NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/TCD/Q/1/Add.120 janvier 2009

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

RÉPONSES DU GOUVERNEMENT DU TCHAD À LA LISTE DES POINTS À TRAITER ( CCPR/C/TCD/Q/1 ) À L’OCCASION DE L’EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU TCHAD (CCPR/C/TCD/1 )

[12 janvier 2009]

GE.09-40272 Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte (art. 1 et 2)

Question 1 *

1.Depuis son accession à la souveraineté nationale et internationale, le Tchad a toujours fait du principe des droits des peuples une constante de sa politique tant au plan national qu’international. En sa qualité d’État Membre des Nations Unies et au titre des engagements internationaux, le Tchad a librement ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (« le Pacte ») le 9 juin 1995. À ce titre, le Tchad a non seulement intégré ce dispositif dans sa législation nationale, notamment dans le préambule de sa Constitution du 31 mars 1996, modifiée en 2005, mais a reconnu au Pacte une valeur supérieure à la législation nationale. Ainsi l’article 221 de la Constitution dispose : « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois nationales; sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

2.Les citoyens peuvent se prévaloir des dispositions du Pacte au même titre que de toutes les autres conventions régulièrement ratifiées par le Tchad. Il convient ici de citer, par exemple, l’arrêt nº 026/CS/CA/SC du 15 décembre 2002. En l’espèce il s’agissait d’un ressortissant iranien réfugié au Tchad depuis plus d’une vingtaine d’années et qui, à cause de ses activités associatives (création d’une radio communautaire), a fait l’objet d’une expulsion ordonnée par le Ministère de l’intérieur. Un collectif d’avocats a saisi par référé la chambre administrative de la Cour suprême qui, par cet arrêt, a annulé la décision du Ministre qu’elle a jugée contraire à la Convention relative au statut des réfugiés ratifiée par le Tchad.

Question 2

3.La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a été créée en 1994 par la loi n° 031/PR/94 du 9 septembre 1994. Cette structure est rattachée à la Primature. Les compétences de la CNDH sont assez étendues et elle est habilitée à :

a) formuler des avis à l’intention du Gouvernement sur des questions relatives aux droits de l’homme, y compris la condition de la femme, les droits de l’enfant et des personnes handicapées;

b) assister le Gouvernement et les autres institutions nationales sur toutes les questions qui concernent les droits de l’homme au Tchad;

c) participer à la révision de la législation en vigueur et à l’élaboration des nouvelles normes, en conformité avec la Charte des droits de l’homme et des libertés adoptée par la Conférence nationale souveraine et les instruments régionaux et internationaux, en vue de la construction de l’état de droit et du renforcement de la démocratie;

d) procéder à des enquêtes, des études et des publications; rendre des avis au Gouvernement sur toutes les questions concernant les droits de l’homme et les libertés fondamentales, notamment la ratification et la mise en œuvre des instruments internationaux et les pratiques en vigueur.

4.S’agissant des mesures prises en vue de garantir l’indépendance de la CNDH, il convient de noter que :

a) Elle est créée par une loi;

b) Sa composition est paritaire, la moitié de ses membres viennent des pouvoirs publics et l’autre moitié de la société civile;

c) Elle est autonome quant aux choix des questions qu’elle examine sans sélectivité, par auto saisine;

d) Elle est entièrement libre des avis qu’elle transmet au Gouvernement et dont elle assure la diffusion auprès de l’opinion publique;

e) Elle peut être saisie d’une requête par toute personne qui estime être victime d’une violation de droits de l’homme.

5.Son indépendance fonctionnelle par rapport aux Principes de paris est cependant limitée par le fait qu’elle ne dispose pas d’un budget propre. C’est cette absence d’autonomie financière qui ne lui permet pas d’être accréditée au statut A.

Droit de circuler librement (art. 2 et 12)

Question 3

6.La liberté d’aller et venir est garantie par l’article 44 de la Constitution qui dispose que « tout Tchadien a le droit de circuler librement à l’intérieur du territoire national, d’en sortir et d’y revenir ». Aucun document administratif n’est exigé pour voyager d’une ville à une autre contrairement aux années 1980 où un laissez-passer était exigé. De même le Gouvernement a fait relever certaines barrières et postes de contrôle de police et de gendarmerie qui jonchaient les routes du pays. Seuls des postes sont visibles aux entrées et aux sorties des grandes villes et ce en vue d’assurer la sécurité et les secours en cas d’accident.

7.La restriction des libertés peut cependant être prononcée par décision de justice à l’encontre des personnes comme peines complémentaires (interdiction de séjour) ou pour des raisons de sécurité nationale et de maintien de l’ordre public (en cas de circonstances exceptionnelles). En vertu de l’article 15 de la Constitution, les étrangers légalement entrés au Tchad bénéficient des même droits et libertés que les nationaux. Ils sont tenus de se conformer aux lois nationales. Cependant, un étranger peut être expulsé par mesure administrative lorsqu’il est entré sur le territoire sans autorisation préalable des autorités.

8.Suite aux conflits survenus en 2003 au Darfour, le Tchad fait face à l’afflux des réfugiés soudanais à l’est du pays. On dénombrait en 2005, 220 000 réfugiés venant du Darfour, dont 60 % avaient moins de 18 ans. Ces réfugiés sont pris en charge par le Gouvernement tchadien avec l’appui des institutions des Nations Unies et des organisations internationales et nationales œuvrant en faveur des réfugiés. Un protocole d’entente entre le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) sur le suivi des enfants séparés et non accompagnés soudanais au Tchad a été signé en 2005.

9.Au total 437 enfants séparés et 104 enfants non accompagnés soudanais ont été identifiés et pris en charge. Le Gouvernement a également mis en place, par un décret du 31 décembre 1996, une Commission nationale d’accueil des réfugiés (CNAR). Ce décret a créé la sous-commission d’éligibilité chargée de l’attribution du statut de réfugié sur une base individuelle, conformément aux dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés et à celle de l’Organisation de l’Unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Les enfants qui veulent obtenir le statut de réfugié bénéficient de la protection et de l’assistance humanitaire prévue dans ces instruments juridiques internationaux ratifiés par le Tchad. La protection et l’assistance humanitaire sont assurées aux réfugiés et à leurs enfants dans l’exercice de leurs droits civils ainsi que leurs droits économiques, sociaux et culturels.

10.S’agissant des personnes déplacées à l’intérieur du pays du fait des conflits intercommunautaires, des incursions des Djandjawids et des attaques rebelles, on a dénombré 50 000 personnes dans la région du Dar Sila parmi lesquelles 1 981 enfants en âge scolaire et 136 enfants séparés de leurs parents. La protection et l’assistance humanitaire leur sont assurées par les institutions du système des Nations Unies, le Gouvernement tchadien et les associations nationales de défense de droits de l’homme.

11.En 2005, il y avait environ 7 500 enfants qui allaient à l’école (primaire et préscolaire) à l’est du pays. Environ 360 salles de classe ont été construites et 135 étaient en construction. Ils bénéficient également des services sociaux de base et d’hygiène. Les travailleurs sociaux ainsi que le personnel humanitaire ont été formés aux techniques d’écoute et de counselling, au droit humanitaire et aux droits des enfants en général. Les activités ludiques permettant aux enfants de surmonter leur traumatisme ont été également développées.

12.Afin d’assurer la sécurité et une meilleure assistance, le Gouvernement tchadien, avec l’appui de la communauté internationale, a déployé des forces de sécurité à l’intérieur et autour des camps de réfugiés. Le projet de relèvement précoce à l’est du pays est en cours d’adoption pour permettre aux réfugiés et personnes déplacées de se prendre en charge.

Égalité entre hommes et femmes et interdiction de la discrimination (art. 2, 3, et 26)

Question 4

13.La Constitution de 1996 qui est au sommet de la hiérarchie des normes nationales condamne la discrimination sous toutes ses formes (art. 14) et affirme par ailleurs la volonté du peuple tchadien de vivre dans le respect de la diversité ethnique, religieuse, régionale, sociale et culturelle. En effet, au Tchad, aucun texte n’établit de distinction entre les droits de l’homme et ceux de la femme : ils ont tous les mêmes droits et sont égaux devant de la loi (art. 13 de la Constitution).

14.En matière d’éducation, il y a désormais une égalité dans la scolarisation des filles et des garçons. L’effectif minime des filles scolarisées par rapport aux garçons est essentiellement dû aux pesanteurs socioculturelles. Toutefois, une conscience nouvelle se développe de plus en plus et les Tchadiens mesurent désormais l’importance d’envoyer les filles à l’école. Pour sa part, le Gouvernement mène des campagnes de grande envergure et adopte des stratégies visant à encourager la scolarisation des filles et leur maintien à l’école.

15.C’est dans cette optique qu’une Division de la promotion de l’éducation féminine a été créée au sein du ministère de tutelle pour mettre en œuvre la politique de l’État dans ce domaine. En vue de remédier aux écarts accumulés depuis des années et qui ont suffisamment limité le taux de scolarisation de la jeune fille tchadienne, des mesures ont été prises pour assurer la gratuité de l’enseignement public. L’article 35 de la Constitution, en son premier aliéna, dispose que « tout citoyen a droit à l’instruction ».

16.Dans le domaine de l’emploi, l’article 31 de la Constitution dispose que « l’accès aux emplois publics est garanti à tout Tchadien sans discrimination aucune, sous réserves des conditions propres à chaque emploi ».

17.L’article 32 « reconnaît à tous les citoyens le droit au travail » et l’aliéna 3 du même article précise que « nul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de ses opinions, de ses croyances, de son sexe ou de sa situation matrimoniale». Pour mettre fin aux pratiques discriminatoires à l’égard des femmes et des enfants, le Tchad a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant. Des journées entières de réflexion et de sensibilisation sur les conditions de vie et de travail des femmes sont annuellement organisées dans le cadre de la Semaine nationale de la femme et de la Journée internationale de la femme. Dans cette même perspective, un projet de code de la famille est en cours d’adoption et la création des institutions telles que le Ministère chargé des droits de l’homme, la Commission nationale des droits de l’homme, la Direction de la promotion féminine et de la protection du genre, le Ministère de l’action sociale et de la solidarité nationale ainsi que la libéralisation de l’espace des droits de l’homme participent de ces efforts de promotion des droits de la femme.

18.En ce qui concerne les enlèvements d’enfants, l’article 286 du Code pénal dispose que : « les auteurs des enlèvements, de recel et de suppression d’un enfant tendant à compromettre son état civil seront punis des travaux forcés à temps ». C’est par exemple l’Affaire « Arche de Zoé », du nom d’une organisation non gouvernementale française qui, sous prétexte de sauver des enfants soudanais, a tenté d’enlever illégalement 103 enfants tchadiens à Abéché (à l’est du Tchad).

19.De même, la substitution d’enfants est punie et ceux qui auront substitué un enfant à un autre ou auront supposé un enfant à une autre femme qui ne sera pas accouché seront punis de deux à dix ans d’emprisonnement, sans préjudice des peines prévues pour les faux s’il y a lieu (art 287). S’il est établi que l’enfant n’est pas vivant ni viable, la peine sera de six mois à cinq ans d’emprisonnement.

20.L’enlèvement ou le détournement d’un mineur de 15 ans, sans fraude ni violence est puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 5 000 à 100 000 francs. Toutefois, la loi conditionne la poursuite et la condamnation de l’auteur d’enlèvement qui aura épousé la personne enlevée à la plainte des personnes qui ont qualité pour demander l’annulation seulement si cette annulation a été prononcée (art 289 du Code pénal).

21.S’agissant du droit à la terre, dans les villes et les campagnes la question ne se pose pas. Même dans le milieu rural, la situation est évolutive. De plus en plus de femmes disposent non seulement des jardins de case, mais ont accès à des terres dont les superficies varient uniquement selon les capacités de celles-ci à les mettre en valeur.

Question 5

22.La culture de la violence héritée de plusieurs décennies de guerre n’a pas épargné les familles. C’est ainsi que de nombreux cas de violences domestiques ou conjugales visant les enfants et les femmes sont enregistrées. Cela étant, les auteurs sont toujours sévèrement réprimés lorsque les cas sont portés à la connaissance des autorités judicaires. Sur ce plan également, des associations de la société civile telles que l’Association des femmes juristes au Tchad et la cellule d’éducation et d’information des associations féminines fournissent d’importants efforts en faisant fonctionner des « cliniques juridiques » qui sont de véritables centres d’information, d’éducation et de sensibilisation aux droits de la femme. Il faut noter cependant que les parents et les victimes dissimulent souvent les cas de ces violences de peur de rompre l’unité familiale, ce qui rend sa répression difficile. Il n’y a pas de statistiques disponibles à cet effet.

23.Dans tous les cas, le Gouvernement accorde une attention particulière à ces problèmes et a pris des mesures pour prévenir et éradiquer la violence et en particulier les violences sexuelles contre les femmes. C’est ainsi qu’a été promulguée la loi n° 06/PR/2002 portant promotion de la santé de la reproduction, qui interdit toutes les formes de violence telles que les mutilations génitales féminines, les mariages précoces, les violences domestiques et sexuelles.

État d’exception (art. 4)

Question 6

24.La Constitution tchadienne reconnaît aux citoyens tous les droits civils et politiques en vigueur. Cependant, la même Constitution restreint un certain nombre de droits en cas d’instauration de l’état d’exception. Il s’agit en particulier des réunions publiques, de la liberté de presse, de la circulation des personnes et de leurs biens. Ces mesures restrictives des droits et dérogations aux droits sont prévues par l’article 87 de la Constitution comme étant des mesures exceptionnelles exigées par les circonstances, pouvant survenir lorsque « les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu ». Ces mesures sont arrêtées par le Président de la République en conseil des Ministres, après consultation du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Conseil constitutionnel. La durée de l’état d’exception est de 15 jours, renouvelable une seule fois après avis de l’Assemblée nationale. Sa prorogation n’est possible qu’après avis conforme de l’Assemblée nationale. Le Président de la République en informe la nation par un message. Les décisions prises dans ce cadre sont considérées comme actes du Gouvernement, donc insusceptibles de recours pour excès de pouvoir. Toutefois les citoyens, victimes de violations de leurs droits peuvent saisir les tribunaux civils pour obtenir réparation.

Droit à la vie et interdiction de la torture et autres traitement cruels, inhumains ou dégradants et traitement des personnes privées de liberté (art. 6, 7 et 10)

Question 7

25.Les textes fondamentaux de la République du Tchad garantissent la protection des droits de la famille et de la personnalité. Selon l’article 17 de la Constitution « la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à l’intégrité de sa personne, à la sécurité, à la liberté, à la protection de sa vie privée et de ses biens ». Aux termes de l’article 18 de la Constitution, « nul ne peut être soumis à des sévices ou traitements dégradants et humiliants, ni à la torture ». Le Tchad a adhéré également à presque toutes les conventions et tous les traités relatifs aux droits de la personne humaine.

26.Cependant, il faut signaler que le Tchad n’a pas encore ratifié le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. C’est ainsi que, face à l’insécurité galopante et aux défis à relever par le Gouvernement dans la protection des citoyens et de leurs biens, la cour criminelle a siégé et condamné à mort quatre personnes pour l’assassinat d’un homme d’affaires soudanais. Toutefois le droit à un procès équitable a été garanti à ces personnes qui ont été exécutées les 6 et 9 novembre 2003. Des avocats ont été commis d’office à cet effet, les condamnés ont eu droit à la parole, le procès était public conformément aux procédures du Code pénal. Les personnes exécutées avaient demandé la grâce présidentielle (art. 89 de la Constitution) mais celle-ci leur avait été refusée.

27.Les infractions punies par la peine de mort sont l’assassinat, le parricide, l’empoisonnement, l’atteinte à la vie d’une personne, à l’ordre constitutionnel et à la sécurité du territoire national, l’attentat à la vie du chef de l’État, d’un membre du Gouvernement ou de l’Assemblée nationale, etc.

Question 8

28.Dès son indépendance, le Tchad est entré dans le cycle des violences, guerre civile, rebellions armées, agressions extérieures, dont les séquelles sont encore vivaces dans les esprits et les comportements. Ces conflits ont favorisé la circulation des armes à feu détenues par des bandits qui organisent des attaques contre la population. Dans le souci d’assurer la sécurité des citoyens, le Gouvernement a déployé une ceinture de sécurité à la frontière et autorisé un détachement intégré de forces de défense et de sécurité dans les régions concernées. Ce détachement est appuyé par les forces de l’EUFOR et celles de la Coordination des forces d’intervention au Tchad (CONAFIT). En plus de tout cela, le Gouvernement vient de mettre en place une Commission nationale chargée du désarmement, en vue d’éradiquer la prolifération des armes de guerre.

Question 9

29.Suite aux événements des 2 et 3 février 2008 à Ndjamena et qui ont occasionné de graves violations des droits de l’homme, le Gouvernement du Tchad a mis en place une Commission nationale d’enquête, composée des représentants des pouvoirs publics, de la société civile, des confessions religieuses et des représentants des partenaires étrangers comme observateurs. La Commission, après plusieurs mois d’investigation, a déposé un rapport au Gouvernement avec des recommandations pertinentes. Pour le suivi des recommandations de la Commission, le Gouvernement a mis en place un comité de suivi comprenant quelques uns de ses membres. Le comité de suivi a également mis en place un sous-comité technique dont le rôle essentiel est de faire des propositions concrètes au Gouvernement pour l’application de ces recommandations. En ce qui concerne les mesures concrètes prises, une plainte a été déposée contre X afin de traduire en justice les auteurs éventuels des exactions. En outre, une assistance financière et psychologique a été proposée par sous-comité technique.

Question 10

30.Concernant les pratiques traditionnelles contraires au Pacte, le Gouvernement a pris des mesures pour prévenir et éradiquer en particulier les violences sexuelles contre les femmes. C’est ainsi qu’a été promulguée la loi nº 06/PR/2002 portant promotion de la santé de la reproduction, qui interdit toutes formes de violences telles que les mutilations génitales féminines, le mariage précoce, les violences domestiques et sexuelles. L’exercice de la polygamie sera réglementé par le code de la famille dont le projet est en cours d’adoption.

Question 11

31.Au Tchad, il n’existe pas de base légale érigeant la torture en infraction distincte; mais elle constitue seulement une circonstance aggravante. Ainsi, la victime d’une infraction ayant fait l’objet d’un acte de torture peut se constituer partie civile en invoquant les dispositions de l’article 6 du Code de procédure civile tchadien. Un autre moyen permettant à la victime d’obtenir réparation est l’exercice des recours prévus par l’article 1382 du Code civil français en vigueur au Tchad. Les victimes peuvent également sur la base des coups et blessures volontaires évoquer les dispositions des articles 252 et 253 du Code pénal.

32.La volonté du Gouvernement tchadien de respecter et de protéger les citoyens dans ce domaine s’est traduite par la ratification le 9 juin 1995 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et par la création en 1994 d’une Commission nationale des droits de l’homme. D’autres mesures internes d’harmonisation de la législation sont en cours et pourront aboutir très prochainement à la mise en œuvre de la Convention contre la torture. Cependant le Code pénal et le Code de procédure pénale tchadiens datent de 1967 et nécessitent une réforme pour intégrer les nouvelles infractions.

33.Les dispositions du Code pénal permettent de traduire en justice les auxiliaires de justice responsables des exactions sur les détenues. C’est ainsi qu’à la suite des exactions commises sous le régime de l’ex-Président Habré, les victimes se sont constituées partie civile devant le doyen des juges d’instruction désigné dans ce qu’il convient d’appeler l’« Affaire Habré et ses complices». Cette procédure a permis l’ouverture d’une information judiciaire au Tchad et au Sénégal.

Question 12

34.La détention est une privation de la liberté dont les conditions sont posées par les textes fondamentaux du Tchad. En effet, le traitement réservé par la législation tchadienne à la personne privée de liberté est conforme à l’article 10 du Pacte, que l’affaire soit en instance devant la police, la gendarmerie, le tribunal ou l’administration pénitentiaire.

35.Concernant le principe de séparation des prévenus des condamnés, l’article 234 du Code de procédure pénale tchadien dispose que « la détention préventive doit être subie dans une prison et dans un quartier séparé de celui des condamnés». C’est ainsi que les personnes détenues sont placées dans des établissements pénitentiaires. Ces établissements sont régis par le décret nº 371/77/CSM/MJ du 9 novembre 1977 portant statut des établissements pénitentiaires au Tchad et sont rattachés au Ministère de la justice. Cependant, il n’existe pas de quartiers séparés dans les maisons d’arrêt pour les condamnés et les prévenus, d’une part, les mineurs et les majeurs, d’autre part, faute de structures adéquates.

36.La garde à vue est réglementée par le Code de procédure pénale. Ainsi, l’article 221 dudit Code indique qu’«  un officier de police ne peut retenir une personne à sa disposition pour les nécessités de l’enquête préliminaire pendant plus de 48 heures. Passé ce délai, la personne doit être remise en liberté ou conduite au parquet. Le magistrat du ministère public peut autoriser la prolongation de la garde à vue pendant un nouveau délai de 48 heures s’il l’estime indispensable à la bonne fin de l’enquête. L’autorisation doit être donnée par écrit après que le magistrat s’est assuré, au besoin personnellement, que la personne n’a subi aucun sévices. Toutefois, dans la pratique, le délai de garde à vue n’est pas respecté. Des citoyens sont souvent détenus au-delà du délai légal dans les locaux de la police et de la gendarmerie. Les officiers de police judiciaire invoquent la vétusté et l’insuffisance de moyens de travail mis à leur disposition pour justifier ces irrégularités.

37.Dans le cadre de la réforme de la justice des mesures suivantes sont en cours d’exécution : construction des maisons d’arrêts modernes, création d’un corps des gardiens des prisons, amélioration des conditions de travail du personnel judiciaire, formation des officiers de police judiciaire et fourniture des moyens nécessaires pour le travail, etc.

Interdiction de l’esclavage et du travail forcé, droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique et protection spéciale de l’enfant (art. 8, 16, 24)

Question 13

38.Aux termes de l’article 20 de la Constitution « nul ne peut être soumis en esclavage ou en servitude ». Et l’article 5 de la loi nº 038 du 11 décembre 1996 portant Code du travail dispose que « le travail forcé ou obligatoire est interdit ». Cependant, certaines pratiques en zones rurale et urbaine sont considérées comme étant de l’esclavage moderne en raison de l’exploitation abusive des employés, il s’agit notamment des enfants des sédentaires utilisés pour garder le troupeau d’éleveurs nomades (enfants bouviers), des « mahadjérines » ou des domestiques de maison.

39.Le Gouvernement examine, avec ses partenaires en développement et en consultation avec les communautés concernées, les voies et moyens pour éradiquer ce phénomène social qui prend de plus en plus d’ampleur, malgré ses conséquences néfastes pour la vie et la santé des victimes. À cet effet, un plan intégré de communication sur le travail des enfants bouviers impliquant tous les acteurs a été élaboré et mis en œuvre depuis 2002 avec l’appui de l’UNICEF. Les actions menées à travers cette stratégie ont débouché sur l’engagement des autorités administratives et religieuses dans la lutte contre ce problème. Des résultats ont été obtenus notamment la réduction du phénomène dans certaines zones et, parallèlement, la récupération d’enfants bouviers et leur réintégration dans leur famille. Au total 264 enfants ont été récupérés et réinsérés dans leur famille en 2004 et 2005.

40.Pour la pérennisation de ces actions, un réseau de lutte contre le phénomène des enfants bouviers a été mis en place en mars 2006 avec l’appui de l’UNICEF. La stratégie de lutte contre la pauvreté prend largement en compte ce phénomène. Il est à noter en outre que la ratification par le Tchad des différentes conventions de l’OIT interdisant les travaux forcés notamment la Convention nº 29 (1930) concernant le travail forcé ou obligatoire et la Convention nº 41 (1934) concernant le travail de nuit des femmes, la Convention nº 105 (1957) concernant l’abolition des travaux forcés, etc.

41.Les textes nationaux ont également pris en compte certaines dispositions des Conventions de l’OIT nº138 (1973) concernant l'âge minimum d'admission à l'emploiet nº182 (1999) concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, notamment la Constitution du 31 mars 1996 (art. 20, 32, 35, et 38) ; la loi nº 38 du 11 décembre 1996 portant Code du travail (art 18,52, 206, 208 et 210). Le décret nº 55/PR/PM-MTJS-DTMOPS du 8 février 1996 relatif au travail des enfants vient d’être révisé pour tenir compte des dispositions de la Convention nº 182 de l’OIT.

42.Dans le souci de protéger les femmes et les enfants, victimes de la traite des personnes, le Tchad vient de signer l’accord multilatéral de coopération régionale et d’adopter le plan d’action régional de lute contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants le 7 juillet 2006 à Abuja au Nigeria. Cet accord vise la prévention de la traite, la poursuite des auteurs de la traite, l’assistance et la protection des victimes, la réhabilitation et la réinsertion sociale des victimes et la coordination des investigations, de l’arrestation et de la condamnation des trafiquants et leurs complices.

43.Au niveau du plan d’action plusieurs activités sont prévues dont le refus d’entrer sur le territoire et/ou la révocation des visas des personnes recherchées pour des crimes liés à la traite des personnes et l’entraide judiciaire pouvant conduire à l’extradition des couples.

Question 14

44.Le droit à la vie est un principe dont bénéficie l’enfant. Ce principe est pris en compte par la loi nº 07/PR/99 du 6 avril 1999, portant procédure de poursuite et de jugement des infractions commises par les mineurs de 13 ans à moins de 18 ans, qui protège la dignité et la personnalité du mineur quand bien même celui-ci est auteur d’une infraction. Cette loi interdit qu’il soit prononcé à l’encontre d’un mineur la peine capitale et le recours à la peine d’emprisonnement doit être une mesure de dernier recours. Cette loi prévoit des mesures alternatives notamment lorsque la chambre pour enfant statue en matière criminelle : elle ne prononce pas la peine capitale à l’encontre du mineur poursuivi, mais substitue à celle-ci une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement.

45.L’interdiction de séjour qui pourra être prononcée et dont il est question dans le texte place l’enfant hors le lieu de la commission de l’infraction pour être suivi durant le temps prononcé par la décision.

46.Concernant l’interdiction de séjour, c’est le décret nº 46/PR/INT du 18 février 1971 qui détermine les conditions d’application de l’interdiction de séjour au Tchad. Dans le respect des engagements internationaux du Tchad, la loi nº 14 du 14 novembre 1959 réglemente l’expulsion, le refoulement, et l’internement administratif. Cependant, tous les enfants mineurs auteurs des infractions bénéficient également de l’assistance judiciaire.

Question 15

47.Officiellement les textes interdisent le recrutement des enfants de moins de 18 ans dans l’armée. Mais on constate quand même la présence d’enfants dans les camps militaires et au sein groupes armés. Malheureusement on ne dispose pas de statistiques. Des campagnes de sensibilisation ont été organisées par les institutions des Nations Unies et les organisations non gouvernementales internationales en vue de limiter ce phénomène, un parlement est mis sur pied, conformément aux recommandations des Nations Unies, pour donner une tribune d’expression aux enfants. Le Gouvernement tchadien a signé avec l’UNICEF un protocole permettant de réinsérer dans la vie active les enfants engagés dans l’armée. Le Tchad a également pris des engagements pour ma mise en œuvre des principes de Paris issus de la Conférence « Libérons les enfants de la guerre », tenue à Paris les 5 et 6 février 2007. Il faut également signaler l’enseignement du droit international humanitaire dans les écoles de gendarmerie et de la police.

Question 16

48.Le Gouvernement du Tchad a élaboré et validé une politique de développement intégral du jeune enfant en 2005 avec pour objectif que, d’ici 2015, 100 % des enfants de 0 à 8 ans soient enregistrés à la naissance, protégés contre la violence, l’exploitation, la discrimination, qu’ils soient en bonne santé et se développent harmonieusement sur les plans physique, cognitif, socio affectif et psychologique.

49.À cet effet, un projet d’éducation parentale est mis en œuvre dans le cadre du programme de coopération Tchad – UNICEF 2006 – 2010. Pour contribuer à l’augmentation de l’enregistrement des faits d’état civil, un projet de modernisation de l’état civil et un projet d’appui aux renforcements de l’état civil au Tchad sont mis en œuvre avec l’appui du PNUD, de l’Union européenne et de l’UNICEF.

50.En ce qui concerne les statistiques, le tableau ci-dessous indique le taux de scolarisation des filles dans l’enseignement primaire.

Tableau 1 : Taux de scolarisation des filles dans l’enseignement primaire

1996/1997

1997/1998

1998/1999

1999/2000

2000/2001

2001/2001

Taux brut de scolarisation

Garçons

74,9

83

84,6

88,2

91,5

92,2

Filles

39,7

46,2

50

54,6

58,9

63,2

Les deux sexes

57,5

64,8

67,4

71,6

75,4

80,5

Ratio : filles/garçons

0,55

0,56

0,59

0,62

0,65

0,65

Taux net de scolarisation

Garçons

58,3

65,3

66,2

68,2

71,1

76,2

Filles

33,1

38,8

42,4

44,7

48,5

52,5

Les deux sexes

45,8

51,1

54,5

56,6

59,9

64,5

Ratio : filles/garçons

0,57

0,59

0,64

0,66

0,68

0,69

Source : Ministère de l’éducation nationale

Question 17

51.Au plan national, la base légale d’adoption des enfants est le Code civil. Mais la préoccupation demeure pour l’adoption internationale dans la mesure où la Convention de la Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale n’est pas toujours ratifiée par le Tchad. Ce vide juridique ne permet pas le suivi des enfants adoptés par les étrangers et expose ces enfants aux risques d’exploitation dans un contexte où la traite des enfants prend de l’ampleur. Dans la pratique, la procédure d’adoption n’est pas souvent respectée. La pratique traditionnelle d’adoption des enfants relevée par le Comité de rédaction du rapport périodique sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant a malheureusement pris de l’ampleur en raison du nombre croissant d’orphelins et d’enfants rendus vulnérables par la guerre et le VIH/sida qui sont accueillis dans des familles sans aucune procédure judiciaire.

Sécurité de la personne et droit de ne pas faire l’objet d’une détention arbitraire (art. 9)

Question 18

52.Officiellement il n’existe pas de lieux de détention sécrète. Le Code pénal fait obligation de dénoncer les détentions illégales en ces termes : « les fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendant à constater les détentions illégales et arbitraires, soit partout ailleurs, et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à l’autorité supérieure, seront punis d’un mois à un an d’emprisonnement et tenus des dommages intérêts ».

53.Mais pendant, les événements des 2 et 3 février 2008, lorsque les institutions de la République ont été déstabilisées, quelques rares cas de détention sécrète ont été signalés. Mais dés que le fonctionnement des institutions est revenu à la normale, les choses sont rentrées dans l’ordre.

54.L’article 149 et suivant du Code pénal sanctionne les arrestations illégales et l’article 152 dispose que « toute convention affectant la liberté des personnes, telle que cession, mise en servitude, remise en gage, sera punie des peines prévues pour la séquestration arbitraire… ». Le Code pénal sanctionne aussi les violences illégitimes exercées par les officiers publics ou administrateurs envers les personnes dans l’exercice de leur fonction (art 156). C’est ainsi qu’un collectif de femmes agressées par la police a pu poursuivre en justice un haut responsable de la police tchadienne.

55.Différentes mesures ont été prises pour rapprocher la justice des justiciables et le Gouvernement a créé deux autres cours d’appel à Abéché et Moundou. Par ailleurs, les anciennes sections des tribunaux de première instance ont été érigées en tribunaux. Les justices de paix ont été créées dans les sous-préfectures et les arrondissements de N’Djamena. Le dysfonctionnement de l’appareil judiciaire a suscité également la tenue des états généraux de la justice. Un programme de reforme judiciaire a été élaboré sur la base du document de synthèse des travaux des états généraux de la justice a été approuvé par le décret nº 065/PR/PM/MJ/2005 du 18 février 2005. Il a été retenu six principaux axes d’intervention à savoir :

La réforme et la révision des textes et de la documentation

Le renforcement des juridictions en ressources humaines

La promotion et la protection des droits de l’homme

L’information, l’éducation et la communication

Les infrastructures et les équipements

La lutte contre la corruption et l’impunité.

56.Le coût global de cette reforme est estimé à environ 17 milliards de francs CFA, soit 34 000 000 de dollars des États-Unis. Plusieurs bailleurs ont manifesté leur disponibilité à accompagner le processus de la réforme. Cet appui financier a permis l’exécution d’un certain nombre d’activités dont quelques unes sont en cour.

57.S’agissant des activités dont l’exécution est sans incidence financière, des correspondances ont été adressées aux services responsables de la mise en œuvre. Des missions de terrain et des prises de contacts sont prévues pour évaluer l’état d’avancement des réalisations dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des états généraux de la justice.

58.Les conditions d’enlèvement de M. Ibni Oumar Mahamat Saleh ont été évoquées par la Commission d’enquête. Elles sont intervenues pendant la période trouble des 2 et 3 février 2008. Des précisions n’ont pas pu être fournies par la commission. Comme la justice est saisie du dossier, ses conclusions permettront de mettre en lumière ce qu’il est devenu.

Question 19

59.La garde à vue est réglementée par le Code de procédure pénale. Selon l’article 221 dudit Code, un officier de police ne peut retenir une personne à sa disposition pour les nécessités de l’enquête préliminaire pendant plus de 48 heures. Passé ce délai, la personne doit être relaxée ou conduite au parquet. Le magistrat du ministère public peut autoriser la prolongation de la garde à vue pendant un nouveau délai de 48 heures s’il l’estime indispensable à la bonne fin de l’enquête. L’autorisation doit être donnée par écrit après que le magistrat s’est rassuré, au besoin personnellement, que la personne n’a fait l’objet d’aucun sévices. Mais dans la pratique, des citoyens sont souvent détenus au-delà du délai légal dans les locaux de la police et de la gendarmerie prétextant la vétusté et l’insuffisance des moyens de travail mis à leur disposition pour accomplir les actes judiciaires. La méconnaissance des citoyens d’user de leurs droits et la corruption qui gangrènent l’administration de la police et de la gendarmerie constituent également un frein pour le respect du délai de la garde à vue.

Emprisonnement pour manquement à une obligation contractuelle (art. 11)

Question 20

60.L’emprisonnement pour manquement à une obligation contractuelle est beaucoup plus courant dans les brigades de gendarmerie et dans les commissariats de police. Mais au niveau de la justice, seule la procédure de contrainte par corps est utilisée et très réglementée, notamment, elle ne s’applique pas aux personnes âgées de 60 ans et plus, ni aux mineurs, et elle n’est autorisée qu’après un procès verbal de carence dûment constatée. 

Droit à un procès équitable (art. 14)

Question 21

61.L’organisation judiciaire au Tchad est régie par la loi nº 004/PR/98 du 28 mai 1998. Au terme de l’article 1er de cette loi, la justice est rendue dans la République du Tchad par un seul ordre de juridiction qui comprend : La Cour suprême, les cours d’appel, les cours criminelles, les tribunaux de première instance, les tribunaux du travail, les tribunaux de commerce et les justices de paix.

62.Dans l’ordre interne, la Constitution, le Code pénal et le Code de procédure pénale consacrent amplement les dispositions de l’article 14 du Pacte. En vertu des articles 13 et 14 de la Constitution, aucune discrimination fondée sur la différence d’origine, de langue, de race, de sexe, de conditions physiques ou d’état de santé, de conviction religieuse ou d’opinion politique n’est autorisée.

63.La loi nº 004/PR/PM/98 portant organisation judiciaire prévoit que, tant en matière civile que pénale, nul ne peut être jugé sans être mis en mesure de présenter ses moyens de défense. Cette défense peut être personnelle ou avec l’assistance des avocats, surtout d’office, pour les personnes démunies telles que prévus par les articles 38 et 39 du Code de procédure civile. Aux termes de l’article 38, l’assistance judiciaire peut être accordée en tout état de cause à tout plaideur, lorsqu’en raison de l’insuffisance de ses ressources, il se trouve dans l’impossibilité d’exercer ses droits en justice, soit en demandant, soit en défendant. Elle est applicable à tous litiges et à tous actes de juridiction gracieuse.

64.La fonction d’avocat étant libérale, l’État ne peut obliger les avocats à aller s’installer n’importe où sur le territoire national. Toutefois, à la demande du client ou selon les nécessités qui obligent l’État à les commettre d’office, les avocats peuvent aller plaider dans l’est du pays. Avec la recrudescence des violations des droits de l’homme, les avocats prennent peu à peu le goût de s’intéresser aux affaires de l’est du pays.

Droit à la vie privée (art. 17)

Question 22

65.Les textes fondamentaux de la République du Tchad garantissent la protection des droits de la famille et de la personnalité. Selon l’article 17 de la Constitution,  « la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à l’intégrité de sa personne, à la sécurité, à la liberté, à la protection de sa vie privée et de ses biens ». La protection du domicile est assurée par la Constitution qui dispose en son article 42 que le domicile est inviolable. Il ne peut y être effectué des perquisitions que dans les cas et les formes prescrites par la loi. L’article 154 du Code pénal affirme que tout fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire, tout officier ou agent de police, tout commandant ou agent de la force publique qui, agissant dans l’exercice de ses fonctions, se sera introduit dans le domicile d’un citoyen contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus par la loi et sans les formalités qu’elle a prescrites, sera puni d’un emprisonnement; il en est de même pour ce qui concerne la violation du domicile par les personnes privées.

66.La Constitution du Tchad consacre également le secret de la correspondance et des communications. C’est ainsi qu’elle prévoit en son article 45 que le secret de la correspondance et des communications est garanti par la loi. L’article 44 de la loi nº 029/PR/94 relative au régime de la presse fait mention que toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.

67.Dans la pratique, il existe des cas d’immixtion arbitraire dans la vie privée qui est souvent l’œuvre d’agents zélés. Mais des possibilités de recours sont offertes par la loi aux victimes qui peuvent exercer des actions en responsabilité pénale ou civile.

Liberté de conscience et de religion (art. 18)

Question 23

68.Les libertés de pensée, de conscience et de religion sont garanties par la Constitution, dont le préambule en son paragraphe 3 réaffirme l’attachement des Tchadiens aux principes des droits de l’homme tels que définis par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

69.L’article 1er de la Constitution dispose que le Tchad est une république souveraine, indépendante, laïque, sociale, une et indivisible, fondée sur les principes démocratiques où règnent la loi et la justice. Il est affirmé la séparation des religions et de l’État. En effet, l’article 27 de la Constitution garantit « les libertés d’opinion et d’expression, de communication de conscience, de religion, de presse, d’association, de réunion, de circulation, de manifestation et de cortège » à tous. Leur limitation n’est possible que par « le respect des libertés et des droits d’autrui et par l’impératif de sauvegarder l’ordre public et les bonnes mœurs ». Les conditions de leur exercice sont déterminées par la loi.

70.Cependant, la multiplication des sectes religieuses et la montée de l’intégrisme avec toutes les conséquences que cela engendre, ont conduit le Gouvernement à prendre des mesures suivantes : interdiction de la prédication publique, fermeture de certains centres d’apprentissage coraniques, poursuite des leaders de ces centres, etc.

Liberté d’expression, de réunion et d’association (art. 19, 21 et 22)

Question 24

71.La liberté d’association et de réunion pacifique est un principe constitutionnel. Elle a été reconnue et proclamée officiellement par l’article 27 de la Constitution. Mais son exercice est soumis à une autorisation préalable. L’article 1er de l’ordonnance nº 45/62 relative aux réunions publiques dispose que « les réunions publiques ne peuvent avoir lieu sans autorisation préalable…. ». Elle est régie par les textes nationaux cités ci-dessous :

l’ordonnance nº 27/INT/SUR du 12 juillet 1962 et le décret nº 165 du 23 août 1962 réglementant les associations

l’ordonnance nº 45 du 27 octobre 1962 réglementant les réunions.

72.Depuis l’adoption des différents textes relatifs à la liberté d’association, surtout après l’année 1991, on assiste à une éclosion d’associations diverses et de syndicats. On compte aujourd’hui plusieurs centrales syndicales : l’Union des syndicats du Tchad (UST), la Confédération libre des travailleurs du Tchad (CLTT), le Syndicat des enseignants du Tchad (SET), et près de 3 000 associations œuvrant dans divers domaines et bénéficiant de la subvention de l’État.

73.Les textes nationaux reconnaissent la liberté de créer un parti politique ou d’appartenir à celui de son choix. Pour ce qui concerne les partis politiques, une charte a été instituée par la loi nº 45 du 14 décembre 1994 portant charte des partis politiques. Plusieurs partis politiques ont été créés et fonctionnent librement sur l’ensemble du territoire.

74.De même, la liberté d’exprimer ses idées et ses opinions par tout moyen de communication est reconnue à tout citoyen, et la presse et l’imprimerie sont libres (art. 1 et 2 de la loi relative au régime de la presse).

75.Il existe actuellement au Tchad de nombreux journaux et radios indépendants qui contribuent à l’expression de ces libertés. Cependant le Gouvernement tchadien a publié une loi pour réglementer la presse. Il s’agit de la loi nº 029 du 12 août 1994 relative au régime de la presse au Tchad, modifiée par l’ordonnance nº 05. Les radios privées sont régies au Tchad par un texte spécifique à savoir la décision nº 007/HCC/P/SG/99 du 10 juin 1999 portant cahier des charges des radios privées. Des débats contradictoires portant sur les questions politiques sont diffusés même sur les antennes de la radio et de la télévision nationale.

76.Effectivement, comme tout citoyen tchadien, les militants des droits de l’homme et les journalistes se sont volontairement mis à l’abri lors des événements des 2 et 3 février 2008. Mais, en réalité, ils n’ont pas été menacés.

Droit de prendre part à la direction des affaires publiques (art. 25)

Question 25

77.Les différents régimes qui se sont succédés au Tchad, en particulier la période habréiste, ont étouffé les libertés et fait naître des comportements contraires au respect des droits de l’homme. Mais, depuis l’avènement de la démocratie et des libertés en décembre 1990, le Tchad manifeste une volonté politique de se constituer en État de droit où les droits de l’homme sont respectés, garantis et protégés. Cette volonté s’est concrétisée par la tenue de la conférence nationale souveraine, l’adoption de la Constitution par référendum en 1996. La libéralisation de l’espace politique a engendré la création des partis politiques dont les responsables animent librement leurs activités politiques.

78.Selon, l’article 62 de la Constitution, peuvent faire acte de candidature aux fonctions de président de la République, les Tchadiens des deux sexes remplissant les conditions que sont la nationalité tchadienne, la bonne santé physique et morale, la bonne moralité, l’âge minimum de 35 ans et la jouissance de tous les droits civiques et politiques. Pour la candidature à l’Assemblée nationale, l’article 108 de la Constitution dispose que « peuvent être candidats à l’Assemblée nationale les Tchadiens des deux sexes remplissant les conditions fixées par la loi », et l’article 152 du Code électoral précise que sont éligibles à l’Assemblée nationale, les Tchadiens des deux sexes âgés de 25 ans accomplis, inscrits sur une liste électorale, résidant depuis un an au moins sur le territoire de la République du Tchad et sachant lire et écrire le français ou l’arabe.

79.Les conditions d’éligibilité, d’inéligibilité et d’incompatibilité sont prévues aux articles 10 à 14 de la loi nº 003/PR/2000 du 16 février 2000, portant régime électoral des collectivités territoriales décentralisées. L’article 10 relatif aux conditions d’éligibilité dispose que sont éligibles au conseil municipal, départemental ou régional les citoyens tchadiens des deux sexes âgés de 25 ans au moins, inscrits sur une liste électorale, jouissant de leurs droits civiques et politiques et résidant depuis au moins un an sur le territoire national ou ayant des attaches notoires avec la commune, le département ou la région. Plusieurs autres mesures ont été prises ou sont en voie d’adoption, c’est le cas de la loi portant création de la commission électorale indépendante (CENI), la loi portant code électoral, la charte des partis, et la loi portant statut de l’opposition démocratique.

Question 26

80.La corruption et le népotisme des agents de l’administration publique sont sanctionnés par le Code pénal et la loi nº 004/PR/00 portant répression des détournements des biens publics, de la corruption, de la concussion, des trafics d’influence et des infractions assimilées.

81.En plus de ce cadre juridique, le Gouvernement a créé le Ministère chargé de la moralisation et du contrôle général de l’État en vue de moraliser la vie publique et contrôler la gestion des deniers publics. Dans le cadre du contrôle effectué par ce ministère, plusieurs dossiers ont été transmis au procureur de la République pour déclencher les poursuites. C’est ainsi qu’on dénombre une vingtaine de dossiers dont quatre ont été jugés et le reste en cours.

Diffusion du Pacte (art. 2)

Question 27

82.Dans le cadre de la promotion et de la défense des droits de l’homme, les associations de défense de droits de l’homme étaient les premières à initier, à défendre et à promouvoir les droits de l’homme. Elles ont pour cela organisé des ateliers de formation sur les droits de l’homme. Ces ateliers de formation visaient en priorité les fonctionnaires des départements ministériels directement intéressés par la question des droits de l’homme, les magistrats, les forces de l’ordre, les membres des associations œuvrant dans le domaine des droits de l’homme, etc. Ces ateliers sont présidés le plus souvent par des responsables politiques (ministres) et de hauts cadres de l’administration (secrétaires généraux des ministères).

83.Des recommandations issues de ces différentes formations sont transmises au Gouvernement qui, le plus souvent, s’engage à les mettre en œuvre. Des campagnes de sensibilisation sur des thèmes variés sont également organisées par les associations œuvrant dans le domaine des droits de l’homme à l’intention de la population dans plusieurs villes. C’est ainsi qu’à la demande de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et de l’Association pour la promotion des libertés fondamentales au Tchad (APLFT), par exemple, des tranches horaires leur sont accordées pour l’enseignement relatif au droit pénal général, au droit pénal spécial, à la procédure judiciaire et aux droits de l’homme dans les écoles de gendarmerie et de la police ainsi que sur les antennes de l’Office national de radio et de télévision du Tchad.

84.En vue d’adapter les droits de l’homme et le droit international humanitaire au contexte des missions de défense nationale et des opérations de maintien de l’ordre public et de sécurité, il a été créé par arrêté nº 059/MDNR/EMP/02 un Centre de référence en droit international humanitaire (CRDIH) par le Ministre de la défense nationale en mars 2002.

85.Un autre texte réglementaire du Ministre de la défense, notamment l’arrêté nº 24/MDNACVG/ENP/05 du 26 janvier 2005 a permis la création d’une commission chargée de l’élaboration des textes sur le droit international humanitaire. C’est aussi cette commission qui a la charge de la révision du Code de déontologie du gendarme afin d’y intégrer la dimension des droits de l’homme et le droit international humanitaire. Cette révision a été suivie par l’inclusion au programme de formation des forces armées du droit international humanitaire par arrêté nº 85/MDN/ENP/05. Cet arrêté rend obligatoire l’enseignement du droit international humanitaire dans les établissements de formation des forces armées.

86.Ce processus de réforme a abouti à l’adoption d’un document intitulé « Manuel de l’instructeur en vigueur dans les forces armées et de sécurité ». La rédaction de ce manuel a vu la participation de l’armée nationale, le groupement des écoles militaires interarmées, l’armée de l’air, la gendarmerie nationale, la garde nomade, la police nationale avec la collaboration de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH). Le document comprend deux volets décrits ci-dessous.

a)Le premier volet consacré au droit humanitaire est réparti en trois niveaux dans lequel le contenu de formation est spécifique à chaque cible correspondant à chaque niveau :

i)Le niveau 1 vise la formation commune de base dispensée aux hommes de rang et gendarmes (les soldats et élèves de la gendarmerie, de la garde et de la police nationale),

ii) Le niveau 2  vise la formation des élèves de première année, y compris les sous officiers,

iii) Le niveau 3  vise la formation des élèves officiers de deuxième année, y compris les officiers subalternes;

b) Le deuxième volet consacré aux droits de l’homme constitue le tronc commun pour tous les niveaux. Ce deuxième volet prend en compte la torture.

87.Il faut noter que 25 formateurs ont déjà reçu la formation pour l’utilisation du manuel qui doit être reproduit en 500 exemplaires pour être mis à la disposition de toutes les écoles de formation des forces armées et de sécurité du Tchad. Le contenu de l’enseignement sur le droit humanitaire et les droits de l’homme sera désormais le même pour toutes les écoles militaires et sera également introduit dans les établissements primaires et secondaires.

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