Nations Unies

CCPR/C/ETH/Q/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

15 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

Genève, 12-30 juillet 2010

Liste de points à traiter à l’occasion de l’examen du rapport initial de l’Éthiopie (CCPR/C/ETH/1)

Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte

1.Indiquer si l’État partie a l’intention de publier le Pacte au Journal officiel fédéral (Federal Negarit Gazeta) (document de base, par. 121 et 122) et de l’appliquer directement ou de l’utiliser effectivement pour interpréter la législation nationale, conformément à l’article 9 (par. 4) et à l’article 13 (par. 2) de la Constitution (rapport initial, par. 16; document de base, par. 168 et 169).

2.Expliquer pourquoi, depuis sa création, la Commission éthiopienne des droits de l’homme n’a jamais fait d’observations sur des lois existantes ou proposées alors que son mandat le prévoit (document de base, par. 162, 194 d), 219 et 221), n’a rendu public aucun rapport d’activités annuel ni soumis des informations aux organes conventionnels ou au Conseil des droits de l’homme et qu’elle a rarement dénoncé publiquement les violations des droits de l’homme. Préciser les initiatives qui peuvent avoir été prises par la Commission pour ouvrir des bureaux régionaux (par. 224) et pour demander l’accréditation au Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l’homme.

3.Donner des renseignements sur ce que l’État partie a entrepris concrètement en vue d’étudier la possibilité de ratifier le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, comme il s’y est engagé pendant l’Examen périodique universel(voir A/HRC/13/17/Add.1, par. 3).

Mesures de lutte contre le terrorisme et respect des garanties consacrées dans le Pacte

4.Expliquer comment les dispositions de la Proclamation antiterroriste (no652/2009), qui donne par exemple une définition large de l’incitation au terrorisme et des actes de terrorisme et des infractions apparentées (art. 2 (par. 6), 3 (par. 1), 5 (par. 1), 6, 7 (par. 1) et 11), ne prévoit pas de contrôle judiciaire (art. 16, 21, 22 et 25), accorde des pouvoirs étendus à la police pour arrêter les suspects (art. 19), fixe de longues périodes de détention (art. 20) et permet l’utilisation de preuves telles que des informations obtenues par les services du renseignement, les preuves par commune renommée et indirectes et les aveux (art. 23) ainsi que la possibilité de faire déposer des témoins anonymes et de façon secrète dans des procès à huis clos (art. 32, par. 1) peuvent être compatibles avec les obligations de l’État partie en vertu des articles 7, 9, 14 et 17 du Pacte.

Non-discrimination; discrimination et violence à l’égard des femmes (art. 2 (par. 1), 3, 23 et 26)

5.Donner des renseignements supplémentaires sur les mesures prises par l’État partie pour garantir aux hommes et aux femmes en toute égalité l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux biens, à la terre et au crédit (document de base, par. 205 et 206, 268, 274 et 275). Préciser si l’État partie prévoit d’adopter une loi sur l’égalité entre hommes et femmes et de mettre en place des quotas obligatoires pour la représentation des femmes au Parlement fédéral ainsi qu’aux parlements régionaux (rapport initial, par. 17 à 25 et 217; document de base, par. 78).

6.À la lumière de l’article 3 du Pacte, décrire les mesures prises pour garantir l’égalité des droits des hommes et des femmes dans le mariage. Préciser si l’État partie envisage d’abolir la polygamie, notamment en procédant à une réforme de la législation régionale comme le Code de la famille de la région du Tigré, qui autorise la polygamie si la pratique est conforme aux coutumes religieuses et traditionnelles, ou le Code de la famille de la région Oromia (rapport initial, par. 225).

7.Quelles sont les mesures prises pour obtenir que toutes les régions fédérales adoptent et mettent en œuvre effectivement une loi qui incrimine pénalement la violence à l’égard des femmes ainsi que les pratiques traditionnelles préjudiciables comme les mutilations génitales, le mariage précoce et l’enlèvement des filles en vue du mariage, conformément au Code pénal révisé (rapport initial, par. 226 à 228; document de base, par. 273)? Est-il prévu de modifier le Code pénal révisé de façon à prévoir l’incrimination de viol conjugal, à définir clairement la violence dans la famille et le harcèlement sexuel et à limiter le pouvoir discrétionnaire des tribunaux qui peuvent réduire la peine des responsables de pratiques traditionnelles préjudiciables (art. 563)?

8.Indiquer si l’État partie envisage d’abroger l’article 629 du Code pénal révisé, qui incrimine les «actes homosexuels et autres actes indécents», de façon à respecter ses obligations en vertu des articles 2, 17, 26 du Pacte.

9.Étant donné que l’État partie a récemment signé la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique, indiquer les progrès qui ont pu être accomplis sur la voie de l’adoption d’une politique nationale globale en faveur des personnes déplacées. Préciser aussi quel ministère a été officiellement désigné pour s’occuper de la protection et de l’aide à apporter aux personnes déplacées.

10.Quelles mesures l’État partie prend-il pour permettre aux réfugiés d’occuper légalement un emploi et garantir aux enfants réfugiés l’accès à l’école publique?

Droit à la vie (art. 6)

11.Expliquer pourquoi l’État partie n’a pas accepté la recommandation faite pendant l’Examen périodique universel tendant à entreprendre des enquêtes sérieuses et indépendantes sur les violations présumées des droits de l’homme dans la région Somali (voir A/HRC/13/17, p. 24). Quelles mesures la Commission éthiopienne des droits de l’homme a-t-elle prises afin d’établir un mécanisme de surveillance des violations des droits de l’homme dans la région Somali, comme il avait été décidé à la suite de la Mission d’évaluation humanitaire de l’ONU dans la région Somali en 2007, qui avait constaté que la situation pour ce qui est des droits de l’homme et de la protection de la population civile dans les zones d’opérations militaires était alarmante et exigeait une attention d’urgence?

12.Donner des renseignements sur les enquêtes menées sur l’affaire de la population anuak dont 424 membres ont été tués à Gambella en décembre 2003, ainsi que sur les poursuites et les condamnations dont les responsables ont fait l’objet. Indiquer quelles mesures ont été prises pour empêcher que les militaires ne prennent des civils pour cibles et garantir l’impartialité de l’armée dans les conflits ethniques.

13.Expliquer comment la peine capitale prononcée par la Haute Cour fédérale pour cinq membres de l’ancien parti d’opposition Coalition pour l’unité et la démocratie (Andargachew Tsigie, Berhanu Nega, Mesfin Aman et Muluneh Iyoel Fage − tous jugés par contumace − et Melaku Teffera Tilahun), qui étaient inculpés du chef de «conspiration en vue de porter atteinte à la Constitution et de renverser par la violence le Gouvernement» en raison de leurs liens supposés avec le mouvement appelé «Ginbot 7», peut être compatible avec l’obligation de ne prononcer la peine de mort que pour les crimes les plus graves (rapport initial, par. 34) ainsi qu’avec l’article 14, paragraphe 3 d) du Pacte (document de base, par. 86).

14.Donner des renseignements sur les dispositions prises pour enquêter sur les incidents suivants: le meurtre a) du candidat de l’opposition Aregawi Gebre-Yohannes du parti Arena (Tigré), poignardé à mort chez lui dans le nord du Tigré le 2 mars 2010; b) du militant de l’opposition Biyansa Daba, du Congrès fédéraliste Oromo, mort à l’hôpital le 16 avril 2010 après avoir été frappé à coups de crosse de fusil le 7 avril 2010; c) de Girma Kabe, abattu alors qu’il collait des affiches pour la coalition de l’opposition Medrek; et d) d’Itana Idossa, candidat du parti au pouvoir, poignardé à mort à la fin d’une réunion, en mai.

15.Indiquer si les membres des forces de sécurité ont été condamnés pour avoir fait usage de la force meurtrière pendant les violences postélectorales en 2005, qui ont fait 193 morts parmi les civils et 6 parmi les policiers, d’après le rapport de la Commission d’enquête indépendante établie par le Parlement. Une indemnisation a-t-elle été accordée aux familles des victimes? Commenter les informations selon lesquelles les deux juges qui présidaient la Commission d’enquête se sont enfuis du pays peu de temps avant que le rapport de la Commission ne soit rendu public, parce qu’ils n’approuvaient pas la conclusion qui était que la force employée par les forces de sécurité était proportionnée.

Interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumainsou dégradants; liberté et sécurité de la personne; traitementdes prisonniers (art. 7, 9 et 10)

16.Donner de plus amples renseignements sur les mesures, y compris l’organisation d’une formation obligatoire aux droits de l’homme à l’intention de la police et des agents chargés de faire appliquer la loi, prises pour empêcher et réprimer les arrestations arbitraires, la détention et la torture ou les mauvais traitements dont sont l’objet des militants de l’opposition et des personnes soupçonnées d’appartenir à des groupes armés illégaux, ainsi que l’utilisation de la force contre des suspects pendant les arrestations et les interrogatoires (rapport initial, par. 55 à 57, 62 à 66 et 81; document de base, par. 240 à 243) qui, d’après les sources d’information, se produisent fréquemment dans l’État partie (document de base, tableau 80). Donner des exemples de cas où les auteurs de tels actes ont été traduits en justice.

17.Quelles initiatives l’État partie prend-il pour donner suite à l’avis no 28/2009 rendu par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, qui a conclu que la détention de la dirigeante de l’opposition Birtukan Mideksa, arrêtée de nouveau et placée en détention en décembre 2008 après la révocation de la grâce qui lui avait été accordée en 2007, était arbitraire? Quelles dispositions ont-elles été prises pour garantir que Mme Mideksa, mère célibataire, ait des contacts réguliers avec sa petite fille de 5 ans et avec son avocat pendant sa détention à la prison de Kality à Addis-Abeba?

18.Donner des renseignements complémentaires sur les mesures prises pour améliorer les conditions, qui seraient alarmantes, dans les prisons et autres lieux de détention de l’État partie. En particulier, indiquer les mesures prises en ce qui concerne: la surpopulation; le manque de place pour dormir, le manque d’eau et de nourriture; l’absence de services médicaux suffisants et de médicaments, y compris pour les femmes enceintes, les mères avec enfants en bas âge et les détenus atteints du VIH/sida; l’absence de structures spécialisées pour les détenus handicapés; les mauvaises conditions d’hygiène et de salubrité; la détention dans les mêmes locaux de délinquants mineurs avec des adultes et de condamnés avec des personnes en attente de jugement; l’accès insuffisant à l’éducation, à la formation professionnelle et aux activités de loisirs, notamment pour les jeunes prisonniers et pour les enfants incarcérés avec leur mère; les restrictions aux contacts avec la famille; l’éloignement des prisons (rapport initial, par. 59 à 61, 87 à 90, 94, 99 à 101 et 104).

19.Eu égard aux informations faisant état de violences contre les prisonniers et les détenus, quels sont les mécanismes en place pour surveiller le comportement des agents pénitentiaires et des fonctionnaires de police et pour se plaindre en cas d’exactions (rapport initial, par. 52 à 54, 85, 86 et 91)? Quel est le mandat de la Commission éthiopienne des droits de l’homme et quel rôle joue-t-elle (document de base, par. 220) dans la surveillance des lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, par exemple en procédant à des visites sans préavis?

Élimination de l’esclavage et de la servitude (art. 8 et 24)

20.Étant donné que d’après des sources d’information, seul un petit nombre de cas de traite sont dénoncés et poursuivis et que les peines prononcées contre les trafiquants sont généralement clémentes, indiquer comment l’État partie compte rassembler des données statistiques fiables, renforcer les compétences des fonctionnaires de police et des agents de l’immigration en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites et revoir la politique de condamnation dans les affaires de traite. L’État partie a-t-il l’intention d’adopter un plan d’action national complet pour lutter contre la traite des êtres humains (rapport initial, par. 68, 71 et 74)?

Droit à un procès équitable (art. 14)

21.Expliquer pourquoi une personne condamnée sur la base d’une reconnaissance préalable de culpabilité ne peut pas faire appel de la condamnation devant une juridiction supérieure (rapport initial, par. 148).

22.Préciser si les décisions des tribunaux de la charia peuvent être réexaminées par les juridictions ordinaires. Existe-t-il des dispositifs pour garantir que les parties, en particulier les femmes, donnent librement leur consentement quand elles acceptent que l’affaire soit jugée selon la loi islamique (document de base, par. 50 et 67 k))?

23.Eu égard aux rapports signalant l’insuffisance des services d’aide juridictionnelle assurés par le Bureau des défenseurs publics, expliquer quelle est l’incidence des restrictions de financement qui découlent de la Proclamation no 621/2009 relative à l’enregistrement et à la réglementation des œuvres caritatives et des associations sur la capacité des organisations de la société civile d’assurer gratuitement la représentation en justice des défendeurs indigents. Quelles sont les mesures prises pour renforcer la capacité du Bureau des défenseurs publics et améliorer la qualité de l’aide juridictionnelle assurée (document de base, par. 88 et 125), y compris au stade de l’enquête et de toute la procédure qui précède le jugement (rapport initial, par. 134)?

Liberté d’expression et liberté d’association (art. 19 et 22)

24.Eu égard aux informations faisant état de la fermeture de journaux indépendants comme le «Addis Neger» et de harcèlement dont ont été l’objet des journalistes et des rédacteurs en chef de journaux privés non affiliés au parti dirigeant, indiquer les mesures prises pour garantir l’existence de médias libres et indépendants et la pluralité des opinions (rapport initial, par. 191 à 193). Préciser si l’État partie prévoit de réviser les dispositions fixant des peines sévères pour la diffamation (rapport initial, par. 171), en particulier s’agissant de membres du Gouvernement, de la Proclamation no 590/2008 relative à la liberté des organes d’information et à l’accès à l’information (art. 41) et du Code pénal révisé (art. 613 à 618), ce qui, d’après certaines sources, impose à la presse une autocensure.

25.Expliquer comment les dispositions de la Proclamation no 621/2009 relative aux organisations de la société civile (rapport initial, par. 210), qui interdit aux organisations étrangères et à celles qui reçoivent plus de 10 % de leur financement de sources étrangères de travailler dans le domaine des droits de l’homme, de l’égalité entre hommes et femmes et de l’administration de la justice (art. 14), et les empêchent de former des recours judiciaires contre les décisions de l’Agence des œuvres caritatives et des associations concernant leur enregistrement, la suspension de leurs activités ou leur dissolution, peuvent être compatibles avec les obligations de l’État partie en vertu de l’article 2 (par. 3), de l’article 22 et de l’article 26 du Pacte. Préciser si le conseil chargé d’examiner les recours contre les décisions de l’Agence a été établi.

26.Expliquer pourquoi les comptes bancaires du Conseil éthiopien des droits de l’homme et de l’Association éthiopienne des femmes juristes ont été gelés par l’Agence des œuvres caritatives et des associations et pourquoi l’Association du barreau éthiopien n’a pas pu se réenregistrer sous le même nom. Compte tenu des difficultés rencontrées par ces organisations de la société civile et vu que de nombreux dirigeants d’organisations ont quitté l’Éthiopie en 2009, expliquer comment l’État partie compte instaurer un environnement propice aux activités des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme locales.

Droits de l’enfant (art. 24)

27.Quelles sont les structures d’appui qui existent pour les orphelins et les enfants vulnérables, ce qui comprend les enfants des rues et les enfants chefs de famille (rapport initial, par. 237)? Donner des renseignements détaillés sur les mesures prises pour mettre en place un système efficace d’enregistrement des naissances et un système d’adoption nationale sous la supervision des tribunaux (rapport initial, par. 238 et 241) et pour protéger les enfants, y compris les orphelins et les enfants vulnérables, contre l’exploitation et les sévices divers (document de base, par. 278 et 280). Indiquer s’il est prévu d’adopter une politique générale en faveur des enfants vulnérables et de la rattacher au deuxième Plan de développement accéléré et durable pour éradiquer la pauvreté (PASDEP-2; 2010/11-2015/16), et au cycle budgétaire.

28.Indiquer si l’État partie a l’intention de relever l’âge minimum de la responsabilité pénale, qui est actuellement fixé à 9 ans, ainsi que l’âge jusqu’auquel le système de justice pour mineurs est applicable, qui est actuellement de 15 ans (rapport initial, par. 142, 145 et 233). Quelles sont les mesures prises, à part les projets pilotes, pour établir dans les tribunaux de toutes les régions des chambres adaptées aux enfants (rapport initial, par. 105, 147 et 231) et pour dépénaliser le vagabondage et les troubles du comportement, en particulier dans le cas des enfants des rues?

Droit de prendre part à la direction des affaires publiques (art. 25)

29.Compte tenu des informations décrivant un climat préélectoral discriminatoire avant les élections législatives de 2010, expliquer comment l’État compte empêcher que l’espace politique des citoyens continue de se rétrécir, renforcer la confiance de la population dans l’impartialité du Conseil national des élections, enquêter avec diligence sur les plaintes dénonçant des irrégularités pendant les campagnes électorales, des actes de harcèlement et d’intimidation visant les candidats de l’opposition, et assurer un financement public adéquat des partis politiques, une couverture médiatique neutre ainsi qu’un environnement propice à la participation de la société civile dans les campagnes électorales futures.

Droit des personnes appartenant à des minorités (art. 27)

30.Quels sont les dispositifs en place pour garantir le droit des minorités linguistiques dans les régions fédérales d’employer leur propre langue ou l’amharique plutôt que seulement la langue du groupe ethnique majoritaire dans la région, dans toutes les procédures administratives et judiciaires et autres démarches officielles (rapport initial, par. 5 et 275)? Décrire les possibilités offertes aux enfants appartenant à des minorités pour recevoir un enseignement scolaire dans leur langue ou pour apprendre cette langue.