Nations Unies

CCPR/C/ETH/2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

30 janvier 2020

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des droits de l ’ homme

Deuxième rapport périodique soumis par l’Éthiopie en application de l’article 40 du Pacte, attendu en 2014 *

[Date de réception : 22 octobre 2019]

Table des matières

Page

Liste des sigles et acronymes3

Introduction4

Article 1 : Droit à l’autodétermination4

Article 2 : Non-discrimination dans la mise en œuvre du Pacte5

Mise en œuvre du Pacte au niveau national6

Article 3 : Égalité des droits des hommes et des femmes7

Article 4 : Non-dérogation en ce qui concerne les droits9

Article 5 : Limitations des droits protégés par le Pacte10

Article 6 : Droit à la vie11

Article 7 : Interdiction de la torture12

Mécanismes de plainte concernant la torture13

Article 8 : Interdiction du travail forcé14

Article 9 : Droit à la liberté et à la sécurité de la personne15

Article 10 : Traitement humain des personnes privées de liberté17

Article 11 : Interdiction de l’emprisonnement pour la seule raison de l’incapacité d’exécuter une obligation contractuelle18

Articles 12 et 13 : Droits de circuler librement et de choisir librement sa résidence (par. 13 et 14 des observations finales, par. 71 et 72 des recommandations générales, observation générale no 15 de 1986, observation générale no 27 de 1999)18

Article 14 : Égalité devant les tribunaux et les cours de justice20

Article 15 : Non-rétroactivité des lois21

Article 16 : Reconnaissance de la personnalité juridique22

Article 17 : Droit à la vie privée, à l’honneur et à la réputation22

Article 18 : Liberté de pensée, de conscience et de religion23

Article 19 : Liberté d’expression24

Article 20 : Interdiction de la propagande en faveur de la guerre et de l’appel à la haine nationale, religieuse ou raciale25

Article 21 : Droit de réunion pacifique25

Article 22 : Liberté d’association26

Article 23 : Protection de la famille27

Article 24 : Protection de l’enfant28

Article 25 : Participation aux affaires publiques et élections29

Article 27 : Droits des minorités31

Liste des sigles et acronymes

CICRComité international de la Croix-Rouge

EPU Examen périodique universel

HCDHHaut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme

HCRHaut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

OIMOrganisation internationale pour les migrations

ONUDCOffice des Nations Unies contre la drogue et le crime

UNICEFFonds des Nations Unies pour l’enfance

Introduction

1.Le présent rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques est soumis par l’Éthiopie en application de l’article 40 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le Pacte). Il a été établi conformément à la Compilation des directives générales concernant la présentation et le contenu des rapports à présenter par les États parties aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GNE/2/Rev.6) du 3 juin 2009, aux directives du Comité des droits de l’homme concernant l’établissement des rapports (CCPR/C/2009/1), publiées le 22 novembre 2010, ainsi qu’aux diverses observations générales du Comité. Des efforts ont aussi été faits pour tenir compte des préoccupations soulevées dans les observations finales du Comité des droits de l’homme (CCPR/C/ETH/CO/1) et e y répondre.

2.Un groupe interministériel d’experts dirigé par le Bureau du Procureur général a été chargé d’établir le rapport. Des experts du Bureau du Procureur général, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la santé, du Ministère de l’éducation, du Ministère du travail et des affaires sociales, du Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse, du Ministère de la paix, du Bureau central de la statistique et de l’Agence fédérale des associations et organisations caritatives ont ainsi participé à la rédaction du rapport. L’assistance technique du bureau régional de l’Afrique de l’Est du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a également été très utile.

3.Des consultations nationales portant sur le projet de rapport ont été organisées avec des organismes publics et des organisations non gouvernementales en vue d’enrichir le document et de faire en sorte qu’il décrive avec exactitude la situation actuelle concernant les droits civils et politiques en Éthiopie.

4.L’Éthiopie a déjà soumis, en janvier, son rapport national dans le cadre du troisième cycle de l’Examen périodique universel (EPU), conformément au paragraphe 5 de l’annexe à la résolution 16/21 du Conseil des droits de l’homme, et s’emploie également à élaborer pour d’autres comités, conformément à ses obligations, des rapports dont la date limite de soumission est déjà passée ou est sur le point de l’être. Le Gouvernement est disposé à répondre aux demandes de précisions concernant le contenu du présent rapport.

Article 1Droit à l’autodétermination

5.Dans son rapport précédent, l’Éthiopie a décrit en détail son cadre constitutionnel pour la reconnaissance et la protection du droit à l’autodétermination. Pour la période considérée, il n’y a pas de faits nouveaux concernant les garanties constitutionnelles.

6.Pour compléter les informations fournies dans le rapport précédent, il est précisé que le droit de propriété des terres rurales et urbaines, ainsi que des ressources naturelles, revient exclusivement à l’État et au peuple éthiopien. Les paysans et les pasteurs éthiopiens ont le droit d’obtenir gratuitement des terres pour la culture et le pâturage, et ils ne peuvent être ni expulsés ni déplacés de leurs propres terres.

7.Aux termes de la Constitution, le Gouvernement est tenu de consulter le peuple à chaque fois qu’il définit des politiques et des programmes de développement national. Les autorités cherchent à obtenir le consentement préalable en connaissance de cause du peuple avant de lancer une quelconque initiative de développement qui aura un effet sur les droits et les intérêts qu’il tient du Pacte.

8.Bien que ces principes constitutionnels restent valables et que le Gouvernement continue de faire tout son possible pour les concrétiser, un certain nombre de questions soulevées dans le contexte de demandes d’autonomie ont fait l’objet d’une attention croissante depuis le dernier rapport. Parmi ces demandes figurent la formation de pouvoirs locaux propres, une modification du découpage administratif et une demande de reconnaissance comme un des états régionaux constituant le Gouvernement fédéral. Depuis le précédent rapport, la Chambre de la Fédération a reçu et traité 11 demandes de reconnaissance et d’autonomie émanant de divers groupes et communautés ethniques.

9.En plus des informations fournies dans le rapport précédent concernant les mécanismes en place pour suivre les progrès vers la pleine réalisation du droit à l’autodétermination, on notera que la Commission des limites administratives et des questions d’identité a été créée en décembre 2018 par la loi no 1101/2018. Cette commission est chargée d’examiner en profondeur les demandes, toujours plus nombreuses, d’autonomie et de reconnaissance, de mener des études et de faire des recommandations à la Chambre de la Fédération et à d’autres organes publics.

Article 2Non-discrimination dans la mise en œuvre du Pacte

10.La Constitution garantit l’égalité de tous devant la loi et interdit la discrimination fondée sur la race, la nation, la nationalité ou toute autre origine sociale, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

11.Le Gouvernement a pris une série de mesures administratives pour assurer la réalisation effective des droits garantis par le Pacte. À cet égard, les réformes institutionnelles menées dans toutes les institutions publiques ainsi que dans les institutions nationales des droits de l’homme telles que la Commission éthiopienne des droits de l’homme et le Bureau du Médiateur ont été une priorité de premier ordre. Ces deux institutions examinent actuellement leurs textes de loi fondateurs. Les projets de loi permettront à ces institutions de gagner en indépendance et d’améliorer la mise en œuvre de leurs conclusions et recommandations, et aussi de renforcer leurs capacités institutionnelles à fournir ou à garantir des recours en cas de violation des droits garantis par le Pacte.

12.Au cours de la période considérée, les tribunaux et la Chambre de la Fédération (compétente pour l’interprétation de la Constitution) ont adopté un certain nombre de décisions relatives à la protection contre la discrimination. La Chambre de la Fédération a pris deux décisions historiques qui ont confirmé l’égalité des personnes devant la loi. Dans l’affaire MelakuFenta et consorts, la Chambre a estimé que le fait de juger des fonctionnaires devant la Cour suprême fédérale en première instance était contraire à la Constitution en ce que cela privait les suspects du droit de faire appel et, donc, du droit à l’égalité devant la loi. Dans une autre affaire, la Chambre a jugé discriminatoire et contraire à la Constitution une directive interdisant aux personnes malvoyantes d’exercer la fonction de juge.

13.Le droit électoral en vigueur prévoit un certain nombre de mesures incitatives en faveur des partis politiques qui présentent des candidates. Par exemple, la dotation publique pour les campagnes électorales augmente à mesure que les partis présentent plus de candidates. Pour les élections de 2015, on a ainsi compté 1 270 candidates, qui représentaient différents partis. La révision de la législation en cours, avec la participation des partis au pouvoir et de l’opposition, devrait encore renforcer ces mesures incitatives, qui visent à une plus forte présence des femmes en politique.

14.Les non-nationaux qui résident en Éthiopie sont sur un pied d’égalité avec les Éthiopiens s’agissant des droits garantis par le Pacte, à l’exception du droit de vote et d’éligibilité, du droit de posséder des biens immobiliers et du droit de servir dans la fonction publique et les forces de sécurité. L’Éthiopie s’est dotée d’une nouvelle loi sur les réfugiés (la loi no 1110/2019), qui permet à ceux-ci d’obtenir un permis de travail, d’accéder à l’enseignement primaire, de passer leur permis de conduire, de faire enregistrer les faits d’état civil (naissance, mariage, etc.) et d’accéder aux services financiers, notamment d’ouvrir un compte en banque. Ce texte a été reconnu comme l’un des plus progressistes jamais adoptés en Afrique.

Mise en œuvre du Pacte au niveau national

15.Les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme signés et ratifiés par le pays font partie intégrante de la législation nationale. S’agissant de la nature et de l’application des instruments internationaux, le paragraphe 4 de l’article 9 de la Constitution dispose que tous les accords internationaux ratifiés par l’Éthiopie font partie intégrante de la législation nationale. C’est dans ce cadre que la Convention a acquis sa légitimité comme élément de la législation interne. Des précisions ont été apportées dans les réponses à la liste de points données par le Gouvernement concernant le rapport précédent (CCPR/C/ETH/Q/1/Add.1, par. 1 et 2).

16.Le Pacte est directement appliqué par les tribunaux éthiopiens à différents niveaux. Par exemple, la section de cassation de la Cour suprême fédérale a fondé sa décision sur des articles du Pacte dans un certain nombre d’affaires. Pour n’en citer que quelques-unes, elle a repris textuellement les dispositions du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte sur la non‑rétroactivité des lois pénales, du paragraphe 1 de l’article 18 sur le droit à la liberté de religion et du paragraphe 3 b) de l’article 14 relatif au droit de se défendre et de communiquer avec le conseil de son choix.

17.Selon le paragraphe 8 de l’article 6 du texte portant création de la Commission éthiopienne des droits de l’homme, la traduction des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans les langues locales et leur application relèvent de la compétence de la Commission. Au cours de la période considérée, la Commission a traduit et diffusé le Pacte et tous les principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme des Nations Unies ratifiés par l’Éthiopie dans deux langues locales. Le Pacte est ainsi disponible en cinq langues locales.

18.Des émissions radio organisées régulièrement par le Procureur général fédéral et la Commission éthiopienne des droits de l’homme diffusent des informations sur le Pacte et les recours par lesquels les individus peuvent obtenir réparation en cas de violation des droits qu’ils tiennent du Pacte.

19.La Commission éthiopienne des droits de l’homme mène des actions de sensibilisation aux droits de l’homme, y compris ceux qui sont garantis par le Pacte, en collaboration avec tous les pouvoirs de l’État. En 2017 et 2018, elle a organisé des formations et des ateliers sur ce sujet à l’intention de 32 088 personnes, dont des policiers, des membres de l’administration pénitentiaire et des Forces de défense nationale, des anciens, des élèves, des femmes, des personnes handicapées et d’autres personnes. Au cours de la même période, le Procureur général fédéral a organisé des formations à l’intention de plus de 4 500 fonctionnaires, experts et personnes issues du grand public, qui portaient sur les droits de l’homme et le Plan d’action national en faveur des droits de l’homme (ce chiffre ne tient pas compte des personnes sensibilisées grâce aux médias).

20.Différents acteurs prennent en outre des mesures concertées pour sensibiliser les fonctionnaires et les agents de l’État au Pacte. En particulier, les établissements fédéraux et régionaux de recherche et de formation en matière de justice et de droit, ainsi que les établissements de formation des policiers et des agents pénitentiaires de tout le pays, organisent régulièrement des formations sur le Pacte et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme à l’intention des juges, des procureurs, des avocats commis d’office, des policiers et des agents pénitentiaires, avant la prise de fonctions et en cours d’emploi.

21.Les droits garantis par le Pacte sont abordés dans le programme d’instruction civique des écoles primaires et secondaires. Les droits de l’homme sont enseignés dans toutes les facultés de droit, dans les programmes de premier cycle et dans les programmes spécialisés de deuxième cycle. Le Ministère de l’éducation et la Commission éthiopienne des droits de l’homme sont en train de revoir le programme scolaire national en vue de renforcer encore l’éducation aux droits de l’homme.

22.L’Éthiopie n’a de cesse de prendre des mesures pour s’assurer que ses lois et pratiques soient conformes au Pacte et aux autres instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels elle est partie. Elle a fait à ce sujet un grand pas en avant en adoptant son plan d’action national en faveur des droits de l’homme, dont le deuxième cycle s’achèvera en 2020.

23.Le Procureur général fédéral est chargé de surveiller la mise en œuvre de tous les instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’Éthiopie. Les autorités ont ainsi mis en place un mécanisme national de surveillance, d’établissement de rapports et de suivi pour coordonner la mise en œuvre des traités relatifs aux droits de l’homme, des recommandations issues de l’EPU acceptées et des observations finales des organes conventionnels.

24.Le bureau fédéral et les bureaux régionaux du Procureur général, la Commission éthiopienne des droits de l’homme et la police peuvent recevoir des plaintes pour violation des droits garantis par le Pacte. Par exemple, depuis le début des réformes politiques en Éthiopie en avril 2018, le Procureur général fédéral a reçu plusieurs plaintes et a ordonné l’ouverture d’un certain nombre d’enquêtes pénales contre des membres de haut rang du Service national de renseignement et de sécurité, des Forces de défense nationale, de la police et des établissements pénitentiaires pour exécutions extrajudiciaires et torture. Dans la plupart de ces affaires, des accusations ont été portées et les suspects sont jugés par des tribunaux fédéraux.

Article 3Égalité des droits des hommes et des femmes

25.L’égalité des chances et des droits pour les hommes et pour les femmes et l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe comptent parmi les principes fondamentaux de la Constitution. Au cours de la période considérée, les autorités ont pris des mesures pour mieux protéger les droits que les femmes tiennent du Pacte. Différentes mesures législatives, judiciaires et administratives ont été prises à cet effet.

26.Dans son précédent rapport, l’Éthiopie a mis en évidence les grandes mesures législatives et mesures de politique générale qu’elle avait prises pour assurer aux hommes et aux femmes la même protection des droits qu’ils tiennent du Pacte. Les autorités ont adopté en 2018 la loi modifiée sur la fonction publique fédérale, qui exige de tous les organismes publics qu’ils aménagent une nurserie dans les bureaux et qui étend le congé de maternité de quatre-vingt-dix à cent vingt jours et le congé de paternité de cinq à dix jours. On se reportera également au paragraphe 13, qui énonce les mesures législatives prises pour renforcer la participation des femmes aux opérations électorales.

27.L’Éthiopie a en outre adopté une loi complète contre la traite des personnes et le trafic de migrants, en mettant particulièrement l’accent sur la protection des femmes et des enfants. Cette loi prévoit de lourdes sanctions pour les auteurs de ces crimes et une réparation pour les victimes. Un comité national et des équipes spéciales aux niveaux régional et fédéral ont été créés pour assurer le suivi de la mise en œuvre de ce texte. Depuis la promulgation de cette loi, 2 686 personnes ont été inculpées aux niveaux fédéral et régional, et 1 178 ont été condamnées à ce jour. Toutefois, malgré les efforts considérables déployés, la traite des personnes reste un énorme défi pour le pays.

28.L’Éthiopie a ratifié le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo) en février 2018. Elle travaille à son adhésion à la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala).

29.L’Éthiopie est partie à sept des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. La procédure d’adhésion aux deux derniers, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, est en cours. L’Éthiopie a adhéré le 25 mars 2014 au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et le 14 mai 2014 au Protocole facultatif à la même convention, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

30.Au cours de la période considérée, l’Éthiopie a ratifié deux protocoles relatifs à la traite des personnes et au trafic de migrants. Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer et le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, tous deux additionnels à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ont été ratifiés par les lois nos 736 et 737, respectivement, en 2012. Ces protocoles ont ensuite servi de base à l’élaboration d’une loi nationale sur la traite des personnes et le trafic de migrants, qui a été adoptée par la loi no 909 de 2015.

31.En outre, la section de cassation de la Cour suprême fédérale a établi plusieurs précédents juridiquement contraignants s’agissant de l’application effective d’un partage équitable des biens communs en cas de divorce.

32.En 2018, l’Éthiopie a franchi un cap important en se dotant d’un gouvernement fédéral non seulement réduit, puisqu’il ne compte plus que 20 ministres, mais aussi paritaire, puisque 50 % des portefeuilles ministériels ont été confiés à des femmes. Des institutions essentielles telles que le Ministère de la paix (qui supervise le renseignement, la police et l’ensemble du dispositif de sécurité), le Ministère de la fiscalité et le Ministère du commerce et de l’industrie sont ainsi dirigées par des femmes. C’est aussi le cas de la Cour suprême, pour la première fois dans l’histoire du pays, et du Conseil électoral national. En octobre 2018, l’Éthiopie a élu la première Présidente de son histoire. L’action en ce sens se poursuit au niveau régional, et se poursuivra encore. Le nombre de femmes siégeant au Parlement national est passé de 138 en 2010 à 202 en 2015 et cinq des 10 commissions permanentes de la Chambre des représentants des peuples sont présidées par une femme.

33.Au cours de la période considérée, l’Éthiopie a également travaillé à l’autonomisation économique des femmes. Rien qu’en 2017 et 2018, plus de 6 millions de femmes ont participé à des projets de sensibilisation de grande ampleur sur la question de l’accès à l’autonomie économique aux niveaux régional et fédéral, 13 421 215 femmes ont réussi à épargner 3 252 050 038 birr dans le cadre de petites associations de microfinancement et 2 140 105 femmes ont obtenu des crédits pour un montant total de 13 325 717 507 birr. Actuellement, 439 117 femmes travaillent dans de petites entreprises, dont 144 597 qui ont bénéficié de facilités d’accès au marché et d’aides à la constitution de réseaux.

34.De plus en plus de femmes accèdent à la propriété immobilière ou foncière, tant dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Seize pour cent des femmes de 15 à 49 ans sont propriétaires de leur logement en leur nom propre, et 35 % en sont copropriétaires. Les femmes représentent 52 % des bénéficiaires du programme fédéral de logements à loyer modéré. S’agissant des droits relatifs à la propriété foncière, 40 % des femmes sont propriétaires, et 25 % copropriétaires. Dans les zones rurales, 1 383 937 femmes ont reçu un certificat de propriété foncière soit en leur nom propre, soit en copropriété avec leur mari. Les autorités accordent une place importante aux réformes structurelles en ce qui concerne la gestion et l’administration foncières, car la majorité des propriétaires fonciers ruraux n’ont toujours pas de titre de propriété.

35.S’agissant de l’accès des femmes aux services médicaux, d’importants progrès ont été faits au cours de la période considérée en ce qui concerne les soins prénatals, l’encadrement de l’accouchement par du personnel qualifié, la réduction de la mortalité maternelle et infantile et l’utilisation de la contraception, de même qu’au regard d’autres indicateurs. Le nombre de dispensaires et de centres de santé a augmenté dans les qebelés, de sorte que les femmes jouissent maintenant d’un meilleur accès à ces établissements. La proportion de femmes de 15 à 49 ans qui ont pu bénéficier de soins prénatals dispensés par un prestataire qualifié est ainsi passée de 27 % en 2000, à 34 % en 2011 et à 62 % en 2016. Inversement, la proportion d’accouchements à domicile a été ramenée de 95 % en 2000, à 90 % en 2011, puis à 73 % en 2016. Enfin, 17 % des femmes et 13 % des nouveau-nés ont bénéficié d’un examen périnatal dans les deux jours suivant l’accouchement.

36.Les pratiques traditionnelles néfastes telles que les mutilations génitales féminines ou l’excision et les mariages précoces demeurent très répandues et continuent de poser un problème majeur. L’Éthiopie est déterminée à faire cesser ces pratiques au moyen de mesures stratégiques et programmatiques. Elle a notamment adopté une stratégie nationale sur les pratiques traditionnelles néfastes, qui s’articule autour de trois grands axes : prévention, fourniture de services et protection. Cette approche ciblée guide l’action nationale et contribue à mobiliser les parties prenantes en vue de mettre fin à ces pratiques et d’atténuer les incidences des mutilations génitales féminines et de l’excision.

37.Outre les autres mesures, des dialogues et des formations continus et de grande envergure concernant les droits des femmes ont été organisés au cours de la période considérée. Rien qu’en 2017 et 2018, des activités de sensibilisation à la traite des personnes, aux pratiques traditionnelles néfastes et à la violence fondée sur le genre ont été menées dans tout le pays ; 4 502 655 personnes y ont participé.

Article 4Non-dérogation en ce qui concerne les droits

38.Des informations sur le mécanisme constitutionnel, sur les procédures juridiques pour déclarer et lever l’état d’urgence ainsi que sur l’étendue et l’effet de cet état d’urgence ont été données aux paragraphes 26 à 31 du rapport précédent.

39.L’Éthiopie a déclaré l’état d’urgence national à deux reprises au cours de la période considérée. Elle l’a fait au titre du cadre constitutionnel qui donne au Conseil des ministres le pouvoir de déclarer l’état d’urgence à la suite d’une grave détérioration de l’ordre public qui met en danger le régime constitutionnel au point de rendre impossible le contrôle par les mesures normales d’application de la loi.

40.Le premier état d’urgence a été déclaré le 9 octobre 2016. Le Gouvernement en a immédiatement informé les autres États parties par l’intermédiaire du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies le 17 octobre 2016 ; il n’a toutefois pas transmis de communication officielle lors de la levée de cet état d’urgence, en août 2017. Le deuxième état d’urgence a été déclaré le 16 février 2018, mais a été levé deux mois plus tôt que ce qu’avait prévu la Chambre des représentants des peuples, en juin 2018. Cependant, le Gouvernement n’a informé officiellement les autres États parties au Pacte ni de la déclaration ni de la levée de l’état d’urgence dans ce deuxième cas.

41.Ces déclarations de l’état d’urgence se justifiaient par une grave détérioration de l’ordre public qui a menacé la nation et causé la perte de vies humaines, la destruction d’institutions et d’infrastructures, des troubles et des désordres qui ont mis en danger l’ordre constitutionnel ainsi que la paix et la sécurité publiques, au point de rendre impossibles la prévention et le contrôle par les mesures normales d’application de la loi.

42.De ces déclarations a découlé la création d’un poste de commandement de l’état d’urgence, composé de membres des organes compétents et dirigé par le Premier Ministre, chargé de diriger et d’appliquer les diverses mesures qu’il juge nécessaires pour le respect de l’ordre constitutionnel et pour le maintien de la paix et de la sécurité de la population. Ces mesures comprennent, sans s’y limiter, la fermeture ou l’arrêt des moyens de communication, la définition de modalités de protection de la sécurité des institutions et des infrastructures, l’arrestation sans mandat de toute personne soupçonnée de troubler la paix et la sécurité de la population.

43.En vue d’évaluer et de limiter l’exercice des pouvoirs extraordinaires par les autorités en période d’urgence, le pays a créé une commission d’enquête sur l’état d’urgence, à laquelle le poste de commandement devait communiquer le nom et le lieu de détention des personnes arrêtées. Cette commission a ensuite rendu publics, dans un délai d’un mois, les noms de toutes les personnes arrêtées en raison de l’état d’urgence ainsi que le motif de leur arrestation. Elle a aussi évalué les mesures prises pendant l’état d’urgence et recommandé au Conseil des ministres de prendre certaines mesures correctives.

44.Dans ce contexte, on a réaffirmé l’impossibilité de déroger aux dispositions de l’article premier (nomenclature de l’État), de l’article 18 (art. 7 du Pacte), de l’article 25 (par. 1 de l’article 2 et articles 3, 17 et 26 du Pacte) et des paragraphes 1 et 2 de l’article 39 (art. 1er du Pacte) de la Constitution. Bien que la liste des droits non susceptibles de dérogation de la Constitution ne soit pas conforme au Pacte, l’Éthiopie, en tant qu’État partie au Pacte et en vertu du paragraphe 4 de l’article 9 de sa Constitution, considère que tous les droits non susceptibles de dérogation visés au paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte sont pleinement applicables au niveau national.

45.Le premier état d’urgence a été déclaré pour six mois à compter de sa déclaration par le Conseil des ministres, la Chambre des représentants des peuples ayant le pouvoir de le renouveler tous les quatre mois à l’issue de la période en cours si elle le juge nécessaire. Faute de normalisation de la situation, cet état d’urgence est resté en vigueur pendant dix mois, jusqu’en août 2017.

46.Dans le cadre des réformes en cours visant à élargir l’espace politique et à assurer une meilleure protection des droits de l’homme, les autorités révisent actuellement la loi no 652/2009 sur la lutte contre le terrorisme en vue de la rendre conforme à tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris le Pacte. Le projet de loi est en cours d’élaboration par un conseil consultatif indépendant auprès du Bureau du Procureur général fédéral, composé d’éminents juristes ; la société civile, le monde universitaire et tous les partis politiques du pays participent à l’élaboration de ce projet.

47.Les autorités ont créé en 2009 un centre de renseignement financier, qui a pour mission de coordonner les différentes institutions qui interviennent dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En outre, l’Éthiopie a adopté en 2013 une loi pour la prévention et la répression du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, qui est conforme aux normes du Groupe d’action financière.

48.Cette loi définit les procédures à respecter dans la conduite des enquêtes pénales concernant le financement du terrorisme. Ainsi, toutes les enquêtes qui nécessitent la surveillance de comptes bancaires ou d’autres comptes similaires, l’accès à des systèmes, réseaux et serveurs informatiques, la mise sous surveillance ou l’interception de communications, la prise d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, l’écoute de conversations et l’interception et la saisie de correspondances ne sont menées que pour une durée limitée, avec l’autorisation préalable des tribunaux.

Article 5Limitations des droits protégés par le Pacte

49.Le paragraphe 4 de l’article 9 de la Constitution dispose que tous les accords internationaux ratifiés par l’Éthiopie font partie intégrante du droit interne. Le paragraphe 2 de l’article 13 de la Constitution dispose en outre que les droits et libertés fondamentaux qui y sont énoncés doivent être interprétés conformément aux principes consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme et les instruments internationaux adoptés par l’Éthiopie. Ainsi, lorsqu’ils appliquent les droits de l’homme, y compris les droits garantis par le Pacte, tous les organes publics doivent s’assurer que les droits sont appliqués et interprétés conformément aux principes consacrés dans les instruments relatifs aux droits de l’homme.

50.Bien que le Gouvernement s’efforce de faire respecter les droits fondamentaux, certaines lois, dont celles sur la lutte contre le terrorisme, la liberté de l’information et les médias et les organisations de la société civile, ont été critiquées au motif qu’elles portaient atteinte aux droits fondamentaux et qu’elles n’étaient pas conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. En réponse à ces critiques, le Gouvernement a déjà apporté des modifications à certaines de ces lois, pour les rendre compatibles avec les normes ; la modification des autres lois est en cours.

Article 6Droit à la vie

51.Il n’y a eu aucun changement en ce qui concerne l’imposition de la peine de mort depuis le dernier rapport de pays. Entre 2009/10 et 2017/18, 211 délinquants (204 hommes et 7 femmes) ont été condamnés à mort par les tribunaux. Toutefois, aucun détenu n’a été exécuté au cours de la période considérée.

52.La Constitution, le droit pénal et le manuel de fixation des peines publié par la Cour suprême fédérale garantissent que la peine de mort n’est prononcée que pour les infractions pénales les plus graves et en l’absence de circonstances atténuantes. Le manuel de fixation des peines, en particulier, a permis de réduire les disparités que l’on pouvait constater dans le type et la durée des condamnations pénales prononcées par les tribunaux pour des infractions similaires commises dans des circonstances similaires, et renforce ainsi le respect par l’Éthiopie des normes internationales relatives à l’imposition de la peine de mort.

53.Les récentes réformes politiques ont renforcé l’engagement en faveur du respect des droits de l’homme. Cet engagement s’est traduit en premier lieu par le fait que le Premier Ministre a reconnu publiquement que des acteurs étatiques avaient commis de nombreuses atrocités et a présenté sincèrement ses excuses aux victimes et à leur famille. Ensuite, des enquêtes pénales ont été ouvertes contre de hauts dirigeants et des membres du Service national de renseignement et de sécurité, des Forces de défense nationale, de la police et de l’administration pénitentiaire soupçonnés d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, de torture et de détention arbitraire.

54.Au cours de la période considérée, le pays a connu un certain nombre de troubles, qui ont fait des morts. L’établissement des responsabilités s’agissant des exécutions extrajudiciaires commises pendant ces troubles en particulier et au cours des deux dernières douzaines d’années en général est l’une des grandes priorités des enquêtes pénales menées contre les membres des forces de sécurité. Par exemple, six membres de la Force de défense nationale soupçonnés d’avoir tué neuf civils et d’en avoir blessé six autres à Moyale sont actuellement jugés. Parallèlement aux poursuites pénales, le Ministère de la défense a également mis en place un comité chargé d’identifier les membres des familles des victimes d’exécutions extrajudiciaires et de blessures aux fins d’indemnisation.

55.À la suite des réformes politiques d’avril 2018, de nombreux cas de disparitions forcées ont également été signalés au Bureau du Procureur général fédéral et à la police fédérale et font actuellement l’objet d’une enquête.

56.L’Éthiopie est attachée à la paix, à la sécurité et au développement dans la région et à l’intégration socioéconomique de la sous-région. Pour s’acquitter de son devoir de prévention de la guerre et éviter d’autres pertes humaines en raison de conflits, l’Éthiopie a pris des mesures dynamiques pour sortir de l’impasse, sans paix ni guerre, dans laquelle elle se trouvait depuis deux décennies s’agissant de son conflit frontalier avec l’Érythrée, et a repris des relations pacifiques avec ce pays à la mi-2018.

57.L’actuel cadre juridique pour l’emploi de la force et l’utilisation des armes à feu en Éthiopie est inadéquat et n’est pas conforme aux normes relatives aux droits de l’homme. Par conséquent, le Bureau du Procureur général fédéral travaille actuellement à un projet de loi sur l’emploi de la force et sur un nouveau système de responsabilité au sein de la police. Pour élaborer cette loi, les autorités travaillent en étroite collaboration avec le HCDH, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et des organisations de la société civile locales afin d’assurer la conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme et de tirer parti des meilleures pratiques du monde entier. Ce travail devrait être achevé en 2019.

58.Un projet de loi sur la lutte contre les flux illicites d’armes à feu a été rédigé et présenté au Parlement pour adoption. En outre, une loi sur la prévention et l’élimination du financement de la prolifération des armes de destruction massive a été adoptée en 2019. L’Éthiopie a aussi ratifié en 2012 le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions.

59.Grâce à la politique sanitaire du pays et à l’attention croissante accordée aux services de soins aux mères et aux enfants, le taux de mortalité infantile, juvénile et maternelle a continué de baisser de façon régulière depuis la période couverte par le dernier rapport, ce qui témoigne de la détermination de l’État à garantir le droit à la vie à tous ses citoyens. Les chiffres du Bureau central de la statistique publiés en 2016 montrent que le taux de mortalité infantile en Éthiopie est passé de 77/1 000 sur la période 2005-2010 à 48/1 000 sur la période 2011-2016. De même, le taux de mortalité liée à la grossesse a été ramené de 676 pour 100 000 naissances vivantes sur la période 2005-2010, à 412 pour 100 000 naissances vivantes sur la période 2011-2016.

Article 7Interdiction de la torture

60.Outre la discussion sur le rapport précédent concernant la définition de la torture, la position de l’Éthiopie est précisée dans la Constitution, dont le paragraphe 4 de l’article 9 dispose que tous les accords internationaux ratifiés par l’Éthiopie font partie intégrante du droit interne. C’est dans ce cadre que la Convention a acquis sa légitimité comme élément du droit interne. Bien que la Constitution et d’autres lois éthiopiennes protègent clairement les individus contre la torture, la Convention, dans son intégralité, et la définition donnée à l’article premier en particulier, font déjà partie du droit interne.

61.Le paragraphe 5 de l’article 19 de la Constitution, qui traite de la sauvegarde des droits des personnes arrêtées, interdit le recours à la contrainte, sous quelque forme que ce soit, pour obtenir des aveux. Selon l’article 28 de la Constitution, la torture est un crime imprescriptible, dont les auteurs ne peuvent bénéficier ni de la grâce ni de l’amnistie par le pouvoir législatif ou un quelconque autre organe de l’État.

62.Un certain nombre de dispositions du Code pénal éthiopien, dont le paragraphe 3 de l’article 243, le paragraphe a) de l’article 270, le paragraphe 1 a) de l’article 271, le paragraphe a) de l’article 272, l’article 407 et l’article 424, interdisent les actes de torture. L’article 9 de la loi no 881/2015 sur la corruption érige également la torture en infraction. Ainsi, quiconque organise ou ordonne des actes de torture ou des traitements inhumains, ou y prend part, en violation des dispositions susmentionnées, se verra infliger les peines prévues par chaque disposition en question.

63.Le Code pénal dispose que le subordonné est passible de sanctions s’il avait connaissance du caractère illégal de l’ordre de son supérieur. L’auteur principal de l’infraction ne peut donc en aucun cas invoquer l’ordre d’un supérieur pour justifier la violation d’un droit de l’homme constitutive d’un acte de torture.

64.Développant encore l’interdiction de la torture, les articles 27, 31 et 34 du Code de procédure pénale disposent que lors d’un interrogatoire, d’une enquête ou de l’enregistrement d’aveux, les policiers ou les tribunaux doivent s’assurer que la personne qui fait les aveux le fait volontairement. Le paragraphe 1 de l’article 27 du Code dispose que lors de l’interrogatoire, le suspect ne doit pas être contraint de répondre et doit être informé de son droit de garder le silence. L’article 31 interdit au policier d’avoir recours à l’incitation, à la menace ou à une quelconque autre méthode abusive lors d’un interrogatoire. L’article 35 dispose en outre que le tribunal chargé de consigner des aveux a le devoir de confirmer que le suspect fait ces aveux volontairement.

65.Selon la loi éthiopienne, les déclarations ou aveux obtenus par la torture ou d’autres traitements interdits sont irrecevables dans les procédures judiciaires et ne peuvent donc pas être utilisés. Le paragraphe 5 de l’article 19 de la Constitution dispose explicitement que toute preuve obtenue par la contrainte est irrecevable. La politique de justice pénale adoptée en 2011 réaffirme le principe selon lequel, dans toute procédure pénale, les preuves doivent être recueillies de la manière prévue par la loi et toute preuve recueillie en violation de la loi est irrecevable.

66.Le Gouvernement a officiellement fermé le centre d’enquête fédéral communément appelé « Maekelawi », un bureau d’enquêtes pénales et un centre de détention où plusieurs suspects avaient été torturés. En outre, les centres de détention et les prisons de l’État régional de Sumale qui avaient servi pour des actes de torture ont également été fermés. Sept centres secrets de détention et de torture utilisés par des membres du Service national de renseignement et de sécurité ont également été mis au jour et fermés. La police fédérale mène des enquêtes pénales en collaboration avec le Bureau du Procureur général fédéral, et des poursuites pénales ont déjà été engagées contre la plupart des auteurs.

67.Le bureau du Plan d’action national en faveur des droits de l’homme, installé au sein du Bureau du Procureur général fédéral, surveille également les lieux de détention dans tout le pays pour s’assurer du respect des normes relatives aux droits de l’homme. La police, les prisons et les autres institutions du secteur de la sécurité et de la justice établissent leurs plans de travail annuels conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du plan national visant à prévenir les cas de torture et à faire en sorte que les responsables répondent de leurs actes.

68.Le Bureau du Procureur général fédéral a adopté en avril 2016 un manuel des poursuites, qui donne des orientations sur les procédures à suivre pour les enquêtes et les poursuites concernant toutes les infractions, et qui met l’accent sur la protection des suspects et des détenus, y compris contre la torture. Les procureurs bénéficient régulièrement de formations fondées sur ce manuel, avant leur entrée en fonctions et pendant leur mandat. De même, la Commission de la police fédérale a achevé un manuel d’enquête, qui a été validé et devrait entrer en vigueur prochainement.

69.L’Éthiopie a signé des accords bilatéraux et multilatéraux de coopération en matière pénale. Le droit des individus de ne pas être soumis à la torture et le droit de l’Éthiopie de refuser d’extrader le suspect ou le condamné vers un autre État où il risque d’être torturé ou de subir un traitement cruel, inhumain ou dégradant sont donc toujours des éléments clefs des accords bilatéraux et des extraditions reposant sur le principe de réciprocité.

70.Le droit à la dignité humaine et l’interdiction de la torture et des traitements inhumains sont au cœur des programmes d’études des institutions fédérales et régionales de formation des policiers et des agents pénitentiaires. Les agents concernés bénéficient de formations avant leur entrée en fonctions et en cours d’emploi de sorte qu’ils ne commettent pas de violations et qu’ils puissent empêcher les violations par des tiers.

71.Conformément à la loi no 210/2000, la Commission éthiopienne des droits de l’homme est chargée d’enquêter, en réponse à une plainte ou de sa propre initiative, sur les violations des droits de l’homme et de faire des recommandations aux organes publics concernés. Par conséquent, la Commission visite régulièrement les prisons et les centres de détention de la police et enquête sur les allégations de torture.

Mécanismes de plainte concernant la torture

72.Les plaintes et les enquêtes relatives aux actes allégués de torture et de traitement cruel, inhumain ou dégradant suivent les règles de forme prescrites par le Code de procédure pénale. Les plaintes sont déposées par les victimes ou tout autre citoyen concerné. Elles sont essentiellement reçues par la police et par les bureaux des procureurs. La police est tenue d’enquêter sur les faits lorsqu’une plainte est déposée. Si nécessaire, des mesures sont prises pour protéger la victime ou d’autres témoins. Si l’on craint des représailles, des policiers peuvent être affectés à la protection des victimes, de leur famille et des témoins. Dans les cas où la police refuse d’enquêter à la suite d’une plainte, la victime ou la personne qui a donné l’alerte a le droit de porter plainte auprès des autorités supérieures de la police. De même, la victime peut saisir les autorités supérieures des parquets si un procureur n’intente pas une action alors qu’il a obtenu les preuves nécessaires.

73.Parallèlement aux mécanismes de plainte susmentionnés, les institutions nationales des droits de l’homme telles que la Commission éthiopienne des droits de l’homme et les organisations de la société civile locales servent de point de contact pour les victimes de torture ou de mauvais traitements ; leur but est de corriger les torts causés et d’aider les victimes à obtenir réparation. La Commission éthiopienne des droits de l’homme dispose à cet effet d’un bureau spécial qui peut recevoir les plaintes des victimes de torture ou de mauvais traitements. Ce bureau peut également mener des enquêtes à la suite de plaintes et transmettre des mesures de correction.

74.En outre, la récente modification de la loi régissant les sociétés civiles renforcera la participation des organisations de la société civile locales et internationales au suivi de la situation des droits de l’homme dans tout le pays.

Article 8Interdiction du travail forcé

75.La Constitution garantit à chacun le droit d’être protégé contre l’esclavage ou la servitude et interdit clairement la traite des personnes. Le paragraphe 3 de l’article 18 de la Constitution dispose en outre que nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. Toutefois, le travail ou service normalement exigé d’une personne qui est détenue en vertu d’un ordre légal ou d’une personne en liberté conditionnelle, le service rendu par un objecteur de conscience en remplacement du service militaire obligatoire, le service exigé en cas d’urgence ou de calamité ou l’activité de développement économique et social exercée volontairement par une communauté dans sa localité n’est pas considéré comme du travail obligatoire.

76.Pour mieux prévenir la traite des personnes, l’Éthiopie a adopté la loi no 909/2015 sur la prévention et la répression de la traite des personnes et du trafic de migrants. Cette loi prévoit des peines plus lourdes pour les trafiquants et crée un régime national de protection, de réadaptation et d’indemnisation des victimes de la traite.

77.Cette loi a donné lieu à la création d’un comité national et d’un groupe de travail pour la lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants. Ces deux organes ont pour objectifs d’assurer une meilleure coordination des activités conçues pour protéger, aider et réadapter les victimes, de formuler des avis sur l’établissement des politiques, des plans et du cadre de mise en œuvre, d’assurer la prise en compte des intérêts des victimes et de lutter contre la traite des personnes et le trafic de migrants. Cette loi a également établi un fonds pour la protection des victimes de la traite. Les autorités sont en train de la revoir de façon à mieux protéger les victimes du trafic illicite des personnes.

78.Le Gouvernement a également pris une série de mesures de sensibilisation aux dangers de la traite des personnes, en menant des campagnes à cette fin et en créant des emplois. Par exemple, en 2017 et 2018, le secrétariat du groupe de travail sur la lutte contre la traite des personnes, installé au sein du Bureau du Procureur général fédéral, a organisé, en collaboration avec le Théâtre national et grâce à un financement du Gouvernement néerlandais, des formations de sensibilisation à l’intention de 9 964 et de 20 848 membres des communautés les plus vulnérables de l’État régional des nations, nationalités et peuples du Sud et de l’État régional d’Amhara ; les participants ont pris part à des tables rondes et à des activités tournant autour du théâtre et de la poésie. De même, de 2015 à 2018, l’État régional d’Oromiya a mené des campagnes de sensibilisation auprès de plus de 8 471 162 personnes, axées sur les femmes, les jeunes, les étudiants et les agriculteurs, entre autres.

79.La poursuite des trafiquants est également un aspect essentiel de la lutte contre la traite et le trafic de personnes. Ainsi, en 2017 et 2018, des poursuites pénales ont été engagées dans 731 affaires contre des individus soupçonnés de traite de personnes au niveau fédéral et dans les États régionaux d’Amhara, d’Oromiya et des nations, nationalités et peuples du Sud. Sur ce nombre, une déclaration de culpabilité a été prononcée dans 312 affaires, l’accusé a été acquitté dans 62 affaires et les 357 affaires restantes sont pendantes.

80.Le consentement est l’une des conditions essentielles à la conclusion d’un mariage valide en Éthiopie. Toutes les lois sur la famille, tant au niveau fédéral qu’au niveau régional, interdisent le mariage forcé. L’enlèvement d’une femme dans l’intention de conclure un mariage est également érigé en infraction à l’article 587 du Code pénal. Le fait que la victime soit mineure justifie l’alourdissement des sanctions (art. 589). Le principe du concours d’infractions s’applique et un chef d’accusation supplémentaire sera retenu contre l’auteur s’il a enlevé une personne mineure dans le but de conclure un mariage.

Article 9Droit à la liberté et à la sécurité de la personne

81.Dans le rapport précédent, l’Éthiopie a présenté la plupart des mesures législatives et administratives qui avaient été prises pour protéger le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, notamment en ce qui concerne la privation de liberté dans le cadre d’affaires pénales.

82.La détention provisoire est une exception en Éthiopie. Dans les cas où elle est autorisée, la législation contient des dispositions visant à limiter la détention à une durée raisonnablement courte et à permettre la libération du suspect, comme cela est indiqué dans le rapport précédent. En outre, certaines lois prévoient une durée maximale de détention provisoire. En conséquence, bien que le policier chargé de l’enquête puisse demander une détention provisoire de vingt-huit jours pour enquêter sur des personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de terrorisme, la durée totale de cette détention provisoire ne peut excéder quatre mois, en vertu de la loi no 652/2009 sur la lutte contre le terrorisme.

83.De même, l’article 7 de la loi no 384/2004 sur la lutte contre le vagabondage dispose que le policier qui a arrêté une personne soupçonnée de vagabondage doit terminer son enquête et soumettre son dossier au Procureur dans les vingt-huit jours suivant l’arrestation.

84.La Constitution et le Code de procédure pénale imposent tous deux que les personnes arrêtées soient traduites devant les tribunaux dans les quarante-huit heures. En conséquence, les policiers sont tenus de faire comparaître les personnes accusées et arrêtées devant le tribunal immédiatement, ou au moins dans le délai de quarante-huit heures. Toutefois, il reste difficile de respecter ce délai, notamment parce que les tribunaux sont ouverts seulement du lundi au vendredi. Compte tenu de cette situation, le pouvoir judiciaire a étendu les jours ouvrables officiels au samedi afin de résoudre ces problèmes et d’autres problèmes y afférents. En outre, afin de raccourcir la détention provisoire, les procureurs et les tribunaux ont mis en place une procédure accélérée, qui donne la priorité aux affaires dans lesquelles la question de la caution n’est pas réglée.

85.Le pourcentage de personnes en détention provisoire par rapport à la population carcérale générale varie d’une année à l’autre depuis le dernier rapport. Il a oscillé entre 6,28 % au cours de l’exercice 2012-2013 et 37,46 % au cours de l’exercice 2010-2011. Les chiffres récents de 2017-2018 montrent qu’il reste en moyenne à 24,01 %.

86.En ce qui concerne les personnes atteintes d’une maladie mentale, le Gouvernement a lancé une stratégie nationale pour la santé mentale pour la période 2012-2013 à 2015‑2016, dont l’un des éléments centraux est la nécessité de protéger les droits de l’homme. Cette stratégie comprend aussi l’établissement de lois visant à protéger les droits de l’homme des personnes atteintes d’une maladie mentale. Elle oblige également tous les centres médicaux à fournir aux personnes souffrant de troubles mentaux un traitement qui soit compatible avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris le Pacte. Le Ministère de la santé travaille actuellement à la révision de cette stratégie pour mieux protéger encore les personnes souffrant d’une maladie mentale.

87.État fédéral, l’Éthiopie dispose d’administrations pénitentiaires indépendantes dans les États régionaux, en plus de la Commission fédérale de l’administration pénitentiaire. Compte tenu de cette structure, chaque administration pénitentiaire tient son propre registre central des détenus. Le Gouvernement travaille actuellement à la mise au point d’un système national intégré d’informations judiciaires en vue de coordonner les bases de données de tous les organes de la justice, y compris les administrations pénitentiaires.

88.Les autorités ont mis en place plusieurs mécanismes et pris plusieurs mesures de sauvegarde pour prévenir la détention au secret. Celle-ci n’est jamais reconnue comme une pratique légitime par la loi. Par conséquent, les actes constitutifs d’une détention au secret sont illégaux en soi. En outre, la Constitution reconnaît différents droits aux personnes arrêtées, accusées et condamnées, dont l’habeas corpus, le droit de recevoir la visite du conjoint, de parents, d’amis, de conseillers juridiques et religieux et de médecins. De plus, le Gouvernement a fermé sept centres de détention secrets qui étaient gérés par le Service national de renseignement et de sécurité et dans lesquels des individus étaient détenus au secret, en violation des obligations juridiques nationales et internationales du pays. Un certain nombre d’individus ont déjà été mis en accusation devant les tribunaux à ce sujet, mais des enquêtes pénales se poursuivent afin de traduire en justice les autres auteurs de graves violations des droits de l’homme.

89.Compte tenu de la Constitution, de la Convention relative aux droits de l’enfant et des principes directeurs adoptés par le Comité, le Gouvernement se préoccupe fortement de la protection des enfants et des mineurs contre la privation de liberté. En conséquence, la situation particulière des jeunes accusés est parfaitement reconnue dans le Code pénal, puisqu’une section de ce code est consacrée spécialement au traitement à réserver aux enfants en conflit avec la loi. Alors que la détention est utilisée en dernier recours et pour la durée la plus courte possible, la loi met davantage l’accent sur les conditions de détention des enfants, obligeant le Gouvernement à prévoir des installations distinctes pour eux. En outre, une section spéciale du Code de procédure pénale prévoit des règles de procédure qui sont exclusivement conçues pour les délinquants juvéniles.

90.La création de tribunaux adaptés aux enfants et de services de protection de l’enfance au sein de la police, qui accordent la priorité au droit de l’enfant d’être protégé, a également permis de faire progresser la mise en œuvre d’une procédure judiciaire rapide et efficace qui réduit au minimum la détention arbitraire et prolongée des enfants. Cette protection contre la détention arbitraire ne se limite pas à la détention dans le cadre de la justice pénale ou de la justice pour mineurs, mais s’applique également dans tous les cas où le Gouvernement prive des enfants de leur liberté pour cause de maladie mentale, de vagabondage ou de toxicomanie, ou encore aux fins de contrôle de l’immigration.

91.Actuellement, les centres de redressement fédéraux et régionaux disposent d’un centre de détention distinct pour les délinquants juvéniles âgés de plus de 15 ans. Il existe aussi un centre de réadaptation distinct pour les enfants de 9 à 15 ans en conflit avec la loi. D’autre part, les centres de réhabilitation pour toxicomanes fournissent leurs services avec le consentement libre et entier des bénéficiaires.

92.La loi no 384/2004 sur la lutte contre le vagabondage dispose que des individus peuvent être privés de leur liberté en attendant leur procès pour vagabondage présumé ou lorsqu’ils purgent déjà leur peine dans un centre. L’objectif de cette loi est de lutter contre le vagabondage en traduisant les délinquants en justice et en leur infligeant des peines proportionnelles à leur infraction, et de créer les conditions nécessaires à leur transformation en citoyens respectueux des lois et productifs. Par conséquent, la personne reconnue coupable de vagabondage doit purger sa peine dans un centre et non en prison. Toutefois, la loi dispose également que jusqu’à ce que chaque État régional établisse ses propres centres, les décisions prises par les tribunaux en application de cette loi seront exécutées dans un centre de réadaptation fédéral.

93.La loi no 354/2003 sur l’immigration dispose qu’un ressortissant étranger peut être détenu dans l’attente de son expulsion ou de son renvoi s’il n’a aucun moyen de subsistance viable ou est susceptible de devenir une charge pour l’État, s’il est un délinquant notoire, s’il a été établi qu’il est toxicomane, s’il souffre ou a souffert d’une maladie contagieuse dangereuse, s’il est considéré comme une menace pour la sécurité nationale ou s’il a donné de fausses informations.

94.L’ordre d’expulsion du Service de l’immigration doit préciser le motif de cette expulsion. L’étranger visé par un ordre d’expulsion ou de renvoi émis par le Service de l’immigration peut saisir la commission des recours, composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Bureau du Procureur général fédéral et du Service de l’immigration, dans les trois jours ouvrables à compter de la date de réception de l’ordre d’expulsion.

95.Dans l’ordonnancement juridique éthiopien, la Cour suprême fédérale a le pouvoir de casser toute décision définitive des cours ou des tribunaux quasi judiciaires qui contiennent une erreur de droit fondamentale. Les décisions du Conseil d’examen des appels, tribunal ayant le pouvoir de connaître des affaires concernant les réfugiés et l’asile et de rendre des décisions définitives à leur sujet, peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant la section de cassation de la Cour suprême fédérale.

96.En outre, le Conseil d’enquête constitutionnelle et la Chambre de la Fédération sont compétents pour effectuer le contrôle de constitutionnalité de toute loi ou décision adoptée par un organe public ou un fonctionnaire qui serait contraire à la Constitution. Par conséquent, il est possible de contester devant ces institutions les décisions du Conseil d’examen des appels, au motif qu’elles seraient contraires à la Constitution, compte tenu de l’interdiction explicite et catégorique des traitements inhumains qui est énoncée dans la Constitution.

Article 10Traitement humain des personnes privées de liberté

97.Dans son rapport précédent, l’Éthiopie a fourni des informations détaillées sur les dispositions législatives et administratives nationales concernant le traitement de toutes les personnes privées de liberté, et ces dispositions sont toujours en vigueur.

98.Cela étant, le traitement des personnes arrêtées et des détenus a été l’un des premiers thèmes mis en évidence lors du lancement des réformes politiques. L’Éthiopie reconnaît que, pour satisfaire aux normes internationales, elle doit beaucoup améliorer la situation dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires, où règnent la surpopulation, les infrastructures inadéquates ou obsolètes, le manque d’hygiène, les maladies, la malnutrition et les violences entre les détenus.

99.Le Gouvernement fédéral construit donc actuellement quatre nouvelles prisons afin de garantir des conditions de détention respectueuses de la dignité humaine. Les administrations des États régionaux et des villes s’efforcent elles aussi d’améliorer les conditions de détention, notamment en améliorant la fourniture d’eau, les services médicaux, les conditions d’hygiène, les équipements de sport et les bibliothèques, entre autres.

100.Malgré l’existence d’un large cadre législatif et d’institutions chargées de la protection des droits des personnes privées de liberté, de graves violations des droits de l’homme ont été constatées au cours de la période considérée. Les mécanismes de plainte existants, même ceux qui étaient considérés comme impartiaux, se sont révélés inefficaces s’agissant de prévenir les multiples violations des droits de l’homme dans les centres de détention de la police et les prisons de nombreuses régions du pays. Les auteurs de violations des droits de l’homme contre les personnes privées de liberté bénéficiaient d’une quasi-impunité, notamment du fait des agents des services de renseignement, de la police et de l’administration pénitentiaire.

101.Les autorités ont donc lancé après la réforme de grandes initiatives pour renforcer le cadre juridique et améliorer la capacité et la conformité des institutions aux fins de la protection des droits des personnes privées de liberté. La première étape a été de licencier les hauts responsables de la police, des prisons et des services de renseignement et de les remplacer par de nouveaux dirigeants attachés à la protection des droits de l’homme. Elle a été immédiatement suivie par l’ouverture d’enquêtes pénales contre certains des anciens hauts responsables de ces institutions soupçonnés de crimes tels que la torture, des traitements inhumains et dégradants ou encore des exécutions extrajudiciaires.

102.La Commission éthiopienne des droits de l’homme connaît également des réformes, qui visent à renforcer sa capacité de surveiller les lieux de détention régulièrement, efficacement et de sorte à avoir des conséquences concrètes. Elle revoit actuellement la loi qui l’a créée afin de consolider son mandat et de mieux se conformer aux Principes de Paris. En outre, la Chambre des représentants des peuples a nommé, fin juin 2019, un nouveau commissaire réputé pour son activisme en faveur des droits de l’homme à la tête de la Commission.

103.Comme décrit au paragraphe 57 du présent rapport, la rédaction d’une nouvelle loi sur l’emploi de la force par la police et un nouveau système de responsabilité est également un élément clef de l’approche. Le principal objectif de ce projet de loi est de réglementer les contacts entre les policiers et les agents pénitentiaires et les personnes privées de liberté et de réduire la grande marge d’appréciation que les lois existantes laissent aux forces de l’ordre quant au type de force à utiliser. Le projet de loi vise à créer un service des affaires internes au sein de la police afin que les auteurs de violations des droits de l’homme doivent rendre des comptes.

Article 11Interdiction de l’emprisonnement pour la seule raison de l’incapacité d’exécuter une obligation contractuelle

104.Comme il est indiqué dans le rapport précédent, la loi éthiopienne n’autorise pas l’arrestation ou l’emprisonnement en matière civile au seul motif de l’incapacité d’exécuter une obligation contractuelle. Cette règle connaît toutefois quelques exceptions. En vertu du paragraphe 4 de l’article 386 du Code de procédure civile, lorsqu’une demande est présentée en vue de l’exécution d’un jugement de paiement d’une somme d’argent et que le débiteur du jugement ne se présente pas alors qu’il a été cité à comparaître, le tribunal peut ordonner que l’intéressé soit arrêté et amené devant lui afin d’être interrogé quant à ses moyens.

105.En outre, l’article 387 du même Code dispose que le tribunal peut ordonner immédiatement l’arrestation du débiteur du jugement s’il est convaincu, par une déclaration sous serment ou autrement, que, dans le but ou avec l’effet d’entraver ou de retarder l’exécution, le débiteur du jugement est sur le point ou susceptible de s’enfuir ou de quitter la zone de compétence du tribunal ou de céder ses biens ou de les retirer en tout ou en partie de cette zone.

Articles 12 et 13Droits de circuler librement et de choisir librement sa résidence (par. 13 et 14 des observations finales, par. 71 et 72 des recommandations générales, observation générale no 15 de 1986, observation générale no 27 de 1999)

106.Les principes et les règles constitutionnels établis par d’autres lois de fond et de procédure, dont le Code civil, le Code de la famille et le Code pénal, ainsi que les lois sur l’immigration et sur les réfugiés, expliqués aux paragraphes 107 à 119 du rapport précédent, restent d’actualité. Le droit à la liberté de circulation, le droit de choisir sa résidence principale, y compris dans les relations conjugales et s’agissant des mineurs, la disposition pénale contre toute atteinte au droit à la liberté de circulation par des agents publics ou par tout autre particulier et les conditions de sortie du pays et d’entrée dans celui-ci dans différents scénarios tels que l’immigration, la demande d’asile et l’expulsion ou le renvoi ont été largement analysés dans le rapport précédent.

107.La Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants qui a été adoptée en 2016 a marqué un tournant important dans la solidarité mondiale relative à la protection des réfugiés. Ce texte définit en effet les aspects essentiels du Cadre d’action global pour les réfugiés et jette les bases du Pacte mondial sur les réfugiés. Après son adoption, l’Éthiopie a coorganisé un sommet à l’intention de dirigeants, dans le cadre duquel elle a pris neuf engagements pour donner une vie meilleure aux réfugiés. Le lancement officiel du Cadre d’action global pour les réfugiés a eu lieu en Éthiopie, en novembre 2017. L’Éthiopie est le deuxième plus grand pays d’accueil en Afrique avec 950 000 réfugiés, provenant principalement du Soudan du Sud, de Somalie et d’Érythrée.

108.L’Éthiopie a d’ores et déjà avancé dans la mise en œuvre de ce cadre d’action. Pour commencer, elle garantit l’enregistrement des actes d’état civil des réfugiés (naissance, mariage, divorce et décès) depuis octobre 2017. Ce sont ainsi 13 452 réfugiés dont la naissance a été enregistrée, y compris à titre rétroactif. Deuxièmement, le système de gestion des informations biométriques, une infrastructure d’enregistrement des réfugiés à l’échelle nationale, a été lancé en 2017. Ce système enregistre des informations sur la formation et les compétences professionnelles des réfugiés ainsi que les profils des membres de leur famille. L’enregistrement des actes d’état civil et le nouveau système biométrique permettront aux réfugiés de bénéficier des avantages prévus par le Cadre d’action global. Enfin, les autorités travaillent à l’élaboration d’un mécanisme destiné à permettre aux réfugiés d’accéder au marché du travail.

109.En février 2019, la Chambre des représentants des peuples a adopté une nouvelle loi sur les réfugiés (la loi no 1110/2019), qui permet à ceux-ci d’obtenir un permis de travail, d’accéder à l’enseignement primaire, de passer leur permis de conduire, de faire enregistrer les faits d’état civil (naissance, mariage, etc.) et d’accéder aux services financiers, notamment d’ouvrir un compte en banque. Ce texte a été reconnu comme l’un des plus progressistes jamais adoptés en Afrique.

110.L’Éthiopie est signataire de la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique, dont le processus de ratification est en cours. Avant le début de la réforme politique en mars 2018, on comptait déjà 1,2 million de personnes déplacées, principalement en raison de conflits internes et de risques naturels. Ce chiffre a presque doublé pour atteindre 2,3 millions dans les premiers mois suivant la réforme.

111.L’Éthiopie a mis en place des mécanismes institutionnels pour répondre aux besoins immédiats et à long terme des personnes déplacées en matière, d’une part, d’aide humanitaire et, d’autre part, d’aide au développement. Elle a ainsi créé un comité directeur national (sous la direction du Vice-Premier Ministre) et un comité interministériel coordonné par le Ministère de la paix pour soutenir, réinstaller et réhabiliter les personnes déplacées. Le Gouvernement travaille en outre en étroite collaboration avec les partenaires de développement dans le même but. De plus, pour prévenir et résoudre d’autres conflits internes qui déclenchent les déplacements, les autorités ont créé en décembre 2018 la Commission nationale de réconciliation (loi no 1102/2018) et la Commission des limites administratives et des questions d’identité (loi no 1101/2018).

112.L’Éthiopie s’est dotée d’une politique de gestion des risques de catastrophe, destinée à réduire les risques associés aux catastrophes et à protéger les personnes concernées. Les autorités travaillent aussi en étroite collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux pour prévenir les déplacements internes grâce à l’établissement de mécanismes d’alerte précoce et pour assurer aide et réinstallation aux personnes déplacées.

113.Les autorités fédérales et régionales allouent ainsi à cette action des fonds provenant des caisses de l’État et récoltent des dons et des fonds, notamment grâce à des téléthons. Les États régionaux, en particulier, construisent des refuges pour le rapatriement et la réinstallation, facilitent la réinstallation volontaire des personnes déplacées et fournissent des soins et une assistance humanitaires à ceux qui restent temporairement déplacés.

114.Grâce à l’engagement ferme des autorités et aux efforts concertés qu’elles déploient en collaboration avec les partenaires de développement, la plupart des personnes déplacées ont été volontairement réinstallées et seulement un peu plus de 100 000 d’entre elles se trouvent encore dans des refuges temporaires. En outre, le Gouvernement prend des mesures juridiques et administratives pour établir les responsabilités s’agissant du déplacement de citoyens.

Article 14Égalité devant les tribunaux et les cours de justice

115.Les informations fournies aux paragraphes 120 à 152 du rapport précédent concernant l’égalité devant les cours et tribunaux, le droit à un procès équitable et public devant un tribunal compétent, indépendant et impartial, la présomption d’innocence, les droits des personnes accusées d’infractions pénales, le réexamen par une juridiction supérieure et le principe non bis in idem (autorité de la chose jugée) restent d’actualité.

116.En réponse aux recommandations et aux préoccupations du Comité (CCPR/C/ETH/CO/1, par. 20 à 22), il convient de préciser que le paragraphe 5 de l’article 78 de la Constitution dispose que la Chambre des représentants des peuples et les Conseils d’État peuvent créer ou reconnaître officiellement des tribunaux religieux et coutumiers. En outre, les tribunaux religieux et coutumiers qui étaient reconnus par l’État et qui fonctionnaient avant l’adoption de la Constitution seront organisés en fonction de la reconnaissance que la Constitution leur accorde.

117.Ainsi, s’il n’existe pas encore de tribunaux coutumiers officiellement reconnus, des tribunaux de la charia sont établis comme des tribunaux indépendants tant au niveau fédéral qu’au niveau régional, en vertu de la loi no 188/1999 sur la consolidation des tribunaux fédéraux de la charia au niveau fédéral.

118.En conséquence, des tribunaux de première instance, des hautes cours et des cours suprêmes de la charia sont créés en vertu du paragraphe 4 de l’article 2 de la loi susmentionnée. Toutefois, ces tribunaux ne sont pas compétents en matière pénale et leur compétence civile, outre qu’elle est limitée aux affaires familiales et successorales, est subordonnée au consentement des deux parties au différend. En outre, s’agissant des différends familiaux et des successions, ces tribunaux sont compétents uniquement si toutes les parties et si le défunt sont musulmans. Les décisions rendues par les tribunaux régionaux et fédéraux de la charia font l’objet d’un contrôle supplémentaire puisqu’elles peuvent être attaquées devant la section de cassation de la Cour suprême fédérale si une erreur de droit fondamentale y est constatée.

119.Ainsi, les décisions rendues par le tribunal de première instance, la Haute Cour et la Cour suprême de la charia de Dire Dawa concernant un litige de droit de possession ont été annulées pour défaut de compétence des tribunaux sur cette question. Dans une autre affaire relative à la dissolution d’un mariage, la partie demanderesse a introduit le recours pour défaut de consentement et res judicata. Acceptant le deuxième motif, la section de cassation de la Cour suprême fédérale a annulé les décisions de la Haute Cour et de la Cour suprême de la charia de l’État régional d’Afar en faveur de la partie demanderesse, puisque l’affaire avait déjà été portée devant le tribunal de première instance de l’État régional et tranchée avant d’être portée à l’attention des tribunaux de la charia. On peut donc conclure sans risque d’erreur qu’il est apporté la réponse voulue aux craintes concernant une dérogation à l’article 14 du Pacte ou au paragraphe 24 des observations générales de 2007 s’agissant de la compétence des tribunaux coutumiers et religieux.

120.Les bureaux des conseils de la défense des tribunaux fédéraux et régionaux représentent gratuitement en justice les indigents accusés d’infractions pénales. Toutefois, les ressources étant maigres, ces bureaux doivent rester sélectifs et seules les personnes accusées d’infractions graves bénéficient de ce service de plein droit.

121.Les autorités estiment que le rôle que les organisations de la société civile jouent dans l’assistance et la représentation en justice est indispensable à la bonne administration de la justice. La loi no 1113/2019 relative aux organisations de la société civile, récemment adoptée, devrait accroître considérablement la participation de ces organisations à ce sujet, ce qui complétera les ressources toujours plus importantes que le Gouvernement alloue à cet effet.

122.Coordonnée par le Bureau du Procureur général fédéral, une représentation en justice gratuite est également offerte aux indigents qui n’ont pas les moyens de faire valoir leurs droits devant les tribunaux. Entre 2010 et 2018, 4 961 personnes ont bénéficié d’une représentation en justice par des avocats privés travaillant à titre gratuit. Les bureaux régionaux du Procureur général assurent également la représentation des citoyens indigents en matière civile, en désignant des procureurs ou des avocats pro bono.

123.S’agissant de l’article 14, le Comité est également préoccupé par la condamnation d’accusés sur la base d’un plaidoyer de culpabilité. Le paragraphe 1 de l’article 134 du Code de procédure pénale contient en effet une disposition en ce sens, et le paragraphe 1 de l’article 185 du Code exclut la possibilité de faire appel de ces condamnations.

124.Toutefois, le paragraphe 1 de l’article 134, qui permet la condamnation sur la base d’un plaidoyer de culpabilité, oblige le tribunal qui statue à s’assurer que l’intéressé a plaidé coupable sans équivoque. Plus précisément, l’accusé doit admettre sans réserve tous les éléments constitutifs de l’infraction reprochée. Même dans les cas où la reconnaissance de culpabilité est jugée sans équivoque, le paragraphe 2 de l’article 134 donne au tribunal la possibilité de demander à l’accusation de produire les éléments à charge qu’il estime nécessaires et de permettre à l’accusé de produire des preuves. Les tribunaux exploitent généralement cette possibilité, surtout lorsque les faits reprochés sont passibles de lourdes peines.

125.Il est certes en principe interdit de faire appel de ces déclarations de culpabilité, mais le condamné peut toujours contester la légalité de la décision au motif d’une erreur de droit fondamentale. En fait, la section de cassation de la Cour suprême fédérale a déjà été saisie de pourvois de ce genre. On citera par exemple une affaire dans laquelle les décisions de la Haute Cour et de la Cour suprême fédérales ont été annulées parce que l’accusé n’avait pas été représenté légalement et que le plaidoyer de culpabilité n’avait pas été correctement enregistré. La Haute Cour fédérale a ainsi reçu l’ordre de faire produire des éléments de preuve par les deux parties et de réexaminer l’affaire.

126.Les tribunaux font actuellement l’objet de profondes réformes qui visent à garantir leur indépendance et à les rendre plus efficaces. La Cour suprême fédérale a récemment créé une équipe spéciale sur la réforme des affaires judiciaires. Cette équipe, qui se compose de 20 professionnels du droit influents et indépendants, est chargée de recenser et de recommander des mesures qui renforceront l’indépendance et le professionnalisme des tribunaux.

127.Pour améliorer l’accessibilité, des centres de vidéoconférence et de traitement électronique des litiges ont vu le jour dans l’ensemble du pays et une étude visant à relier tous les tribunaux fédéraux via un réseau étendu est en cours. Les autorités révisent actuellement la loi sur l’administration judiciaire fédérale en vue d’assurer la transparence et la crédibilité du recrutement et de la nomination des juges, de garantir l’indépendance, la neutralité et la responsabilité du pouvoir judiciaire et de limiter toute intervention indue dans son fonctionnement.

128.Pour affirmer son indépendance institutionnelle et conformément à la loi, la Cour suprême fédérale a, pour la première fois, présenté sa demande de budget 2019/20 directement au Parlement et non à une branche de l’exécutif comme le voulait la pratique.

Article 15Non-rétroactivité des lois

129.L’explication donnée aux paragraphes 153 et 154 du précédent rapport de pays concernant le principe de non-rétroactivité des lois reste d’actualité. L’applicabilité de ce principe est régie par l’article 22 de la Constitution et les articles 5 et 6 du Code pénal. Comme indiqué dans le rapport précédent, ce principe s’applique de deux façons. Ainsi, nul ne peut être tenu pénalement responsable d’un acte ou d’une omission en raison d’une loi promulguée après cet acte ou cette omission, mais, par contre, les tribunaux sont tenus d’appliquer une loi promulguée postérieurement à la commission d’une infraction dans les cas où les dispositions de la nouvelle loi sont plus favorables à l’accusé.

130.Les tribunaux assument leurs responsabilités à cet égard. Par exemple, au cours de la période couverte par le présent rapport, la section de cassation de la Cour suprême fédérale a annulé les décisions de la Haute Cour fédérale et de la Cour suprême fédérale concernant la déclaration de culpabilité d’un accusé pour violation du Code pénal de 2004, puisque l’acte pour lequel le condamné était inculpé avait été commis avant l’entrée en vigueur du Code.

131.De même, avec l’adoption de la loi no 859/2014 sur les douanes (qui a abrogé la loi no 622/2009 sur les douanes), un certain nombre d’actes et d’omissions qui entraînaient auparavant une responsabilité pénale ont été dépénalisés. Comme le prévoit le chapitre premier de la septième partie (art. 148 à 165) de la nouvelle loi, les actes tels que le non‑respect des restrictions sur les marchandises d’importation et d’exportation, l’ouverture de colis et le retrait de marques, le non-retour d’échantillons et l’utilisation abusive de marchandises hors taxes, qui étaient parfois passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à quinze ans, ont été dépénalisés et n’ont plus que des conséquences administratives. Ainsi, les procureurs ont clos 48 dossiers concernant 81 accusés, et les tribunaux de différents niveaux ont libéré 95 accusés en vertu du principe de l’applicabilité de la loi la plus favorable à l’accusé. L’application rétroactive sélective des directives de la Cour suprême fédérale concernant les peines de 2010 et 2013 en faveur de criminels condamnés illustre également bien cette approche.

Article 16Reconnaissance de la personnalité juridique

132.Toutes les informations données dans le rapport précédent quant au cadre juridique concernant la reconnaissance de la personnalité juridique restent d’actualité. Au cours de la période considérée, l’enregistrement des naissances, des décès et des mariages a été rendu obligatoire dans tout le pays. L’Agence d’enregistrement des données de l’état civil est devenue opérationnelle au milieu de l’année 2016. En 2017 et 2018, elle a enregistré 538 983 naissances, 95 719 mariages et 94 042 décès. L’Éthiopie a également commencé à enregistrer les naissances, les décès et les mariages des réfugiés en 2017. Ainsi, 4 852 naissances, 802 mariages et 100 décès de réfugiés ont été enregistrés en 2017 et 2018.

Article 17Droit à la vie privée, à l’honneur et à la réputation

133.Les règles en vigueur dans le pays concernant le droit à la vie privée, l’honneur et la réputation sont les mêmes que celles qui ont été énoncées dans le rapport précédent, mais le droit à la vie privée a été temporairement restreint par l’état d’urgence qui a été déclaré deux fois au niveau national pour le maintien de la paix et de la sécurité publiques.

134.Cet état d’urgence a temporairement limité la jouissance des droits en permettant, par exemple, la fouille sans mandat de tout domicile, lieu ou moyen de transport en vue de saisir tout matériel utilisé ou pouvant être utilisé pour commettre une infraction, ainsi que l’arrestation de tout individu pour le fouiller et vérifier son identité. Ces mesures étaient autorisées seulement pendant l’état d’urgence et dans la mesure nécessaire au maintien de l’ordre constitutionnel, de la paix et de la sécurité de la population.

135.Dans l’ordonnancement juridique éthiopien, le terme « domicile » a un sens très proche de celui qui lui est donné dans l’observation générale no 16 du Comité. Aux termes du Code civil de 1960, le domicile d’une personne est défini comme le lieu où cette personne a établi le siège principal de son activité et de ses intérêts, avec l’intention d’y vivre de façon permanente. D’autre part, bien qu’il n’existe pas de définition unique du terme « famille », différentes dispositions du Code de la famille révisé, des codes de la famille régionaux et d’autres lois pertinentes reconnaissent cette notion en tenant compte des conceptions des différentes communautés.

136.L’Éthiopie a adopté en 2016 une loi sur la criminalité informatique, qui permet de mieux protéger le droit à la vie privée, à l’honneur et à la réputation. Cette loi érige en infractions punissables l’accès illégal à un système informatique, son interception illégale, l’interférence avec un tel système ainsi que la détérioration de données informatiques. En outre, les actes intentionnels d’intimidation ou de menace contre une personne ou sa famille par la diffusion ou l’envoi répété de messages écrits, vidéo ou audio ou d’images, quels qu’ils soient, de nature diffamatoire, au moyen d’un système informatique, de même que la surveillance des communications informatiques d’une personne sont passibles de peines pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement.

137.La loi no 652/2009 sur la lutte contre le terrorisme, qui est en cours de révision en raison d’autres préoccupations, permet aux membres du Service national de renseignement et de sécurité et aux policiers, avec un mandat du tribunal, de recueillir des informations dans le but de prévenir et de maîtriser un acte terroriste, d’intercepter ou de surveiller les communications (téléphone, fax, radio, Internet, voie électronique, courrier ou autres moyens) d’une personne soupçonnée de terrorisme, d’entrer en secret dans un lieu quelconque pour assurer l’interception ou d’installer ou de retirer les instruments qui permettent l’interception.

138.Cette loi permet également aux policiers d’arrêter tout véhicule ou piéton dans une zone donnée et de procéder à une fouille sans préavis et de saisir les éléments de preuve pertinents à tout moment, avec l’autorisation du Directeur général de la police fédérale et dans le but de prévenir un acte terroriste dont on peut raisonnablement croire qu’il va être commis.

139.L’autre loi pertinente pour le droit à la vie privée est la loi no 780/2013 sur la prévention et la répression du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Cette loi dispose qu’aux fins d’obtenir des preuves de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme ou de remonter la piste des produits du crime, les organes judiciaires peuvent autoriser les autorités chargées des enquêtes pénales, pour une période déterminée, à surveiller les comptes bancaires et autres comptes similaires, à accéder à des systèmes informatiques, réseaux et serveurs, à surveiller ou intercepter des communications, à prendre des enregistrements audio ou vidéo ou des photographies d’actes, de comportements et de conversations et à intercepter et saisir la correspondance.

140.Toutefois, ces mesures sont autorisées uniquement lorsque des indices sérieux portent à croire que ces comptes, systèmes informatiques, réseaux et serveurs, lignes téléphoniques ou documents sont utilisés ou peuvent être utilisés par des personnes soupçonnées de participer à des opérations de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.

Article 18Liberté de pensée, de conscience et de religion

141.La Constitution garantit sans équivoque la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi que la laïcité et la liberté d’avoir ses propres convictions. Des informations sur le cadre juridique et administratif de la liberté de pensée, de conscience et de religion en Éthiopie ont été données aux paragraphes 172 à 184 du rapport précédent.

142.L’enregistrement et l’autorisation des groupes religieux relèvent de la compétence du Ministère de la paix. Actuellement, 2 477 organisations et associations religieuses sont enregistrées en Éthiopie. Au cours de la période considérée, aucune demande d’enregistrement n’a été rejetée. Le Ministère exige des groupes religieux qui demandent leur enregistrement qu’ils présentent un document de création et les cartes d’identité nationales de leurs fondateurs et qu’ils précisent l’adresse permanente de l’institution religieuse et des succursales régionales envisagées. Dans le cadre de cette procédure d’enregistrement, il faut également transmettre une lettre de candidature, des informations sur les membres du conseil d’administration, les procès-verbaux des réunions, des informations sur les fondateurs, les fonctions, le nom et l’emblème. Le groupe religieux doit compter au moins 50 membres pour être pris en considération aux fins d’enregistrement en tant qu’église, et au moins 15 membres aux fins d’enregistrement en tant que ministère ou association.

143.Les autorités organisent avec des groupes religieux, des organisations confessionnelles de la société civile, des chefs religieux et des adeptes des débats sur la liberté de religion et le rôle que jouent les religions dans la société. Le Gouvernement voit dans les groupes religieux des partenaires indispensables au développement et à la consolidation de la paix et cherche régulièrement leur participation active et leur engagement.

144.Les adeptes sont libres de lancer leurs propres services de télévision et de radio religieuses. Le nombre de programmes de télévision religieux a ainsi augmenté, y compris sur la télévision par satellite.

Article 19Liberté d’expression

145.Des informations sur la protection de la liberté d’expression offerte dans la Constitution ont été fournies aux paragraphes 185 à 187 du rapport précédent. Au cours de la période considérée, le cadre juridique éthiopien garantissant la liberté d’expression a fait l’objet de critiques répétées, tant au niveau local qu’international, pour son caractère répressif. En réponse à ces critiques, après le début des réformes politiques en avril 2018, le Conseil consultatif sur la justice et les affaires juridiques a commencé à rédiger une nouvelle loi complète sur les médias. La loi no 533/2007 sur le service de radiodiffusion, la loi no 590/2008 sur la liberté des médias et l’accès à l’information, la loi no 34/1992 sur la presse, le Code pénal s’agissant de la réglementation des médias et la loi no 652/2009 sur la lutte contre le terrorisme sont également en cours de révision.

146.Ces projets de loi devraient combler les lacunes des lois précédentes. Leur élaboration passe par de larges consultations et une participation active des médias, de la société civile, des universités et d’autres parties prenantes de sorte à garantir le libre exercice et la pleine jouissance du droit à la liberté d’expression.

147.Outre les mesures prises sur le plan législatif, le Gouvernement a autorisé l’accès à plus de 246 sites Web et chaînes de télévision, y compris des organes d’information et des blogs, qui étaient jusque-là bloqués en raison de leur contenu politique. En conséquence, l’Éthiopie connaît actuellement une forte augmentation du nombre d’organes de presse écrite et de médias électroniques relevant du secteur privé. À l’échelon national, le pays compte aujourd’hui 9 chaînes de télévision publiques et 15 chaînes de télévision privées, ainsi que 10 stations de radio publiques et 9 stations de radio privées. Il existe également 31 stations de radio communautaires. À l’heure actuelle, on recense 30 organes de presse écrite dans le pays. Il faut espérer que la modification de la loi sur la liberté des médias et l’accès à l’information, associée aux réformes politiques générales, augmentera de manière significative le nombre et la variété des organes de presse écrite et des médias électroniques, et permettra ainsi d’améliorer la protection et l’exercice de la liberté d’opinion et d’expression dans le pays.

148.Depuis que de profondes réformes politiques ont été engagées, un grand nombre de journalistes, de blogueurs et de membres et dirigeants de groupes d’opposition ou de groupes politiques auparavant interdits ont été libérés suite à une remise de peine, à un abandon des poursuites ou à une amnistie. Les membres et les dirigeants des partis politiques d’opposition jouissent désormais d’une totale liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.

149.Malgré toutes les mesures progressistes expliquées dans les paragraphes précédents, les discours de haine et la désinformation dangereuse sont devenus des sujets de préoccupation de plus en plus sérieux, surtout depuis les réformes. Des actes de ce genre ont déjà entraîné un certain nombre d’affrontements entre communautés, de déplacements massifs et même de meurtres de citoyens innocents dans les pires des cas. Ces faits mettent évidemment à mal les efforts déployés pour apporter l’intégrité sociale, la stabilité politique, l’unité nationale, le respect de la dignité humaine et l’égalité dont le pays a tant besoin.

150.Dès lors, le Conseil consultatif sur la justice et les affaires juridiques, parallèlement aux efforts qu’il déploie pour garantir l’exercice de la liberté d’expression, rédige également, dans la mesure nécessaire à la lutte contre ces actes atroces, une loi pour parer aux discours de haine et à la désinformation sur différents supports.

151.Ce projet de loi vise ainsi à rappeler aux citoyens qu’ils doivent s’abstenir de nuire à la dignité, à la sécurité et à la tranquillité d’autrui lorsqu’ils exercent leur liberté d’expression, et à faire en sorte que les personnes qui ne respectent pas la loi aient à répondre de leurs actes. Il a fait l’objet de trois sessions de discussion avec les parties prenantes avant d’être finalement soumis au Conseil des ministres. Il doit encore être approuvé par la Chambre des représentants des peuples pour pouvoir devenir une loi contraignante.

Article 20Interdiction de la propagande en faveur de la guerre et de l’appel à la haine nationale, religieuse ou raciale

152.Le cadre juridique que l’Éthiopie a conçu pour lutter contre la propagande en faveur de la guerre a été expliqué aux paragraphes 204 et 205 du rapport précédent. Cependant, les tensions et conflits interethniques qu’a récemment connus le pays sont largement déclenchés et propagés par un activisme irresponsable sur les médias sociaux, des discours publics incitant à la violence et d’autres discours similaires. Ces phénomènes ont mis en évidence les lacunes du Code pénal qui empêchent de poursuivre les responsables des discours de haine et des informations fallacieuses qui doivent être considérés comme des instruments d’incitation à la violence nationale, raciale ou religieuse. Pays multiethnique à l’histoire complexe, l’Éthiopie voit dans l’exacerbation des tensions ethniques et du racisme, notamment par les médias sociaux, une menace importante pour sa sécurité nationale. C’est pourquoi le Bureau du Procureur général prépare un projet de loi qui permettra de traiter les discours de haine et les informations fallacieuses comme des instruments d’incitation à la violence ethnique, raciale ou religieuse.

Article 21Droit de réunion pacifique

153.La loi sur les procédures à suivre pour les manifestations pacifiques et les réunions politiques publiques en vigueur depuis 1991 et la garantie de ce droit inscrite à l’article 30 de la Constitution, expliquées dans le rapport précédent, sont toujours d’actualité. Par conséquent, les règles imposées dans l’intérêt public conformément à la Constitution et l’exigence de notification préalable à l’exercice de ce droit restent d’application.

154.Cependant, bien que les conditions fixées par la Constitution et par la loi aillent dans le même sens et soient dans les limites des restrictions autorisées telles qu’elles sont suggérées à l’article 21 du Pacte, au cours de la période considérée, une série de plaintes ont été déposées contre diverses administrations municipales au motif qu’elles n’auraient pas pris les dispositions préparatives nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité pendant l’exercice de ce droit et qu’elles n’auraient pas motivé en temps voulu, par écrit, le report d’événements prévus, comme le veut la loi. En outre, les états d’urgence de 2016 et de 2018 ont indubitablement eu un effet négatif sur la jouissance de ce droit.

155.La liberté de réunion est un des droits garantis par le Pacte à propos duquel la situation s’est immédiatement améliorée après le lancement des réformes. Les citoyens peuvent exercer librement leur droit d’organiser des manifestations et des réunions pacifiques, indépendamment des opinions politiques qu’ils défendent. Des faits récents ont toutefois montré qu’il restait difficile de garantir le respect des règles de réunion pacifique par les manifestants et le respect de ce droit par ceux qui ont des opinions opposées à celles des manifestants. Il est ainsi arrivé que des manifestations « pacifiques » deviennent violentes ou que des manifestations légales soient annulées en raison de menaces émanant de membres de la communauté ayant des opinions opposées. Dans certains cas, les autorités ont dû intervenir.

Article 22Liberté d’association

156.Il a déjà été porté à l’attention du Comité des droits de l’homme que le droit à la liberté d’association était inscrit aux articles 31 et 42 de la Constitution. L’article 31 garantit le droit à la liberté d’association pour toute cause ou tout but, et l’article 42 traite spécialement du droit de créer des syndicats et des associations d’employeurs. La création, les fonctions, l’enregistrement et la dissolution des associations restent régis par des lois différentes, en fonction de la composition et de l’objet desdites associations.

157.Ainsi, la loi no 377/2003 sur le travail reste d’application pour les syndicats et les associations d’employeurs. L’article 113 de cette loi, outre qu’il confirme la garantie du droit énoncée dans la Constitution, reconnaît aussi aux syndicats et aux associations d’employeurs le droit de créer des fédérations et des confédérations. Les articles suivants de la loi énoncent les modalités détaillées de ces créations, et aucun fait nouveau n’est apparu à ce sujet depuis le dernier rapport. Le pays compte actuellement 1 774 syndicats de base, 9 fédérations et 1 confédération de syndicats ; 14 fédérations et 2 confédérations d’associations d’employeurs enregistrées par le Ministère du travail et des affaires sociales restent actives.

158.Les coopératives que des individus forment volontairement pour concrétiser ensemble leurs aspirations économiques, sociales, culturelles et autres, et qui fonctionnent sur la base des principes coopératifs, sont une tradition de longue date dans la société éthiopienne.

159.Le Gouvernement éthiopien a adopté différentes lois définissant les régimes juridiques de formalisation et de gestion de ces coopératives ; actuellement, c’est la loi no 985 de 2016 sur les sociétés coopératives qui s’applique en la matière.

160.L’Agence fédérale des coopératives et les organes des États régionaux créés pour appliquer la loi sur les sociétés coopératives sont tenus d’enregistrer ces sociétés. Selon les chiffres les plus récents (mars 2019), 88 811 coopératives de base, 338 unions de coopératives et 3 fédérations de coopératives sont enregistrées et fonctionnent dans tout le pays.

161.Les associations créées au profit de leurs membres et les associations caritatives créées au profit du grand public étaient auparavant régies par la loi no 621/2009 sur les associations et organisations caritatives. Bien que l’adoption de cette loi ait été mentionnée dans le dernier rapport du pays, il a été fait état d’activités reposant sur les dispositions du Code civil qui régissaient auparavant cette question. Cependant, les principales préoccupations et recommandations du Comité des droits de l’homme visaient la loi sur les associations et organisations caritatives.

162.Ainsi, consciente de la nécessité d’adopter une loi qui donne pleinement effet à la liberté d’association consacrée par sa Constitution et du rôle clef que joue cette liberté pour le plein exercice d’autres droits, l’Éthiopie a récemment publié la loi no 1113/2019 sur les organisations de la société civile, qui a abrogé la loi no 621/2009 sur les associations et organisations caritatives.

163.Dans cette nouvelle loi, les autorités ont créé le terme générique « organisations de la société civile » pour désigner les associations et les organisations caritatives visées dans la loi abrogée. Cette notion regroupe les entités non gouvernementales, non partisanes et sans but lucratif, créées au moins par deux personnes sur une base volontaire et enregistrées aux fins de la poursuite d’un but légitime ; elle inclut les organisations non gouvernementales, les associations professionnelles, les sociétés de masse et les consortiums. En outre, il peut s’agir d’organisations locales ou d’organisations étrangères enregistrées pour fonctionner en Éthiopie.

164.Les plafonds de financement des organisations de la société civile locales et les restrictions quant à l’action dans le domaine des droits de l’homme, qui étaient les principaux sujets de préoccupation concernant la loi abrogée, ont maintenant été supprimés, et la liberté opérationnelle des organisations est garantie à l’article 62 de la nouvelle loi. Les organisations locales ont maintenant le droit de travailler dans le pays ou à l’étranger, ou d’œuvrer à la réalisation d’objectifs de portée mondiale, régionale ou sous-régionale.

165.En vertu de l’article 63 de la loi, les organisations ont en outre le droit de se livrer à toute activité commerciale et d’investissement légale pour collecter des fonds aux fins de la réalisation de leurs objectifs. Ces activités sont soumises uniquement aux lois applicables sur le commerce et l’investissement et aucune restriction n’est imposée en fonction du domaine d’activité pour lequel l’organisation est enregistrée.

166.Depuis 2009, l’Agence des associations et organisations caritatives a enregistré au niveau fédéral 3 432 organisations caritatives, associations et consortiums (2 924 organisations caritatives, 455 associations et 53 consortiums). Parmi celles-ci, 2 933 étaient actives lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi en avril 2019. L’Agence elle-même a maintenant été rebaptisée Agence des organisations de la société civile et devrait commencer à enregistrer les organisations de la société civile en fonction de leur nouvelle classification.

167.Comme indiqué dans le précédent rapport de pays, le respect des lois du pays reste la condition préalable à la création d’un parti politique et à la participation à ce parti. En vue de renforcer l’exercice de ce droit, les autorités ont adopté une nouvelle loi pour rétablir le Conseil électoral national, pour lequel de nouveaux dirigeants ont été désignés. La loi sur l’enregistrement des partis politiques est également en cours de révision. Le pays compte actuellement 107 partis politiques enregistrés ou dont l’enregistrement est en cours.

Article 23Protection de la famille

168.En Éthiopie, le mariage et les relations familiales sont régis par la Constitution, le Code de la famille révisé et les lois régionales sur la famille. Bien que le Code fédéral de la famille ait été modifié par la loi no 1070/2018, les protections accordées à la famille n’ont pas changé pendant la période considérée. Les protections fournies par la Constitution restent également intactes.

169.La section de cassation de la Cour suprême fédérale, conformément à son mandat qui consiste à donner des interprétations contraignantes des lois applicables dans tous les tribunaux fédéraux et régionaux, a interprété le droit de la famille de sorte à protéger efficacement les droits des femmes.

170.Reconnaissant la nécessité de disposer en temps utile de statistiques fiables, actualisées et régulières pour élaborer des politiques et prendre des décisions de façon pertinente, y compris en ce qui concerne la résolution d’affaires de succession et de paternité, entre autres, le Gouvernement a adopté la loi no 760/2012 sur les données de l’état civil et la carte d’identité nationale. Cette loi prévoit l’enregistrement et la certification obligatoires, permanents et universels des données de l’état civil, qui incluent les informations relatives à la naissance, au décès, au mariage et au divorce. Le système d’enregistrement des données de l’état civil est devenu opérationnel en août 2016 en application de cette loi.

171.L’Agence d’enregistrement des données de l’état civil est chargée de diriger, de coordonner et d’appuyer l’enregistrement des données de l’état civil au niveau national. Néanmoins, la loi prévoit l’enregistrement des données de l’état civil jusqu’à l’échelon administratif le plus bas (qebelé). L’Agence travaille en étroite collaboration avec des partenaires internationaux, tels que le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), afin de former des professionnels à l’établissement de systèmes d’enregistrement des données de l’état civil et de faciliter le fonctionnement du système institutionnel.

172.En ce qui concerne les programmes de sécurité sociale, le pays a mis en œuvre deux programmes de sécurité alimentaire consécutifs : le premier pour 2010-2014 et le deuxième pour 2015-2020. Dans le deuxième programme, les autorités ont pris des dispositions spécialement pour les femmes et pour le développement social afin de remédier aux effets graves que l’insécurité alimentaire a sur les femmes et les enfants vulnérables. Les dispositions concernant les femmes répondent aux besoins des femmes chefs de famille, des femmes enceintes et des femmes mariées. Le programme met l’accent sur les femmes chefs de famille, les personnes vivant avec le VIH ou le sida, les femmes divorcées et les femmes handicapées. Il prévoit des cartes de bénéficiaires conjointes pour les époux afin que les femmes mariées aient voix au chapitre, sur un pied d’égalité avec leur mari.

Article 24Protection de l’enfant

173.Le bien-être et la protection des enfants restent la principale préoccupation du Gouvernement. Outre les accords constitutionnels, internationaux et régionaux et les autres protections légales des droits de l’enfant mentionnés dans le rapport précédent, le pays a également adopté en 2016 une politique nationale de l’enfance assortie d’une stratégie de mise en œuvre, qui complète l’engagement des autorités à ce sujet.

174.La politique de protection de l’enfance définit des axes stratégiques clefs pour le développement et la croissance, la prévention et la protection, la réadaptation, les soins et l’assistance. En tenant dûment compte des principes et des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, elle a favorisé le travail de différents acteurs qui s’occupent des enfants et a également promu les droits des enfants. Ce document a notamment pour objectif de promouvoir des conditions de vie saines pour les enfants, en réduisant le taux de mortalité infantile, en assurant l’accès à l’enseignement primaire et en garantissant la qualité de l’éducation au niveau national, et aussi en protégeant les enfants contre le travail et l’exploitation.

175.En outre, le Gouvernement prend des mesures pour assurer une protection et une assistance spéciales aux enfants qui sont privés de leur milieu familial. Dans le but de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et de lui offrir un milieu familial stable, le Gouvernement a également décidé d’interdire l’adoption à l’étranger par la loi no 1070/2018 portant modification du Code de la famille révisé.

176.Le Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse s’est donc concentré sur le renforcement de l’adoption nationale dans le pays. Il a adopté un nouveau manuel sur le placement familial qui hiérarchise les différentes possibilités. Ainsi, il faut essayer de placer l’enfant d’abord auprès de membres de sa famille, y compris des enfants plus âgés dans le cas des ménages dirigés par un enfant. On peut ensuite envisager une famille de remplacement, dans le cadre d’un placement ou d’une adoption. Enfin, en dernier recours, on peut envisager le placement dans un établissement adapté.

177.Le lancement d’un système d’enregistrement et de certification permanent, obligatoire et universel des faits d’état civil concorde avec la conception et la mise en œuvre de l’enregistrement des faits d’état civil concernant les enfants prévu par la politique. En 2017 et 2018, 538 983 naissances, 95 719 mariages et 94 042 décès ont été enregistrés. L’Éthiopie a également commencé à enregistrer les naissances, les décès et les mariages des réfugiés en 2017.

178.Les tribunaux rendent des jugements fondés sur les dispositions pertinentes de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. La section de cassation de la Cour suprême fédérale, notamment, s’est fondée sur ces instruments internationaux pour différentes décisions. Par exemple, en décembre 2013, la Cour a rendu un arrêt fondé sur l’article 3 et le paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention relative aux droits de l’enfant et sur le paragraphe 1 de l’article 4 et le paragraphe 1 de l’article 5 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

179.En application de la politique nationale de justice pénale adoptée en 2011, les autorités ont apporté différents changements en vue de combler des lacunes dans les systèmes de justice pénale et d’assurer la compatibilité avec les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. Une section de cette politique était spécialement consacrée aux soins et à la prise en charge spéciale des victimes d’infractions et des enfants en conflit avec la loi. Par exemple, la section 6 vise la situation des enfants vulnérables, les droits des victimes de participer à l’enquête pénale et aux procédures d’inculpation et de jugement, la protection juridique et le traitement des enfants en conflit avec la loi, les mesures correctives de substitution et la création de services spéciaux pour les enfants. La plupart de ces dispositions offrent une protection aux enfants qui sont victimes de mutilations génitales féminines, de mariages précoces, de travail des enfants, de négligence et de mauvais traitements.

180.Le développement de structures institutionnelles adaptées aux enfants dans le système judiciaire a contribué à l’exhaustivité des services fournis aux enfants. Désormais, des services de protection de l’enfance dans tous les postes de police collaborent avec les unités spéciales d’enquête et de poursuite au niveau fédéral et dans certains États régionaux. En outre, le nombre de tribunaux adaptés aux enfants s’est accru dans tout le pays. Dans le droit fil de ces initiatives, neuf centres polyvalents et 16 centres d’accueil sont répartis dans l’ensemble du pays pour garantir la sécurité et la réadaptation des victimes de violences sexuelles et psychologiques.

181.Le Gouvernement a également pris des mesures pratiques pour faciliter l’application des lois et procédures portant sur le respect des droits des enfants en conflit avec la loi et sur la prise en compte de leurs besoins spéciaux.

182.Le Gouvernement s’attache également à prendre des mesures pour mettre en œuvre l’article 28 de la loi no 365/2003 portant création de la Commission fédérale des prisons, qui dispose qu’un nourrisson de moins de 18 mois qui a besoin de soins maternels rapprochés peut rester avec sa mère en détention lorsque son intérêt l’exige. À cet égard, le Gouvernement a pris différentes mesures sur le plan institutionnel concernant la satisfaction des intérêts des enfants qui sont séparés de leur famille lorsqu’il y a peu de possibilités de les placer dans leur famille proche.

183.Le congé de maternité a été allongé suite à la révision de la loi no 1064/2017 sur la fonction publique fédérale. Une femme a ainsi droit à la fois à une visite médicale et à un congé prénatal payé prescrit. La loi exige également de tous les organismes publics qu’ils aménagent une nurserie pour permettre à toute fonctionnaire d’allaiter et de s’occuper de son bébé. Comme l’indique le paragraphe 6 de l’article 48 de la loi, les modalités détaillées ont été fixées par la directive du Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse.

184.Depuis l’adoption de la loi no 909/2015 sur la prévention et l’élimination de la traite des personnes et du trafic de migrants, 2 686 personnes ont été inculpées aux niveaux fédéral et régional, dont 1 178 ont été condamnées à ce jour.

Article 25Participation aux affaires publiques et élections

185.Les principes constitutionnels relatifs aux élections, ainsi que les pouvoirs et les devoirs, les objectifs et les critères de composition du Conseil électoral national, consacrés par la loi no 532/2007 portant modification de la loi électorale, restent intacts. La loi no 662/2009 sur le Code de conduite électoral pour les partis politiques donne au Conseil des responsabilités supplémentaires en ce qui concerne la sensibilisation et la diffusion du contenu de la loi sur le Code de conduite.

186.Le pouvoir d’émission de règlements et de directives du Conseil électoral national et les règles émises en conséquence ont été abordés dans le rapport précédent. Néanmoins, ces règles sont sujettes à des changements périodiques compte tenu de la périodicité des élections. Il en est ainsi pour le règlement visant à déterminer la structure et le fonctionnement des commissions des recours à tous les niveaux ; le règlement no 1/2007/08 a été modifié en août 2009, et les règlements nos 2 et 3 de 2007/08 ont été modifiés en janvier 2010. En outre, au moins deux directives, la directive no 5 de juillet 2009 et la directive no 6 d’avril 2010, ont été publiées depuis le dernier rapport.

187.En vertu du Code pénal, selon la nature de l’infraction et les circonstances dans lesquelles elle a été commise, les tribunaux peuvent ajouter à la peine la déchéance des droits civiques, y compris le droit de vote et le droit d’être élu. En tenant compte des mêmes facteurs, les tribunaux déterminent si cette déchéance sera temporaire ou définitive, étant entendu, toutefois, que la déchéance temporaire ne peut se prolonger au-delà de cinq ans.

188.Les partis politiques d’opposition, y compris ceux qui sont en exil, ont été officiellement invités à participer activement à un dialogue national permanent dans le but de réaliser le droit du peuple à des élections libres et régulières. Dans la même optique, les représentants de différents partis concurrents ont récemment participé à une consultation et à un dialogue constructif avec le Premier Ministre. En conséquence, en mars 2019, 107 partis politiques éthiopiens, dont le parti au pouvoir, ont signé un code de conduite qui guidera leur fonctionnement et leurs activités politiques. Ce document régit les relations entre les partis politiques et établit un conseil conjoint où chaque parti est représenté.

189.En outre, de nouveaux dirigeants ont été nommés au Conseil électoral national dans l’intention susmentionnée. La Chambre des représentants des peuples a nommé, en consultation avec tous les organes concernés, quatre nouveaux membres au sein du Conseil, considérés comme impartiaux et intègres sur le plan professionnel. La population a participé au processus de sélection de ces membres.

190.Le Parlement a adopté en 2019 une loi visant à rétablir le Conseil électoral national. La nouvelle loi sur les organisations de la société civile adoptée par la Chambre des représentants des peuples en 2019, en réponse à de précédentes préoccupations, a sensiblement élargi les possibilités de participation des organisations de la société civile aux opérations électorales, en tant qu’observatrices et actrices clefs dans l’éducation des électeurs.

191.L’Éthiopie est déterminée à faire en sorte que toutes les élections nationales et régionales soient libres et régulières. Le Premier Ministre Abiy Ahmed a déclaré à maintes reprises que le Gouvernement avait pour objectif principal de garantir que les prochaines élections nationales de 2020 seront libres, régulières et crédibles. Un élément essentiel des réformes politiques en cours consiste à élargir l’espace politique pour que tous les partis politiques jouissent d’une totale liberté, indépendamment de leurs idéologies. Ainsi, un certain nombre de partis politiques jadis interdits du fait que la Chambre des représentants des peuples les avait considérés comme des organisations terroristes ont vu cette interdiction être levée et ont pu revenir en Éthiopie pour y mener des combats politiques pacifiques.

192.La révision de la loi électorale fait actuellement l’objet de consultations entre le parti au pouvoir et les partis d’opposition. Les lois révisées devraient faire passer le système électoral éthiopien du scrutin majoritaire à un tour à un mélange de scrutin proportionnel et de scrutin majoritaire à un tour, ce qui ouvrira la possibilité à des voix diverses de rejoindre le parlement national. Les révisions dont font actuellement l’objet la loi sur les médias et la loi électorale permettront une plus grande participation de la société civile et amélioreront l’accès aux médias publics et privés des partis politiques d’opposition afin de garantir des débats électoraux plus participatifs.

193.Lors des élections nationales de 2015, 58 partis politiques nationaux et régionaux ont présenté 5 819 candidats (1 270 femmes et 4 549 hommes). Le taux d’inscription sur les listes électorales et de participation aux élections a connu une hausse considérable, passant de 31 millions d’électeurs en 2010 à 36,8 millions en 2015 (soit une augmentation de 26 %). En 2015, 48 % des électeurs inscrits étaient des femmes. Les partis politiques ont bénéficié gratuitement de 500 heures à la radio, de 100 heures à la télévision et de 700 articles parus dans la presse écrite publique afin qu’ils puissent mener leur campagne électorale de manière équitable et proportionnée.

Article 27Droits des minorités

194.Les mesures juridiques et autres prises aux fins de la réalisation des droits des minorités dont il a été question dans le rapport précédent sont toujours d’actualité. Les nationalités minoritaires jouissent de tous les droits que les nations, les nationalités et les peuples tiennent de la Constitution. En conséquence, la Constitution prévoit une représentation spéciale des nationalités et des peuples minoritaires qui doit compter au moins 20 sièges au Parlement, sur maximum 550 au total. Ainsi, compte tenu des résultats des élections de mai 2015, 22 sièges de la Chambre des représentants des peuples sont occupés par des nationalités minoritaires.

195.Chaque nation, nationalité et peuple est représenté à la Chambre de la Fédération par au moins un membre. Ainsi, 76 nationalités sont actuellement représentées par au moins un membre à la Chambre. Cela permet aux nationalités minoritaires de promouvoir et de protéger leurs droits dans l’interprétation de la Constitution.

196.L’Éthiopie est un pays qui compte de nombreuses religions et où une culture de respect et de tolérance s’est développée au cours de siècles de coexistence mutuelle et pacifique. Le judaïsme, le christianisme et l’islam sont intégrés dans la nation, et le pays compte aussi un très grand nombre de croyants des religions traditionnelles.

197.L’article 27 de la Constitution garantit à chacun le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui inclut le droit de pratiquer ou d’adopter la religion ou les croyances de son choix, ainsi que le droit de manifester sa religion ou ses croyances, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, la célébration des rites, la pratique et l’enseignement

198.En réponse aux recommandations du Comité concernant les droits des minorités ethniques et linguistiques résidant dans les États régionaux s’agissant de la reconnaissance et de la participation à la vie publique (CCPR/C/ETH/CO/1, par. 26), on notera que, dans l’État régional de Benishangul-Gumuz, les « nationalités » qui parlent l’amharique, le tigrigna et l’afaan oromo, souvent appelées « montagnards », avaient dû être exclues de la politique régionale en raison de l’allégation selon laquelle elles ne connaissaient pas la langue locale d’un des groupes ethniques de l’État régional. Ceux qui avaient été exclus du processus politique (par décision du Conseil électoral) ont saisi la Chambre de la Fédération d’une demande d’interprétation de la Constitution.

199.La Chambre de la Fédération a conclu que, pour exercer son droit de vote et son droit d’être élu, tout Éthiopien devait, aux termes de la Constitution, être résident depuis au moins un an et connaître la langue officielle de la région, et non la langue des groupes ethniques locaux, et a donc annulé la décision du Conseil. Cette décision a créé un précédent, à savoir qu’un membre d’une minorité ethnique ou linguistique résidant dans un État régional peut se présenter aux élections s’il connaît la langue officielle de l’État en question.