Nations Unies

CED/C/GRC/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

12 mai 2022

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par la Grèce en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par la Grèce en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention à ses 383e et 384e séances, qui se sont tenues les 28 et 29 mars 2022 sous forme hybride en raison de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). À sa 398e séance, le 7 avril 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par la Grèce en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention. Il remercie en outre l’État partie de ses réponses écrites à la liste de points, qui ont été complétées par les déclarations orales faites par la délégation au cours du dialogue.

3.Le Comité se félicite de la possibilité qui lui a été donnée de dialoguer de manière constructive avec la délégation de l’État partie concernant les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié la quasi-totalité des instruments fondamentaux des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et les protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ou y a adhéré.

5.Le Comité félicite l’État partie des mesures prises dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)La création, en 2021, du Mécanisme national d’intervention d’urgence pour les mineurs non accompagnés en situation de précarité ;

b)La création, en 2020, du Secrétariat spécial pour la protection des mineurs non accompagnés ;

c)L’adoption de la loi no 4554/2018, qui réglemente la tutelle des mineurs non accompagnés et des mineurs séparés de leur famille ;

d)L’adoption de la loi no 4228/2014, qui désigne le Médiateur grec comme mécanisme national de prévention au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

e)La création, par la loi no 4443/2016, au sein du Bureau du Médiateur grec, du Mécanisme national d’enquête sur les actes arbitraires.

6.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité considère qu’au moment de l’élaboration des présentes observations finales, la législation en vigueur, son application et l’action de certaines autorités n’étaient pas pleinement conformes aux obligations découlant de la Convention. Il encourage l’État partie à appliquer ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif de coopération, l’objectif étant de faire en sorte que la législation en vigueur et la manière dont elle est appliquée par les pouvoirs publics soient pleinement conformes aux dispositions de la Convention.

1.Renseignements d’ordre général

Communications émanant de particuliers ou d’États

8.Le Comité regrette que l’État partie considère qu’il n’est pas en mesure de faire les déclarations par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité pour examiner des communications émanant de particuliers ou d’États (art. 31 et 32).

9. Le Comité encourage l ’ État partie à reconnaître sa compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d ’ États conformément aux articles 31 et 32 de la Convention, respectivement, en vue de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées prévu par cet instrument.

2.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1 à 7)

Informations statistiques

10.S’il prend note de l’existence d’une base de données nationale des personnes disparues, le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations claires sur toute autre base de données existante qui pourrait contenir des informations sur les personnes disparues. Il regrette également de ne pas avoir reçu d’informations statistiques sur les personnes disparues dans l’État partie, y compris sur les cas relevant de l’article 2 de la Convention (art. 1 à 3).

11. L ’ État partie devrait générer rapidement des informations statistiques précises et à jour sur les personnes disparues, ventilées par sexe, âge, nationalité, orientation sexuelle, identité de genre, lieu d ’ origine et origine raciale ou ethnique. Ces informations devraient comprendre la date et le lieu de la disparition, le nombre de personnes disparues qui ont été localisées, vivantes ou non, et le nombre de cas dans lesquels il y aurait eu, d ’ une manière ou d ’ une autre, participation de l ’ État au sens de l ’ article 2 de la Convention . À cet égard, le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un registre national unique des personnes disparues , en veillant à ce qu ’ il contienne au minimum toutes les informations visées dans la présente recommandation .

Infraction de disparition forcée

12.Le Comité est préoccupé par le fait que, depuis la modification du Code pénal, en 2019, la disparition forcée ne fait plus l’objet d’un article distinct du Code pénal mais est réprimée sous la qualification d’enlèvement, par l’article 322 du Code pénal. Il constate avec préoccupation que si cet article donne bien une définition de la disparition forcée, celle-ci fait de la privation de la protection de l’État un élément intentionnel (animus) qui doit être constaté pour que l’acte considéré soit constitutif d’un comportement criminel, plutôt que de la considérer comme une conséquence de celui-ci ; que la disparition forcée est passible de peines qui vont de cinq à quinze ans d’emprisonnement, ce qui ne reflète pas son extrême gravité ; que la législation pénale ne prévoit pas les circonstances atténuantes et aggravantes prévues à l’article 7 (par. 2) de la Convention (art. 2, 4 et 7).

13. Le Comité recommande à l ’ État partie d e réprimer la disparition forcée en tant qu’infraction distinct e, en en retenant une définition pleinement conforme à celle donnée à l ’ article 2 de la Convention, et de la rendre passible de peines tenant dûment compte de son extrême gravité. Il engage l ’ État partie à inscrire dans sa législation pénale toutes les circonstances atténuantes et aggravantes prévues à l ’ article 7 (par. 2) de la Convention.

Responsabilité pénale pour le crime de disparition forcée

14.Le Comité constate avec préoccupation que la législation ne prévoit pas la mise en jeu de la responsabilité pénale de toutes les personnes mentionnées à l’article 6 (par. 1 a) et b)) de la Convention et que, compte tenu des dispositions des articles 322 (par. 3) et 44 (par. 1) du Code pénal, il est possible que les personnes mentionnées à l’article 6 (par. 1 a)) de la Convention ne soient pas tenues pénalement responsables (art. 6).

15. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que sa législation prévoit la mise en jeu de la responsabilité pénale de toutes les personnes mentionnées à l ’ article 6 (par. 1 a) et b)) de la Convention et qu ’ aucune disposition n ’ autorise l ’ exonération de cette responsabilité.

3.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Prescription

16.Le Comité constate avec préoccupation qu’il se peut que le délai de prescription pour la disparition forcée (quinze ans) ne soit pas proportionné à l’extrême gravité du crime. S’il prend note des informations fournies par la délégation, qui explique que, compte tenu de la nature continue de l’acte, le délai de prescription court à compter de la date à laquelle la personne disparue a été localisée ou libérée, il regrette néanmoins de ne pas avoir reçu de détails sur la manière dont ce principe est garanti dans la législation nationale (art. 8).

17. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que, compte tenu du caractère continu du crime, les délais de prescription de l ’ action pénale et de l ’ action en réparation fixés pour la disparition forcée, le cas échéant, soient de longue durée et courent à compter du moment où le crime cesse.

Compétence des tribunaux militaires

18.Le Comité est préoccupé par le fait que, en application de l’article 193 du Code pénal militaire, les militaires relèvent de la compétence des tribunaux militaires, que ce soit en tant qu’auteurs ou en tant que victimes de disparition forcée. Il réaffirme que, par principe, tous les cas de disparition forcée doivent être traités uniquement par les autorités civiles compétentes (art. 11).

19. Rappelant sa déclaration sur les disparitions forcées et la juridiction militaire , le Comité recommande à l ’ État partie de prendre sans tarder les mesures voulues pour que les enquêtes et les poursuites concernant les disparitions forcées soient expressément exclues de la compétence des tribunaux militaires.

Allégations de disparition forcée

20.Le Comité note que l’État partie déclare n’avoir reçu aucune plainte pour disparition forcée, mais est néanmoins préoccupé par les informations selon lesquelles des migrants, y compris des enfants, auraient été soumis à la disparition forcée avant d’être refoulés vers la Turquie (art. 2, 12, 17, 24 et 25).

21. Le Comité invite instamment l ’ État partie :

a) À faire en sorte que tous les cas de disparition forcée fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête approfondie et impartiale, même en l ’ absence de plainte officielle, et que tous les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes ;

b) À garantir que toutes les victimes reçoivent une réparation adéquate , qui t i en ne compte de leurs besoins.

Suspension de fonctions

22.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu de renseignements précis sur les mécanismes permettant de garantir que les membres des forces de l’ordre ou des forces de sécurité et les autres agents de l’État soupçonnés d’avoir participé à une disparition forcée ne prennent pas part à l’enquête sur les faits qu’ils auraient commis (art. 12).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des dispositions législatives prévoyant expressément que tout agent de l ’ État, civil ou militaire, soupçonné d ’ avoir participé à une disparition forcée soit suspendu de ses fonctions dès le début de l ’ enquête et pour toute la durée de celle-ci, sans préjudice de la présomption d ’ innocence.

Défenseurs des droits de l’homme

24.Le Comité est gravement préoccupé par le fait que la législation nationale incrimine les activités de recherche et de sauvetage en mer et que les défenseurs des droits de l’homme et les acteurs de la société civile qui participent à ce type d’opérations, recueillent et consignent des informations sur les refoulements et les disparitions forcées et viennent en aide aux victimes sont poursuivis en justice et menacés (art. 12).

25. Le Comité invite instamment l ’ État partie :

a) À protéger les personnes visées à l ’ article 12 (par. 1) de la Convention contre tout acte d ’ intimidation et mauvais traitement et à prévenir et punir ce type d ’ actes ;

b) À garantir que les défenseurs des droits de l ’ homme et les acteurs de la société civile ne sont pas considérés comme des délinquants ni poursuivis au motif qu ’ ils ont participé à des opérations de recherche et de sauvetage concernant de s migrants, ont recueilli et consigné des informations sur des disparitions forcées ou sont venus en aide à des victimes.

Disparitions de migrants

26.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de migrants qui auraient disparu dans les eaux grecques de la mer Méditerranée et du fleuve Evros alors qu’ils tentaient d’atteindre la Grèce et regrette de ne pas avoir reçu de statistiques officielles à ce sujet. Il note qu’il existe plusieurs bases de données contenant des informations sur les migrants, gérées par différentes autorités, mais constate avec préoccupation que ces bases de données ne communiquent pas nécessairement entre elles. Il est préoccupé par les grandes difficultés qu’ont les familles de migrants disparus à retrouver leurs proches, et regrette de ne pas avoir reçu de renseignements précis sur l’existence d’une base de données ADN contenant des informations aidant à retrouver et à identifier les migrants disparus. Il constate en outre avec inquiétude qu’un grand nombre d’enfants migrants non accompagnés ont disparu à leur arrivée dans l’État partie et que, d’après certaines informations, des enfants ont disparu des centres d’accueil pour migrants, et en particulier des « hotspots » (points d’enregistrement) (art. 1 à 3, 12, 14 à 16, 19, 24 et 25).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour prévenir les disparitions de migrants, y compris dans le contexte des refoulements d ’ embarcations arrivant par la mer ou par le fleuve Evros , d ’ enquêter sur les disparitions qui ont eu lieu et de faire en sorte que les responsables soient poursuivis ;

b) De redoubler d ’ efforts pour prévenir les disparitions d ’ enfants migrants non accompagnés à leur arrivée dans l ’ État partie, y compris dans les centres de détention pour migrants, en veillant à ce que les intéressés soient confiés aux services de la protection de l ’ enfance dès que possible après leur arrivée dans un centre d ’ accueil, et de garantir que les disparitions fassent l ’ objet d ’ une enquête ;

c) De s ’ employer plus activement à retrouver les migrants disparus, y compris les mineurs non accompagnés, et à identifier et restituer les restes de ceux qui sont morts, en coopérant avec les pays concernés et en faisant en sorte que toutes les autorités compétentes travaillent ensemble et coordonnent leur action et consultent les informations contenues dans les différentes bases de données ;

d) De créer une base de données ADN centrale contenant des données génétiques ainsi que des informations ante mortem et post mortem afin de faciliter la recherche et l ’ identification, et d ’ œuvrer avec tous les pays concernés en faveur de l ’ établissement d ’ accords, de mécanismes et de pratiques communes afin de multiplier les possibilités de recouper les données ADN et d’ ainsi identifier les restes humains qui ne l ’ ont pas encore été ;

e) De faire en sorte que, où qu ’ ils résident, les familles des migrants disparus et leurs représentants puissent obtenir des informations sur les enquêtes et les recherches menées pour retrouver les disparus et prendre part à ces démarches.

4.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

28.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations suffisamment précises sur les procédures d’asile existantes, les délais de recours contre le rejet d’une demande d’asile et les procédures et critères utilisés pour d’apprécier le risque de disparition forcée avant de prendre une décision d’expulsion, de renvoi, de remise ou d’extradition. Le Comité est préoccupé par l’allégation selon laquelle il n’existe pas de protections et de garanties procédurales permettant d’assurer le strict respect du principe de non-refoulement, et en particulier par :

a)Les informations concordantes selon lesquelles des migrants, y compris des demandeurs d’asile et de réfugiés, sont violemment « refoulés » et sommairement expulsés vers la Turquie : après s’être vu confisquer leur téléphone, leurs effets personnels et leurs vêtements, les intéressés seraient embarqués de force dans des canots de sauvetage alors qu’ils ne sont pas suffisamment habillés, puis abandonnés en haute mer ou dans le fleuve Evros, sans que les autorités grecques aient préalablement procédé aux évaluations nécessaires pour apprécier le risque que telle ou telle personne soit soumise à la disparition forcée ;

b)Les informations selon lesquelles les autorités refusent de recevoir ou d’examiner les demandes d’asile présentées à la frontière et il arrive que des personnes se trouvant sur le territoire grec ne puissent pas déposer une demande d’asile ;

c)Les informations selon lesquelles des personnes ont été soumises à la disparition forcée en Turquie après avoir été renvoyées au titre de la déclaration conjointe Union européenne-Turquie de mars 2016 ou ont été transférées vers un État dans lequel elles risquent d’être victimes de disparition forcée (art. 16).

29. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de garantir que le principe de non-refoulement consacré à l ’ article 16 (par. 1) de la Convention est strictement respecté dans tous les cas et lui recommande :

a) De ne pas « refouler » ni expulser collectivement des migrants et de faire en sorte que toutes les allégations de refoulement et d ’ expulsions collectives fassent l ’ objet d ’ une enquête en bonne et due forme et que les responsables soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, sanctionnés ;

b) De permettre à tous les demandeurs d ’ asile, sans exception, d ’ accéder sans entrave à des procédures de détermination du statut de réfugié pleinement conformes aux obligations découlant de l ’ article 16 de la Convention, notamment d ’ établir un véritable mécanisme national de surveillance des frontières fonctionnant en toute indépendance ;

c) D ’ évaluer le risque de disparition forcée que chaque personne court avant de procéder à l ’ expulsion, au renvoi, à la remise ou à l ’ extradition de l ’ intéressé et de veiller à ce que toute décision imposant une mesure de ce type puisse faire l ’ objet d ’ un recours suspensif d ’ exécution dans un délai raisonnable et devant une autorité impartiale ;

d) De s ’ assurer que, avant d ’ ordonner l ’ expulsion, le renvoi, la remise ou l ’ extradition d ’ une personne vers un État considéré comme « sûr », y compris dans le contexte de la déclaration conjointe Union européenne-Turquie, les autorités évaluent systématiquement le risque que l ’ intéressé soit ensuite transféré vers un État où il pourrait être victime de disparition forcée ;

e) De dispenser une formation sur la notion de « disparition forcée » et sur l ’ évaluation des risques y afférents aux personnes intervenant dans les procédures d ’ asile, de refoulement, de remise ou d ’ extradition et, de manière générale, aux agents chargés de l ’ application des lois.

Détention secrète et garanties juridiques fondamentales

30.Le Comité note que l’État partie soutient qu’il n’existe pas de lieux de détention secrets sur son territoire, mais est néanmoins préoccupé par les allégations selon lesquelles des migrants, y compris des enfants, sont régulièrement placés en détention secrète et placés au secret sans être inscrits sur les registres avant d’être refoulés vers la Turquie. Il rappelle les préoccupations exprimées par le Comité contre la torture concernant le non-respect des droits que le droit interne accorde aux personnes privées de liberté, y compris les migrants et les demandeurs d’asile, en particulier le droit d’avoir accès à un avocat, de contacter une personne de son choix et de contester sa détention. Il regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les enquêtes menées à ce sujet ou sur l’éventuelle disponibilité, dans les lieux de privation de liberté, de mécanismes chargés de recevoir les plaintes pour violation de ces droits (art. 17, 18, 20 et 22).

31.Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir en droit et en pratique que toutes les personnes privées de liberté, sans exception et quel que soit le lieu de privation de liberté dans lequel elles se trouvent, bénéficient de jure et de facto de toutes les garanties juridiques fondamentales prévues par l ’ article 17 de la Convention et par les dispositions des autres traités relatifs aux droits de l ’ homme auxquels la Grèce est partie. En particulier, l ’ État partie devrait faire en sorte :

a) Que nul ne soit détenu secrètement, que toutes les allégations de détention secrète donnent lieu à une enquête, que les responsables soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, dûment punis au regard de la gravité de leurs actes et que les victimes reçoivent une réparation adéquate ;

b) Que les personnes privées de liberté soient toujours détenues dans des lieux de privation de liberté officiels et contrôlés ;

c) Que toutes les personnes privées de liberté aient accès à un conseil dès le début de la privation de liberté et puissent communiquer sans délai avec leurs proches ou toute personne de leur choix et, dans le cas des étrangers, avec leurs autorités consulaires ;

d) Que l ’ exercice du droit d ’ engager une procédure en justice pour contester la légalité d ’ une privation de liberté ne soit en aucun cas limité et que toute personne ayant un intérêt légitime à le faire puisse saisir le tribunal, quel que soit le lieu de privation de liberté concerné ;

e) Que toute personne privée de liberté ait accès à des mécanismes permettant de signaler les violations de ses droits aux autorités compétentes, notamment le Médiateur grec ;

f) Que toutes les privations de liberté, sans exception, soient immédiatement consignées dans des registres ou dossiers officiels comportant au minimum les informations requises par l ’ article 17 (par. 3) de la Convention ;

g) Que les registres et dossiers concernant les personnes privées de liberté soient diligemment complétés et mis à jour et régulièrement contrôlés et que, en cas d ’ irrégularité, les fonctionnaires responsables soient dûment sanctionnés ;

h) Que toute personne ayant un intérêt légitime à le faire puisse facilement et rapidement accéder, au minimum, aux informations visées à l ’ article 18 (par. 1) de la Convention.

5.Mesures visant à protéger et à garantir les droits des victimes de disparition forcée (art. 24)

Définition de la notion de victime et droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

32.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur la définition de la notion de victime retenue dans la législation nationale et s’inquiète du fait que les victimes de disparition forcée ne se voient pas offrir toutes les formes de réparation énumérées à l’article 24 (par. 5) de la Convention (art. 24).

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire le nécessaire pour que toutes les personnes qui ont subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée puissent exercer pleinement les droits consacrés par la Convention, en particulier les droits à la justice et à la vérité et le droit d ’ obtenir réparation. À cet égard, il recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une définition de la notion de victime conforme à celle donnée à l ’ article 24 (par. 1) de la Convention ;

b) De faire en sorte que sa législation prévoi e un mécanisme permettant l ’ octroi de tous les types de réparation, y compris l ’ indemnisation, en pleine conformité avec l ’ article 24 (par. 4 et 5) de la Convention et les autres normes internationales pertinentes, mécanisme qui sera placé sous la responsabilité de l ’ État, interviendra même si aucune procédure pénale n ’ a été engagée et tiendra compte des besoins particuliers de la victime, notamment de son sexe, son orientation sexuelle, son identité de genre, son âge, son origine ethnique, sa situation sociale ou son handicap.

Situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé et de leurs proches

34.Le Comité note que la personne disparue peut faire l’objet d’une déclaration d’absence ou de décès, mais regrette de ne pas avoir reçu d’informations précises sur ce que cela signifie pour celle dont le sort n’a pas été élucidé et pour ses proches en ce qui concerne les droits à la propriété et les droits en matière de protection sociale (art. 24).

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir sa législation afin que la situation juridique des personnes disparues dont le sort n ’ a pas été élucidé et de leurs proches puisse être clarifiée, notamment pour ce qui touche à la protection sociale, aux questions financières, au droit de la famille et aux droits de propriété, même sans déclaration de décès. À cet égard, il engage l ’ État partie à faire en sorte qu ’ il soit possible d ’ obtenir une déclaration d ’ absence en cas de disparition forcée.

6.Mesures de protection des enfants contre la disparition forcée (art. 25)

Soustraction d’enfants et adoption

36.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation nationale n’incrimine pas expressément les comportements décrits à l’article 25 (par. 1 a)) de la Convention, ainsi que par la brièveté des délais légaux de recours (de six mois à trois ans) contre l’adoption ou le placement d’un enfant victime de disparition forcée. S’il note que, selon la délégation, aucune autre demande n’a été reçue concernant l’enquête menée sur la disparition, entre 1998 et 2002, de plus de 500 enfants étrangers hébergés dans le foyer public Agia Varvara, le Comité regrette néanmoins de ne pas avoir reçu d’informations sur les résultats de cette enquête. En ce qui concerne la disparition, entre 1930 et 1970, de quelque 3 000 enfants qui auraient été illégalement adoptés et emmenés aux Pays-Bas et aux États-Unis d’Amérique, le Comité prend note des information fournies par la délégation, qui soutient que les démarches que ces enfants ont engagées pour connaître leur origine ont toutes montré que les adoptions étaient légales. Toutefois, il reste préoccupé par l’absence d’enquêtes sur les allégations selon lesquelles certains de ces enfants ont disparu et ont été adoptés illégalement (art. 9, 12, 14, 15, 24 et 25).

37. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ ériger en infractions pénales à part entière les actes visés à l ’ article 25 (par. 1 a)) de la Convention, de prévoir des peines appropriées tenant compte de leur extrême gravité et de faire le nécessaire pour assurer le retour des enfants victimes de tels faits dans leur famille d ’ origine ;

b) De veiller, en coopération avec les pays d ’ origine et de destination, à ce que l ’ enquête actuellement menée sur la disparition, entre 1998 et 2002, d ’ enfants étrangers hébergés dans le foyer public Agia Varvara aboutisse à des résultats concrets afin de rendre justice aux victimes présumées, et de mener une enquête approfondie et impartiale sur la disparition des enfants qui auraient été adoptés illégalement en Grèce entre 1930 et 1970 afin de déterminer si certains ont été victimes de disparition forcée ou de soustraction à leur parents et si d ’ autres infractions (falsification, dissimulation ou destruction de documents d ’ identité, par exemple) ont été commises dans le contexte de leur disparition, dans le but d ’ identifier et de punir les auteurs éventuels ;

c) De fixer des délais appropriés pour le réexamen et, éventuellement, l ’ annulation d ’ une adoption, d ’ un placement ou d ’ une mise sous tutelle trouvant son origine dans une disparition forcée.

D.Mise en œuvre des droits et obligations énoncés par la Convention, diffusion et suivi

38. Le Comité tient à rappeler les obligations que les États contract ent en devenant parties à la Convention et, à cet égard, engage l ’ État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu ’ il adopte soient pleinement conformes à la Convention et à d ’ autres instruments internationaux pertinents .

39. Le Comité tient également à souligner l ’ effet particulièrement cruel qu ’ ont les disparitions forcées sur les femmes et les enfants . Les femmes soumises à une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre . Les femmes parentes d ’ une personne disparue sont particulièrement susceptibles d ’ être gravement défavorisées sur les plans économique et social et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu ’ elles déploient pour localiser leur proche . Les enfants victimes d ’ une disparition forcée, qu ’ ils y soient soumis eux-mêmes ou qu ’ ils subissent les conséquences de la disparition d ’ un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits de l ’ homme . C ’ est pourquoi le Comité insiste particulièrement sur la nécessité, pour l ’ État partie, de veiller à ce que les questions de genre et les besoins particuliers des femmes et des enfants soient systématiquement pris en compte dans la mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales et de l ’ ensemble des droits et obligations énoncés par la Convention .

40. L ’ État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu ’ il a soumis en application de l ’ article 29 (par. 1) de la Convention, ses réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales actives dans le pays et le grand public . Le Comité encourage aussi l ’ État partie à promouvoir la participation de la société civile à l ’ action menée pour donner suite aux recommandations contenues dans les présentes observations finales .

41. Eu égard à l ’ article 29 (par. 4) de la Convention et en vue de renforcer sa coopération avec l ’ État partie, le Comité demande à celui-ci de lui soumettre, au plus tard le 7 avril 2025, un document contenant des informations précises et à jour sur la suite donnée à toutes ses recommandations, ainsi que tout renseignement nouveau touchant l ’ exécution des obligations énoncées par la Convention depuis l ’ élaboration des présentes observations finales . Le document devra être établi conformément aux directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application l ’ article 29 de la Convention . Le Comité encourage l ’ État partie à associer la société civile à la compilation de ces informations .