Comité des droits de l’enfant
Cinquante-troisième session
Compte-rendu de la 1481 e séance (Chambre A)
Tenue au Palais Wilson, Genève, le jeudi 21 janvier 2010, à 15 heures.
Présidente:Mme Aidoo (Vice-Présidente)
Sommaire
Examen des rapports des États parties (suite)
Troisième et qu atrième rapports périodiques d’ El Salvador(suite)
Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants
Rapport initial d’El Salvador
La séance est ouverte à 15 h 5 .
Examendes rapports des États parties(suite)
Troisième et quatrième rapports périodiques d’El Salvador(suite) (CRC/C/SLV/3-4, CRC/C/SLV/Q/3-4 et CRC/C/SLV/Q/3-4/Add.1)
1. Sur l’invitation d e la Présidente, la délégation s alvador ienne reprend place à la table du Comité.
2.La Présidente dit que Mme Villarán de la Puente (Rapporteuse pour El Salvador) a encore un certain nombre de questions à poser.
3.M me Villarán de la Puente (Rapporteuse pour El Salvador) dit que les chiffres relatifs aux investissements, à la santé et à l’éducation sont très généraux et qu’il convient de les ventiler pour qu’on sache clairement quels sont les frais qui sont supportés par l’État et non par les familles. Elle demande si El Salvador entend accroître les investissements actuellement faibles dans les soins de santé et l’éducation, et sollicite des éclaircissements sur l’approche gouvernementale basée sur les droits. Elle se demande également si des dispositions ont été prises pour la prise en charge des enfants dont les parents ont quitté le pays et qui courent les plus grands risques d’abandonner l’école et d’entrer dans des groupes organisés.
4.Comme elle voit les choses, dans certains cas, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés pourrait également couvrir les victimes de la traite des êtres humains et des violences perpétrées par des bandes organisées. À cet égard, elle demande si El Salvador entend ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides. Il serait intéressant de savoir quelles mesures ont été prises dans le secteur privé pour veiller à ce que les enfants aient accès à l’éducation, aux soins de santé et à la nourriture. Observant qu’il existe des services d’aide aux enfants des rues, qui, toutefois, ne sont pas suffisants, elle demande si des politiques ont été mises en place pour dissuader ces enfants d’entrer dans des bandes organisées.
5.M. Urquilla (El Salvador) dit que le gouvernement a instauré une approche basée sur les droits dont le Secrétariat à l’intégrationsocialerécemment créé a mission d’effectuer le suivi dans le cadre des initiatives nationales de réduction de la pauvreté, en étroite collaboration avec la Présidence. El Salvador s’occupe actuellement d’introduire des mécanismes de suivi de la réduction de la pauvreté dans les communautés rurales et urbaines défavorisées, en mettant l’accent sur les droits des enfants, et de pourvoir à la formation des travailleurs sociaux dans le cadre du nouveau programme d’assistance sociale.
6.Au sujet de la grossesse des adolescentes, il dit qu’un groupe technique interministériel récemment établi a demandé qu’il soit procédé à un examen de la législation nationale relative à l’avortement après que la Cour constitutionnelle a jugé qu’il faut également tenir compte des droits de la mère. Cette décision a donné lieu à un débat très animé sur la manière dont il convient d’informer les élèves sur la santé sexuelle et génésique dans les écoles.
7.M me Carillo de Reyes (El Salvador) dit que le gouvernement se préoccupe activement du problème de la grossesse des adolescentes. Le Ministère de l’éducation a été enjoint d’interdire toute discrimination à l’égard des adolescentes enceintes et de promouvoir l’éducation relative aux droits de l’homme dans l’ensemble du système éducatif. Un accord d’assistance technique dans ce domaine a été signé avec l’Institut interaméricain des droits de l’homme. Les Ministères de l’éducation et de la santé travaillent ensemble à l’élaboration d’un programme d’éducation sexuelle de grande ampleur axé sur la prévention de la grossesse des adolescentes, et ne prônent pas tout simplement l’abstinence. Un accord de coopération de 2008 avec le Mexique pour la lutte contre le VIH/sida est en cours de révision pour faire en sorte que lui aussi insiste davantage sur la prévention.
8.Le gouvernement entend également accorder un degré de priorité élevé à la problématique hommes-femmes. Les programmes scolaires, les manuels et les livres du maître sont en cours d’examen à tous les niveaux pour que soit adoptée une démarche soucieuse de l’égalité entre les sexes. Le Ministère de l’éducation a récemment créé une commission interministérielle sur l’éducation aux droits de l’homme pour veiller à ce que cette approche soit celle de tous les départements de ce ministère. Il est également prévu de diffuser les informations concernant la Convention et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’El Salvador a ratifiés.
9.Un réseau interinstitutions composé de représentants d’organisations non gouvernementales (ONG), d’organismes de défense des droits de l’homme et d’organes gouvernementaux est en train d’étudier les moyens de prévenir la violence sexiste, le harcèlement et les sévices sexuels, y compris dans les écoles, après qu’un certain nombre d’enseignants ont été poursuivis en justice pour ce type d’infraction. L’accent est à nouveau mis sur la prévention, ainsi que sur la prise en charge psychologique des victimes. El Salvador s’efforce de renforcer sa coopération avec les ONG qui travaillent dans le pays. Un conseil de l’éducation composé de représentants d’ONG a été mis sur pied pour menerdes initiatives de sensibilisation du public
10.Malgré les contraintes dues à une crise économique de grande ampleur, les droits des enfants à la santé et à l’éducation continuent de bénéficier d’une priorité absolue dans les décisions en matière d’investissement. L’enseignement gratuit obligatoire pendant les 11 premières années de scolarisation sera généralisé en 2010 et le gouvernement investit largement dans les infrastructures scolaires pour faire face à un accroissement de la demande. La scolarité gratuite et obligatoire est considérée comme une mesure de protection, parce que les enfants qui abandonnent l’école sont vulnérables aux violences.
11.Une initiative est en cours pour introduire les technologies modernes dans les communautés pauvres et combler le fossé entre l’éducation dans les zones urbaines et dans les zones rurales. L’un de ces programmes, qui a été initialement lancé pour les enfants des communautés pauvres de Chalatenango, est en cours d’extension à l’ensemble du territoire national.
12.La Présidente demande si El Salvador songe à des formules à caractère communautaire pour l’éducation de la petite enfance, car elles sont souvent moins coûteuses que le modèle scolaireet peuvent, au-delà de l’éducation, couvrir la prise en charge, la nutrition, les jeux et l’adaptation des jeunes enfants au milieu social. Elle demande également s’il existe, en El Salvador, des initiatives visant à prévenir la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant.
13.M me Carrillo de Reyes (El Salvador) répond que, à la suite d’une récente étude menée sur la politique éducative, dans laquelle les écoles ont été critiquées pour être trop coupées de leur environnement immédiat, des mesures sont prises pour faire en sorte qu’elles tiennent compte du contexte socialet fonctionnent en interaction avec les familles et la collectivité. Le nombre de cas de transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant continue de diminuer grâce aux campagnes d’information et aux initiatives de dépistage.
14.M me Sayes (El Salvador) dit que le gouvernement et la société sont très préoccupés par la montée de la délinquance juvénile. La politique actuelle est axée sur la prévention. Des campagnes d’information visent à préserver les enfants de la violence dans la famille ou de la traite, ou à les empêcher d’être impliqués dans la vente de drogue ou d’en consommer. Des programmes récréatifs, culturels et sportifs mis en œuvre dans les municipalités les plus importantes doivent être étendus aux collectivités de l’ensemble du pays. Il existe des camps de réinsertion pour les membres des bandes de jeunes organisées où sont mises à leur disposition des activités d’enseignement, de formationprofessionnelle, des soins de santé, des activités sportives et des consultations familiales. Une initiative est actuellement menée pour encourager les jeunes à se faire enlever volontairement les tatouages, qui jettent le discrédit sur les membres des bandes organisées et en font des parias. Un bureau a été créé pour mener des enquêtes sur les délits impliquant des enfants, y compris la pornographie sur Internet, les disparitions et la traite, et un centre a été établi, où l’on s’occupe de ces victimes.
15.À la suite de cas isolés de torture et de mauvais traitements commis par des membres de la police civile nationale, le gouvernement a pris des mesures pour améliorer la formation des responsables de l’application des lois, la sélection des candidats, le contrôle des mesures disciplinaires internes prises par la Police civile nationale et accroître les pouvoirs des procureurs et des juges qui ont à connaître des cas de mauvais traitements infligés par des policiers. Ces derniers peuvent, le cas échéant, être révoqués, ce qui aide à lutter contre l’impunité. La police reçoit une formation pour traiter les enfants victimes de maltraitance d’une manière digne et respectueuse de leurs droits. On a constitué un réseau de policiers spécialisés dans les droits de l’enfant.
16.M me de Espinoza (El Salvador) dit que plusieurs organismes de l’État partie s’occupent de la protection du droit des enfants au repos et aux loisirs, y compris le Secrétariat à l’intégration sociale et le Secrétariat à la culture. Ces organismes essaient de mettre en œuvre des politiques d’ensemble de plus grande ampleur à cet égard, et s’efforcent de réduire les inégalités dans l’exercice de ce droit, par exemple en ce qui concerne les enfants et les adolescents des zones rurales et des zones pauvres. En février 2010 sera lancé un programme permettant de donner accès gratuitement aux musées conçus spécialement pour les enfants à plus de 1 800 enfants âgés de 4 à 12 ans des zones rurales et des zones pauvres. L’Institut national des sports essaie également d’améliorer l’accès de tous les enfants aux activités sportives.
17.En vertu de la Constitution salvadorienne, le service militaire est obligatoire pour les citoyens âgés de 18 à 30 ans. Les personnes concernées doivent s’inscrire pour cela pendant le mois qui suit leur 17e anniversaire mais, dans la pratique, la loi n’est pas appliquée et aucune sanction n’est infligée aux enfants qui ne s’inscrivent pas. Les enfants âgés de 16 à 18 ans peuvent également s’engager pour faire leur service militaire à titre volontaire, mais seules les personnes âgées de plus de 18 ans peuvent être appelées.
18.M. Kotrane dit qu’il espère qu’une réforme interdira que quiconque puisse s’engager dans l’armée avant l’âge de 18 ans.
19.M me Villarán de la Puente (Rapporteuse pour El Salvador) demande s’il est obligatoire de présenter un document d’identité lors de cette inscription pour entrer dans l’armée.
20M. Urquilla (El Salvador) répond que non, bien que l’inscription elle-même soit obligatoire. L’État partie apprécierait que le Comité formule une recommandation pour l’aider à mettre en œuvre une réforme interdisant aux enfants de participer aux conflits armés.
21.M me de Espinoza (El Salvador) dit que les enfants sont actuellement autorisés à vivre avec leur mère dans deux prisons d’El Salvador. L’ISNA a établi un centre pour le développement des enfants dans l’une d’entre elles, le Centre de réinsertion des femmes d’Ilopango, pour permettre aux enfants qui y vivent d’avoir accès à l’enseignement primaire. Le Secrétariat à l’intégration socialea visité ces deux centres et fait actuellement ce qu’il faut, en collaboration avec le ministère de la santé publique et de la protection sociale et la direction générale des prisons, pour permettre aux intéressés d’avoir accès à des soins de santé appropriés et à des médicaments, à des bilans de santé mentale et à des stages destinés à développer l’estime de soi.
22.El Salvador a adopté une feuille de route pour permettre au pays d’éliminer les pires formes de travail des enfants, par exemple en luttant contre la pauvreté, qui est à la fois une cause et un effet du travail des enfants. Les prestations d’aide socialene seront pas versées jusqu’à ce qu’il soit établi qu’aucun enfant ne travaille dans les familles bénéficiaires. Si l’on découvre que des enfants travaillent, elles seront supprimées. Non content de renforcer les mesures de lutte contre le travail des enfants, l’État partie cherche à s’assurer l’appui des familles et de la collectivité pour parvenir à éradiquer cette pratique, et il serait très reconnaissant au Comité de bien vouloir le conseiller pour la mise au point de son Plan national de lutte contre le travail des enfants.
23.M. Salazar (El Salvador) dit que El Salvador dispose de centres psychosociaux multidisciplinaires qui apportent une assistance complémentaire au sein du système de justice familiale, en particulier pendant les procédures judiciaires. L’ISNA propose une aide psychologique et sociale aux enfants et aux adolescents, ainsi qu’aux parents et aux familles, mais la demande de ces services dépasse de beaucoup l’offre disponible. Le nombre de dossiers de protection ouverts, qui est de 5 000, augmentera vraisemblablement à l’avenir. Il reconnaît qu’il y a des insuffisances dans les soins psychosociaux et les mesures de protection qui les accompagnent.
24.En théorie, un système de protection de la famille a été créé en vertu du Code de la famille; il offre aux enfants un appui institutionnel et social, mais ce système n’a jamais fonctionné en pratique et il demande à être amélioré considérablement.
25.La question des enfants placés en établissement est préoccupante et le Procureur pour la défense des droits de l’hommen’a pas encore mis au point un mode de contrôle approprié ni un système interne de supervision. L’État partie a été quelque peu aidé et a examiné divers modèles, mais il a besoin d’une aide financière et technique pour concevoir des moyens de repérer les mauvais traitements infligés aux enfants placés en établissement et les violations de leurs droits.
26.Dans le cadre d’un accord qu’il va bientôt signer avec le Secrétariat à la culture, l’ISNA sera chargé de diffuser les informations relatives aux droits de l’enfant. Il prévoit de mettre en œuvre les programmes adéquats dont bénéficieront le plus grand nombre possible d’enfants.
27.Il n’existe pas de statistiques récentes sur les enfants des rues, mais l’État partie est en train de préparer un recensement pour lui permettre d’examiner la situation. Il faut appliquer une nouvelle approche pour s’occuper de ces enfants, car le système actuel ne fonctionne pas et l’on manque de personnel correctement formé. L’État partie a demandé l’aide d’ONG dans ce domaine.
28.El Salvador n’est toujours pas doté d’une procédure administrative adéquate pour faire entrer les délinquants juvéniles dans le système de justice, et le nombre des policiers formés pour s’occuper des enfants est insuffisant. La principale faiblesse de l’État partie en matière de justice pour mineurs est la réinsertion des jeunes délinquants, mais il est en train de revenir sur sa stratégie et de revoir la formation du personnel. Il examine également les solutions de remplacement du placement en détention.
29.M. Urquilla (El Salvador) dit qu’il communiquera aux autorités compétentes la recommandation formulée par le Comité à l’intention d’El Salvador de ratifier la Convention relative au statut des apatrides. L’État partie s’occupe de mettre au point des politiques de migration adéquates tenant compte de la situation des personnes les plus concernées.
Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant , concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SLV/1 et CRC/C/OPSC/SLV/Q/1)
Rapport initial d’El Salvador
30.M me Ortiz (Rapporteuse pour El Salvador) souligne l’importance du Protocole facultatif parce que, bien que les articles 34 et 35 de la Convention couvrent la prévention de l’exploitation sexuelle des enfants, des sévices sexuels à enfants, la mise en scène d’enfant dans les spectacles et documents pornographiques, et la vente ou la traite des enfants, ils ne sont pas assez détaillés. Elle observe que El Salvador est un pays de départ et de transit de migrations, y compris celles des enfants, qui sont souvent victimes de délits couverts par le Protocole facultatif.
31.Elle demande quelles sont les institutions qui ont préparé le rapport, qui a participé à la rédaction, quelles autorités ont été consultées et si des ONG et des organisations d’enfantsont été invitées à y prendre part. Comment ont été transmises auprès du public et des autorités les informations concernant la portée du Protocole facultatif, et quelle formation, hors des stages ad hoc, ont reçu les organismes qui participent directement à son application? Elle demande également si le protocole facultatif est une matière obligatoire dans les universités publiques et privées.
32.Elle souhaite savoir de façon précise si les enfants, leurs parents et le grand public sont renseignés au sujet du Protocole facultatif et de son statut d’instrument précieux de protection de l’enfance, et si les gens savent comment et où obtenir des informations et porter plainte en cas de vente d’enfants, d’exploitation sexuelle d’enfants ou de leur utilisation à des fins pornographiques. Par exemple, El Salvador dispose-t-il d’un service d’assistance téléphonique ou d’un site Web? Organise-t-il des campagnes télévisuelles ou radiophoniques, ou encore des conférences sur ces sujets dans les écoles? Par ailleurs, les parents ont-ils accès à une formation pour éviter que leurs enfants ne soient victimes des délits dont il est question dans le Protocole facultatif?
33.Elle demande si l’État partie est doté d’une législation prévoyant l’interdiction de la vente d’enfants aux fins d’une exploitation sexuelle et les sanctions en cas d’infraction. Il apparaît que la législation salvadorienne sur l’utilisation d’enfants à des fins de pornographie et sur la détention de matériel pornographique mettant en scène des enfants est conforme au Protocole facultatif. Toutefois, le Comité a reçu des informations selon lesquelles les enquêtes et les poursuites judiciaires sont freinées par le manque de personnel spécialisé et de moyens techniques adéquats. Elle demande des éclaircissements à ce sujet.
34.Elle dit qu’on ne sait pas très bien si la loi sur la protection des victimes et des témoins protège aussi les enfants et si elle couvre les infractions prévues par le Protocole facultatif. Les enfants ont-ils accès à une aide spécialisée appropriée pour éviter la poursuite des sévices et des atteintes psychologiques à partir du dépôt de la plainte et jusqu’au prononcé du jugement?
35.M me Villarán de la Puente (Rapporteuse pour El Salvador) dit que le Plan d’action national arrive à son terme et qu’elle se demande comment il lui sera fait suite ou si un nouveau plan s’annonce. Elle se demande également si l’ISNA dispose des ressources nécessaires pour pouvoir appliquer le Protocole facultatif. S’il a déjà 5 000 dossiers en instance, il est inévitable que beaucoup d’autres suivent. Elle demande si le Bureau du Procureur chargé de la protection des droits de l’homme surveille les infractions énoncées dans le Protocole facultatif et publie des rapports comportant des recommandations. Elle se demande aussi s’il existe un système de recours dans le cadre duquel les enfants, les parents et d’autres peuvent solliciter la protection du Bureau.
36.L’État partie est un pays d’origine, de transit et de destination de la vente d’enfants et de femmes. Selon un rapport du Département d’État des États-Unis, des fonctionnaires salvadoriens chargés de s’occuper des enfants ont été impliqués dans ces ventes, et elle demande quelles mesures ont été prises pour que des enquêtes soient menées sur ces activités criminelles chez les policiers, les fonctionnaires du service d’immigration et d’autres, et que des sanctions soient prononcées à leur encontre.
37.M. Kotrane dit que, à la séance précédente, la délégation a déclaré que la Convention est appliquée directement en vertu de la législation nationale du pays. Elle ne pourrait pas l’être, toutefois, si elle n’est pas incorporée au droit interne, et il sollicite des renseignements complémentaires à cet égard. Il se demande si le travail forcé des enfants est passible de sanctions.Nonobstant les dispositions énoncées au paragraphe 14 du rapport d’El Salvador sur le Protocole facultatif, il ne semble pas y avoir de dispositions pénales concernant la vente d’enfants. Le travail forcé est une violation à la fois des lois sur le travail et du droit pénal, et les faits récents présentés aux paragraphes 17 à 21 de ce rapport sont intéressants à cet égard, mais ils ne concernent que le Code du travail. Le Comité préférerait que le travail forcé soit défini comme relevant de la vente. Il salue ce qui est dit au paragraphe 31 du rapport, à savoir que la responsabilité civile des sociétés impliquées dans la pornographie ou la prostitution est engagée, mais il aimerait être assuré qu’il en est de même pour leur responsabilité pénale. Il n’y a aucune allusion à cette possibilité dans le rapport.
38.Il observe que, dans certains cas, les fonctionnaires ne peuvent pas faire l’objet de poursuites à l’étranger parce qu’ils jouissent de l’immunité diplomatique, par exemple, ou que l’autre pays refuse de les extrader parce que l’infraction est punissable en vertu des lois dudit pays. Il se demande, toutefois, ce qu’il en est de la procédure si la victime est étrangère et le délinquant un citoyen salvadorien ou un étranger vivant sur le territoire salvadorien. L’extradition n’est une solution que si l’infraction en question tombe sous le coup de la loi de l’autre pays. En vertu de la Constitution salvadorienne, l’extradition est réciproque entre les États signataires, mais il demande quelles mesures prendra l’État partie pour faire en sorte que le Protocole facultatif constitue une base suffisante en vue d’obtenir une extradition de la part de pays avec lesquels il n’a d’accord d’extradition. Il demande s’il y a eu, en réalité, des cas d’extradition et quelles sanctions étaient encourues par les auteurs des infractions en vertu du Protocole facultatif.
39.M. Puras dit que les enfants victimes sont dans une situation très difficilene relevant pas simplement de mesures juridiques mais également de comportements pouvant conduire à un deuxième traitement injuste ou à un renouvellement du traitement initial. Ils peuvent souffrir de réactions négatives de la part du personnel institutionnel ou de leurs pairs. Il se demande quelles sont les mesures prévues pour prévenir la stigmatisation et faciliter la réinsertion des victimes. Il comprend, d’après le rapport et d’autres sources, que les enfants victimes peuvent bénéficier de services spéciaux, y compris des foyers d’hébergement, mais ces derniers ne sont pas assez nombreux et sont mal répartis dans le pays. Enfin, il demande ce qui est fait pour prendre contact avec les victimes qui n’ont pas cherché à obtenir réparation en justice.
40.M. Citarella demande des éclaircissements sur la différence faite par la législation salvadorienne entre la vente et la traite d’enfants.Si, par exemple, une femme donne naissance à un enfant qu’elle vend à un couple étranger, il se demande si cet acte est constitutif d’une infraction et, dans l’affirmative, de quelles sanctions il est passible. Deuxièmement, il souhaiterait qu’on lui assure que la prostitution est réellement illicite, dans tous les cas, pour les personnes âgées de moins de 18 ans. Enfin, il demande quelles sont les dispositions qui permettent de contrôler le contenu des sites Internet et, si nécessaire, d’engager des poursuites judiciaires.
41.La Présidente, prenant la parole en tant que membre du Comité, demande quelles sont les dispositions institutionnelles qui permettent d’appliquer le Protocole facultatif. Elle se demande si l’ISNA, qui en est chargé, en a les capacités financières ou humaines. Elle demande également quel est l’organisme qui reçoit les plaintes des enfants victimes d’infractions en vertu du Protocole facultatif, et quelle suite leur est donnée. Elle demande encore si l’État partie a étudié ou étudiera les causes profondes de ces infractions dans la société salvadorienne, notamment dans les secteurs où les personnes touchées constituent de larges couches de la population, comme les enfants vivant en situation de pauvreté, les enfants autochtones ou les enfants vivant dans des régions reculées. Elle demande quelles mesures sont prises, notamment au niveau local, pour prévenir la commission de ces infractions. Enfin, elle aimerait savoir quelle est l’importance du tourisme sexuel impliquant des enfants en El Salvador.
42.M me Al-Asmar demande si El Salvador a systématisé sa collecte de données, et souhaite avoir des informations complémentaires sur les actions pénales à l’encontre des infractions engagées en application du Protocole facultatif et sur la protection des victimes.
43.M. Urquilla (El Salvador) dit, au sujet de la criminalité transnationale, que c’est le principe de la territorialité qui est appliqué en El Salvador. En principe, donc, les enquêtes et les procès portent sur les infractions commises sur le territoire salvadorien. Cela dit, la législation salvadorienne prévoit aussi des exceptions, comme dans les paragraphes 8 et 9 du Code pénal, l’exception classique étant le cas dans lequel l’auteur ou la victime d’une infraction est un citoyen salvadorien à l’étranger. Il existe aussi ce qu’on appelle le «principe de protection», selon lequel un État a compétence hors de son territoire si sa sécurité, ses investissements ou ses intérêts sont en jeu. Le paragraphe 10 du Code reconnaît le principe d’universalité, qu’il applique aux infractions commises par toute personne en un lieu ne relevant pas de la juridiction salvadorienne, aux infractions couvertes par un pacte international spécifique ou d’autres normes ou qui constituent une grave violation des droits de l’homme universellement reconnus. Le principe d’universalité et les dispositions du Protocole facultatif, peuvent fournir les instruments juridiques nécessaires pour lutter contre les délits transnationaux, comme la vente ou l’exploitation des enfants, ou encore la pornographie mettant en scène des enfants. Dans ces cas, toutefois, tous les juges devraient être initiés à cette procédure, ce qui lui permettrait d’être plus répandue.
44.Comme il a été observé, l’extradition exige qu’il existe un accord réciproque, mais la Cour Suprême de justice a récemment rendu un jugement qui fait date concernant une affaire de sévices sexuels contre un enfant aux États-Unis de la part d’un Salvadorien qui, depuis, s’est enfui en El Salvador. Ce jugement était fondé sur un traité remontant à 1911, aux termes duquel l’État peut se réserver le pouvoir d’extrader l’un de ses citoyens. La Cour Suprême a décidé que ce traité pouvait être interprété en fonction de la conjoncture moderne dont font partie la criminalité transnationale et les délits commis contre les enfants. Elle a jugé que le traité de 1911 suffit pour instaurer un principe constitutionnel facilitant l’extradition.
45.Quant à la question des poursuites judiciaires possibles à l’encontre de groupes ou d’institutions, l’ordre juridique salvadorien reconnaît le principe consistant à agir au nom d’une tierce personne, qui est issu de la common law.Il est donc possible d’engager une action pénale à l’encontre d’une personne qui a participé à la prise de décisions tout en prenant comme paravent les activités d’une société. La responsabilité pénale de la jeune fille qui a envoyé l’un de ses enfants à l’étranger n’est pas engagée; autrement, le gouvernement serait obligé d’ériger en infractions certains types de migration. Cela étant, s’il s’avère que l’intention sous-jacente est de dissimuler ou de modifier l’établissement de la paternité d’un enfant – ce qui reviendrait à être une forme de trafic – des sanctions peuvent être applicables. Cela dépend des autres facteurs en jeu.
46.M me Sayes (El Salvador) dit que, pour tenter de lutter contre la pornographie, un projet gouvernemental intitulé «Prévention de la criminalité liée aux technologies de l’information» est en cours d’exécution depuis 2008dans 500 salles de classe; il est doté d’un budget de 140 000 dollars É.-U. assuré par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Gouvernement italien. D’une manière générale, toutefois, la police, jusqu’à une période récente, disposait d’instruments technologiques et d’un personnel compétent insuffisants pour engager des poursuites à l’encontre de ces infractions. L’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) a aidé à poursuivre les producteurs de documents pornographiques sur Internet et un bureau d’INTERPOL a été établi en El Salvador, ce qui a permis de progresser quelque peu. Pour ce qui est du tourisme sexuel visant les enfants, elle dit que la police nationale a mis sur pied une unité de 425 personnes dans l’ensemble du pays – la «police du tourisme» – entraînées pour identifier les pédophiles.
47.M me de Espinoza (El Salvador) dit que le rapport a été établi comme il est indiqué de façon détaillée au paragraphe 4 du rapport initial. Elle ne sait pas si des ONG ou des enfants ont été consultés. Actuellement, le public est peu au courant du Protocole facultatif, mais plusieurs mesures ont été prises pourqu’il figure dans le programme de formation des juges, des procureurs et des policiers. Il est fait référence au Protocole facultatif dans les cours universitaires sur le droit pénal, notamment en ce qui concerne les délits de pornographie, prostitution et traite des êtres humains. Les organismes gouvernementaux et ceux de la société civile prennent des dispositions pour sensibiliser le public aux dangers de la pornographie mettant en scène des enfants. Des campagnes ont été organisées pour expliquer qu’il s’agit d’une infraction pénale et faire connaître le service d’assistance téléphonique mis à disposition pour permettre de signaler les cas de pornographie impliquant des enfants. Il est actuellement nécessaire de former la police aux mesures qu’il convient de prendre à la réception de ces informations.
48.Le ministère public est chargé d’enregistrer toutes les infractions relatives à la prostitution, à la pornographie impliquant des enfants, à la traite des êtres humains, à l’introduction illicite de personnes dans le pays, à la vente de personnes, et de faire en sorte que des enquêtes soit menées comme il convient.
49.La Présidentedemande si, dans l’ensemble du pays, les enfants ont facilement accès au ministère public.
50.M me de Espinoza (El Salvador) répond qu’il y a des bureaux du ministère public partout dans le pays. Toutefois, les enfants et les jeunes ne savent pas qu’ils peuvent porter plainte eux-mêmes auprès du ministère public. Les plaintes peuvent également être déposées auprès de la Police civile nationale, qui est beaucoup plus décentralisée que les services du ministère public et donc accessible partout. Elle reconnaît qu’il est nécessaire de sensibiliser le public aux doléances qui peuvent être exprimées auprès de l’Unité de police communautaire.
51.Le ministère public prépare actuellement un manuel et un protocole sur le traitement psychologique et social convenant aux enfants victimes d’exploitation sexuelle et de sévices sexuels. Avec l’aide de l’Organisation internationale du travail, il prépare également un manuel sur les enquêtes afin d’harmoniser les pratiques, d’accroître le nombre d’affaires portées devant les tribunaux et d’alourdir les peines prononcées en répression de ces infractions. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a aidé la Cour Suprême à installer uneChambre d’observation de Gesell et les procureurs apprennent à s’en servir afin de veiller à ce que les enfants ne soientpas doublement victimeslorsqu’ils témoignent. L’Inspection général de la police civile nationale est chargé d’enquêter sur toutes les infractions commises par des membres de la police, y compris sur des affaires dans lesquelles des policiers n’ont pas enquêté sur des infractions commises par d’autres policiers.
52.M me Villarán de la Puente (Rapporteuse pour El Salvador) demande si des actions ont été engagées contre des policiers pour des infractions au Protocole facultatif et, dans l’affirmative, quelles ont été les sanctions.
53.M me de Espinoza (El Salvador) répond que des enquêtes sont en cours concernant l’implicationde policiers dans la corruption de mineurs et la criminalité organisée. Aucune condamnation n’a été prononcée jusqu’à présent.
54.M. Salazar (El Salvador) dit que, jusqu’en septembre 2009, l’ISNA s’est occupé de 41 victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales et de six victimes de la traite des personnes. Toutefois cet institut reconnaît qu’il lui faut renforcer la coordination avec d’autres organes compétents, y compris les tribunaux, la police et les autorités chargées de la protection des victimes et des témoins, afin d’aider les victimes à se réintégrer dans la société. L’Institut gère un centre d’hébergement pour les jeunes filles victimes de la traite, des ONG s’occupant des garçons qui sont dans ce cas. Le Bureau du Procureur pour la protection des droits de l’homme n’a pas encore mis en œuvre un système de contrôle des services fournis par l’Institut ou d’autres organismes. Des actions sont menées actuellement, avec l’aide de la police, des organisations actives dans le domaine des migrationset de Save the Children, pour repérer les principales voies par lesquelles les enfants se sont retrouvés victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales et de la traite des êtres humains en vue de déployer des mesures préventives à grande échelle.
55.La Présidente demande si l’État partie prévoit de mettre en place un système de collecte de données relatives à toutes les infractions en application de l’article 3 du Protocole facultatif, plutôt que de s’axer exclusivement sur l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et la traite des êtres humains.
56.M. Urquilla (El Salvador) dit qu’on s’emploie à réorganiser les institutions chargées de toutes les infractions énoncées dans le Protocole facultatif, y compris la vente d’enfants, afin d’améliorer leur efficacité et leur coordination. Le nouveau système comportera la collecte des données et l’adoption d’une législation spécifique, qui permettra aux pouvoirs publics de lutter véritablement contre des infractions, étant donné qu’elles sont habituellement liées à une activité transfrontalière.
57.M. Salazar (El Salvador) dit que l’Institut travaille à créer un système d’avertissement pour prévenir les infractions énoncées dans le Protocole facultatif. Il dispose actuellement d’un budget de 14,5 millions de dollars É.-U. qui est insuffisant pour lui permettre de remplir sa mission. En vertu de la Constitution, il est impossible de le modifier pour 2010, mais selon les prévisions actuelles, il est nécessaire que ce budget soit au moins doublé. L’Institut a créé un département destiné à gérer la coopération internationale et à permettre d’obtenir des financements provenant d’autres sources.
58.M me Ortiz (Rapporteuse pour El Salvador) dit que le principal problème auquel l’État partie doit faire face en rapport avec les droits des enfants est la mise en place des institutions nécessaires pour mettre en œuvre la loi sur la protection générale des enfants et des jeunes. À cet égard, elle recommande à l’État partie de se référer à l’observation générale no 5 du Comité concernant les mesures générales d’application de la Convention (CRC/GC/2003/5), et notamment ce qui concerne la coordination intersectorielle de toutes les institutions nationales de protection des droits de l’enfant, par opposition à l’établissement d’un seul organisme chargé de la mise en œuvre de la Convention. Il serait bon qu’il existe un conseil national pour coordonner toutes les mesures actuellement mises en œuvre, à condition qu’il soit doté d’un secrétariat exécutif de haut niveau et de ressources suffisantes. Le Comité recommandera de ne pas retarder l’entrée en vigueur de la loi. D’autres modifications législatives sont nécessaires pour mettre les lois de l’État partie en conformité avec la Convention, car il est impératif d’investir correctement dans les droits de l’enfant. Il faut améliorer le dialogue avec les ONG et créer les conditions nécessaires à une véritable participation des enfants aux décisions qui les concernent à tous les niveaux.
59.M. Urquilla (El Salvador) dit que les recommandations du Comité seront appliquées pour la restructuration des droits de l’enfant. Le gouvernement poursuivra ses efforts pour s’acquitter de ses obligationsau titre de la Convention et du Protocole facultatif.Il se souciera aussi d’améliorer son dialogue avec les ONG. Il les remercie pour leurs rapports au Comité, qui se sont avérés extrêmement utiles pour l’examen de la situation actuelle des droits de l’enfant dans son pays.
60.La Présidentedit que le Comité a apprécié que le gouvernement instaure une nouvelle conception de la société salvadorienne, et notamment de ses enfants. Il a besoin, c’est évident, d’une aide financière et technique internationale pour mener à bien cette entreprise.
La séance est levée à 18 h 5.