Nations Unies

CED/C/21/2

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

20 octobre 2021

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Rapport sur les demandes d’action en urgence reçues au titre de l’article 30 de la Convention *

A.Introduction

1.Le Règlement intérieur du Comité dispose en ses articles 57 et 58 que sont portées à l’attention du Comité toutes les demandes d’action en urgence qui sont présentées pour examen par le Comité au titre de l’article 30 de la Convention. Tout membre du Comité qui en fait la demande peut obtenir le texte intégral de toute demande dans la langue originale. Le présent rapport résume les principales questions traitées concernant les demandes d’action en urgence reçues par le Comité et les décisions prises depuis la vingtième session du Comité au titre de l’article 30 de la Convention.

B.Demandes d’action en urgence reçues depuis la vingtième session du Comité

2.Dans le rapport sur les demandes d’action en urgence adopté à sa vingtième session, le Comité rendait compte des décisions prises au sujet des 1 013 demandes d’action en urgence enregistrées au 1er avril 2021. Entre cette date et le 15 septembre 2021, le Comité a reçu 400 nouvelles demandes d’action en urgence, dont 397 ont été enregistrées. Une demande n’a pas été enregistrée car elle concernait un cas de disparition présumée dans un État qui n’avait pas ratifié la Convention : conformément à la pratique établie, cette demande a été transmise au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Une deuxième demande faisait état de faits qui n’étaient pas constitutifs d’une disparition telle qu’elle est définie par la Convention. Une troisième demande ne comportait pas suffisamment de renseignements pour établir les faits. Les 397 nouvelles demandes enregistrées concernent des disparitions en Colombie, à Cuba, au Honduras, en Iraq, au Mali, au Maroc et au Mexique.

3.Au 15 septembre 2021, le Comité avait enregistré 1 410 demandes d’action en urgence, comme indiqué dans le tableau ci-après.

Demandes d’action en urgence enregistrées au 15 septembre 2021, par année et par État partie

Année

Argentine

Arménie

Bolivie (État plurinational de)

Brésil

Burkina Faso

Cambodge

Colombie

Cuba

Honduras

Iraq

Kazakhstan

Lituanie

Mali

Mauritanie

Mexique

Maroc

Niger

Paraguay

Pérou

Sri Lanka

Slovaquie

Togo

Tunisie

Total

2012

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

5

-

-

-

-

-

-

-

-

5

2013

-

-

-

-

-

-

1

-

-

-

-

-

-

-

4

-

-

-

-

-

-

-

-

5

2014

-

-

-

1

-

1

1

-

-

5

-

-

-

-

43

-

-

-

-

-

-

-

-

51

2015

-

-

-

-

-

-

3

-

-

42

-

-

-

-

166

-

-

-

-

-

-

-

-

211

2016

-

-

-

-

-

-

4

-

-

22

-

-

-

-

58

1

-

-

-

-

-

-

-

85

2017

2

1

-

-

-

-

3

-

-

43

2

-

-

1

31

2

-

-

-

1

-

-

-

86

2018

-

-

-

-

-

-

9

1

14

50

-

-

-

-

42

-

-

-

-

-

-

2

-

118

2019

-

-

1

-

-

2

3

3

-

226

-

2

-

-

10

-

-

-

-

-

-

-

1

248

2020

1

-

-

-

1

1

2

-

9

103

-

-

1

-

57

-

1

-

14

-

1

1

-

192

2021 a

-

-

-

-

-

-

153

188

2

31

-

-

11

-

21

2

-

1

-

-

-

-

-

409

Total

3

1

1

1

1

4

179

192

25

522

2

2

12

1

437

5

1

1

14

1

1

3

1

1 410

aAu 15 septembre 2021.

C.Point sur la situation depuis la vingtième session (jusqu’au 15 septembre 2021)

4.En 2020, le Comité a enregistré 192 nouvelles demandes d’action en urgence et envoyé 102 notes de suivi dans lesquelles il formulait à l’intention des États parties concernés des recommandations ciblées relatives aux procédures de recherche et d’enquête concernant la disparition forcée signalée. Entre le 1er janvier et le 15 septembre 2021, le Comité a enregistré 409 nouvelles demandes d’action en urgence et adressé 38 notes de suivi.

5.Tout au long de la procédure, le Comité entretient des contacts permanents avec les États parties, par l’intermédiaire de leur mission permanente, et avec les auteurs des demandes d’action en urgence, au moyen de notes et de lettres, ainsi que dans le cadre de réunions et par téléphone. Le Comité compte aussi beaucoup sur la collaboration du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et des présences des Nations Unies sur le terrain, qui souvent relaient les informations entre les auteurs des demandes d’action en urgence (principalement les parents des personnes disparues) et le Comité.

6.Sans prétendre à une analyse exhaustive de toutes les informations reçues au titre de la procédure d’action en urgence, les paragraphes ci-après comportent une description des problèmes généraux et particuliers constatés et des tendances observées dans certains des États parties au cours de la période considérée, ainsi que de faits nouveaux survenus en matière de contestation sociale.

1.Tendances générales observées au cours de la période considérée

7.Les informations reçues dans le cadre de la procédure d’action en urgence confirment un certain nombre de tendances dont il a précédemment été fait état dans les rapports adoptés par le Comité à ses onzième à vingtième sessions, notamment les tendances décrites dans les paragraphes suivants.

a)Défaut de coopération avec le Comité

8.Chaque fois que l’État partie concerné ou l’auteur de la demande d’action en urgence ne fournit pas d’informations de suivi dans le délai fixé par le Comité, celui-ci lui adresse jusqu’à trois rappels. Lorsqu’un État partie ne répond pas après le troisième rappel, le Comité envoie un dernier rappel, dans lequel il indique qu’il pourrait décider de rendre cette situation publique à sa prochaine session, en en faisant état dans son rapport sur les demandes d’action en urgence, puis dans son prochain rapport à l’Assemblée générale. Au 15 septembre 2021, le Comité avait envoyé un dernier rappel à des États parties concernant 290 demandes d’action en urgence et n’avait reçu aucune réponse de ces États parties : 1 demande concernant le Mali, 9 demandes concernant le Mexique et 280 demandes concernant l’Iraq. Le Comité considère que le fait pour un État partie de ne pas répondre à une demande d’action en urgence n’est pas conforme à l’obligation internationale qui lui incombe de coopérer de bonne foi avec le Comité et, en particulier, à l’obligation que lui fait l’article 30 (par. 3) de la Convention d’informer le Comité des mesures prises pour localiser la personne disparue et la protéger.

9.Le Comité est également préoccupé par le fait que l’Iraq n’a toujours pas répondu à la majorité des demandes d’action en urgence enregistrées concernant des disparitions survenues sur son territoire. Le Comité a déjà indiqué, dans ses quatre précédents rapports à l’Assemblée générale, que l’Iraq ne respectait pas les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 30 de la Convention.

10.Le Comité est également préoccupé par l’absence, dans certains cas, de réponse de l’auteur d’une demande d’action en urgence. Lorsqu’un auteur ne répond pas après que l’État partie a soumis des observations qui lui ont ensuite été transmises pour commentaires, le Comité lui adresse jusqu’à trois rappels. Lorsque l’auteur ne répond pas après le troisième rappel, le Comité lui envoie un dernier rappel. Au 15 septembre 2021, le Comité avait envoyé un dernier rappel à des auteurs de demandes d’action en urgence et n’avait reçu aucune réponse dans 49 cas : 40 cas concernant le Mexique, 5 cas concernant le Honduras, 2 cas concernant la Colombie, 1 cas concernant le Pérou et 1 cas concernant l’Iraq. Le fait que l’auteur d’une demande d’action en urgence ne réponde pas a pour conséquence que le Comité ne peut pas assurer le suivi de ses recommandations. Si l’absence de réponse est due à la perte de contact avec la famille de la personne disparue, l’auteur doit en informer le Comité, qui suspendra son suivi de l’affaire.

b)Absence de stratégie adaptée à chaque cas, manque de coordination des procédures de recherche et d’enquête et obstacles à la participation effective des proches aux recherches et à l’enquête

11.Dans le cadre de son suivi des demandes d’action en urgence, le Comité a continué de faire part de sa préoccupation quant au fait que des États parties n’avaient pas défini et mis en œuvre une stratégie d’ensemble pour la recherche des personnes disparues et les enquêtes sur leur disparition, conformément aux articles 12 et 24 de la Convention. En pareils cas, le Comité avait précédemment demandé à l’État partie concerné de concevoir et de mettre en œuvre une stratégie de recherche et d’enquête, qui devait être assortie d’un plan d’action et d’un calendrier et faire l’objet d’une évaluation périodique, conformément au principe 8 des Principes directeurs concernant la recherche des personnes disparues. Cependant, dans la majorité de ces cas, les États parties ont continué de faire état de mesures de recherche et d’enquête isolées et non coordonnées, qui dénotaient l’absence d’une telle stratégie et qui empêchaient d’accomplir tout progrès véritable dans la localisation de la personne disparue ou qui y faisaient obstacle.

12.Pendant la période considérée, le Comité a continué de constater un manque apparent de coordination des procédures de recherche et d’enquête dans la majorité des cas ayant donné lieu à l’enregistrement d’une demande d’action en urgence. Ce manque de coordination est généralement dû au fait que les autorités compétentes de l’État ne partagent pas les informations et les éléments qu’elles ont recueillis dans l’exercice de leurs mandats respectifs, ce qui entraîne dans certains cas un chevauchement des activités et dans d’autres des lacunes dans l’information, de sorte que les procédures de recherche et d’enquête continuent de stagner et que la localisation des personnes disparues et l’identification des auteurs des faits souffrent de retards inutiles. Dans de tels cas, le Comité continue de souligner l’importance de la coordination entre les autorités chargées des recherches et celles chargées de l’enquête, afin que toute information obtenue par l’une de ces autorités puisse être utilisée efficacement et rapidement par l’autre, conformément au principe 13 des Principes directeurs concernant la recherche des personnes disparues.

13.Le Comité a été informé d’obstacles auxquels se heurtent les proches de personnes disparues qui souhaitent participer effectivement aux recherches et à l’enquête, notamment le manque d’informations sur les mesures prises par les autorités compétentes dans le cadre des recherches et de l’enquête et sur les résultats obtenus. À cet égard, le Comité continue de recommander aux États parties concernés de mettre en place des mécanismes officiels clairs et bien définis pour informer périodiquement les proches et les représentants des personnes disparues de l’état d’avancement des recherches et de l’enquête et pour leur permettre d’y participer pleinement, en leur donnant accès à toute information utile sur leur déroulement et leurs résultats, conformément à l’article 24 de la Convention et au principe 5 des Principes directeurs concernant la recherche des personnes disparues.

c)Absence d’approche différenciée

14.Le Comité rappelle que la recherche de personnes en situation de vulnérabilité nécessite des procédures, une expérience et des compétences particulières, qui permettent de répondre aux besoins particuliers des intéressés. Dans les demandes d’action en urgence concernant des femmes, le Comité a systématiquement demandé qu’à toutes les étapes, les procédures de recherche soient conduites en tenant compte des besoins particuliers des femmes, par du personnel spécialisé, y compris du personnel féminin. De même, le Comité a demandé qu’une approche différenciée soit adoptée dans les cas de disparition d’enfant, notamment que soit respecté le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant à tous les stades de la procédure de recherche. Cependant, à ce jour le Comité n’a reçu aucune information des États parties concernés sur la manière dont ces recommandations ont été mises en œuvre dans la pratique.

2.Tendances observées en Iraq et au Mexique

15.Pendant la période considérée, l’Iraq et le Mexique sont restés les deux États parties ayant fait l’objet du plus grand nombre de demandes d’action en urgence enregistrées ; à ce jour, 79 % de l’ensemble des demandes d’action en urgence enregistrées concernaient ces deux pays. Toutefois, le Comité a également reçu un nombre croissant de demandes concernant d’autres États parties, en particulier la Colombie et Cuba.

a)Iraq

16.Au 15 septembre 2021, le Comité avait enregistré un total de 522 demandes d’action en urgence liées à des faits survenus en Iraq, ce qui représente 37 % de toutes les demandes d’action en urgence enregistrées à ce jour. Le Comité est très préoccupé par le fait que, selon les informations reçues, les personnes disparues n’ont été retrouvées que dans 27 de ces cas, soit 5 % de toutes les demandes d’action en urgence liées à des faits survenus en Iraq. Au cours de la période examinée, une seule personne disparue au nom de laquelle une demande d’action en urgence avait été déposée a été retrouvée, ce qui accroît l’écart entre le nombre d’actions en urgence ouvertes et celles qui ont été clôturées ou classées.

17.Le Comité constate avec préoccupation qu’il y a une corrélation directe entre le manque de coopération de l’Iraq avec la procédure d’action en urgence prévue par l’article 30 de la Convention, dont il est fait état au paragraphe 9 ci-dessus, et la faiblesse alarmante du nombre de personnes disparues qui ont été retrouvées à ce jour. Le Comité est préoccupé par le fait que, dans certains cas, l’État partie a répondu à un dernier rappel par une demande de renseignements personnels sur les victimes, lesquels avaient déjà été fournis dans la note d’enregistrement initiale.

18.Lorsque l’État partie a envoyé des réponses au Comité − ce qu’il a fait dans moins de la moitié des cas enregistrés −, celles-ci suivaient la même tendance que celle décrite par le Comité dans ses précédents rapports, à savoir que l’État partie n’a communiqué aucune information sur les mesures prises pour rechercher les personnes disparues ou pour mener une enquête sur leur disparition forcée présumée. Comme précédemment, l’État partie a généralement affirmé que les personnes disparues étaient affiliées à des groupes terroristes, sans fournir d’autres renseignements ou éléments sur les accusations précises portées contre elles, les procédures engagées ou les mandats d’arrêt délivrés contre elles. Dans ces cas, le Comité a rappelé à l’État partie que la Convention ne prévoyait aucune exception à l’obligation de rechercher toute personne disparue et d’enquêter sur sa disparition, indépendamment de son profil ou de son appartenance politique. Le Comité souligne en outre que chacun doit avoir accès à la justice et à des recours, y compris les personnes touchées par les régimes de sanctions contre le terrorisme. Le Comité a également demandé à l’État partie de fournir des copies des mandats d’arrêt ou de tout document officiel indiquant que les personnes disparues sont recherchées par les autorités iraquiennes et, si des accusations précises ont été portées contre elles et si des procédures ont été engagées à leur encontre, d’en informer officiellement leurs proches et leurs représentants et de les placer immédiatement sous la protection de la loi afin de permettre la préparation de leur défense et de protéger et promouvoir leur droit à une procédure régulière.

19.Dans de tels cas, le Comité a rappelé à l’État partie que le fait qu’il n’ait pas apporté de réponse précise, d’informations ou d’éclaircissements n’était pas conforme aux obligations que lui fait la Convention, à savoir : en vertu de l’article 12, enquêter sans délai et de manière impartiale sur tout cas allégué de disparition forcée, et prendre les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner les actes qui entravent la conduite de l’enquête ; en vertu de l’article 26 (par. 9), coopérer avec le Comité et assister ses membres dans l’exercice de leur mandat ; en vertu de l’article 30 (par. 3), informer le Comité, dans un délai déterminé, des mesures prises pour localiser la personne concernée et la protéger conformément à la Convention.

20.Dans certains cas, l’État partie a répondu que les proches de la personne disparue n’avaient pas déposé de plainte auprès des autorités compétentes, alors qu’en fait ils l’avaient bien fait auprès de plusieurs autorités administratives et judiciaires au niveau national. En pareils cas, le Comité a rappelé le principe 6 des Principes directeurs concernant la recherche des personnes disparues, selon lequel dès qu’elles ont connaissance, par quelque moyen que ce soit, d’une disparition, ou qu’elles disposent d’indices donnant à penser qu’une personne a été soumise à une disparition forcée, les autorités chargées des recherches ont l’obligation de rechercher et de localiser cette personne ; les autorités compétentes doivent engager d’office, immédiatement et avec diligence les recherches, même si aucune plainte ni aucune demande n’a été officiellement déposée ; le fait que les proches ou les plaignants n’aient pas donné d’informations ne saurait être invoqué pour justifier le fait que des activités de recherche visant à localiser la personne disparue n’ont pas été engagées immédiatement ; même en cas de doute quant à la réalité d’une disparition involontaire, les recherches doivent être engagées immédiatement.

21.Dans certains des cas enregistrés par le Comité, l’État partie a répondu en adressant, par l’intermédiaire du Comité, une invitation aux proches des personnes disparues à se présenter au service de médecine légale du Ministère de la santé pour examiner des photographies de corps non identifiés, au cas où ils pourraient y identifier la personne disparue. Le Comité a indiqué que ces invitations devraient être adressées directement aux proches, lesquels devraient être informés périodiquement de tout résultat des recherches et de l’enquête.

22.Au cours de la période considérée, le Comité a reçu un certain nombre de nouvelles demandes d’action en urgence concernant des disparitions de personnes survenues en 2017. Il a été signalé que lorsque les forces de sécurité iraquiennes étaient sur le point d’entrer dans le district de Hadar, dans la province de Ninive, environ 50 familles sunnites ont fui dans leurs véhicules en direction du village d’Oleba. Des milices affiliées aux forces de sécurité iraquiennes auraient arrêté les hommes, qui ont été emmenés, les yeux bandés et menottés, au carrefour de Hadar. Le Comité a également reçu un certain nombre de nouvelles demandes d’action en urgence concernant la disparition de personnes survenues en 2015, dans le cadre d’opérations militaires menées par les Forces de mobilisation populaire contre l’État islamique d’Iraq et du Levant, à la suite desquelles des familles ont été déplacées. Selon les informations dont dispose le Comité, les Forces de mobilisation populaire ont arrêté les hommes et ne les ont jamais rendus à leur famille. Dans ces deux types d’affaires, le Comité a demandé à l’État partie de confirmer si les personnes disparues étaient détenues dans un lieu de privation de liberté officiel ou non officiel et, dans l’affirmative, de garantir qu’elles seraient autorisées à communiquer avec leur famille, leur conseil ou toute autre personne de leur choix et à recevoir leur visite, conformément à l’article 17 (par. 2 d)) de la Convention, et d’informer le Comité de toute accusation portée contre elles ou de toute procédure engagée à leur encontre. Le Comité attend toujours des informations de l’État partie à ce sujet.

23.S’agissant d’une demande d’action en urgence enregistrée en 2019, le Comité a reçu des informations selon lesquelles le père de la personne disparue, qui avait demandé à de nombreuses reprises que son fils soit libéré et que des sanctions pénales soient imposées aux auteurs des faits, avait été abattu à Amara. Compte tenu de ce qui précède, le Comité a demandé à l’État partie de prendre des mesures immédiates pour réinstaller les proches des victimes, qui risquent de subir des représailles, dans une région plus sûre. Selon les dernières informations reçues des auteurs, l’État partie s’est dit disposé à faciliter la réinstallation des personnes concernées. Cependant, le Comité reste préoccupé par le fait que les proches n’ont pas encore été réinstallés, malgré la menace qui continue de peser sur leur vie.

b)Mexique

24.Au 15 septembre 2021, le Comité avait enregistré un total de 437 demandes d’action en urgence liées à des faits survenus au Mexique, ce qui représente 31 % de toutes les demandes d’action en urgence enregistrées jusqu’à présent. Sur ces 437 actions en urgence, 46 ont été clôturées car la personne disparue avait été retrouvée libre ou retrouvée et libérée ; les autres restent ouvertes ou ont été suspendues (voir le paragraphe 30 ci-dessous).

25.Comme il l’avait souligné dans son précédent rapport, le Comité a continué, au cours de la période considérée, de constater un manque de coordination entre les autorités fédérales et fédérées chargées des recherches et des enquêtes, notamment en ce qui concerne la définition de leurs responsabilités respectives et le partage des informations sur les actions entreprises et les résultats obtenus, ce qui a parfois entraîné un chevauchement des activités menées au deux niveaux. Dans de tels cas, le Comité a systématiquement recommandé une coordination entre les autorités chargées des enquêtes aux niveaux fédéral et fédéré, et que leurs fonctions respectives soient clairement définies.

26.Le Comité a également continué d’insister sur l’obligation faite à l’État partie par la Convention de veiller à ce que les victimes soient informées périodiquement des mesures prises par les autorités chargées des recherches et des enquêtes, et de les associer à ces activités. Des auteurs de demandes d’action en urgence ont continué d’alléguer que les autorités publiques étaient directement ou indirectement impliquées dans les faits entourant les disparitions forcées et que les procédures étaient au point mort. En pareils cas, le Comité a appelé l’attention de l’État partie sur l’importance que revêtait la création de mécanismes permettant de demander des comptes aux fonctionnaires chargés des recherches et des enquêtes, et l’a invité à ouvrir des enquêtes sur les allégations selon lesquelles certains de ces fonctionnaires avaient entravé le bon déroulement des procédures. Enfin, des auteurs de demandes d’action en urgence ont continué de faire état des difficultés qu’avaient les proches de personnes disparues à obtenir l’aide à laquelle ils avaient droit en vertu de la législation nationale et de l’article 24 (par. 6) de la Convention. Dans chacun de ces cas, le Comité a indiqué à l’État partie les mesures qu’il était tenu de prendre en fonction des besoins particuliers des proches de la personne disparue, notamment en ce qui concernait l’accès à la nourriture, à l’éducation, au logement ou aux services de santé. Le Comité a également rappelé l’obligation incombant aux autorités compétentes de l’État partie d’informer les proches de la personne disparue de la nature et de l’étendue de l’aide qu’ils étaient en droit d’attendre des autorités compétentes et de la durée pendant laquelle cette aide était accordée. Le Comité a demandé à l’État partie de veiller à ce que la situation et les besoins des intéressés soient dûment pris en compte par la Commission exécutive d’aide aux victimes dans le cadre de l’élaboration et de la révision des plans d’aide.

3.Disparitions dans le cadre des manifestations en Colombie et à Cuba

27.Au cours de la période considérée, le Comité a enregistré 151 demandes d’action en urgence concernant des disparitions survenues dans le cadre de mouvements de contestation sociale dans plusieurs villes en Colombie depuis le 28 avril 2021, et 187 cas liés au mouvement de contestation sociale qui a débuté à Cuba le 11 juillet 2021. Ces demandes concernaient des manifestants qui auraient été détenus par les forces de sécurité, lesquelles auraient ensuite refusé de donner aux proches de ces manifestants des informations sur le lieu où ils se trouvaient. Le Comité rappelle que le fait de ne pas enregistrer une détention, même de courte durée, suivi du refus de reconnaître la privation de liberté ou de divulguer des informations sur le lieu où se trouve la personne disparue, soustrait cette personne à la protection de la loi et constitue une disparition forcée au sens de l’article 2 de la Convention.

28.Concernant les événements en Colombie, l’État partie a informé le Comité des mesures prises pour rechercher les manifestants disparus, mais a fait part des difficultés qu’il éprouvait à identifier les 151 personnes, du fait de l’absence de numéros d’identification. Le Comité a demandé aux auteurs des demandes d’action en urgence pertinentes de fournir les numéros d’identification ou d’autres renseignements personnels. Cependant, aucune réponse n’a été reçue à ce jour.

29.En ce qui concerne les événements survenus à Cuba, l’État partie a informé le Comité que, bien que des numéros d’identification n’aient été fournis que pour 16 des 187 personnes disparues, il avait pu déterminer où se trouvaient 180 personnes. Sur ces 180 personnes, 152 faisaient ou avaient fait l’objet d’une enquête liée aux manifestations − 86 d’entre elles étaient en détention provisoire et 66 étaient en liberté ou avaient été libérées, soit en application de mesures de substitution à la détention, soit du fait de l’abandon des poursuites −, et 28 personnes n’avaient pas participé aux manifestations. L’État partie a en outre informé le Comité que sept personnes n’avaient pas été identifiées. Les auteurs des demandes d’action ont confirmé que l’une de ces sept personnes avait été signalée par erreur, et ils ont fourni des informations d’identification supplémentaires pour les six autres personnes. Le Comité a pris note avec satisfaction de la rapidité avec laquelle l’État partie avait réussi à localiser 180 personnes, mais a demandé des précisions sur le lieu de détention des 86 personnes qui étaient en détention provisoire, ainsi que la confirmation du fait qu’elles avaient été autorisées à prendre contact avec leurs proches, leurs représentants ou d’autres personnes de leur choix. Le Comité a également demandé des informations supplémentaires concernant les 28 personnes qui n’auraient pas participé aux manifestations.

D.Actions en urgence classées, clôturées, maintenues ouvertes ou suspendues aux fins de la protection des personnes en faveur desquelles des mesures de protection ont été recommandées

30.En application des critères adoptés par le Comité en séance plénière à ses huitième et vingtième sessions :

a)Une action en urgence est classée lorsque la personne disparue a été retrouvée, mais qu’elle est toujours en détention ; en effet, en pareil cas, la personne est particulièrement exposée au risque de disparaître à nouveau et d’être soustraite à la protection de la loi ;

b)Une action en urgence est clôturée lorsque la personne disparue a été retrouvée libre, quand elle a été retrouvée puis libérée ou quand elle a été retrouvée morte, à condition que les membres de la famille ou les auteurs ne contestent pas ces faits ;

c)Une action en urgence est maintenue ouverte si la personne disparue a été retrouvée, mais que les personnes auxquelles des mesures de protection ont été accordées dans le cadre de l’action en urgence restent menacées ; en pareil cas, le Comité se borne à assurer le suivi des mesures de protection ;

d)Une action en urgence, et son suivi par le Comité, sont suspendus lorsque l’auteur de la demande d’action en urgence a perdu le contact avec les membres de la famille de la personne disparue et ne peut plus fournir d’informations de suivi ; une action en urgence suspendue peut être rouverte si l’auteur informe le Comité qu’il a repris contact avec les membres de la famille.

31.Au 15 septembre 2021, le Comité avait clôturé 89 actions en urgence, en avait classé 16 et en avait suspendu 97. Au total, 1 208 actions en urgence restaient ouvertes.

32.Dans deux cas ayant donné lieu à une action en urgence dans lesquels la personne disparue avait été retrouvée morte (no 12/2014, concernant la Colombie, et no 8/2013, concernant le Mexique), l’action en urgence demeurait ouverte car les personnes en faveur desquelles des mesures provisoires de protection avaient été prises continuaient de faire l’objet de menaces.

33.Le Comité se félicite du fait qu’à ce jour, 107 personnes disparues ont été retrouvées. Il se félicite en particulier du fait que dans 83 cas la personne concernée a été retrouvée vivante. À cet égard, le Comité souhaite mettre en relief l’issue positive de demandes d’action en urgence enregistrées au cours de la période considérée concernant des cas à Cuba et au Pérou.