finales relatives au rapport initial qui n’ont pas encore été appliquées et de donner la suite requise aux recommandations contenues dans les présentes observations finales relatives au rapport périodique suivant.

Réserves

8.Le Comité note que la réserve émise à l’égard de l’article 22 de la Convention n’a pas encore été retirée. Cependant, il juge encourageantes les informations fournies par la délégation, selon lesquelles l’État partie est décidé à retirer cette réserve.

9. Le Comité recommande de nouveau à l’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour retirer, conformément à la Déclaration et au Plan d’action de Vienne de 1993, la réserve émise à l’égard de l’article 22 de la Convention.

Législation

10.Le Comité note avec satisfaction les diverses mesures que l’État partie a prises pour modifier les lois existantes et en introduire de nouvelles afin d’assurer le respect de la Convention relative aux droits de l’enfant. Cependant, il reste préoccupé par le fait qu’une partie de la législation n’est pas conforme aux principes et dispositions de la Convention, notamment dans les domaines de l’adoption et de la justice pour mineurs.

11. Le Comité recommande à l’ État partie d’intensifier ses efforts en continuant de revoir sa législation afin qu’elle soit pleinement conforme aux principes et dispositions de la Convention. En outre, il l’engage à envisager de promulguer une loi complète relative à l’enfance qui regrouperait les divers textes législatifs visant tous les aspects des droits de l’enfant.

Coordination

12.Tout en prenant note du rôle du Ministère des droits de la femme, du développement de l’enfant et de la protection de la famille et du consommateur, le Comité s’inquiète du manque de coordination entre les différents services et institutions de l’État qui traitent des droits de l’enfant.

13. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer davantage la coordination entre les divers organes et institutions de l’État à tous les niveaux et de prêter une attention particulière aux différentes régions.

Plan d’action national

14.Le Comité prend note avec satisfaction du processus de révision de la politique relative à l’enfance et du plan d’action national proposés en 2003 et 2004, l’accent étant mis sur la prise en charge et le développement de la petite enfance et sur le programme d’autonomisation des parents. Il note également que ce plan d’action national comprendra un mécanisme de contrôle effectif du respect des dispositions de la Convention.

15. Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer un plan d’action national complet visant tous les aspects de la Convention et intégrant les objectifs et les buts contenus dans le document «Un monde digne des enfants», que l’Assemblée générale a adopté à sa session extraordinaire de 2002 consacrée aux enfants. À cet égard, il lui recommande de faire participer le Bureau du médiateur des enfants et la société civile à la révision et à la mise en œuvre de ce plan d’action national.

Mécanisme indépendant de surveillance

16.Le Comité se félicite de la mise en place de la Commission nationale des droits de l’enfant en 2001 ainsi que du Bureau du médiateur des enfants en décembre 2003. Tout en saluant le travail très utile du Bureau du médiateur en matière d’enquêtes et de sensibilisation, il s’inquiète de la modicité des ressources humaines et financières allouées pour son fonctionnement. Il est également préoccupé par le fait que le personnel du Bureau du médiateur est détaché d’autres services de l’État, ce qui limite sa totale indépendance.

17. Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à ce que des ressources humaines et financières suffisantes soient allouées au Bureau du médiateur des enfants. Il lui recommande également de renforcer cet organisme en lui permettant de recruter du personnel qualifié et dûment formé. Il recommande en outre que le Bureau du médiateur prenne systématiquement part à la révision de toutes les lois et politique s relatives à l’enfant.

Ressources consacrées aux enfants

18.Le Comité prend note de l’évolution positive de l’économie de l’État partie, mais s’inquiète de l’insuffisance des ressources consacrées à la mise en œuvre des droits de l’enfant. À cet égard, il est également préoccupé par les disparités de développement entre les zones urbaines et les zones rurales ainsi qu’entre les différentes îles.

19. Pour renforcer l’application de l’article 4 de la Convention et à la lumière des articles 2, 3 et 6, le Comité recommande à l’ État partie d’établir des priorités en matière de crédits budgétaires en prêtant une attention particulière aux disparités régionales afin de garantir la réalisation des droits de l’enfant dans toute la mesure des ressources disponibles et, autant que faire se peut, dans le cadre de la coopération internationale et en recourant à une approche fondée sur les droits.

Collecte de données

20.Tout en se félicitant des informations fournies par l’État partie dans son rapport et dans ses réponses écrites, le Comité est préoccupé par le manque de données tant qualitatives que quantitatives ventilées par sexe, âge et région dans certains domaines visés par la Convention.

21. Le Comité recommande à l’ État partie de renforcer son système de collecte de données et d’indicateurs ayant trait aux dispositions de la Convention, ventilés par sexe, âge et région, l’accent étant mis spécifiquement sur les personnes particulièrement vulnérables, notamment les enfants vivant dans la pauvreté et les enfants handicapés. Il l’encourage en outre à utiliser ces indicateurs et ces données pour élaborer des lois, des politiques et des programmes aux fins de la mise en œuvre effective de la Convention.

Formation et diffusion de la Convention

22.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts faits par l’État partie, et en particulier par le Bureau du médiateur des enfants, pour diffuser la Convention. Néanmoins, il s’inquiète de ce que celle-ci soit peu connue et diffusée parmi les enfants et les adultes, en particulier à Rodrigues et Agalega.

23. Le Comité recommande à l’ État partie de renforcer et de rendre systématiques ses programmes de formation dans le domaine des droits de l’homme, notamment ceux qui ont trait aux principes et dispositions de la Convention, pour tous les groupes professionnels qui travaillent avec et pour les enfants, en particulier les juges, les avocats, les agents de la force publique, les responsables traditionnels et religieux, le personnel des institutions et des centres de détention pour les enfants, les enseignants, le personnel de santé et les travailleurs sociaux. À cet égard, une attention particulière devrait être portée à Rodrigues et Agalega .

Coopération avec la société civile

24.Tout en se félicitant des efforts faits par l’État partie pour coopérer davantage avec les organisations non gouvernementales (ONG), le Comité s’inquiète de ce que l’État partie ait délégué une partie de ses responsabilités et obligations relatives à l’application de certaines dispositions de la Convention à des ONG sans fournir à celles-ci les ressources, orientations et lignes directrices nécessaires.

25. Le Comité rappelle que l’application de la Convention incombe en premier lieu à l’État partie et recommande à celui-ci de poursuivre ses efforts pour renforcer la coopération avec les ONG et les associer systématiquement, à tous les stades, à la mise en œuvre de la Convention comme à l’élaboration de principes d’action. Le Comité recommande également à l’État partie de fournir les ressources financières et autres voulues aux ONG pour leur permettre d’assumer les responsabilités et obligations des autorités nationales en ce qui concerne l’application de la Convention. Il renvoie l’ État partie aux recommandations adoptées à l’issue de la journée de débat général qu’il a tenue en 2002 sur le thème suivant: «Le secteur privé en tant que prestataire de services et son rôle dans la mise en œuvre des droits de l’enfant» (CRC/C/121, par. 630).

Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination

26.Tout en se félicitant que plusieurs mesures aient été adoptées pour aider les groupes vulnérables, le Comité s’inquiète de ce que dans la pratique, la discrimination persiste à l’égard de certains groupes d’enfants, en particulier les enfants handicapés, les enfants touchés et/ou infectés par le VIH/sida, les enfants de familles défavorisées et les petites filles.

27. Le Comité recommande à l’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination de fait, dans le strict respect de l’article 2 de la Convention.

28.Le Comité demande que, dans le prochain rapport périodique, figurent des renseignements précis sur les mesures et programmes ayant trait à la Convention engagés par l’État partie pour donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés par la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, compte tenu également de l’Observation générale n o  1 (2001) du Comité sur les buts de l’éducation.

Intérêt supérieur de l’enfant

29.Le Comité relève que, même si le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas énoncé expressément dans la Constitution, plusieurs lois nationales en tiennent compte. Cependant, il constate, avec préoccupation, que ce principe n’est pas appliqué pleinement ni dûment intégré dans la mise en œuvre des politiques et programmes de l’État partie, non plus que dans les décisions administratives et judiciaires, par exemple celles qui touchent à la garde de l’enfant et au droit de visite.

30. Le Comité recommande que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, tel que consacré par l’article 3 de la Convention, soit appliqué systématiquement dans les décisions judiciaires et administratives ainsi que dans les programmes, projets et services qui ont trait aux enfants dans diverses situations.

Respect des opinions de l’enfant

31.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour mettre en œuvre le principe du respect des opinions de l’enfant, mais observe avec préoccupation que celles-ci ne sont pas systématiquement prises en compte, notamment dans le cadre scolaire et dans l’élaboration des politiques.

32. À la lumière de l’article 12 de la Convention, le Comité recommande à l’ État partie de poursuivre et d’intensifier les efforts qu’il fait pour promouvoir le droit de l’enfant d’exprimer pleinement ses vues sur toutes les questions qui le touchent, notamment à l’école, dans les médias, les tribunaux, les organes administratifs et dans la société en général.

Libertés et droits civils (art. 7, 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

Enregistrement des naissances

33.Le Comité note avec satisfaction les initiatives entreprises par l’État partie pour faire face au problème des déclarations tardives de naissance et des enfants qui ne sont pas inscrits à l’état civil, notamment la mise en place, en août 2005, d’un Comité de haut niveau coprésidé par le Procureur général et par le Ministre des droits de la femme, du développement de l’enfant et de la protection de la famille et du consommateur. Il note également la mise en place d’une permanence téléphonique fonctionnant 24 heures sur 24 qui permet d’effectuer les déclarations tardives. Cependant, il relève également que l’enregistrement de telles déclarations tardives reste un processus compliqué et très long.

34. Le Comité encourage l’ État partie à poursuivre ses efforts pour que les cas de déclarations tardives soient réglés plus promptement.

Droit à la vie privée

35.Le Comité partage les préoccupations de l’État partie quant au fait que la vie privée des enfants qui ont été victimes de violences ou qui sont en conflit avec la loi n’est pas toujours respectée par la presse, vu que certains journaux continuent de rendre compte de ces affaires d’une façon qui permet d’identifier aisément les enfants en publiant leur photo et leur nom ou le récit détaillé des violences subies. Il note également qu’aucune loi ne garantit le respect de la vie privée de l’enfant par les médias.

36. Le Comité recommande à l’ État partie de prendre toutes les mesures législatives nécessaires pour protéger pleinement le droit de l’enfant à la vie privée et de soutenir les initiatives prises dans ce domaine par le médiateur des enfants, notamment sa proposition d’élaborer un code de déontologie. Il lui recommande également de mettre en place des activités de formation sur les principes et les dispositions de la Convention à l'intention des rédacteurs en chef et des journalistes.

Châtiments corporels

37.Tout en notant que les règlements de 1957 sur l’éducation interdisent les châtiments corporels dans les écoles, le Comité reste préoccupé par le fait que ces châtiments ne sont pas expressément prohibés au sein de la famille et dans d’autres contextes, notamment dans les différents systèmes de prise en charge de l’enfant.

38. Le Comité réitère ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.64, par. 31) et prie instamment l’ État partie d’interdire, par des mesures législatives et autres, les châtiments corporels infligés aux enfants dans la famille, les écoles, les institutions pénales et les différents systèmes de prise en charge. Il lui recommande en outre de mener des campagnes de sensibilisation auprès des adultes et des enfants afin de promouvoir des méthodes d’éducation non violentes, positives et associant les enfants.

Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4), et 39 de la Convention)

Transfert illicite et non ‑retour

39.Tout en notant que l’État partie a ratifié puis transposé dans sa législation nationale la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, le Comité s’inquiète cependant de la lenteur avec laquelle l’État partie reconnaît officiellement les autres pays en tant que parties à la Convention lorsqu’ils ont adhéré à celle‑ci, ce qui entrave l’application effective de la Convention dans les affaires d’enlèvement international d’enfants.

40.Le Comité recommande à l’État partie de reconnaître officiellement à tous les autres États qui ont adhéré à la Convention de La Haye la qualité de partie à celle‑ci, afin que les enfants enlevés bénéficient d’une protection immédiate et effective conformément à ladite convention ainsi qu’aux articles 11 et 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Séparation d’avec les parents

41.Le Comité est préoccupé par le fait que conformément à la loi sur les mineurs délinquants, un parent ou tuteur peut demander à un tribunal de placer un enfant dans une institution en affirmant simplement sous serment que l’enfant est «incontrôlable».

42. Le Comité recommande à l’ État partie , compte tenu de la réforme en cours du système de justice pour mineurs, de respecter pleinement les principes et dispositions de la  Convention relative aux droits de l’enfant . Il lui recommande également de supprimer la possibilité laissée aux parents de placer un enfant dans une institution sur la foi d’une déclaration faite devant un tribunal pour mineurs. Il recommande en outre à l’État partie de fournir aux familles qui ont des difficultés à élever leurs enfants l’aide et les services de conseil nécessaires.

Examen périodique du placement

43.Le Comité note avec préoccupation que peu d’institutions examinent régulièrement le dossier des enfants qui y sont placés. Il s’inquiète également de ce qu’un examen psychologique soit réalisé uniquement en cas de modification manifeste du comportement de l’enfant.

44. Le Comité recommande à l’ État partie d’adopter un mécanisme complet d’examen périodique des enfants placés dans des institutions.

Adoption

45.Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’est pas expressément prévu d’établir un rapport social pour aider les juges à déterminer si l’adoption est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’inquiète également de l’absence de système de suivi.

46. Le Comité recommande à l’ État partie de prendre des mesures législatives pour que, dans les affaires d’adoption, la décision du juge soit étayée par des informations pertinentes concernant à la fois l’enfant et les parents adoptifs afin de garantir que l’adoption sert l’intérêt supérieur de l’enfant.

Sévices, violence et délaissement

47.Le Comité s’inquiète de la fréquence des cas de sévices et de délaissement, notamment de violences sexuelles, dont les enfants sont victimes dans l’État partie. Il est également préoccupé par l’absence de services spécialisés et intégrés dotés de personnel spécialisé dans le rétablissement, la réadaptation et la réinsertion des enfants victimes de violences. Il s’inquiète en outre de l’absence de foyers d’accueil pour les enfants, en particulier pour les petites filles qui peuvent être contraintes de retourner au domicile d’adultes maltraitants.

48. Le Comité recommande à l’ État partie:

a) De créer les services nécessaires pour les soins, le rétablissement et la réinsertion des enfants victimes de violences;

b) De veiller à ce que la vie privée de l’enfant victime soit protégée dans les procédures judiciaires; et

c) D’apprendre aux parents, aux enseignants, aux agents de la force publique, aux travailleurs sociaux, aux magistrats, aux professionnels de la santé et aux enfants eux ‑mêmes à déceler, signaler et gérer les cas de violence et de sévices, en recourant pour cette formation à une démarche pluridisciplinaire et multisectorielle .

49. Eu égard à l’étude approfondie du Secrétaire général sur la question de la violence dont sont victimes les enfants (A/RES/56/138) et au questionnaire connexe envoyé aux gouvernements, le Comité prend acte avec satisfaction des réponses écrites de l’État partie et de sa participation à la consultation sous ‑régionale pour les États insulaires de l’océan Indien, qui s’est tenue à Madagascar du 25 au 27 avril 2005, et à la consultation régionale pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, qui s’est tenue en Afrique du Sud du 18 au 20 juillet 2005. Il recommande à l’État partie de se fonder sur les résultats de celle ‑ci pour faire en sorte, en partenariat avec la société civile, que tous les enfants soient protégés contre toutes les formes de violence physique ou morale, et pour favoriser l’adoption de mesures concrètes, et si nécessaire assorties de délais, afin de prévenir ces violences et sévices et d’y répondre.

Santé et bien ‑être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26 et 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

50.Le Comité note les progrès réalisés par l’État partie, en particulier la codification de la langue des signes en créole mauricien et la publication d’un dictionnaire de cette langue. Cependant, il reste préoccupé par la faible proportion d’enfants handicapés qui sont scolarisés, en particulier en raison du manque d’accessibilité des écoles, la plupart étant situées dans les zones urbaines. Il est également préoccupé par le peu d’empressement des écoles à admettre des enfants handicapés de crainte que ceux‑ci ne ralentissent le rythme d’apprentissage. Il s’inquiète en outre de ce que la Constitution ne prévoie pas de protection contre la discrimination fondée sur le handicap.

51. Le Comité recommande à l’ État partie, compte tenu des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l’Assemblée générale) et des recommandations adoptées par le Comité à l’occasion de sa journée de débat général sur les enfants handicapés (CRC/C/69, par. 310 à 339), d’encourager davantage l’intégration des enfants handicapés dans le système éducatif ordinaire et leur intégration sociale la plus complète possible. Il lui recommande également:

a) De recueillir des données statistiques appropriées sur les enfants handicapés, permettant d’analyser en détail les problèmes auxquels ils doivent faire face;

b) De mettre en place un système national de dépistage, d’orientation et d’intervention précoces; et

c) De faire davantage appel à l’assistance et à la coopération techniques pour créer des établissements spécialisés plus efficaces, y compris des centres de jour, et pour former les parents et le personnel travaillant avec et pour les enfants.

Santé et services de santé

52.Nonobstant les diverses mesures que l’État partie a prises pour développer les services de santé ainsi que les soins prénatals et postnatals et les rendre accessibles à tous gratuitement, le Comité reste préoccupé par:

a)Les disparités régionales dans l’accès aux services de santé;

b)Les taux élevés de mortalité infantile;

c)La malnutrition infantile et maternelle;

d)Le net recul de l’allaitement maternel; et

e)L’accès limité à une eau de boisson propre et sûre à Rodrigues.

53. Le Comité recommande à l’ État partie:

a) D’affecter des ressources financières et humaines en priorité au secteur de la santé afin d’assurer l’égalité d’accès à des services de santé de qualité aux enfants de toutes les régions du pays;

b) De poursuivre ses efforts pour améliorer les soins prénatals, notamment les programmes de formation à l’intention des sages ‑femmes et des accoucheuses traditionnelles, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les taux de mortalité infantile, en particulier dans les zones rurales;

c) D’améliorer l’état nutritionnel des nourrissons, des enfants et des mères;

d) D’assurer l’accès à une eau potable et à des installations d’assainissement dans toutes les régions du pays, et en particulier à Rodrigues ; et

e) D’encourager l’allaitement exclusif pendant les six premiers mois de la vie et l’introduction d’un régime approprié par la suite.

Santé des adolescents

54.Le Comité s’inquiète du taux élevé de grossesses précoces et de l’accès limité des adolescents aux services de santé procréative.

55. Le Comité recommande à l’ État partie , compte tenu de l’Observation générale n o  4 (2003) sur la santé et le développement des adolescents dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/GC/2003/4):

a) D’intensifier ses efforts pour que tous les adolescents aient accès aux services de santé procréative ;

b) D’inclure l’éducation à la santé en matière de procréation dans les programmes scolaires;

c) De mener des campagnes de sensibilisation afin d’informer les adolescents de leurs droits en matière de santé procréative et des moyens de prévenir les maladies sexuellement transmissibles, le VIH/sida et les grossesses précoces; et

d) De fournir une aide particulière aux adolescentes enceintes, notamment par l’intermédiaire des structures communautaires et des prestations de sécurité sociale, en veillant à ce qu’elles achèvent leur scolarité.

VIH/sida

56.Le Comité se félicite de l’adoption du Plan d’action national stratégique sur le VIH/sida 2001‑2005 et de la fourniture gratuite d’antirétroviraux aux femmes enceintes en vue de réduire la transmission mère‑enfant. Il est néanmoins préoccupé par la méconnaissance du VIH/sida qui se traduit par la peur et par des comportements discriminatoires à l’égard des personnes infectées ou touchées.

57. Le Comité recommande à l’ État partie d’intégrer le respect des droits de l’enfant dans l’élaboration et la mise en œuvre de ses politique s et stratégies relatives au VIH/sida, compte tenu de son Observation générale n o 3 (2003) sur le VIH/sida et les droits de l’enfant (CRC/GC/2003/3).

Niveau de vie

58.Le Comité s’inquiète de l’ampleur de la pauvreté et de l’importance des disparités régionales, le taux de pauvreté étant plus élevé à Rodrigues. Tout en se félicitant des efforts que l’État partie a faits pour réduire la pauvreté, il constate que les conditions de vie des groupes vulnérables ne se sont guère améliorées, en particulier en ce qui concerne l’accès à un logement décent, à l’éducation et aux soins de santé.

59.Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour que les besoins de tous les enfants soient satisfaits, en particulier au sein des familles défavorisées et dans les régions reculées, de façon qu’ils ne vivent pas dans la pauvreté et que leurs droits à un logement convenable, à l’éducation et à la santé soient respectés.

Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31 de la Convention)

60.Le Comité prend acte des progrès remarquables accomplis dans le domaine de l’éducation, notamment des réformes du système éducatif qui sont en cours. Il se félicite de la mise en place de zones d’éducation prioritaire (ZEP) en tant que mesure d’égalisation des chances visant à réduire les disparités dans le degré d’instruction des enfants. Cependant, il craint que la réforme proposée n’introduise un élément de classification injuste, fondé sur l’obtention d’une note minimale relativement élevée, pour l’accès aux écoles secondaires nationales. Il s’inquiète également de l’absence de matériel pédagogique en créole en sus du matériel en anglais, qui est la langue officielle de l’enseignement scolaire. En outre, il constate avec préoccupation que la question des droits de l’homme ne figure pas dans les programmes scolaires.

61. Le Comité recommande à l’ État partie:

a) De veiller à ce que les réformes proposées garantissent l’accès à l’enseignement secondaire gratuit et obligatoire pour tous les enfants, quelles que soient leur situation sociale et leur origine ethnique;

b) D’élaborer une politique relative à l’emploi du créole au stade du développement de la petite enfance et dans l’enseignement primaire; et

c) D’introduire l’éducation dans le domaine des droits de l’homme , notamment les principes et dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant , dans les programmes scolaires.

8. Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 38, 39, 40, 37 b) à d) et 32 à 36 de la Convention)

Consommation de drogues

62.Tout en notant la mise en place du Fonds national pour le traitement et la réadaptation des toxicomanes (NATRESA) en vue de coordonner toutes les actions menées par les diverses ONG pour prévenir et combattre la consommation de drogues chez les enfants, le Comité s’inquiète néanmoins de ce qu’un grand nombre d’enfants soient toujours victimes de la drogue.

63.Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses efforts pour lutter contre la consommation de drogues par les enfants et en particulier de renforcer les campagnes de sensibilisation, les mesures de prévention et les programmes de réadaptation et de réinsertion sociale.

Exploitation sexuelle

64.Le Comité se félicite de l’adoption du Plan d’action national relatif à la protection des enfants contre les violences sexuelles, notamment l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (2003‑2004). Il juge également encourageantes les informations selon lesquelles un centre d’accueil «portes ouvertes» sera finalement opérationnel pour la réadaptation des enfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Cependant, le Comité reste alarmé par le grand nombre d’enfants victimes de tels sévices.

65. Compte tenu de l’article 34 et des articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faire appliquer des politiques et programmes visant à prévenir l’exploitation sexuelle des enfants et à réadapter et à réinsérer les enfants victimes, conformément à la Déclaration et au Programme d’action ainsi qu’à l’Engagement mondial adoptés en 1996 et 2001, respectivement, lors des Congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Justice pour mineurs

66.Le Comité accueille avec satisfaction les informations selon lesquelles le système de justice pour mineurs sera revu, mais reste préoccupé par l’absence de disposition légale établissant clairement l’âge minimum de la responsabilité pénale. Il s’inquiète en outre du faible recours aux mesures de substitution socioéducatives et de l’application fréquente de peines privatives de liberté.

67. Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à appliquer pleinement les normes relatives à la justice pour mineurs, en particulier les articles 37 b), 40 et 39 de la Convention ainsi que l’Ensemble de Règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et les Principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), en tenant également compte des recommandations qu’il a formulées lors de sa journée de débat général sur l’administration de la justice pour mineurs. En particulier, le Comité recommande à l’ État partie :

a) D’adopter des dispositions légales fixant l’âge minimum de la responsabilité pénale à un niveau acceptable sur le plan international ;

b) D’accroître la disponibilité et l’accessibilité des mesures de substitution pour les délinquants mineurs en ayant recours à la mise à l’épreuve;

c) De prendre toutes les mesures nécessaires, outre celles énoncées à l’alinéa  b , pour limiter le recours de facto à des peines privatives de liberté, et de veiller à ce que ces peines ne soient réellement appliquées qu’en dernier recours; et

d) De mettre régulièrement en œuvre des programmes de formation relatifs aux normes internationales pertinentes, à l’intention de tous les professionnels qui interviennent dans le système de justice pour mineurs.

9. Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant

68.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie a signé mais n’a pas ratifié les Protocoles facultatifs à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

69. Le Comité recommande à l’ État partie de ratifier les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés .

10. Suivi et diffusion

Suivi

70. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des présentes recommandations , notamment en les communiquant aux membres du Conseil des ministres, du Cabinet ou de tout autre organe analogue, au Parlement et aux autorités et parlements des provinces ou des États, s’il y a lieu, afin qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet.

Diffusion

71. Le Comité recommande en outre à l’État partie de diffuser largement dans les langues du pays, y compris mais non exclusivement via l’Internet son deuxième rapport périodique et ses réponses écrites, ainsi que les recommandations du Comité s’y rapportant (observations finales), auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants afin de susciter un débat et une prise de conscience à propos de la Convention, de sa mise en œuvre et de son suivi.

11. Prochain rapport

72. Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique avant la date fixée par la Convention pour le cinquième rapport périodique, à savoir le 1 er  septembre 2012. Ce rapport devrait conjuguer les troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques. Toutefois, étant donné que le Comité reçoit chaque année un grand nombre de rapports et qu’il s’écoule donc beaucoup de temps entre la date où l’État partie présente son rapport et celle où le Comité l’examine, ce dernier invite l’État partie à présenter un document de synthèse comprenant ses troisième, quatrième et cinquième rapports 18 mois avant la date fixée, soit le 1 er  mars 2011. Ce rapport ne devrait pas excéder 120 pages (voir CRC/C/148) . Le Comité compte que l’ État partie présentera ensuite un rapport tous les cinq ans, comme le prévoit la Convention.

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