NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.117621 novembre 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-troisième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1176e SÉANCE (Chambre B)

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 18 septembre 2006, à 15 heures

Présidence: Mme ALUOCH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique du Sénégal (suite)

________________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.06‑44375 (EXT)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Sénégal [(CRC/C/SEN/2) ; liste des points à traiter (CRC/C/SEN/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/SEN/Q/2/Add.1)] (suite)

Sur l’invitation du Président, la délégation sénégalaise reprend place à la table du Comité.

M. ZERMATTEN, notant que les statistiques de l’adoption fournies dans les réponses écrites ne portent que sur l’adoption internationale, souhaiterait un complément d’information sur l’adoption au plan national. En outre, il prie la délégation sénégalaise d’indiquer ce que recouvre le terme «confiage», en précisant si cette pratique s’inscrit dans un cadre juridique et correspond au placement familial. À ce propos, il souhaiterait savoir pourquoi aucune donnée n’est fournie sur le placement d’enfants en famille d’accueil.

Concernant la justice pour mineurs, il aimerait savoir si les juges d’instruction en poste dans les tribunaux régionaux pour mineurs sont des magistrats spécialisés ou s’ils remplissent leurs fonctions selon un système de rotation. Il demande si, dans le cadre du projet de renforcement de la protection juridique des mineurs, les professionnels concernés (travailleurs sociaux, juges, membres des forces de l’ordre, etc.) suivent des cours de formation communs. Enfin, relevant que, sur les 574 mineurs détenus au Fort B en 2004, seuls 130 étaient des condamnés à des peines de prison ferme, il demande si les chiffres fournis comprennent les mineurs placés en détention provisoire.

Mme KHATTAB prie la délégation sénégalaise de décrire l’impact de la Conférence sur l’éducation organisée en 1990 à Dakar sur les initiatives visant à améliorer la qualité de l’éducation dans le pays. Elle souhaite connaître en outre les mesures prises par l’État partie pour garantir l’accès des enfants vulnérables et des filles à l’éducation.

Relevant avec satisfaction que 1 700 villages sénégalais ont déclaré avoir éradiqué les mutilations génitales féminines, Mme Khattab note toutefois avec préoccupation que, dans certains villages, cette opération serait encore pratiquée sur toutes les fillettes sans exception. Elle souhaiterait connaître les raisons de cet échec ainsi que les mesures prises pour inciter ces villages à renoncer à cette pratique.

Mme SMITH souhaiterait en savoir plus sur la formation des enseignants, les méthodes d’enseignement, le contenu des programmes des cours et les objectifs de l’éducation. Elle aimerait également savoir si les établissements d’enseignement préscolaire sont privés ou publics.

Par ailleurs, elle demande si les orphelins sont pris en charge par la famille élargie ou une institution publique et voudrait connaître le sort des enfants dont les parents sont incapables d’assumer leur rôle. En outre, elle prie la délégation sénégalaise de fournir une définition de la notion de «situation de danger moral» (par. 310 du rapport). Se félicitant du grand nombre de renseignements relatifs aux activités sportives, elle voudrait savoir si ces activités sont également organisées dans les zones rurales. Elle demande s’il existe des bibliothèques pour enfants et, dans l’affirmative, si ces dernières restent ouvertes après l’école. Enfin, elle souhaiterait savoir si les enfants qui demandent l’asile au Sénégal jouissent des mêmes droits que les autres enfants en matière d’accès à la santé et l’éducation.

M. PARFITT prie la délégation sénégalaise de donner des précisions sur les enfants dépourvus de protection parentale en indiquant en particulier quelles sont les ressources actuellement consacrées à ces enfants, quel est le rôle joué par la famille élargie et s’il existe au Sénégal un système du type de la kafalha. Il souhaiterait en outre savoir quelle est la formation du personnel des institutions dans lesquels sont placés ces enfants, si les châtiments corporels sont interdits dans ces établissements et si des mécanismes de plainte et d’inspection ont été mis en place.

Mme DIOP (Sénégal) dit que l’amélioration de la qualité de l’éducation est l’un des objectifs prioritaires du Plan décennal de l’éducation et de la formation pour 2000‑2010, qui met notamment l’accent sur l’enseignement des langues nationales, la promotion du trilinguisme et de la formation professionnelle dans les daaras, l’évaluation de l’apprentissage, l’enseignement des sciences et des technologies, l’alphabétisation et l’éducation de base, l’enseignement religieux et franco-arabe, la réduction du nombre de redoublements et d’abandons scolaires et la formation initiale et continue des enseignants. Dans le cadre de ce plan, 2,3 millions de manuels scolaires ont été distribués gratuitement dans les écoles.

Concernant le fait que seuls 46 % des enseignants sont titulaires d’un diplôme professionnel, Mme Diop explique qu’à partir de 2000, le Gouvernement a choisi de recruter 3 500 personnes afin de répondre au plus vite aux besoins en personnel enseignant, de façon à ce qu’un maximum d’enfants aient immédiatement accès à l’école. Ces personnes, qui doivent avoir un certificat d’aptitude professionnelle ou un certificat élémentaire d’aptitude professionnelle pour pouvoir enseigner au niveau primaire, sont pour la plupart des étudiants qui n’ont pas achevé leur parcours universitaire. Ils ont donc un bon niveau de base et, après une formation pédagogique de six mois et quelques années de pratique, ils obtiennent leur diplôme d’enseignant et peuvent entrer dans la fonction publique.

Le taux d’enregistrement des enfants à la naissance s’est nettement amélioré, passant de 60,9 % en 2000 à 78,5 % en 2005. En juin 2005, une étude a permis de repérer les zones dans lesquelles le taux d’enregistrement était le plus faible. Un comité technique national organise régulièrement des campagnes de promotion de l’enregistrement des nouveau‑nés et des comités départementaux d’enregistrement des naissances ont été créés. En outre, dans le cadre d’une initiative lancée par le Président de la République en faveur de la généralisation de l’enregistrement des enfants, une mission a été organisée conjointement avec l’UNICEF dans les camps de réfugiés mauritaniens du nord du pays afin que les autorités locales enregistrent les enfants nés sur le territoire national et que ces derniers jouissent des mêmes droits que les enfants sénégalais. Enfin, chaque enfant se voit attribuer une marraine qui est chargée de veiller à ce qu’il soit vacciné et inscrit à l’école et, s’il s’agit d’une fille, à ce qu’elle ne quitte pas prématurément l’école.

M. FILALI souhaiterait savoir si le certificat d’aptitude pédagogique et le certificat élémentaire d’aptitude pédagogique s’obtiennent avant ou après le baccalauréat et si des personnes qui n’ont pas le baccalauréat peuvent être recrutées dans l’enseignement et titularisées. En outre, il demande si les enseignants déjà en poste bénéficient de programmes de recyclage. Enfin, la délégation sénégalaise voudra bien préciser si les enfants nés hors mariage sont enregistrés à la naissance.

Mme KHATTAB voudrait connaître les mesures prises pour encourager les élèves à participer activement aux cours et promouvoir la scolarisation des filles.

La PRÉSIDENTE, se référant au paragraphe 124 du rapport, souhaiterait des précisions sur les programmes visant à accroître le taux de scolarisation des enfants.

Mme DIOP (Sénégal) dit que, pour obtenir le certificat élémentaire d’aptitude pédagogique, le candidat doit avoir un brevet d’études du premier cycle (BEPC) et que, pour recevoir le certificat d’aptitude pédagogique, il doit être titulaire du baccalauréat. Même si les volontaires recrutés pour résorber les besoins en personnel enseignant n’ont pas tous le baccalauréat, ils suivent une formation rigoureuse et sont suivis de près par des formateurs qualifiés, ce qui fait qu’au terme de leur formation, ils ont les qualifications requises.

M. BOYE (Sénégal) précise à propos de la formation des enseignants que la volonté des autorités de donner accès à l’éducation à tous les enfants ne les soustrait nullement à l’obligation d’offrir un enseignement de qualité. En effet, ayant lui‑même suivi une formation d’enseignant, il est en mesure de dire que le diplôme ne s’obtient pas facilement et que l’étudiant est placé sous la supervision d’instituteurs et d’inspecteurs titulaires d’une maîtrise. S’agissant de la participation des enfants, les enseignants s’efforcent de faire en sorte que les élèves soient les artisans de leur propre savoir.

M. LO (Sénégal) dit que la Conférence sur l’éducation qui s’est tenue en 1990 à Dakar a débouché sur l’élaboration du Plan décennal de l’éducation et de la formation, dont l’exécution est régulièrement évaluée par les partenaires de développement. C’est notamment grâce à ce plan que le taux de scolarisation a augmenté. S’agissant de la participation active aux cours, une saine émulation se crée entre les élèves, des prix et des bourses étant octroyés chaque année aux plus méritants.

Il existe des établissements d’enseignement préscolaire privés et publics. Parmi les établissements publics, il convient de mentionner un projet lancé par le Président de la République, la Case des tout petits, qui s’attache à tous les aspects du développement de l’enfant et a été salué par l’UNESCO. Par ailleurs, on trouve des bibliothèques pour enfants dans divers lieux, dont les écoles, les Cases des tout petits et les mairies.

En ce qui concerne les enfants non scolarisés, le Ministère de l’enseignement technique et de la formation professionnelle a mis en œuvre un programme de formation et d’insertion professionnelle et un programme d’alphabétisation à l’intention des enfants qui ont abandonné l’école.

Mme DIOP (Sénégal) explique qu’un parlement des enfants a été établi à la suite d’une recommandation du Comité, avec des instances aux niveaux départemental, régional et national. Ainsi, les enfants ont eu l’occasion de participer à trois sessions de l’Assemblée nationale où ils ont pu interpeller les députés sur des problèmes qui les concernaient.

Il existe dans les collèges et les lycées, des foyers socioéducatifs où les enfants peuvent s’exprimer sur le fonctionnement des établissements. Leurs préoccupations sont ensuite relayées auprès des responsables scolaires.

M. FILALI demande si les enfants peuvent participer à l’élaboration du règlement de l’école afin de contribuer à l’amélioration de la vie scolaire et s’ils ont le droit de contester les sanctions prises à leur encontre.

M. LO (Sénégal) explique que les foyers socioéducatifs sont des structures regroupant l’ensemble des élèves et disposant d’un bureau dont les membres sont élus par les enfants. Ce bureau est associé en tant que membre à part entière à toutes les prises de décisions concernant la vie de l’école. Il a aussi pour rôle de représenter les élèves qui passent devant le conseil de discipline.

Mme DIOP (Sénégal) dit que la responsabilité de faire connaître la Convention des droits de l’enfant incombe au premier chef à la Direction des droits de l’enfant. Chaque année, le Sénégal célèbre la Semaine nationale de l’enfant, le but étant de sensibiliser la population, en collaboration avec la société civile et les partenaires du développement, à différentes questions concernant les enfants. Le thème de la manifestation est choisi chaque année par le Comité national de l’enfant. Les médias ont également été sollicités pour contribuer à diffuser plus largement la Convention. Le Gouvernement a en outre élaboré un guide à leur intention pour les aider à mieux traiter les questions relatives aux enfants.

Durant la période qui a suivi la ratification de la Convention, le Sénégal s’est employé à faire connaître cet instrument, notamment en le traduisant en plusieurs langues nationales. Puis est venue l’étape de la mise en œuvre, d’abord par le biais d’un plan d’action national, puis au moyen de plans d’action spécifiques et sectoriels.

Le Gouvernement, qui ne peut assumer seul la mise en œuvre de la Convention, a associé les partenaires communautaires à cette tâche, en les mettant en réseau.

M. LO (Sénégal) ajoute que cette mise en réseau a pu être établie grâce à la collaboration avec les députés qui ont eux-mêmes constitué un réseau de parlementaires très dynamique qui contribue à la mise en œuvre de la Convention et à la protection et la promotion des droits de l’enfant. Chaque année, depuis deux ou trois ans, ces députés invitent le Parlement des enfants ainsi que les ministres chargés des questions relatives aux enfants à débattre de différents problèmes à l’Assemblée nationale.

M. GUEYE (Sénégal) explique que, tous les mois, des réunions de suivi sont organisées au sein du Ministère de la santé pour débattre des problèmes sanitaires et formuler des recommandations. Différentes enquêtes, notamment l’Enquête démographique et de santé (EDS), permettent de collecter des données. En outre, un programme a été lancé par l’UNICEF en coopération avec le Gouvernement sénégalais, pour recueillir des données détaillées tous les cinq ans. Le Gouvernement s’emploie aujourd’hui à mettre en place une base de données intégrée et centralisée et collabore avec l’UNICEF pour créer un système national de collecte des données sur le plan national et développer un site Internet qui diffusera ces données.

Il existait auparavant un comité de suivi des objectifs globaux auquel participaient tous les ministères. Ce Comité, qui utilisait les données des enquêtes, des suivis et des rapports de terrain pour orienter les programmes, a effectué un suivi de la situation jusqu’en 2001. Avec les réformes en cours, ce mécanisme a été suspendu, mais le Ministère de l’enfance a été chargé d’en reprendre le mandat pour ce qui est des indicateurs relatifs aux droits des enfants.

M. LIWSKI estime que, même si des efforts ont été fournis pour réduire le taux de la mortalité infantile, celui-ci reste élevé. Il demande quelles sont les causes majeures de cette mortalité et si la tendance à la baisse reflète la situation prévalant sur l’ensemble du territoire ou seulement dans certaines régions où les structures sanitaires sont meilleures.

M. GUEYE (Sénégal) précise que le taux de mortalité infanto‑juvénile est passé de 70 ‰ en 2001 à 61 ‰ en 2005 et indique que des études ont été menées pour comprendre les causes de la mortalité infantile. Celles-ci sont multiples: maladies, infections, diarrhée, paludisme, tabous liés à l’alimentation, manque d’accès aux services sanitaires, etc. Par ailleurs, une étude a été conduite avec l’UNICEF sur les inégalités d’accès aux structures médicales.

Aujourd’hui, la tendance à la baisse se confirme, même s’il reste des disparités régionales, notamment entre la capitale et les zones périphériques, qui sont moins bien pourvues en structures sanitaires. De grands programmes comme le P‑10, programme décennal de développement sanitaire qui a notamment pour objectif de faire reculer la mortalité infanto‑juvénile et maternelle, ont été élaborés pour réduire les inégalités. On a mis en place de nouvelles structures, recruté du personnel et renforcé les budgets.

M. LO (Sénégal) souligne que des efforts énormes ont été déployés pour développer l’infrastructure sanitaire dans les régions les plus reculées, y affecter du personnel et des ressources financières et réduire ainsi les inégalités. Ces derniers jours, par exemple, le Ministre de la santé a recruté 120 infirmiers afin de rouvrir des postes de santé fermés faute de personnel.

M. LIWSKI souhaite savoir si les nouvelles stratégies visant à réduire la mortalité dans les zones les plus défavorisées continuent d’associer la population locale et si les programmes de réhydratation orale, de traitement de l’eau et de prolongation de la période d’allaitement maternel, qui sont très efficaces et peu onéreux, sont maintenus.

M. GUEYE (Sénégal) explique que le programme de développement sanitaire continue de privilégier l’approche communautaire, qui donne de bons résultats. Pour ce qui est des soins de santé primaire, le Gouvernement a développé un modèle communautaire qui repose sur la participation financière de la population locale, le but étant de réduire les coûts de santé.

Il existe aussi un programme de nutrition communautaire, fondé sur la participation de la population locale, qui vise à réduire la malnutrition en encourageant l’adoption de bonnes habitudes alimentaires et l’allaitement maternel. Les résultats enregistrés sont très satisfaisants.

Parallèlement, un projet de survie a été mis en place par l’UNICEF dans les régions périphériques du sud du pays pour faire régresser la mortalité. Enfin, on a élaboré une stratégie de lutte contre la diarrhée fondée sur la participation communautaire. Que ce soit en termes de financement ou d’adhésion de la population locale aux initiatives, la participation communautaire est essentielle à la réussite des programmes de réduction de la mortalité.

M. LO (Sénégal) ajoute que tous les programmes de vaccination, de distribution de vitamine A, de réhydratation orale, ou encore de lutte contre la diarrhée, sont mis en œuvre au niveau communautaire par le biais d’une stratégie de porte à porte qui fait appel à des volontaires. Par ailleurs, les communautés disposent d’un comité de santé par l’intermédiaire duquel elles participent à la mise en œuvre des politiques sanitaires. Ce comité, constitué de membres élus par les associations de femmes et de jeunes et par les autorités locales, collabore avec les médecins pour gérer les services, octroyer des subventions pour certains traitements et faciliter l’accès de tous aux soins de santé.

M. GUEYE (Sénégal) donne des précisions sur les indicateurs de mortalité liés au sida. Il fait remarquer que les femmes sont plus nombreuses à se faire dépister que les hommes (86,6 % contre 82 %) et que cette différence se reflète dans le taux de séropositivité. De manière générale, le taux de séropositivité est faible (0,7 %), même si on enregistre des taux beaucoup plus élevés dans certaines zones périphériques.

Pour ce qui est des soins prénatals, 92,9 % des femmes concernées ont accès à un personnel médical qualifié, et les disparités régionales en la matière ne sont pas marquées.

M. LIWSKI souhaite des précisions sur le financement du système de santé par la population locale.

M. GUEYE (Sénégal) explique que ce système est fondé sur l’initiative de Bamako, qui est une stratégie nationale de réduction du coût des médicaments en faveur des plus démunis. Il existe aussi un système de mutualisation qui permet aux plus pauvres d’accéder aux services de santé. Pour recevoir des soins, les gens achètent un ticket modérateur à un coût modique, et l’argent récolté permet de financer une partie des structures sanitaires. Cette participation financière est gérée par la communauté elle-même.

M. FILALI demande si le ticket modérateur est réservé aux plus démunis et quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier de cette aide.

M. LO (Sénégal) explique que la participation financière est requise dans la mesure du possible. Le Ministère de la femme, de la famille et du développement social a signé avec les hôpitaux des conventions afin que les plus démunis soient soignés gratuitement. En outre, des mesures ont été prises pour faciliter le traitement de certaines maladies graves et chroniques. Ainsi, les malades du sida sont soignés gratuitement, et les diabétiques sont pris en charge à 90 %. Les femmes enceintes bénéficient également d’une prise en charge intégrale des frais d’accouchement et, depuis peu, les personnes de plus de 60 ans sont aussi soignées gratuitement.

M. LIWSKI demande si les soins des nourrissons (jusqu’à l’âge de 2 ans) sont aussi pris en charge à 100 %.

M. GUEYE (Sénégal) indique qu’en complément de l’action globale des services de santé ont été mis en place, souvent au niveau communautaire, des programmes de renforcement spécifiques qui prennent en charge les groupes défavorisés en leur fournissant des services gratuits. C’est ainsi qu’existent pour les démunis un programme de nutrition en faveur des femmes enceintes et des enfants ainsi qu’un programme de suivi de la croissance des nourrissons avec, si besoin, distribution de compléments alimentaires.

La PRÉSIDENTE souhaiterait savoir si l’État partie est confronté, comme de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, au problème des familles ayant un enfant à leur tête et, dans l’affirmative, comment il aide ces familles.

Mme DIOP (Sénégal) répond qu’il est rarissime qu’un enfant soit chef de famille. Les enfants sont considérés comme des êtres à protéger. En cas de décès ou d’absence des parents, ils sont généralement confiés à des voisins ou à des membres de la famille élargie. Ce «confiage» est bien plus répandu que l’adoption formelle; c’est pour cette raison que le rapport ne contient pas de renseignements sur l’adoption nationale.

M. FILALI croit comprendre que le confiage n’est régularisé ni administrativement ni judiciairement et se demande si cette pratique est viable, compte tenu des mutations que commence à connaître la société sénégalaise.

M. LO (Sénégal) confirme que le confiage ne s’accompagne généralement d’aucune formalité. Il s’agit d’une coutume ancestrale, que les Sénégalais jugent positive et qui reste bien ancrée, indépendamment de l’évolution des mentalités. Il est vrai que, dans quelques cas, des enfants qui avaient été confiés à des marabouts peu scrupuleux ont été contraints à la mendicité, voire victimes de traite. Les autorités devront certainement entamer une réflexion sur la manière d’encadrer le confiage pour éviter les abus.

Mme NDIAYE DIAKHATE (Sénégal) indique que la justice des mineurs repose sur le principe de la primauté des mesures éducatives sur les mesures répressives. Il en découle que les juges s’attachent davantage à la personnalité des mineurs qu’à la gravité des infractions commises et que le nombre de mineurs en détention est bien inférieur au nombre de mineurs suivis. L’application des mesures éducatives relève de la Direction de l’éducation surveillée et de la protection sociale, qui compte un certain nombre de centres de réadaptation sociale et de rééducation. Leur imposition est quant à elle du ressort des tribunaux pour enfants. Les juges qui y siègent ne sont pas des juges spécialisés, en ce sens qu’ils assument aussi la même fonction dans d’autres tribunaux. Il est possible que l’État opte dans l’avenir pour la spécialisation.

Les magistrats suivent des cours sur les droits de l’enfant au Centre de formation judiciaire. Les policiers et les gendarmes sont eux aussi formés aux droits de l’enfant, mais dans leurs propres instituts de formation. Seul un petit nombre de séminaires de formation rassemblant l’ensemble de ces corps de métiers a été organisé, avec le concours d’experts internationaux.

M. ZERMATTEN dit que le système de justice des mineurs est un ensemble dont font partie non seulement les magistrats, mais aussi les policiers, les gendarmes et les assistants sociaux. Faisant valoir que les stages de formation communs permettent aux différentes parties prenantes de se connaître, il invite les autorités à décloisonner leurs initiatives en matière de formation. Il relève par ailleurs que le corps des assistants sociaux est en extinction (par. 129 du rapport). Il est à craindre que, faute de personnel suffisant pour assurer le suivi des mesures éducatives, les mesures privatives de liberté ne se généralisent.

Mme NDIAYE DIAKHATE (Sénégal) indique que le nombre d’éducateurs spécialisés, lui reste stable. Or ce sont eux qui assistent aux procès et sont les principaux interlocuteurs des mineurs en conflit avec la loi.

M. LO (Sénégal) ajoute que l’affirmation du paragraphe 129 est à relativiser. Il est indéniable que les effectifs disponibles pour les Ministères de la santé, de la famille et de la justice ont accusé des baisses très sensibles, mais des efforts de recrutement très importants sont déployés depuis trois ans, de sorte qu’après avoir décliné, le nombre d’assistants sociaux est à nouveau en augmentation.

M. FILALI demande si les éducateurs spécialisés sont des fonctionnaires du Ministère de la justice. Si ce n’était pas le cas, il y aurait lieu de préciser quels sont leurs rapports avec le personnel judiciaire.

Mme NDIAYE DIAKHATE (Sénégal) dit qu’il n’y a pas de problème de coordination puisque les éducateurs spécialisés sont effectivement fonctionnaires du Ministère de la justice. Leur mission est d’assurer le suivi des mesures d’éducation dans les centres comme en milieu ouvert et de faire régulièrement rapport au président du tribunal ayant imposé les mesures.

Aux termes du Code de la famille et du Code de procédure pénale, un «enfant en danger» s’entend d’un enfant dont la santé ou l’éducation est fortement compromise ou insuffisamment sauvegardée ou bien d’un enfant victime d’une infraction pénale.

La PRÉSIDENTE fait valoir que les jeunes filles mariées avant leur majorité devraient elles aussi être considérées comme des enfants en danger, et non comme des délinquantes, comme cela semble être le cas actuellement.

M. FILALI ajoute qu’à son sens, les enfants qui mendient dans la rue sont en danger moral.

Mme NDIAYE DIAKHATE (Sénégal) précise que les enfants en conflit avec la loi, c’est-à-dire ceux qui ont commis une infraction, comme les enfants en danger, peuvent bénéficier de mesures éducatives. Les mesures prises concernant les enfants des rues sont des mesures protectrices, qualifiées dans la législation de mesures d’«assistance éducative», dont le but est de suppléer aux défaillances éducatives dans la famille et d’éloigner les mineurs concernés d’un milieu criminogène. Les mineures mariées ne sont pas nécessairement considérées comme en danger dans la mesure où le mariage vaut émancipation.

La Commission de la réforme pénale travaille actuellement à ériger le tourisme sexuel en infraction pénale. Il n’existe donc pour l’heure pas encore de disposition spécifique contre le tourisme sexuel en droit sénégalais, mais il est déjà arrivé que des poursuites soient engagées contre des touristes en application des dispositions relatives à la pédophilie ou à l’attentat à la pudeur. Le proxénétisme et la tenue d’établissements de prostitution sont respectivement visés par les articles 423 et 425 du Code pénal. Les prostitués mineurs sont considérés comme en danger tandis que la prostitution des majeurs est légale dès lors que l’intéressé(e) tient à jour un carnet de santé et se rend régulièrement aux visites médicales obligatoires. Les personnes prostituées qui sont arrêtées le sont pour non‑respect de ces mesures sanitaires.

Tout acte sexuel sur la personne d’un mineur de moins de 16 ans est qualifié d’acte pédophile. Il y a circonstance aggravante si le mineur est âgé de moins de 13 ans, qui est l’âge de la capacité de discernement et de la responsabilité pénale.

L’article 298 du Code pénal interdit les châtiments corporels et la privation d’aliments ou de soins, sur la personne d’un mineur de moins de 15 ans. Il s’agit d’une disposition générale, qui s’applique aussi bien à l’école que dans la famille ou dans les institutions.

Lorsqu’un tribunal pour enfants envisage de placer un mineur, il garde à l’esprit la nécessité de maintenir les liens entre lui et sa famille. C’est la raison pour laquelle il privilégie souvent d’abord les mesures de liberté surveillée au sein de la famille. Le placement, lorsqu’il est nécessaire, est généralement assorti de permissions afin que l’enfant puisse rendre visite à sa famille.

Le fait que le Code de la famille n’accorde pas les mêmes droits aux enfants nés hors mariage qu’aux enfants légitimes tient certainement à l’influence de l’islam. Un enfant né hors mariage ne peut figurer au nombre des héritiers mais, s’il est reconnu par le père, il peut être légataire. En d’autres termes, il n’hérite pas automatiquement mais peut hériter de la même part que les héritiers si le père a rédigé un testament à cet effet.

M. FILALI souhaiterait voir le Sénégal supprimer toute discrimination à l’encontre des enfants nés hors mariage, comme d’autres pays musulmans, tels que la Tunisie, l’ont déjà fait. Un légataire risque toujours de voir sa part d’héritage réduite suite à une action en justice des enfants légitimes.

Mme NDIAYE DIAKHATE (Sénégal) convient qu’une action en contestation est toujours possible.

Mme DIOP (Sénégal) indique que le projet de code de l’enfance a enfin été achevé et envoyé au Ministère de la justice pour observations. Une fois ces observations formulées, il ne lui restera plus qu’à être validé officiellement puis adopté à l’Assemblée nationale. Il ne fait aucun doute que les députés l’appuieront sans réserve.

Mme SMITH estime que les informations données sur le degré de priorité accordé à l’enseignement préscolaire sont contradictoires et appellent des éclaircissements. Elle demande par ailleurs à la délégation d’expliquer si le droit à un enseignement gratuit est garanti à tous les enfants demandeurs d’asile, y compris à ceux qui n’ont obtenu ni statut de réfugié ni statut de résident.

Mme NDIAYE DIAKHATE (Sénégal) dit que depuis 2000, l’enseignement préscolaire est devenu une priorité au Sénégal, avec la création notamment du système de la Case des tout petits, qui s’étend jusqu’aux villages les plus reculés du pays. Refusant en effet un système à deux vitesses dans la prise en charge de la petite enfance, le Président a instauré un encadrement préscolaire au niveau des communautés dans le but d’élargir l’accès à l’éducation dans des conditions d’égalité.

L’Agence nationale de la Case des tout petits a en outre été créée pour coordonner au niveau régional les activités ayant trait à l’enseignement préscolaire, que ce soit dans les écoles privées, publiques ou dans les Cases des tout petits. La Directrice de l’Agence mène des campagnes de sensibilisation, en partant à la rencontre des populations pour les convaincre d’adhérer au projet et inciter les mères à inscrire leurs enfants dans ces structures. Les cases prodiguent aussi aux femmes enceintes des soins prénatals et leur dispensent des conseils pour mener à terme leur grossesse dans les meilleures conditions.

M. FILALI demande si l’État partie a réellement adopté la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, car les instruments de ratification n’ont toujours pas été déposés devant les instances compétentes de l’ONU. Il demande des précisions sur les installations et les équipements dont les Cases des tout petits sont dotées.

Mme NDIAYE DIAKHATE (Sénégal) précise qu’en mettant l’accent sur la prise en charge de la petite enfance, le Président souhaitait entre autres que tous les petits Sénégalais profitent de l’innovation technologique et a donc veillé à ce que ces cases soient toutes dotées d’ordinateurs. Elles disposent toutes d’une salle polyvalente où sont dispensés les cours et d’une grande cour offrant des équipements sportifs et récréatifs. Elles sont accessibles à tous grâce aux rampes d’accès spécialement construites pour les handicapés.

L’État prend à sa charge la construction de ces cases et leurs équipements mais les communautés bénéficiaires contribuent au projet en mettant gratuitement à disposition le terrain sur lequel elles sont bâties.

M. LO (Sénégal) ajoute que, même si c’est l’État qui est à l’origine du projet des Cases des tout petits et le finance, la gestion des cases incombe au Comité de gestion dont les membres sont élus par les populations bénéficiaires. Plusieurs membres de la communauté sont chargés d’encadrer les enfants, comme le «Grand‑Père des enfants» ou encore le «Papa» ou la «Maman des enfants» et de leur inculquer les bases de leur culture et de leurs traditions, en recourant à des contes notamment. Dans les zones musulmanes, un représentant de la communauté musulmane se charge d’enseigner les piliers de l’islam aux enfants, tandis que dans les zones chrétiennes, c’est un membre du clergé qui a la charge de l’enseignement religieux.

Dans le domaine des sports et des loisirs, des «espaces jeunes» ont été créés dans chaque capitale régionale et les salles polyvalentes permettent d’organiser des ateliers de formation dans divers domaines ainsi que des forums d’information. Il est en outre prévu de créer un stade de 70 000 places dans chacune des capitales régionales.

M. Lo confirme que la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale a bien été ratifiée par le Sénégal et assure les membres du Comité que tout sera fait pour que les instruments de ratification soient déposés devant les instances compétentes de l’ONU.

Les handicapés ont accès à trois types de centres sociaux: les centres de réinsertion et de réadaptation pour les personnes souffrant d’un handicap physique, les centres de traitement des malades mentaux et les centres destinés aux enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux.

Un vaste programme de réadaptation, dont le budget doit doubler en 2007, a été mis en place en faveur des handicapés. Il se compose de plusieurs volets, dont l’octroi de microcrédits pour lutter contre la pauvreté au sein des groupes cibles, le suivi d’indicateurs grâce à des enquêtes statistiques, le renforcement des capacités ou encore l’appareillage orthopédique.

Le Sénégal ne disposant pas de richesses naturelles, il ne peut compter que sur ses ressources humaines pour se développer. C’est pourquoi il a été décidé de consacrer 40 % du budget national à l’éducation.

Pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé de rendre l’enseignement accessible à tous d’ici 2015, l’État devra construire 2 000 salles de classe et recruter 1 500 enseignants chaque année. Il devra en outre prévoir de prendre à sa charge les outils pédagogiques et les manuels scolaires. Au niveau universitaire, il devra mettre en place un système de bourses pour les étudiants les plus démunis.

Dans le cadre du programme de lutte contre les pires formes de travail des enfants, les autorités compétentes ont ciblé les régions dont sont la plupart du temps originaires les fillettes employées comme domestiques dans les villes afin d’y créer des comités départementaux chargés de mener des campagnes de sensibilisation et de lutter contre la pauvreté.

La PRÉSIDENTE, appuyée par M. FILALI, demande ce qui est fait pour que, conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, les jeunes filles soient encouragées à réintégrer leur établissement scolaire après leur accouchement plutôt que d’en être exclues, comme cela semble être le cas, et s’il est question d’abroger la loi qui permet aux directeurs d’établissements scolaires d’ordonner leur renvoi en pareil cas.

M. BOYE (Sénégal) dit que les collégiennes qui se trouvent dans cette situation ne font pas l’objet d’une procédure de renvoi systématique, mais s’excluent généralement d’elles‑mêmes car elles ont du mal à affronter le regard de leurs camarades de classe et de leurs professeurs. Au lycée en revanche, il est fréquent qu’elles poursuivent leurs études après l’accouchement et ne sont pas mises à l’écart. Quant à la loi qui interdit aux jeunes mères de réintégrer leur cycle d’études après l’accouchement, elle a dû tomber en désuétude car elle n’est jamais invoquée. M. Boye cite ensuite une circulaire du Ministère de l’éducation portant admission dans les établissements d’enseignement secondaire des élèves mariées et enceintes.

M. FILALI fait observer qu’une loi tombée en désuétude peut être réactivée à tout moment et insiste sur la nécessité de l’abroger. Il demande à la délégation de s’enquérir du statut de cette loi et de faire parvenir au Comité les informations pertinentes avant l’adoption des observations finales relatives au rapport à l’examen.

M. Filali se félicite du dialogue constructif, franc et direct instauré avec l’État partie ainsi que de l’engagement de ce dernier en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’enfant, qui s’est notamment traduit par l’intégration de la Convention dans la Constitution de 2001. Il indique que, dans ses observations finales, le Comité invitera l’État partie à adopter le Code de l’enfance dans les plus brefs délais, déplorera l’absence d’une institution de défense des droits de l’homme et se déclarera préoccupé par un certain nombre de questions, parmi lesquelles les talibés, les petites filles employées comme domestiques, l’absence de collecte de données ou encore l’éducation en milieu rural. Enfin, le Comité invitera l’État partie à veiller à mettre en œuvre le plus vite possible la Convention n°182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants.

M. LO (Sénégal) se félicite à son tour de la qualité du débat instauré avec le Comité et dit que le Président de son pays est fermement décidé à aller plus loin dans la protection des droits de l’enfant, puisqu’il prévoit notamment de rendre passible de poursuites pénales le mariage précoce d’une jeune fille de moins de 13 ans, en assimilant cet acte à un viol.

La séance est levée à 17 h 45.

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