NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/MNE/CO/116 mars 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante-quatorzième session16 février-6 mars 2009

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L ’ ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

MONTÉNÉGRO

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Monténégro (CERD/C/MNE/1) à ses 1924e et 1925e séances (CERD/C/SR.1924 et 1925), tenues les 2 et 3 mars 2009. À ses 1930e et 1931e séances (CERD/C/SR.1930 et 1931), tenues les 5 et 6 mars 2009, il a adopté les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission dans les délais du rapport initial du Monténégro et des réponses écrites à sa liste de points à traiter, qui ont été complétées par les informations et les explications exhaustives fournies en réponse aux questions qu’il avait posées. Il se félicite de la présence d’une délégation monténégrine de haut niveau à l’examen du rapport et de l’échange franc et constructif qu’il a eu avec celle-ci.

B. Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les nombreuses mesures d’ordre législatif et administratif qu’a prises l’État partie pour instituer un cadre pour la promotion et la protection des droits de l’homme, et en particulier l’élimination de la discrimination dans des domaines se rapportant à la Convention, y compris l’adoption des instruments suivants:

a)La nouvelle Constitution de 2007, qui contient une disposition relative à l’interdiction générale de toute discrimination directe et indirecte, prévoit des mesures positives et stipule que les traités internationaux priment le droit interne;

b)La loi sur l’asile de 2006, suivie de la création du Bureau de l’asile et de la Commission nationale d’appel en matière d’asile;

c)La loi sur l’emploi des étrangers de mars 2007, qui prévoit la possibilité d’employer équitablement des réfugiés reconnus et des personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire au titre de la loi sur l’asile.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la création d’une série d’institutions chargées de la promotion et de la protection des droits de l’homme, y compris le Ministère de la protection des droits de l’homme et des minorités et le Bureau du Protecteur des droits de l’homme et des libertés (Médiateur).

5.Le Comité se félicite de l’adoption de la stratégie de réforme judiciaire pour la période 2007‑2012, dont le but est de renforcer l’indépendance, l’autonomie et l’efficacité du pouvoir judiciaire, ainsi que de la mise en œuvre de programmes de formation destinés aux agents de la force publique, au personnel pénitentiaire, aux juges et aux procureurs.

6.Le Comité note avec satisfaction l’adoption du plan d’action en vue de la mise en œuvre de la «Décennie pour l’intégration des Roms 2005‑2015», ainsi que de la «Stratégie pour l’amélioration de la situation des communautés rom, ashkali et égyptienne au Monténégro pour la période 2008-2012».

7.Le Comité note avec satisfaction que le Monténégro a repris à son compte tous les instruments internationaux en matière de droits de l’homme qui liaient précédemment la Serbie‑et‑Monténégro. Il prend note également de la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale en octobre 2006 ainsi que de la Convention no 111 de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession) en 2006.

C. Préoccupations et recommandations

8.Tout en se félicitant que le rapport initial contienne des statistiques relatives à la composition ethnique de l’État partie, le Comité note les lacunes du recensement de 2003 et souhaite recevoir des renseignements complémentaires sur les caractéristiques et la situation particulière des diverses minorités ethniques.

Conformément à sa recommandation générale n o VIII (1990) et aux paragraphes 10 à  12 des directives sur l’établissement des rapports appli cables aux documents propres au  Comité pour l ’ élimination de la discrimination rac iale devant être soumis par les  États parties conformément au paragraphe 1 de l ’ article 9 de la Convention (CERD/C/2007/1), le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des données ventilées concernant le niveau d ’ instruction, la situation sociale et économique et le taux d ’ emploi.

9.Le Comité prend note de l’absence persistante de loi générale visant à donner effet, plus particulièrement, aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention, mais juge encourageantes les informations selon lesquelles l’État partie est sur le point de mettre la dernière touche à cette législation (art. 2).

Le Comité prie l ’ État partie d ’ accélérer ses efforts pour adopter une loi relative à la non ‑discrimination qui consacre toutes les dispositions de l ’ article 2 de la Convention.

10.Le Comité est préoccupé par la lenteur du processus d’alignement des lois existantes sur la Constitution de 2007, qui est davantage tournée vers l’avenir (art. 2).

Le Comité prie l ’ État partie d ’ accélérer ses efforts pour mettre en conformité son droit interne, notamment la loi de 2006 sur les droits des minorités et les libertés , avec les dispositions de la Constitution de 2007 et de la Convention.

11.Le Comité a constaté que la jurisprudence du Monténégro en matière de droits de l’homme ne faisait pas référence à la Convention et qu’aucun membre du public n’avait soumis de demande de réparation en vertu de la Convention. Cela tient peut‑être au fait que la Convention n’est pas bien connue du public et des responsables de l’application des lois, y compris le personnel du système judiciaire (art. 2, 6 et 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts afin de faire mieux connaître la C onvention au public et aux agents de l’État , en particulier aux membres du corps judiciaire, et de promouvoir l ’ application des dispositions et des mécanismes de réparation qui y sont prévus , par l’intermédiaire des tribunaux monténégrins et du système administratif, le cas échéant.

12.Le Comité note que le rapport soumis par l’État partie ne contient pas suffisamment d’informations sur l’application pratique des mesures d’ordre législatif et administratif adoptées aux fins de l’élimination de la discrimination raciale visée par la Convention (art. 2).

Le Comité prie l ’ État partie d’établir son prochain rapport périodique conformément aux directives pour l ’ établissement des documents traitant spécifiquement de la Convention, adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et d ’ y faire figurer des informations sur les progrès réalisés et les obstacles rencontrés dans l ’ application des dispositions de la Convention.

13.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des ressources humaines et financières qui sont allouées au Protecteur des droits de l’homme et des libertés pour lui permettre d’exercer son mandat efficacement et de façon indépendante (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer des ressources humaines et financières suffisantes pour permettre au Bureau du Protecteur d ’ exercer son mandat de façon indépendante et efficace. Il encourage également l ’ État partie à renforcer ses campagnes de sensibilisation aux fonctions du Protecteur afin que les personnes appartenant à des minorités ethniques puissent avoir plus facilement accès à ses services.

14.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance de données ventilées concernant les membres de groupes minoritaires employés dans les organismes publics aux niveaux central et local, dans les forces de police ainsi que dans le système judiciaire (art. 5 c)).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour recueillir des données statistiques ventilées qui permettraient d ’ évaluer la représentation des divers groupes minoritaires dans les institutions et organismes publics. Il lui demande de faire figurer ces informations dans son prochain rapport périodique, conformément aux directives sur l ’ établissement des rapports applicables aux documents propres au Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale, adoptées à l a soixante et onzième session du Comité (CERD/C/2007/1).

15.Le Comité est préoccupé par les difficultés qu’un grand nombre de «personnes déplacées» en provenance de Croatie et de Bosnie‑Herzégovine et de «personnes déplacées dans leur propre pays» originaires du Kosovo éprouvent pour avoir accès, notamment, à l’emploi, à l’assurance maladie, à la protection sociale et aux droits de propriété en raison de leur statut juridique incertain. Il note avec intérêt l’action que mène l’État partie pour apporter rapidement une solution durable à ce problème (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer ses efforts pour régler le statut juridique incertain des «personnes déplacées» de Croatie et de Bosnie ‑Herzégovine et des «personnes déplacées à l ’ intérieur de leur propre pays» originaires du Kosovo, y  compris par l ’ octroi de la citoyenneté, de permis de résidence à long terme ou du statut de réfugié, selon le cas. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie adoptée en 1961.

16.Le Comité reconnaît que diverses mesures ont été adoptées en vue d’améliorer la situation des Roms. Il note toutefois avec préoccupation qu’en dépit de l’éducation scolaire obligatoire et des diverses dispositions prises par l’État partie telles que l’initiative en faveur de l’instruction des Roms, en vertu de laquelle certaines écoles ont fait appel à des assistants roms, un nombre démesurément important d’enfants roms ne sont pas scolarisés, ont des taux d’abandon élevés et ne vont pas jusqu’au bout des études supérieures. Le Comité est aussi préoccupé par le fait qu’un grand nombre de Roms du Kosovo ont difficilement accès à l’éducation parce qu’ils ne maîtrisent pas le monténégrin et ne possèdent pas les documents requis (art. 5 e) v)).

Le Comité recommande à l ’ État de continuer de faire face aux divers facteurs à l ’ origine du faible niveau d ’ instruction des Roms afin d ’ améliorer le taux d ’ inscription et de faire en sorte qu ’ un plus grand nombre d ’ entre eux achèvent leurs études. Il recommande également à l ’ État partie de poursuivre ses efforts afin de faciliter l ’ intégration des élèves appartenant à des minorité dans l ’ enseignement ordinaire, notamment en dispensant un soutien linguistique dans le cadre de l ’ enseignement préscolaire.

17.Le Comité note avec préoccupation que les conditions socioéconomiques des Roms restent précaires et discriminatoires dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, des soins de santé et de la protection sociale (art. 5 e)).

L ’ État partie devrait mettre en œuvre des mesures spéciales plus rigoureuses ciblant la communauté rom afin de lui donner les moyens d ’ avoir effectivement accès à l ’ éducation, à l ’ emploi dans l ’ administration publique, aux soins de santé et à la protection sociale sans discrimination, en tenant dûment compte de la recommandation générale XXVII (2000) sur la discrimination à l ’ égard des Roms.

18.Faisant référence à sa recommandation générale XXXI (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité reste préoccupé par les allégations constantes de brutalités policières et de mauvais traitements ainsi que par l’absence d’enquêtes promptes et impartiales sur ces cas lorsque des groupes ethniques défavorisés sont concernés, en particulier les Roms, qui sont particulièrement visés par ces agissements (art. 5 b) et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les allégations de mauvais traitements et de brutalités policières soient rapportées, qu ’ elles fassent l ’ objet d ’ enquêtes indépendantes, promptes et approfondies, et que les coupables soient poursuivis et dûment sanctionnés.

19.Le Comité prend note des informations communiquées par la délégation de l’État partie au sujet des quatre cas de crimes de guerre dont sont saisis les tribunaux monténégrins (art. 6).

Le Comité encourage l ’ État partie à intensifier ses efforts pour faire en sorte que les enquêtes sur les crimes de guerre commis il y a longtemps soient rapidement menées à bien et, ainsi, de montrer l ’ engagement du Monténégro d ’ éliminer les crimes fondés sur l ’ origine ethnique.

20.Tout en se félicitant des mesures prises pour renforcer la compréhension entre les groupes ethniques présents dans l’État partie et promouvoir un climat de tolérance, notamment l’éducation des agents de l’État à tous les niveaux, le Comité demeure préoccupé par les informations faisant état de la montée de tensions ethniques dans un pays voisin qui faisait partie de l’ex‑Yougoslavie. Il note par ailleurs que, historiquement, les tensions ethniques qui divisaient l’ex‑Yougoslavie ont pu se propager dans toute la région (art. 7).

Le Comité encourage l ’ État partie à renforcer ses efforts visant à promouvoir l ’ harmonie interethnique et la tolérance parmi le grand public. À cet égard, il recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mes ures appropriées pour veiller à  ce que les tensions ethniques à l ’ œuvre dans un pays de l ’ ex ‑Yougoslavie ne se propagent pas au Monténégro.

21.Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990).

22.Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (A/CONF.189/12, chap. I), lorsqu’il transpose les dispositions de la Convention dans son ordre juridique interne, notamment les articles 2 à 7. Il exhorte également l’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les mesures prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national. Il encourage aussi l’État partie à continuer de participer activement aux travaux du Comité préparatoire de la Conférence d’examen de Durban, ainsi qu’à la Conférence proprement dite en 2009.

23.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité se réfère à la résolution 63/243 de l’Assemblée générale, en date du 22 janvier 2009, dans laquelle celle-ci a instamment demandé aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement.

24.Le Comité recommande que les rapports de l’État partie soient rapidement mis à la disposition du public dès leur présentation et que ses observations finales sur ces rapports soient également diffusées dans les langues officielles et nationales.

25.Le Comité recommande à l’État partie de tenir des consultations avec les organisations de la société civile œuvrant à la protection des droits de l’homme, en particulier avec celles qui s’emploient à lutter contre la discrimination raciale, en vue de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

26.Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux directives harmonisées concernant la présentation des rapports en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles qui se rapportent au document de base commun, telles qu’adoptées lors de la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu des traités relatifs aux droits de l’homme qui a eu lieu en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.4).

27.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur révisé, le Comité demande à l’État partie de communiquer, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations contenues aux paragraphes 9, 10 et 15 ci-dessus.

28.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses deuxième et troisième rapports périodiques en un seul document, attendu le 3 juin 2011, qui tiendra compte des directives concernant l’élaboration de documents propres au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et traitera tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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