Nations Unies

CAT/C/GTM/CO/5-6

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

24 juin 2013

Français

Original: espagnol

Comité contre la torture

Observations finales sur les cinquième et sixième rapports périodiques du Guatemala, soumis en un seul document, adoptées par le Comité à sa cinquantième session(6-31 mai 2013)

1.Le Comité contre la torture a examiné les cinquième et sixième rapports périodiques du Guatemala, soumis en un seul document (CAT/C/GTM/5-6), à ses 1142e et 1145e séances, les 13 et 14 mai 2013 (CAT/C/SR.1142 et 1145), et a adopté les observations finales ci-après à ses 1161e et 1162e séances, les 27 et 28 mai 2013 (CAT/C/SR.1161 et 1162).

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du document réunissant les cinquième et sixième rapports périodiques du Guatemala, soumis en réponse à la liste de points à traiter établie avant la présentation des rapports (CAT/C/GTM/Q/6). Il sait gré à l’État partie d’avoir accepté de soumettre son rapport conformément à la nouvelle procédure facultative, car celle-ci améliore la coopération avec le Comité et sert de fil conducteur à l’examen du rapport ainsi qu’au dialogue avec la délégation.

3.Le Comité se félicite aussi du dialogue ouvert qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, et accueille avec satisfaction les informations complémentaires qui lui ont été fournies.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen de son quatrième rapport périodique, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après, ou les a ratifiés:

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en juin 2008;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en avril 2009;

c)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en avril 2012.

5.Le Comité salue les dispositions prises par l’État partie pour modifier sa législation dans les domaines touchant la Convention, et notamment:

a)L’adoption de la loi relative au système pénitentiaire (décret législatif no 33-2006);

b)L’adoption de la loi relative à la lutte contre le féminicide et les autres formes de violence à l’égard des femmes (décret législatif no 22-2008);

c)L’adoption de la loi relative à la compétence pénale pour les procès comportant un risque majeur (décret législatif no 21-2009) et la réforme qui a suivi (décret législatif no 35-2009);

d)L’adoption de la loi relative au renforcement des poursuites pénales (décret législatif no 17-2009);

e)L’adoption de la loi relative à la lutte contre la violence sexuelle, l’exploitation et la traite (décret législatif no9-2009).

6.Le Comité salue aussi les mesures prises par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures en vue d’assurer une meilleure protection des droits de l’homme et d’appliquer la Convention, en particulier:

a)La création d’un organe spécialisé dans l’étude des agressions contre les défenseurs des droits de l’homme, en 2008, et la reconduction de ce mandat en 2012;

b)La signature, le 12 décembre 2006, de l’Accord entre l’Organisation des Nations Unies et le Gouvernement du Guatemala sur la création d’une Commission internationale contre l’impunité au Guatemala et sa ratification par le Congrès de la République (décret législatif no 35-2007);

c)La création de tribunaux pénaux de permanence.

7.Le Comité observe avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays. À ce sujet, il note que l’État partie a répondu par l’affirmative à la demande de visite faite par le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et l’encourage à adopter les mesures nécessaires pour que cette visite ait lieu en 2013.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

8.Le Comité note avec préoccupation que la définition de la torture qui figure dans le Code pénal de l’État partie n’a pas encore été adaptée aux dispositions de la Convention en dépit de ses précédentes recommandations et de l’arrêt 18-22 du 17 juillet 2012 de la Cour constitutionnelle. À ce sujet, il prend note de l’intention de l’État partie de faire le nécessaire ainsi que l’a affirmé la délégation au cours du dialogue (art. 1et 4).

Rappelant sa recommandation précédente (CAT /C/GTM/CO/4, par.  10), le Comité invite instamment l ’ État partie à modifier, à titre prioritaire, les dispositions pertinentes du Code pénal, en particulier les articles 201 bis et 425, afin que la définition légale de la torture corresponde à celle de l ’ article premier de la Convention et que les faits de torture soient érigés en infraction pé nale conformément au paragraphe  2 de l ’ article 4 de la Convention. Il lui recommande aussi de garantir l ’ imprescriptibilité des actes de torture.

Allégations de torture et de mauvais traitements

9.Le Comité est préoccupé par les renseignements qui rendent compte d’actes de violence et de mauvais traitements commis par la police pendant l’arrestation et avant que le détenu ne soit mis à la disposition de l’autorité judiciaire compétente. De même, le Comité trouve regrettable qu’il n’existe pas de registre spécifique des plaintes pour torture et mauvais traitements (art. 2, 12, 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures efficaces pour:

a) Faire en sorte que soient menées sans retard des enquêtes impartiales et effectives au sujet de toutes les plaintes formées pour torture ou mauvais traitements, et veiller à ce que les auteurs soient traduits en justice et , s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines à la mesure de la gravité des actes commis ;

b) Faire en sorte que, dans les affaires de torture et de mauvais traitements, les personnes soupçonnées soient immédiatement suspendues ou mutées pendant la durée de l ’ enquête;

c) Veiller à ce que pour toutes les personnes privées de liberté soient respectées dans la pratique, dès le début de la privation de liberté, toutes les garanties juridiques fondamentales, dont celles qui sont énumérées dans l ’ Observation générale n o 2 (200 7 ) du Comité sur l ’ application de l ’ article  2 de la Convention par les États parties;

d ) Faire en sorte que les forces de l ’ ordre reçoivent une formation concernant les devoirs et les responsabilités qui leur incombent en vertu de la Convention ;

e) Veiller à ce que toutes les victimes de torture ou de mauvais traitements obtiennent une réparation appropriée, comprenant une indemnisation et les moyens nécessaires à leur réadaptation physique et psychologique , a insi que le prévoient l’article  14 de la Convention et l’Observation générale n o  3 (2012) du Comité sur l’application de l’article 14 de la Convention ;

f) Créer un registre centralisé recensant les plaintes pour torture et mauvais traitements et les enquêtes, poursuites et condamnations auxquelles elles ont donné lieu .

Enquêtes sur les actes de torture et autres violations graves des droits de l’homme commis durant le conflit armé interne

10.Le Comité prend note avec intérêt des informations données par l’État partie au sujet des enquêtes et des condamnations auxquelles ont donné lieu certaines affaires relatives aux graves violations des droits de l’homme commises durant le conflit armé interne. Néanmoins, il constate avec une vive préoccupation que la plupart des violations des droits de l’homme commises pendant cette période dont, selon les conclusions de la Commission chargée de faire la lumière sur le passé, 626 massacres et plus de 200 000 décès ou disparitions, sont toujours impunies. Le Comité souhaite souligner que, selon la Commission, plus de 90 % des violations des droits de l’homme et des faits de violence commis durant cette période seraient imputables à l’État, et plus de 80 % de ces violations auraient visé la population autochtone. Le Comité souligne que l’impunité viole le droit international des droits de l’homme, les Accords de paix et les lois internes en vigueur. En particulier, il ne peut s’empêcher de noter que l’ancien chef de l’État, Efraín Ríos Montt, a été condamné le 10 mai 2013 pour génocide et crime contre l’humanité mais que cette décision a été annulée par la Cour constitutionnelle le 20 mai 2013 pour des motifs de procédure. Il est également préoccupé par les déclarations qui ont été faites pendant le procès, notamment par des hauts représentants du pouvoir exécutif, qui affirmaient qu’il n’y avait pas eu de génocide au Guatemala, ce qui pourrait avoir influencé les juges. Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant que l’armée du Guatemala ne coopère pas pleinement aux enquêtes. Enfin, le Comité est préoccupé par les informations qui rendent comptent d’agressions et de menaces dont sont l’objet les personnes qui participent aux procédures pénales, notamment aux enquêtes relatives aux violations des droits de l’homme (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

Le Comité rappelle sa recommandation précédente (par.  15), dans laquelle il a instamment invité l ’ État partie à donner pleinement effet à la loi de réconciliation nationale, qui exclut explicitement de l ’ amnistie les personnes coupables de génocide, de torture ou de disparition forcée, ainsi que d ’ infractions imprescriptibles ou qui n ’ admettent pas l ’ extinction de la responsabilité pénale, conformément au droit interne ou aux instruments internationaux ratifiés par le Guatemala. Le Comité recommande également à l ’ État partie:

a) D ’ intensifier l ’ action menée pour garantir que les violations graves des droits de l ’ homme commises pendant le conflit armé interne, en particulier les massacres, les actes de torture et les disparitions forcées, fassent l ’ objet d ’ enquêtes, et  pour traduire en justice les auteurs de ces actes, y compris les supérieurs hiérarchiques de la chaîne de commandement;

b) De veiller à ce que les personnes accusées d ’ actes de torture ou d ’ autres actes équivalents ne bénéficient pas de la prescription ;

c) De garantir que tous les organes participant aux enquêtes disposent des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour s ’ acquitter efficacement de leur mission;

d) De veiller à ce que tous les acteurs publics collaborent pleinement et avec diligence aux enquêtes;

e) D ’ éviter que des agents de l ’ État ne posent des actes ou ne fassent des déclarations publiques susceptibles de nuire à l ’ indépendance de l’appareil judiciaire ;

f) De garantir la sécurité des victimes, des témoins et de tous ceux qui participent aux procédures pénales; à ce sujet, le Comité invite instamment l ’ État partie à faire en sorte que les organes chargés de protéger la société disposent des ressources humaines et financières dont ils ont besoin pour fonctionner de manière efficace .

Disparitions forcées pendant le conflit armé interne

11.Le Comité note avec préoccupation que, malgré les années écoulées depuis la fin du conflit armé interne, le sort de plus de 40 000 personnes présumées victimes de disparition forcée durant cette période n’est toujours pas élucidé, et trouve regrettable qu’il n’existe toujours pas de commission indépendante chargée de retrouver ces personnes. Il prend note des informations communiquées par la délégation, qui a expliqué que les initiatives présentées à ce sujet au Congrès ne pouvaient pas être adoptées et qu’un nouveau texte était en cours de négociation (art. 2, 12, 14 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre sur pied une commission indépendante de recherche des victimes de disparition forcée pendant le conflit armé interne, qui soit conforme aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, et dotée des pouvoirs et des ressources lui permettant de s ’ acquitter efficacement de sa mission. Il lui recommande également de créer un registre national des personnes disparues pour faciliter les recherches et de faire en sorte que toutes les personnes concernées par le processus bénéficient d’un appui suffisant .

Programme national de réparation

12.Le Comité constate que le Programme national de réparation a été mis en place et qu’il fonctionne, mais il note néanmoins que, selon les informations dont il dispose, dans le cadre de ce programme, l’accent serait mis sur les indemnisations financières plutôt que sur les autres mesures de réparation. Il note également que le Programme national de réparation devrait être en vigueur jusqu’au deuxième semestre de 2013 et qu’il serait question de prolonger sa durée (art. 14).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour garantir que toutes les victimes des violations de droits de l ’ homme perpétrées durant le conflit armé interne reçoivent une réparation appropriée, comprenant des mesures qui garantissent leur réadaptation physique ou psychologique, et tenant compte des aspects culturels et des questions de genre . L ’ État partie devrait maintenir le Programme national de réparation jusqu ’ à ce que toutes les victimes aient reç u une réparation appropriée; il  devrait garantir que les mesures législatives ou autres adoptées à ce sujet respectent les normes internationales en matière de réparation , notamment l’article 14 de la Convention ; enfin, il devrait doter le Programme des ressources suffisantes pour que toutes les formes de réparation puissent être exécutées, qu ’ elles soient individuelles ou collectives. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  3 (2012) .

Violence à l’égard des femmes

13.Le Comité salue les mesures législatives et autres prises par l’État partie pour prévenir et réprimer la violence à l’égard des femmes, en particulier l’incrimination du féminicide, mais il note avec une vive préoccupation qu’en dépit de sa précédente recommandation (par. 16) le niveau des violences dont les femmes sont victimes, notamment des meurtres, reste élevé. Il constate avec une grande inquiétude que, selon l’Institut national de médecine légale, on aurait enregistré 709 morts violentes de femmes en 2012 et 200 entre janvier et mars 2013. Il reconnaît en outre les progrès réalisés en matière d’enquêtes et de poursuites pénales, mais il note aussi avec préoccupation que le nombre des condamnations prononcées dans des affaires de violences faites aux femmes reste faible (art. 1, 2, 12, 13, 14 et 16).

Le Comité engage instamment l ’ État partie à:

a) Intensifier l ’ action menée pour prévenir et réprimer la violence à l ’ égard des femmes, notamment les meurtres à motivation sexiste; garantir l ’ application pleine et effective de la législation en vigueur en la matière et assurer une coordination efficace entre les différentes entités qui participent à la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes;

b) Veiller à ce que tous les actes de violence à l ’ égard des femmes fassent l ’ objet sans délai d ’ enquêtes efficaces et impartiales et à ce que leurs auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes;

c) Garantir que les victimes obtiennent une réparation appropriée, comprenant des services de réadaptation physique et psychologique, et qu ’ elles aient accès, dans toutes les régions du pays, à des refuges qui les accueillent et leur offrent un appui;

d) Mener de vastes campagnes de sensibilisation à l ’ intention du grand public, et étendre et renforcer les programmes de formation existants, de manière à garantir que tous les agents des forces de l ’ ordre, les juges, les avocats et les travailleurs des services sociaux et sanitaires soient à même de réagir de manière efficace à tous les cas de violence à l ’ égard des femmes.

Défenseurs des droits de l’homme

14.Le Comité demeure préoccupé par le fait que, en dépit des recommandations d’un grand nombre d’organes de surveillance des droits de l’homme, les menaces et les agressions, et même les meurtres, visant les défenseurs des droits de l’homme, en particulier ceux qui défendent les droits des peuples autochtones et dont l’action a trait au droit à la terre, aux droits au travail et à l’environnement, sont toujours très nombreux. À ce sujet, il note avec préoccupation que d’après certaines sources 15 défenseurs des droits de l’homme auraient été tués entre janvier et octobre 2012. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles le nombre de condamnations pour des infractions commises contre des défenseurs des droits de l’homme est faible. Il note en outre avec préoccupation que d’après certaines sources des campagnes visant à discréditer les activités des défenseurs des droits de l’homme seraient menées, notamment dans les médias, et que des poursuites pénales seraient utilisées comme moyen de pression contre les défenseurs des droits de l’homme (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité engage l ’ État partie à reconnaître publiquement le rôle essentiel que jouent les défenseurs des droits de l ’ homme, qui l ’ aident à s ’ acquitter des obligations découlant de la Convention, et à prendre les mesures voulues pour faciliter leur travail; rappelant sa recommandation p récédente (par.  12), il l ’ invite instamment à:

a) Intensifier ses efforts pour assurer efficacement la protection, la sécurité et l ’ intégrité physique des défenseurs des droits de l ’ homme face aux menaces et aux agressions auxquelles leurs activités pourraient les exposer;

b) Veiller à ce que tous les cas de menaces et d ’ agressions visant les défenseurs des droits de l ’ homme fassent sans délai l ’ objet d ’ une enquête approfondie et diligente et que les responsables soient traduits en justice et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes;

c) Maintenir en activité le forum spécialisé dans l ’ étude des agressions contre les défenseurs des droits de l ’ homme.

Morts violentes et lynchages

15.Le Comité est préoccupé par la violence, dont l’incidence reste élevée dans l’État partie et qui serait largement liée au crime organisé, malgré les mesures prises pour la combattre. Il est préoccupé en particulier par le grand nombre de victimes de morts violentes, dont beaucoup de femmes et d’enfants, la persistance des lynchages et le fait que les enquêtes menées sur des faits de violence sont peu nombreuses et rares sont les cas où les auteurs sont traduits en justice et condamnés (art. 2, 12, 13 et 16).

R appelant sa recommandation précédente (par. 16), le Comité invite instamment l ’ État partie à intensifier ses efforts pour prévenir et réprimer tous les actes de torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés à toute personne placée sous sa juridiction. Il recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les actes de violence, y compris les homicides et les lynchages, fassent sans délai l ’ objet d ’ enquêtes diligentes et impartiales, à ce que les auteurs soient traduits en justice et condamnés et à ce que les victimes reçoivent une réparation adéquate. Le Comité recommande également à l ’ État partie de renforcer les campagnes de sensibilisation consacrées aux lynchages, notamment dans les établissements scolaires et dans les médias.

Sécurité intérieure

16.Le Comité note avec préoccupation que, malgré ses recommandations précédentes et les actions menées par l’État partie pour la renforcer, la Police nationale civile (PNC) n’est toujours pas dotée de ressources suffisantes pour s’acquitter efficacement de ses fonctions. Il est également préoccupé d’apprendre que la participation de l’armée à des tâches de sécurité civile a augmenté, que l’armée est également intervenue dans les conflits sociaux liés notamment aux revendications des communautés autochtones et que dans certains cas ces interventions se sont soldées par des morts ou des blessés. Le Comité déplore à ce propos les incidents qui ont eu lieu en octobre 2012 à Totonicapán, où des membres de l’armée ont tiré sur un groupe de manifestants autochtones qui avaient coupé une route, faisant 6 morts et plus de 30 blessés, et il espère que les enquêtes progresseront afin que toute la lumière soit faite sur ces événements et que les responsables soient jugés. Le Comité note que la délégation a indiqué que la coopération de l’armée avec la Police nationale civile continuera tant que la police ne disposera pas des effectifs nécessaires. Il note également avec préoccupation que le nombre d’agents de sécurité privée a augmenté et serait supérieur à l’effectif de la Police nationale civile (art. 2).

Le Comité:

a) Réitère sa recommandation précédente (par.  11) et invite instamment l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour renforcer la Police nationale civile dans les meilleurs délais, en particulier en la dotant de ressources humaines et financières suffisantes afin de faire en sorte que l ’ armée n ’ intervienne plus dans des activités visant à maintenir la sécurité publique; et à veiller à ce qu ’ il n ’ y ait plus aucune disposition législative qui autorise l ’ armée à intervenir dans des activités qui relèvent cla irement de la compétence de la p olice et dans des actions de prévention de la criminalité de droit commun qui appartiennent uniquement à la Police nationale civile;

b) Recommande à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les entreprises de sécurité privée s ’ acquittent de l ’ obligation d ’ enregistrement imposée par la loi en vigueur et à ce que leurs activités soient soumises à un contrôle strict et qu ’ elles soient tenues de rendre compte de leurs actes;

c) Exhorte l ’ État partie à garantir que, quand des agents publics ou des membres des entreprises de sécurité privée se rendent coupables d ’ exactions ou d ’ atteintes aux droits de l ’ homme, des enquêtes soient menées sans délai, en toute indépendance et avec diligence, que les auteurs soient traduits en justice et condamnés à des peines à la mesure de la gravité des actes commis et que les victimes reçoivent une réparation appropriée, qui comprenne notamment les moyens nécessaires à leur réadaptation physique et psychologique.

Détention provisoire

17.Le Comité demeure préoccupé par le grand nombre de personnes en détention provisoire, qui représenteraient 51 % de la population privée de liberté, ce qui contribue à aggraver le surpeuplement carcéral. Il prend note des informations données par la délégation pendant le dialogue au sujet des travaux en cours sur la question de la détention provisoire et l’application de mesures de substitution à la privation de liberté (art. 2, 11 et 16).

Le Comité rappelle sa recommandation précédente (par.  20) et exhorte l ’ État partie à veiller à ce que soient prises les mesures nécessaires pour limiter le placement en détention provisoire, en appliquant des mesures de substitution à la privation de liberté conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo, résolution 45/110 de l ’ Assemblée générale du 14 décembre 1990), et à ce que les prévenus en détention soient jugés sans délai et de façon impartiale.

Conditions de détention

18.Le Comité est préoccupé par les informations qui décrivent les mauvaises conditions dans les lieux de privation de liberté, y compris les centres de détention pour femmes, et en particulier les taux élevés d’occupation, qui dépasseraient les 200 % de la capacité d’accueil. Il prend également note avec préoccupation des informations faisant état de violences entre détenus et de groupes organisés de détenus qui auraient le contrôle d’un grand nombre de lieux de privation de liberté; avec le consentement tacite des autorités, ils obligeraient les autres prisonniers à leur donner de l’argent pour qu’il ne leur soit pas fait de mal ou pour ne pas avoir à faire certaines corvées, pratique appelée la «talacha» et ceux qui ne peuvent pas payer seraient agressés et dans certains cas tués. À ce sujet, le Comité souligne avec préoccupation le décès de Victor Rojas et d’Efraín Pérez en 2012, battus à mort parce qu’ils ne pouvaient pas payer la «talacha». Le Comité prend note des renseignements donnés par la délégation qui a assuré que des mesures étaient prises afin d’améliorer les conditions de détention et de trouver une solution globale au problème du surpeuplement (art. 2, 11 et 16).

Le Comité engage instamment l ’ État partie à accélérer ses efforts et à les intensifier afin de faire diminuer le surpeuplement carcéral, en particulier par l ’ application de mesures de substitution à la privation de liberté conformément aux Règles de Tokyo. Il recommande en outre de veiller à ce que les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires soient conformes à l ’ Ensemble de Règles minima pour le traitement des détenus approuvé par le Conseil économique et social dans se s résolutions 663C (XXIV) du 31  ju illet 1957 et 2076 (LXII) du 13  mai 1977, et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux femmes délinquantes (Règles de Bangkok, résolution 65/229 de l ’ Assemblée générale du 21 décembre 2010). Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de rétablir son autorité et de s ’ acquitter de la responsabilité qui lui incombe de veiller à ce que les personnes privées de liberté soient traitées humainement, d ’ intensifier les mesures prises pour mettre fin au contrôle des centres pénitentiaires par des groupes organisés de détenus, de garantir que tous les cas de violences commises dans ces centres, et notamment les cas de torture et de mauvais traitements, fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et impartiales et que les auteurs soient traduits en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes, et de veiller à ce que les personnes privées de liberté aient accès à un mécanisme de plaintes indépendant.

Lieux de privation de liberté et établissements de protection de remplacementpour mineurs

19.Le Comité note avec préoccupation les mauvaises conditions qui règnent dans les lieux de privation de liberté pour mineurs, notamment le surpeuplement. Il est particulièrement préoccupé d’apprendre que les mineurs privés de liberté seraient soumis à des mauvais traitements, notamment à des châtiments corporels et à de longues périodes d’enfermement. Il est également préoccupé par les renseignements selon lesquels les mineurs admis dans des établissements de protection de remplacement, publics et privés, subiraient des mauvais traitements (art. 2, 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De garantir que la privation de liberté dans le cas de mineurs soit une mesure de dernier ressort et d ’ une durée aussi brève que possible et soit réexaminée périodiquement en vue d ’ être levée;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre les lieux de privation de liberté des mineurs conformes aux normes internationales dans ce domaine et en particulier pour réduire le surpeuplement et éviter que les mineurs ne soient soumis à de longues périodes d ’ enfermement;

c) De faire en sorte que les mineurs privés de liberté et les mineurs placés dans des établissements de protection de remplacement, publics ou privés, reçoivent une éducation et bénéficient de services de réadaptation et de réinsertion appropriés;

d) De prendre sans délai les mesures voulues pour prévenir et réprimer tout type de mauvais traitements dont les mineurs privés de liberté ou placés dans des établissements de protection de remplacement peuvent être l ’ objet;

e) De veiller à ce que des visites d ’ inspection inopinées soient effectuées dans tous les centres de privation de liberté et de protection de remplacement pour mineurs et à ce que les mineurs aient accès à des mécanismes de plainte indépendants.

Centres privés de réadaptation pour toxicomanes

20.Le Comité prend note avec préoccupationdes informations indiquant que les conditions de vie dans les centres privés de réadaptation pour toxicomanes sont mauvaises et que les personnes admises dans ces établissements seraient victimes de mauvais traitements. Il accueille avec satisfaction les informations supplémentaires que lui a communiquées l’État partie, dans lesquelles celui-ci s’engage à mener des enquêtes diligentes à ce sujet (art. 2, 11, 12 et 16).

Le Comité encourage l ’ État partie à mener sans délai des enquêtes diligentes au sujet des mauvais traitements qui seraient pratiqués dans les centres privés de réadaptation pour toxicomanes et à prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer de tels actes. Il lui recommande de dresser la liste des centres en activité dans le pays et de s ’ assurer que ceux-ci ont reçu les autorisations voulues des autorités compétentes et que des visites d ’ inspection y so nt régulièrement effectuées. Il  recommande également à l ’ État partie de faire en sorte que des enquêtes approfondies et diligentes soient menées sans délai sur tous les cas de mauvais traitements survenus dans ces établissements et que les responsables soient traduits en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes.

Hôpital national de santé mentale Federico Mora

21.Le Comité est préoccupé par les mauvaises conditions qui règnent à l’hôpital national de santé mentale Federico Mora, notamment par l’accès insuffisant à des services essentiels et l’absence de traitements médicaux adéquats. Il est également préoccupé par les renseignements indiquant que des personnes privées de liberté et présentant un handicap mental admises dans cet hôpital partagent des pavillons avec des patients ordinaires et que les personnes hospitalisées sont victimes de mauvais traitements de la part d’autres patients ainsi que de la part des agents des forces de l’ordre qui sont en service à l’hôpital. Le Comité relève que la délégation a signalé qu’à la suite des mesures de protection demandées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme en faveur des patients de l’hôpital Federico Mora, le Gouvernement, allant au-delà des mesures de protection demandées, avait entrepris de s’atteler à la question de la santé mentale de façon globale. Il note aussi que la délégation a assuré que cet hôpital n’accueillait pas d’enfants, contrairement à ce qu’indiquent certaines sources d’information (art. 2, 11, 12 et 16).

L e Comité encourage l ’ État partie à intensifier ses efforts pour traiter de façon globale la question de la santé mentale. Il lui recommande en outre de veiller à ce que les personnes admises à l ’ hôpital national de santé mentale Federico Mora soient traitées comme il convient, en particulier à faire en sorte qu ’ elles bénéficient d ’ une prise en charge médicale appropriée, que toute plainte dénonçant des mauvais traitements ou des exactions à leur égard fasse l ’ objet sans délai d ’ enquêtes impartiales et que les responsables soient traduits en justice et condamnés à des peines à la mesure de la gravité des actes commis. Le Comité engage instamment l ’ État partie à veiller à ce que les patients ordinaires ne soient pas placés dans les mêmes pavillons que les personnes privées de liberté et que les personnes en détention provisoire soient séparées des condamnés. Il l ’ exhorte de plus à s ’ assurer qu ’ aucun mineur ne séjourne dans cet hôpital et, si tel n ’ est pas le cas, à faire en sorte que ceux qui s ’ y trouvent soient séparés des adultes. Le Comité engage instamment l ’ État partie à prendre des mesures efficaces pour donner immédiatement et intégralement effet aux mesures de protection demandées par la Commission interaméricaine des droits de l ’ homme (MC 370/12 − 334 patients de l ’ hôpital Federico Mora).

Communauté des lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transgenres

22.Le Comité relève que la délégation de l’État partie a affirmé que des discussions avaient été engagées sur la question des lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transgenres, mais il note avec préoccupation que d’après certaines informations ces personnes seraient victimes d’actes de discrimination (art. 2, 10, 12, 13, et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour assurer la protection des lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transgenres contre les actes de discrimination et les agressions dont ils pourraient être l ’ objet, et à faire en sorte que tous les cas de violence fassent sans délai l ’ objet d ’ une enquête diligente et impartiale, que les auteurs de tels actes soient poursuivis et condamnés et que les victimes obtiennent une réparation appropriée. Le Comité renvoie l ’État partie à la section  V, consacrée à la protection des individus et des groupes rendus vulnérables par la discrimination ou la marginalisation, de son Observation générale n o 2 (2007).

Mécanisme national de prévention

23.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption en octobre 2010 du décret législatif no 40-2010 qui porte création du mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il constate toutefois avec préoccupation que le mécanisme n’est toujours pas opérationnel (art. 2).

L ’ État partie devrait accélérer la mise en œuvre de la loi portant création du mécanisme national de prévention en désignant rapidement les membres qui composeront ce mécanisme et en garantissant que le processus de nomination soit pleinement conforme aux dispositions pertinentes du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il devrait en outre veiller à ce que le mécanisme soit doté des ressources nécessaires pour lui permettre d ’ exercer son mandat en toute indépendance et avec efficacité sur tout le territoire.

Formation

24.Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie au sujet des activités de formation aux droits de l’homme axée sur l’interdiction de la torture organisées à l’intention des fonctionnaires de la Police nationale civile et du système pénitentiaire mais il regrette de ne pas avoir reçu de renseignements détaillés sur les programmes conçus à l’intention d’autres agents de l’État sur les thèmes de l’interdiction et de la prévention de la torture. Il note en outre qu’aucun renseignement n’a été donné au sujet de l’impact des activités de formation sur le nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L ’ État partie devrait renforcer les programmes de formation théorique et pratique existants et veiller à ce que tous les agents de l ’ État, en particulier les personnels des forces de l ’ ordre, de l ’ armée, de l ’ administration pénitentiaire, des services de l ’ immigration, de l ’ appareil judiciaire et du parquet, reçoivent une formation obligatoire, appropriée et régulière relative aux dispositions de la Convention qui englobe notamment les aspects relatifs à la violence à l ’ égard des enfants, des femmes, des peuples autochtones, des défenseurs des droits de l ’ homme et des lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transgenres. Il devrait également veiller à ce que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) soit un élément obligatoire de la formation de tous les professionnels appelés à participer aux enquêtes sur les cas de torture et de mauvais traitements et encourager largement son application. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de mettre au point une méthode pour évaluer la mesure dans laquelle les programmes de formation théorique et pratique contribuent à réduire les cas de torture et de mauvais traitements.

Peine de mort

25.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie applique un moratoire de fait sur les exécutions et a commué toutes les condamnations à mort en peines d’emprisonnement, mais il regrette que la peine de mort soit toujours prévue par sa législation (art. 2 et 16).

Le Comité invite l ’ État partie à examiner la possibilité d ’ abolir la peine de mort et de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. En attendant, il engage l ’ État partie à maintenir en vigueur le moratoire de fait sur les exécutions.

Autres questions

26.Le Comité invite également l’État partie à envisager de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

27.L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, y compris dans les langues autochtones, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, au plus tard le 31 mai 2014, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations suivantes qui figurent aux paragraphes 13, 14 et 18: a) assurer ou renforcer les garanties juridiques fondamentales pour les détenus; b) mener à bien sans délai des enquêtes impartiales et diligentes; et c) traduire en justice les personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de torture et des mauvais traitements et, si elles sont reconnues coupables, les condamner.

29.Le Comité invite l’État partie à lui faire parvenir son prochain rapport périodique, qui sera le septième, le 31 mai 2017 au plus tard. À cette fin, il lui soumettra en temps voulu une liste des points à traiter préalable à l’élaboration du rapport, puisque l’État partie a accepté d’établir son rapport conformément à la procédure facultative.