Nations Unies

CRC/C/SR.1529

Convention relativeaux droits de l’enfant

Distr. générale

16 juin 2010

Original: français

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-quatrièmesession

Compte rendu analytique de la 1529e séance (Chambre B)

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 4 juin 2010, à 10 heures

Président: M. Zermatten (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième rapport périodique de la Tunisie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties(point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la Tunisie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/TUN/3; CRC/C/TUN/Q/3) CRC/C/TUN/Q/3/Add.1).

1.Sur l’invitation du Président, la délégation tunisienne prend place à la table du Comité.

2.M. Khemakhem (Tunisie) dit qu’en juin 2008 la Tunisie a retiré les déclarations et réserves annexées à la loi portant ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant, compte tenu de la promulgation de nouvelles lois renforçant les droits de l’enfant, et que les attributions du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont été élargies (autosaisine, visites inopinées aux prisons et aux centres d’observation et de rééducation pour mineurs, requêtes individuelles, etc.), son autonomie administrative et financière accrue et ses moyens renforcés pour lutter contre toutes les violations des droits de l’homme.

3.Par une loi datée du 14 mai 2007, la Tunisie a porté l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles et supprimé ainsi l’écart qui existait en la matière entre garçons et filles.

4.En 2008, la Tunisie a élaboré un programme national de lutte contre la violence infligée aux enfants et de promotion d’une culture de non‑violence, et a promulgué une loi visant à améliorer la situation de la mère détenue enceinte et allaitante − son objectif étant de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant accompagnant sa mère incarcérée, notamment en aménageant un espace approprié pour lui permettre de bénéficier d’une assistance médicale, psychologique et sociale.

5.Le 17 mai 2010 a été adoptée une loi portant création du Parlement des jeunes, dont l’objectif est de diffuser la culture démocratique, d’ancrer la culture de la tolérance, des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de promouvoir le dialogue chez les jeunes âgés de 16 à 23 ans.

6.En 2009, le chef de l’État a décidé de créer un centre spécialisé des technologies de l’information qui s’emploiera à mieux intégrer les nouvelles technologies dans le système éducatif.

7.Plusieurs projets de loi sont en outre annoncés: un portant création d’un «conciliateur familial» pour les litiges relatifs au statut personnel; un visant à faciliter l’accès des Tunisiens de l’étranger aux tribunaux nationaux, notamment pour le règlement de leurs différends familiaux; un abaissant à 18 ans l’âge de la majorité civile, sans pour autant toucher aux droits des jeunes de percevoir une pension alimentaire jusqu’à l’âge de 25 ans s’ils poursuivent des études; un portant création d’un régime pénal spécifique pour les jeunes âgés de 18 à 20 ans afin qu’ils puissent passer progressivement du régime souple et protecteur garanti à l’enfant délinquant au régime de droit commun appliqué aux adultes à compter de l’âge de 18 ans; un portant création des instruments juridiques appropriés pour protéger l’enfant victime au cours de l’enquête, de l’instruction et du procès dans les affaires de violence physique ou sexuelle.

8.Le 19 mai 2010, le Conseil des Ministres a examiné un projet de loi portant amendement de l’article 319 du Code pénal pour supprimer les châtiments corporels dans la famille, à l’école et dans le système pénal.

9.En dépit de la crise économique mondiale, la Tunisie n’a épargné aucun effort pour maintenir ses dépenses sociales et continuer d’accorder une priorité élevée aux enfants. De nombreux indicateurs sociaux témoignent d’une réelle amélioration de la situation des enfants, notamment la réduction du taux de mortalité des moins de 5 ans, l’augmentation du taux de scolarisation, qui atteint 90 % pour les enfants de 6 ans, le recul de la pauvreté, la modernisation du système scolaire et l’accroissement sensible de l’espérance de vie.

10.Mme Varmah (Rapporteuse pour la Tunisie) note que la Tunisie s’apprête à adopter de nombreux projets de loi, ce qui dénote sa volonté politique d’œuvrer en faveur de la réalisation des droits de l’enfant. Tout en constatant avec satisfaction que la Tunisie est partie à de nombreux instruments internationaux, elle demande si elle entend ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

11.Constatant que certaines dispositions du Code du statut personnel en vigueur sont discriminatoires envers les filles en matière successorale, Mme Varmah demande ce qu’a fait ou envisage de faire l’État partie pour veiller à ce que les filles aient les mêmes droits que les garçons en la matière. Se référant à la stigmatisation des mères célibataires et au fait que de nombreux enfants nés hors mariage seraient abandonnés ou placés en institution, elle voudrait savoir ce que fait l’État partie pour fournir aux mères célibataires une aide matérielle ou psychologique.

12.Selon certaines sources d’informations, les Berbères/Amazighs seraient victimes de discrimination et rencontreraient des obstacles pour préserver et protéger leurs culture et traditions ancestrales.

13.Elle demande où en est la mise en œuvre du Plan national d’action en faveur des enfants 2002-2011 et si des mécanismes sont en place pour en assurer le suivi.

14.Étant donné que le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales rend directement compte au Président de la République, Mme Varmah aimerait savoir si la Tunisie envisage de créer une institution des droits de l’enfant indépendante, en nommant un médiateur pour les droits de l’enfant par exemple, si des particuliers peuvent porter plainte auprès du Comité supérieur et, dans l’affirmative, comment est assuré le suivi de ces plaintes. Elle note avec préoccupation que la participation des organisations non gouvernementales (ONG) à la vie publique et politique est limitée et demande comment l’État fait participer les associations à la mise en œuvre de la Convention.

15.Certaines sources alléguant que des enfants d’opposants politiques et de défenseurs des droits de l’homme auraient été maltraités voire torturés, et que la police refuserait d’enregistrer les plaintes et d’enquêter, la délégation tunisienne pourrait indiquer si elle est au courant de telles affaires et, dans l’affirmative, quelles mesures ont été prises.

16.La délégation tunisienne pourrait en outre fournir des renseignements sur les disparités entre les régions, surtout entre zones rurales et urbaines en matière d’accès des enfants à l’éducation et à la santé.

17.M. Koompraphant demande un complément d’information sur les délégués généraux à la protection de l’enfance, en particulier sur leur nombre, la coordination de leurs activités au niveau national et la possibilité pour des membres d’associations de la société civile de devenir délégués.

18.Mme Maurás Pérez demande si l’État partie dispose de données relatives à l’impact de la baisse du volume des envois de fonds des émigrés tunisiens et aux effets de la crise sur le taux de chômage et la pauvreté. Selon les chiffres officiels 3,8 % des Tunisiens vivraient dans la pauvreté, alors que la Banque mondiale estime cette proportion à 11 %, ce qui appelle une explication.

19.Elle demande des précisions sur les mécanismes mis en place pour assurer l’exécution du Plan national d’action, s’agissant en particulier de la répartition des crédits budgétaires entre les ministères et leur emploi au niveau local.

20.M. Filali demande si la croissance économique du pays a eu un impact positif sur la situation des enfants et si on enregistre une régression des flux migratoires des campagnes vers les grandes villes, notamment Tunis.

21.Il demande si des représentants du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales effectuent des visites inopinées dans des prisons où sont détenus des enfants.

22.L’âge nubile ayant été porté à 18 ans pour les filles en 2007, il aimerait savoir si les autorités veillent au respect de cette norme dans les zones reculées, où le poids des traditions culturelles et religieuses pourrait y faire obstacle.

23.La délégation pourrait indiquer ce qui est fait pour sensibiliser la population au problème des châtiments corporels, fournir des détails sur le programme contre la violence dite «numérique» et sur les mesures visant à renforcer la capacité de la société civile à combattre la violence en général, et indiquer si des études ont été menées pour déterminer si le phénomène de la violence des élèves envers des enseignants existe en Tunisie et son ampleur.

24.Mme El-Ashmawy demande si des ONG ont mis en place des clubs proposant des activités culturelles et autres propres à favoriser l’épanouissement de l’enfant et son ouverture sur le monde.

25.M. Pollar demande si l’État partie entend créer une unité pour l’enfance relevant du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, comment s’articulent les volets du Plan national d’action et comment les ressources budgétaires sont réparties et affectées dans les régions les plus défavorisées.

26.Notant que selon certaines sources, les enfants ne sont pas systématiquement enregistrés à la naissance en milieu rural, il aimerait savoir ce que fait l’État partie pour éviter l’érosion des progrès enregistrés dans ce domaine.

27.Le Président demande si le parlement des enfants est accessible à toutes les couches de la société, si les écoles sont dotées d’espaces de participation permettant, par exemple, aux enfants de se prononcer sur le contenu des programmes, si des clubs pour enfants existent dans les zones les plus reculées, si les enfants sont incités à s’impliquer dans la vie associative du pays et prennent part à la conception des activités culturelles et associatives.

28.Il aimerait savoir si le droit de l’enfant d’être entendu est respecté en cas de divorce, ainsi que dans les affaires pénales − que l’enfant soit auteur ou victime d’une infraction −, dans quelles conditions se déroulent les auditions, si l’intérêt supérieur de l’enfant est systématiquement pris en compte dans la pratique judiciaire et si le législateur tient compte de cette considération en élaborant les lois. Il faudrait aussi préciser quelles sont les conditions d’arrestation des mineurs en conflit avec la loi, certaines sources faisant état de violences policières sur mineurs.

29.Il demande si la pratique des mariages coutumiers en application de la charia persiste dans l’État partie.

La séance est suspendue à 11 h 5; elle est reprise à 11 h 25.

30.Mme Jaber (Tunisie) dit que le Ministère de l’enfance assure le suivi et la coordination de la réalisation des objectifs du Plan national en faveur des enfants 2002-2011 et que trois commissions sont chargées de fixer les objectifs du troisième Plan national d’action en faveur des enfants (2012-2021): la première s’occupe de la protection de l’enfance, la deuxième de l’éducation et la troisième de l’amélioration des conditions de vie. Chaque ministère concerné élabore un rapport annuel dans lequel sont présentées et évaluées les réalisations pour l’année écoulée et le programme pour l’année suivante. Le deuxième Plan national en faveur des enfants a fait l’objet d’un bilan à mi-parcours en 2007 et son évaluation finale aura lieu fin 2010, à l’issue de consultations régionales et nationales auxquelles participeront des représentants de la société civile, des ministères, et des instances locales et régionales.

31.Le troisième Plan national d’action en faveur des enfants repose sur quatre grands axes: les résultats de l’évaluation du plan 2002-2011; le programme présidentiel 2009-2014, qui vise à renforcer le tissu associatif d’appui à l’enfance et à la famille, ainsi que le rôle du secteur privé et des collectivités locales dans le développement des structures de la petite enfance, à améliorer les indicateurs de la santé maternelle et infantile et les conditions de vie et de scolarisation des enfants handicapés; la mise en œuvre du plan pour le développement économique et social 2010-2014; la réalisation des objectifs fixés par les organismes de l’ONU travaillant dans le domaine de l’enfance. Chaque ministère affecte des ressources budgétaires à la réalisation des objectifs fixés par le plan pour l’année suivante, aussi bien sur le plan national que local.

32.M. Boubakr (Tunisie) dit que l’Observatoire national pour le suivi des cas de violence à l’école, qui relève du Ministère de l’éducation, tient des statistiques trimestrielles précises sur les cas de violence en milieu scolaire. Pour le premier trimestre de l’année scolaire 2009-2010, l’Observatoire a recensé 159 cas de violence entre collégiens et 26 de violence envers des enseignants. En mai 2010, le Ministère de l’éducation a organisé un colloque international sur la mise en place d’une culture de non-violence dans les établissements scolaires.

33.Pour l’année scolaire 2008-2009, quelque 250 000 élèves, soit le quart des inscrits dans les collèges et lycées, ont participé aux forums de discussion mis en place afin de garantir la participation de l’enfant à la vie de la collectivité. Le Ministère de l’éducation envisage d’étendre ces forums au primaire, pour accoutumer les enfants à la libre expression et à l’exercice de leurs droits dès le plus jeune âge.

34.Les jeunes sont représentés dans les conseils d’établissement, ce qui leur permet de participer au processus de prise de décisions concernant les projets se rapportant à leur établissement scolaire et au suivi de leur mise en œuvre.

35.En 2010, le budget de l’éducation a augmenté de 7,74 % par rapport à 2009. Le salaire des enseignants est resté stable, mais la prime accordée aux enseignants chargés de réviser les épreuves du bac a été augmentée de 50 %.

36.Mme Jaber (Tunisie) dit que le Parlement des enfants se compose pour moitié de membres choisis sur la base de leurs bons résultats scolaires et pour moitié de membres élus par les conseils municipaux et ruraux. Des jeunes issus de toutes les classes, y compris défavorisées, ont ainsi la possibilité d’y siéger et cinq des actuels parlementaires sont du reste des enfants pris en charge dans un centre intégré de la jeunesse et de l’enfance.

37.On dénombre 302 clubs d’enfants, implantés sur tout le territoire, y compris les zones frontalières avec l’Algérie et les zones où l’offre de loisirs est particulièrement restreinte. Les dix clubs dits «mobiles» qui sillonnent le pays organisent diverses animations socioéducatives dans les régions rurales, dont des cours de théâtre et autres activités artistiques, et mettent à la disposition des enfants des ordinateurs afin qu’ils aient accès à Internet.

38.LePrésident demande si ces clubs sont créés et gérés par des adultes ou des mineurs, soulignant que cette deuxième éventualité permettrait aux mineurs de s’aguerrir à la vie participative.

39.Mme Maurás Pérez voudrait savoir si le fait que les mineurs puissent faire entendre leur voix au sein de ces clubs a eu une incidence sur les relations familiales et sur la société en général.

40.Mme Jaber (Tunisie) dit que la durée du mandat des jeunes parlementaires est de deux ans et qu’une fois leurs fonctions terminées, ils constituent de leur propre initiative des clubs de défense des droits de l’enfant à l’échelle du pays. Même si leurs activités sont encadrées et financées par l’Observatoire d’information, de formation, de documentation et d’études sur la protection des droits de l’enfant, elles sont organisées par des enfants pour des enfants. Des campagnes régionales ont permis de faire connaître à la population l’existence du Parlement des enfants et toujours plus de familles incitent leurs enfants à se porter candidat.

41.Le Président, notantque l’Observatoire susmentionné encadre et finance les activités de ces clubs, demande si leurs membres jouissent réellement de la liberté de pensée, d’opinion et d’expression, et peuvent par exemple donner spontanément leur avis sur un projet de loi. Il serait intéressant aussi de savoir si les mineurs peuvent s’exprimer dans les journaux et les médias en général, à titre personnel ou en tant que membre d’un club ou du Parlement des enfants.

42.Mme Jaber (Tunisie) dit que les jeunes parlementaires en fonctions et les anciens sont souvent consultés dans le cadre de l’élaboration de programmes concernant l’enfance, ce qui a été fait par exemple lors de la formulation du Programme national pour la lutte contre la violence à l’encontre des enfants et la diffusion de la culture de la non‑violence, financé par l’UNICEF. Il est fréquent qu’un ministre soit reçu par le Parlement des enfants pour débattre d’un thème relevant de son ministère. L’avis des jeunes parlementaires est systématiquement pris en considération.

43.De nombreux journaux et magazines sont destinés à la jeunesse et les jeunes peuvent aussi venir s’exprimer dans des émissions de télévision en toute liberté, y compris sur des questions politiques. Trois émissions de télévision sont animées par des enfants. Les organes de presse privés n’offrent pas nécessairement une tribune aux enfants, mais ils accepteraient fort probablement de leur laisser un espace dans leurs colonnes si les enfants le demandaient.

44.Mme Naimi (Tunisie) dit que la loi no 51 du 25 juin 2003 complétant la loi no 98-75 du 28 octobre 1998 relative à l’octroi d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue vise à faciliter l’insertion des enfants nés hors mariage. Des comités régionaux composés de représentants des ministères concernés sont chargés de suivre la situation des enfants nés hors mariage et de veiller à ce que des tests ADN soient effectués pour déterminer l’identité du père; ces comités sont présents dans les hôpitaux publics pour tenter d’obtenir des informations complémentaires sur le père. En 2009, 163 enfants ont ainsi pu obtenir un nom patronymique − et bénéficier de toutes les prestations sociales −, 227 ont été proposés à l’adoption, 281 placés en famille d’accueil et 47 placés dans le cadre de la kafalah.

45.Les mères célibataires bénéficient d’une protection sociale et sont acceptées à titre prioritaire dans le centre d’encadrement et d’orientation sociale, ainsi que dans le centre d’accueil destiné aux femmes ne percevant plus l’aide aux familles nécessiteuses. En 2009, plus de 350 d’entre elles ont été réconciliées avec leur famille par l’entremise du Ministère des affaires sociales. D’autres femmes bénéficient de la prise en charge sanitaire et psychologique fournie par l’État, qui cherche à les insérer dans la société en les aidant notamment à trouver un logement et un travail, voire à se marier, afin que l’enfant puisse grandir dans un milieu familial plutôt qu’au sein d’une institution.

46.LePrésident demande combien d’enfants nés hors mariage sont restés avec leur mère sur cette même période.

47.Mme Varmah (Rapporteuse pour la Tunisie) demande combien d’enfants abandonnés vivent encore en institution, depuis quand et pour combien de temps encore.

48.Mme Naimi (Tunisie) indique qu’en 2009, 110 enfants nés de mère célibataire sont restés à la charge de leur mère et que toutes les jeunes femmes en pareille situation qui se sont réconciliées avec leur famille ont conservé la garde de leur enfant.

49.Les enfants placés en institution étaient au nombre de 140 en 2009; la capacité d’accueil de ces établissements a été revue à la baisse en 2010. Auparavant, les séjours en institution étaient d’une durée de six mois, renouvelable une fois, après quoi la mère pouvait récupérer la garde de son enfant si elle avait régularisé sa situation. Dans le cas contraire, l’enfant était proposé à l’adoption ou pris en charge dans le cadre de la kafalah. Grâce aux comités régionaux, qui s’attachent à accélérer les procédures, cette durée est désormais de trois mois et la priorité est accordée au retour dans la famille. Si la situation de l’enfant n’est pas régularisée dans l’intervalle, il est placé en famille d’accueil.

50.M. Filali demande en quoi consiste la procédure de régularisation, si une mère célibataire qui le souhaite peut obtenir la garde de son enfant et quel est alors le statut juridique de la mère et de l’enfant.

51.Mme Naimi (Tunisie) dit que si l’identité du père biologique est connue, le Comité régional le contacte pour l’inciter à reconnaître l’enfant et à régulariser ainsi sa situation; la mère peut alors conserver la garde de l’enfant et a droit à une pension alimentaire. Si la mère abandonne l’enfant, les autres mécanismes de protection se mettent en place.

52.M. Khemakhem (Tunisie) dit que le phénomène des mères célibataires est nouveau et imputable à l’ouverture du pays et aux problèmes sociaux liés à la modernisation du pays apparus depuis l’indépendance. Depuis quelques années, les autorités ont pris conscience des dangers inhérents au placement en institution et de la nécessité de prendre en charge les enfants nés hors mariage et de les maintenir autant que faire se peut au sein de leur famille.

53.Le Gouvernement tunisien serait favorable à l’adoption de règles visant à placer les frères et les sœurs sur un pied d’égalité en matière d’héritage, mais c’est tout à fait contraire aux traditions culturelles et à l’interprétation littérale de la charia et l’opinion publique ne semble pas prête à accepter un tel changement. Conformément à la loi de 1998 sur l’octroi d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue, l’enfant né hors mariage peut prétendre à une part d’héritage s’il arrive à prouver par des tests ADN qu’il est l’enfant biologique du défunt.

54.La Tunisie étudie sérieusement la possibilité de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

55.Les enfants peuvent saisir de toute violation de leurs droits le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui vient d’élaborer un manuel sur le traitement des plaintes, qui indique expressément que celles émanant d’enfants doivent être instruites sans tarder. Le Défenseur des droits de l’enfant, qui relève du Ministère des affaires de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées, peut prendre toutes mesures s’imposant si une plainte dont il est saisi donne à penser que l’enfant concerné court un risque.

56.Le Coordonnateur général des droits de l’homme supervise l’établissement des rapports destinés aux organes conventionnels; il veille notamment à ce qu’aucun de ces documents ne soit rédigé sans réunion de consultation avec les différentes parties prenantes: parlementaires et représentants des ministères, ONG représentant la société civile et professionnels travaillant avec les enfants − pour les rapports destinés au Comité des droits de l’enfant.

57.Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a déjà débattu la question de l’enseignement en langue amazigh et, selon une étude fréquemment citée par le Congrès mondial amazigh, les locuteurs de cette langue − qui ne représentent pas plus de 1 % de la population − n’ont qu’un intérêt limité pour son apprentissage. Le métissage a été tel en Tunisie que tous les Tunisiens se considèrent comme des Arabes berbérisés ou des Berbères arabisés et y parler d’ethnies n’a guère de sens. Il s’étonne des allégations selon lesquelles des prénoms berbères seraient refusés par les services d’état civil. À sa connaissance, les parents ont toute liberté pour choisir les prénoms de leurs enfants, le seul motif de refus pouvant être le caractère choquant d’un prénom.

58.Toutes les naissances sont enregistrées, y compris dans les villages les plus reculés, même s’il s’agit d’enfants nés hors mariage.

59.Le parquet respecte pleinement le principe de l’opportunité des poursuites et engage une action judiciaire chaque fois qu’une plainte dont il est saisi semble fondée.

60.Sensible aux observations du Comité, la Tunisie a décidé de supprimer l’article 319 du Code pénal, aux termes duquel «la correction infligée à un enfant par des personnes ayant autorité sur lui n’est pas punissable».

61.Le Président demande comment l’opinion publique perçoit la future interdiction des châtiments corporels.

62.M. Khemakhem (Tunisie) dit que la population a été préparée à l’interdiction des châtiments corporels par des messages télévisés et des circulaires de l’éducation nationale, entre autres, et il est convaincu que le futur texte sera appliqué car les forums de la société civile et les syndicats d’enseignants ont réservé un bon accueil au projet, dont l’examen suit son cours; d’autres débats organisés d’ici à son adoption permettront d’élargir encore le consensus.

63.Mme Varmah (Rapporteuse pour la Tunisie) demande si le retard dans l’intégration des enfants handicapés dans le système éducatif ordinaire tient au manque de formation des professionnels ou de sensibilisation des familles.

64.Tout en notant les progrès impressionnants intervenus ces dernières années dans le secteur de la santé, elle regrette que le budget de la santé stagne. Face aux chiffres encore alarmants de la mortalité maternelle et périnatale dans certaines zones rurales, elle engage la Tunisie à adopter un plan pour résorber les disparités régionales dans l’accès aux services de santé maternelle et infantile.

65.Relevant la chute du taux d’allaitement maternel depuis 2000, elle engage l’État partie à prendre des dispositions législatives pour promouvoir et favoriser cette pratique, en particulier chez les femmes qui travaillent.

66.La délégation pourrait en outre fournir des précisions sur la pratique consistant à avoir de très jeunes filles comme domestiques ainsi que sur les mesures prises pour la faire disparaître.

67.M. Koompraphant, prenant notedes mesures pénales qu’encourent les parents manquant à leurs devoirs, demande ce qui est prévu sur le plan civil et en termes d’accompagnement social des familles, notamment pour éviter la séparation d’avec la famille et repérer les enfants risquant d’être victimes de sévices ou de négligence; il aimerait savoir si des outils d’évaluation existent, si les autorités disposent d’un réseau d’informateurs et de quelles mesures de protection peuvent bénéficier les victimes en cas de violences sexuelles intrafamiliales.

68. La délégation voudra bien indiquer en outre si la Tunisie est dotée d’une législation contre l’exploitation sexuelle et la traite d’êtres humains et, dans la négative, sur quelle base sont poursuivis les auteurs de ces crimes.

69.Mme Herczog demande des détails sur la procédure suivie pour déclarer un enfant abandonné car le taux d’adoption semble si élevé que se pose la question de savoir si les enfants ne sont pas trop rapidement déclarés adoptables; la délégation pourrait en outre indiquer la durée moyenne du séjour d’un enfant en institution, si des mesures de préparation de l’enfant à la sortie et de suivi sont en place, si un calendrier de «désinstitutionnalisation» a été établi pour et comment les familles d’accueil sont préparées et supervisées.

70. Mme El-Ashmawy saluela ratification du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et du Protocole de Palerme, mais engage l’État partie à adopter une loi relative à l’exploitation sexuelle, assortie d’un mécanisme de coordination, à adopter des lignes directrices, à collecter des données ventilées en la matière et à ouvrir un service d’assistance téléphonique d’urgence à l’intention des enfants. Elle demande quel rôle jouent les organisations de la société civile dans la réhabilitation des victimes de traite.

72.M. Krappmann, s’inquiétant du taux d’abandon scolaire, qui a certes baissé pour les premières classes mais reste élevé par la suite, et de la persistance des redoublements, demande si l’État a identifié les causes profondes de ces phénomènes et mis en place un enseignement informel et développé la formation professionnelle pour y remédier.

73.Relevant que moins de 30 % des enfants fréquentent un établissement préprimaire, toutes années confondues, et moins de 66 % l’année précédant la première année d’enseignement obligatoire, il aimerait avoir des précisions sur la qualité de ces établissements et la formation de leur personnel et savoir si pour réduire les disparités l’État partie envisage, par exemple, de rendre obligatoire la dernière année de l’éducation préscolaire et si l’école est gratuite pour les classes obligatoires. La délégation pourrait en outre indiquer si la réforme «École de demain» porte uniquement sur les programmes ou aussi sur les méthodes d’enseignement.

74.Il souligne que les droits de l’homme devraient être enseignés de manière plus systématique et être mis en application au quotidien dans la vie scolaire.

75.M. Filali aimerait savoirce qu’ont apporté les délégués à la liberté surveillée, notamment s’ils participent de la correctionnalisation de certaines infractions, prévue à l’article 69 du Code de protection de l’enfance, dont il faudrait savoir si elle entraîne automatiquement la non-incarcération du prévenu.

76.Il aimerait que la délégation commente les informations de certaines sources faisant état d’enlèvements d’enfants et de trafic d’organes en Tunisie.

77.Il croit savoir que l’inhalation de colle est un problème répandu en Tunisie. Relevant que dans le domaine de la santé un secteur privé se développe aux côtés du secteur public, il aimerait avoir des éclairages sur l’accès des enfants pauvres à des services de santé de qualité.

La séance est levée à 13 heures.