NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l'enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.646

27 septembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt-cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 646ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 20 septembre 2000, à 15 heures

Président : Mme OUEDRAOGO

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial du Burundi (suite)

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Burundi [CRC/C/3/Add.58; liste des points à traiter (CRC/C/Q/BUR/1); réponses écrites du Gouvernement burundais aux questions posées dans la liste des points à traiter (document sans cote distribué en séance, en français seulement)] (suite)

1.Sur l'invitation de la Présidente, la délégation du Burundi reprend place à la table du Comité.

2.M. NINDORERA (Burundi) dit qu'il est prévu de modifier le Code des personnes et de la famille de façon à aligner la définition de l'enfant sur celle de la Convention. Il est en outre envisagé de nommer des délégués chargés de la protection de l'enfance à l'échelon des collines de recensement (la plus petite unité administrative), d'instaurer des tribunaux pour enfants, de créer des services sociaux communaux et de renforcer le rôle que jouent déjà dans ce domaine certaines structures existantes - conseils de famille et conseils des notables notamment - qui recevront des instructions plus claires concernant la promotion et la protection des droits de l'enfant.

3.Les problèmes de discrimination dont il a été question ne sont par le fait d'une position de principe du Gouvernement, qui estime que tous les sinistrés doivent être traités sur un pied d'égalité, mais de difficultés d'ordre pratique dans la distribution de l'assistance. En effet, les ONG et les organisations internationales présentes sur le terrain, qui chacune ont un mandat précis, privilégient généralement une population donnée (les réfugiés aux dépens des déplacés de l'intérieur, les habitants d'un camp de regroupement, etc.), ce qui suscite des tensions encore exacerbées par la coexistence de différentes ethnies au sein des camps. Le Gouvernement s'efforce de limiter les injustices en coordonnant l'action des organisations intéressées. En revanche, la répartition inégale des infrastructures sanitaires et scolaires entre les différentes régions est le résultat d'une mauvaise gestion des affaires publiques dans le passé.

4.S'agissant de la diffusion du texte de la Convention, les comités provinciaux déjà à l'œuvre sont secondés par quelques comités communaux, instances appelées à se multiplier à l'avenir. Le texte est disponible en français et en kirundi, la langue nationale, et la sensibilisation de la population analphabète est prévue par le biais d'outils pédagogiques adaptés qui s'appuient notamment sur l'image. Des émissions en langue locale portant sur la question, dont certaines s'adressent spécifiquement aux enfants, sont en outre diffusées sur les ondes. Cette solution est d'autant plus efficace que quasiment tous les habitants possèdent un poste de radio, y compris les plus pauvres.

5.Les enfants sont représentés au sein des comités scolaires et des conseils de famille où ils sont reçus dès lors qu'ils semblent faire preuve de discernement. Les enfants ont pu faire entendre leur voix à plusieurs occasions, notamment dans le cadre d'un projet lancé en collaboration avec l'UNICEF, pendant une rencontre organisée avec le Parlement l'année dernière et lors du débat public qui réunit des enfants et des représentants du Gouvernement en décembre de chaque année à l'occasion de la Journée mondiale pour l'information sur les droits

de l'enfant. L'organisation des scouts a de plus été invitée à un séminaire de consultation réuni en vue de l'élaboration d'une loi. Cependant, la prise en considération des opinions ainsi recueillies pose encore des difficultés.

6.Le Gouvernement a adopté plusieurs mesures en faveur de l'intégration de la population batwa, à laquelle trois sièges seront réservés dans la nouvelle chambre du Parlement et qui bénéficie déjà de la gratuité des soins de santé et de l'enseignement. Cependant, pour une intégration véritable, il faut que la mentalité des Batwas évolue.

7.Les camps de regroupement, ou "sites de protection", selon la terminologie de l'État, ont été mis en place pour séparer la population civile innocente de la rébellion et limiter ce faisant les retombées sur les civils de la lutte entre la rébellion et l'armée. Le Gouvernement s'est efforcé de régler les problèmes découlant de ces regroupements et, notamment, d'améliorer les conditions de vie très difficiles des populations concernées. Il a demandé de l'aide à cet égard aux ONG. Le démantèlement de ces sites est en cours et il est même terminé à Bujumbura rural, mais certains des occupants, craignant pour leur sécurité, refusent de retourner dans les collines; la situation ne pourra se régler que lorsque l'accord de paix aura été signé et appliqué et que la population sera parvenue à une réconciliation véritable.

8.En ce qui concerne le financement de l'éducation, il est actuellement demandé aux collectivités et aux parents de verser une participation aux frais de scolarité à hauteur d'environ 1 dollar par an. Toutefois, les personnes qui ne sont pas en mesure de payer cette somme modique bénéficient d'une exemption. La pauvreté est en effet un grave problème au Burundi depuis l'embargo et la suppression de l'aide bilatérale. À moins d'une reprise de la coopération, le pays sera dans l'incapacité de redresser la situation économique, ce qui ne manquera pas d'avoir des conséquences inquiétantes sur l'évolution des tensions ethniques.

9.S'agissant de savoir comment gouverner une société aussi divisée, des négociations sont engagées depuis deux ans sans que les participants puissent parvenir à un consensus. Il est à espérer qu'avec le temps les personnes seront jugées, aussi bien par leur communauté ethnique que par les autres communautés, sur leurs réalisations, abstraction faite de leur appartenance ethnique.

10.La suppression de la peine capitale n'est pas une préoccupation centrale car le problème le plus urgent actuellement est la lutte contre l'impunité. La peine de mort n'est au demeurant pas applicable aux enfants et il est en outre prévu de ramener à 5 ans la peine la plus lourde encourue par un mineur, à savoir 10 ans de réclusion.

11.La Commission gouvernementale des droits de l'homme est déjà opérationnelle et travaille en étroite collaboration avec des organisations non gouvernementales. Pour ce qui est de la protection des droits de l'homme, ces dernières critiquent parfois durement le Gouvernement en accusant des représentants de la fonction publique d'avoir commis des violations des droits de l'homme, mais il est encourageant qu'un tel débat puisse avoir lieu.

12.En matière d'attribution de la garde d'un enfant, le critère fondamental est l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans les affaires difficiles à trancher, la garde est en général confiée au père lorsque l'enfant a plus de 7 ans, sauf s'il est manifestement davantage dans l'intérêt de cet

enfant de rester avec sa mère. Comme on trouve un nombre croissant de femmes parmi les magistrats, on constate d'ailleurs que les décisions judiciaires sont davantage centrées sur les femmes.

13.Les femmes ont dès le début revendiqué le droit de participer au processus de paix, mais force est de constater que certains acteurs politiques leur ont barré la route. Certaines de leurs idées ont pourtant été prises en considération et les femmes ont pris conscience du rôle qu'elles pouvaient jouer dans la société et sont aujourd'hui déterminées à continuer dans cette direction.

14.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions sur le milieu familial et la protection de remplacement, la santé et le bien‑être, l'éducation, les loisirs et les activités culturelles et les mesures spéciales de protection.

15.M. FULCI demande si, comme l'affirment certaines sources, l'adoption internationale d'enfants au Burundi donne effectivement lieu à des abus, s'il est exact que pour des raisons liées à l'héritage et à la dot, les filles sont préférées aux garçons et quelles garanties le Gouvernement burundais demande aux familles étrangères candidates à l'adoption d'un enfant burundais. Le Gouvernement a-t-il pris des mesures pour venir en aide aux enfants traumatisés par la vision d'atrocités et pour protéger les droits des enfants rapatriés ? Enfin, il serait bon de savoir si le Burundi a signé les Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention et entend ratifier l'amendement à la Convention prévoyant d'accroître le nombre des membres du Comité.

16.Mme MOKHUANE demande si le Gouvernement a pris des mesures en vue de l'application de la Convention sur la réduction des cas d'apatridie et de la Convention relative au statut des apatrides, auxquelles le Burundi est partie.

17.Dans les réponses écrites il est indiqué que 15 % des familles d'accueil ont un mineur pour chef de ménage; des précisions sur les programmes mis en œuvre pour leur venir en aide seraient donc souhaitables. Il serait en outre utile de savoir si les institutions privées qui s'occupent des enfants font l'objet d'un contrôle régulier et quelles mesures sont prises pour remplacer les conseils de famille, pour aider les grands‑parents obligés de prendre en charge leurs petits‑enfants, pour lutter contre la malnutrition et la mortalité maternelle et, d'une manière générale, pour améliorer l'état de santé de la population et l'accès aux soins et combattre la toxicomanie chez les adolescents. Enfin, que fait le Gouvernement pour aider les enfants handicapés ainsi que pour accroître le taux de scolarisation et améliorer la qualité de l'enseignement ?

18.Mme KARP demande pourquoi les statistiques relatives à l'enfance ne portent que sur les moins de 15 ans. Au sujet des camps de regroupement, il serait intéressant de savoir comment leurs habitants sont représentés et associés à leur gestion, quel rôle jouent les ONG et si le Gouvernement envisage une péréquation des ressources afin de réduire les inégalités entre les différents camps.

19.Dans les réponses écrites, il est signalé que les châtiments corporels sont prohibés à l'école mais que la tradition burundaise admet une correction corporelle limitée. La délégation burundaise pourrait préciser quelles mesures, législatives ou autres, le Gouvernement entend

prendre pour faire évoluer les mentalités et mettre fin à ces pratiques et s'il envisage de mettre en place un dispositif pour recueillir les plaintes des enfants victimes de mauvais traitements et sanctionner leurs auteurs.

20.Elle aimerait savoir comment le Gouvernement lutte contre le sida, s'il reçoit une assistance technique d'ONUSIDA et quelles sont les difficultés rencontrées pour réunifier les familles, notamment dans le cadre du projet réalisé en collaboration avec l'UNICEF. Enfin, la délégation pourrait indiquer ce qui est envisagé pour réduire la durée de la détention provisoire, ne recourir à la privation de liberté qu'en dernier ressort et d'une manière générale réformer l'administration de la justice pour mineurs, avec des précisions sur le sort des enfants emprisonnés dans l'attente d'être jugés sans même encourir une peine de prison.

21M. DOEK souhaiterait avoir des précisions sur l'aide apportée aux familles d'accueil, notamment sur les conditions requises pour obtenir le bénéfice d'une carte d'assurance maladie. Il serait en outre intéressant de savoir si l'État exerce un contrôle sur les institutions privées qui s'occupent d'enfants, notamment les établissements pour enfants handicapés, quelles seront les conséquences de la privatisation des hôpitaux, notamment pour les plus pauvres, et si la scolarité est entièrement gratuite, fournitures scolaires comprises. Des précisions sur les mesures prises pour faciliter la démobilisation, la protection et la réinsertion des enfants soldats enrôlés par des groupes rebelles seraient également souhaitables.

22.Dans les réponses écrites, il est indiqué qu'en 1998 quelque 88,5 % des mineurs incarcérés étaient des prévenus; ce chiffre est extrêmement préoccupant et il faudrait donc savoir ce qu'entend faire le Gouvernement pour remédier à cette situation et quel est le sort des enfants qui naissent en prison.

23.M. RABAH souligne que le système de justice pour mineurs en place appelle des réformes vu son incompatibilité avec les dispositions pertinentes de la Convention. Il serait utile de savoir si dans l'immédiat le Gouvernement envisage de coopérer avec des ONG pour améliorer la situation et si des enfants en conflit avec la loi bénéficient d'une aide judiciaire. La délégation pourrait également préciser quelles sont les relations entre les jeunes délinquants d'une part et la police et les autorités pénitentiaires de l'autre. Des informations supplémentaires sur la situation des enfants des rues et sur les mesures prises pour résoudre ce problème seraient également les bienvenues. Au sujet des loisirs, il serait intéressant de savoir si les activités mentionnées dans le rapport sont gratuites et accessibles à tous les enfants. Enfin, le Burundi connaît-il un problème de discrimination entre les différentes catégories de la population et les différentes régions ?

24.Mme RILANTONO demande s'il existe au Burundi un mouvement en faveur du renforcement de la société civile et de l'instauration d'une véritable démocratie au service de l'intérêt supérieur de l'enfant et si des obstacles freinent la collaboration entre d'une part le Gouvernement et d'autre part les ONG et les institutions des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre la Convention. Il serait également intéressant de savoir quelle est la proportion d'écoles fermées à cause du conflit et si un enseignement est dispensé aux enfants des camps de regroupement. Enfin, la délégation pourrait indiquer quelles mesures prend le Gouvernement pour lutter contre le sida et la contamination des enfants et notamment s'il organise des campagnes d'information et d'éducation à l'intention des adolescents.

25.La PRÉSIDENTE dit avoir lu dans les réponses écrites que des enfants étaient installés sur des terrains achetés pour eux et demande qui achète ces terrains et s'occupe de ces enfants. Il est en outre indiqué que certaines familles d'accueil considèrent ces enfants uniquement comme une source de revenus et elle aimerait donc savoir ce que fait le Gouvernement pour remédier à cette situation et s'il est possible de retirer à ces familles les enfants qui leur ont été confiés. La délégation pourrait-t-elle préciser en quoi consistera la décentralisation des comités provinciaux pour la promotion et la protection des droits de l'enfant ? Enfin, il serait intéressant de savoir quelle est l'attitude des autorités traditionnelles à l'égard de la Convention.

La séance est suspendue à 16 h 25; elle est reprise à 16 h 30.

26.M. NINDORERA (Burundi) ne sait pas si la délégation burundaise présente au Sommet du millénaire a signé les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention à cette occasion mais il transmettra au Gouvernement les recommandations du Comité concernant leur signature ainsi que la ratification de l'amendement sur l'augmentation du nombre des membres du Comité.

27.S'agissant des habitants des camps de regroupement, des comités réunissant les différentes populations ont été mis en place en vue de recueillir leurs doléances et tenir compte des problèmes soulevés dans l'optique des opérations de démantèlement de ces sites. Quant aux ONG, elles peuvent privilégier une région par rapport à une autre mais c'est aux États qu'il appartient, en collaboration avec elles, de trouver les mécanismes les plus efficaces pour instaurer une certaine équité dans la répartition des ressources.

28.Le Burundi a entamé un processus de réforme du système de justice pour mineurs mais les ressources tant humaines que financières font défaut; à long terme, on peut espérer que le retour à la paix permettra à l'État de mobiliser davantage de ressources, avec le soutien de la communauté internationale. Le nombre d'enfants en détention traduit un véritable malaise et une commission gouvernementale ainsi que des comités provinciaux pour la promotion et la protection des droits de l'enfant ont donc été créés et saisis de cette question prioritaire. Ces organes sont chargés d'étudier le dossier de chaque enfant détenu en vue d'actions concrètes et sans délai. Pour des infractions mineures, la libération doit être immédiate et pour les enfants ayant déjà fait l'objet d'une condamnation, on peut envisager la libération provisoire ou conditionnelle. En ce qui concerne les enfants incarcérés avec des adultes, des quartiers distincts ont déjà été mis en place dans deux prisons, mais là encore, il faudrait davantage de moyens. Il convient d'avoir à l'esprit que le Burundi est le théâtre d'une guerre civile dans laquelle les enfants jouent un rôle actif. Une fois le cessez-le-feu décrété, ils bénéficieront d'une amnistie ou d'une mesure de clémence. Pour ce qui est des enfants de mères incarcérées, le Burundi bénéficie d'un projet de Terre des Hommes ayant pour objet de rechercher des membres de la famille susceptibles de les accueillir.

29.La démobilisation des enfants soldats figure parmi les questions abordées dans le cadre des négociations de paix d'Arusha. On réfléchit actuellement à la manière d'organiser une telle démobilisation en privilégiant l'intérêt de ces enfants. Le problème des ressources se pose là aussi mais on peut penser que la communauté internationale apportera sa contribution financière vu l'importance qu'elle attache à ce problème.

30.La société civile n'a pas été épargnée par la crise que traverse le pays. Les associations n'ont pas beaucoup de poids, ne sont pas assez structurées et n'ont de ce fait pas une grande capacité d'action ni de mobilisation. De plus, tous les acteurs sociaux avant d'être burundais ont une sensibilité hutu ou tutsi, clivage que l'on retrouve parmi les partis politiques.

31.Mme RWAMAHEKE (Burundi) fait observer que la détresse de nombreux enfants a des causes diverses et qu'il est donc difficile d'apporter une solution globale à leurs problèmes. Une réunion de coordination des ONG œuvrant dans ce domaine a conclu à la nécessité de mener des interventions spécialisées. Un centre d'apprentissage et d'encadrement destiné à accueillir provisoirement les enfants est en construction. Les déplacements de population ont séparé certains enfants de leurs parents et tous sont pris en charge par des institutions traditionnelles, dont l'orphelinat officiel d'État, ou des familles d'accueil. En outre, 29 structures d'accueil subventionnées par l'État bénéficient d'une exonération des droits de douane sur les marchandises destinées à ces enfants. Le Gouvernement collabore étroitement avec ces institutions, tout en exerçant une supervision.

32.Au sujet de la réunification familiale, des résultats ont déjà été obtenus, grâce au concours de Save the Children Fundnotamment, puisque 784 enfants ont pu être remis en relation avec leur famille proche ou élargie. Devant l'insuffisance de ses propres moyens, le Gouvernement encourage les initiatives privées dans ce domaine et met des terrains à disposition des institutions. Le Burundi s'est lancé dans une entreprise capitale, qui consiste à recenser tous les enfants et à les identifier précisément : une fois les accords de paix signés, ces informations faciliteront la réunification parents-enfants.

33.Certains estiment que des familles d'accueil voient dans les enfants une source de revenus supplémentaires mais cette question doit être envisagée sous un autre angle. Au Burundi, que ce soit dans la famille biologique ou dans la famille d'accueil, on a effectivement tendance à préférer les filles car elles effectuent davantage de tâches domestiques, même si elles n'apportent pas de revenu en soi. Les familles d'accueil s'engagent en signant un document officiel auprès des autorités locales, qui assurent un suivi de la situation.

34.Le Ministère de l'action sociale et de la promotion de la femme a entrepris de fournir aux enfants une assistance juridique, en formant notamment le personnel des structures d'accueil.

35.Pour ce qui est des enfants handicapés, ils sont accueillis dans les institutions au même titre que les autres enfants en difficulté. Les congrégations religieuses font beaucoup pour eux. Le Gouvernement, quant à lui, a créé deux centres : le Centre national d'appareillage et de réappareillage et le Centre national de réadaptation socioprofessionnelle. Ainsi, une fois appareillés, les enfants, et notamment ceux qui ne sont plus en âge d'aller à l'école, peuvent apprendre un métier et se réinsérer. Le pourcentage d'enfants handicapés ayant fortement augmenté avec la crise, le Burundi entend mener une action de décentralisation afin de couvrir tout le pays. Le Burundi a également comme projet de recenser tous les enfants handicapés, ce qui lui permettra de redéfinir son action, qu'il mènera avec l'aide de l'UNICEF.

36.Les communautés burundaises ont réservé à la Convention sur les droits de l'enfant un accueil bien plus favorable qu'à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le Burundi envisage de faire la promotion simultanée de ces deux conventions, en expliquant aux populations que les droits des enfants ne peuvent être respectés si ceux de leur mère ne le sont pas.

37.M. JUMA (Burundi) explique que les statistiques relatives aux 15-18 ans présentent effectivement des lacunes du fait que ce groupe d'âge n'est pas assujetti à la scolarité obligatoire et qu'il est donc plus difficile d'obtenir des données à leur sujet. Un complément d'informations sera communiqué.

38.Le Code pénal a érigé en infraction les châtiments corporels, pratique assimilable à des coups et blessures volontaires.

39.En matière d'éducation, face à la pénurie d'enseignants entraînée par la crise, le Burundi a dû recruter des personnes n'ayant pas le niveau pédagogique requis; il a toutefois mis en place, en collaboration avec l'UNICEF, des programmes de mise à niveau pour améliorer la qualité de l'enseignement. Un appui de la communauté internationale serait très apprécié dans ce domaine et pourrait se traduire par la mise à disposition d'enseignants de qualité. Les familles pauvres bénéficient de la gratuité totale de l'enseignement.

40.Le taux d'abandon est relativement faible dans l'enseignement primaire au cours des quatre premières années mais augmente à partir de la cinquième, lorsque le français devient langue officielle d'enseignement. Les élèves abandonnant leurs études sont orientés vers les centres d'apprentissage où ils peuvent acquérir les aptitudes voulues pour s'intégrer. Dans le secondaire, le taux d'abandon est relativement faible car les élèves peuvent redoubler. La plupart d'entre eux restent ainsi scolarisés jusqu'à l'âge de 17 ou 18 ans. Le Gouvernement s'emploie en outre à multiplier les filières parallèles destinées aux élèves qui n'arrivent pas à suivre l'enseignement traditionnel.

41.Les régions frontalières du nord du pays se caractérisent par un taux de scolarisation plus faible car les enfants sont attirés par les possibilités d'emploi rémunéré, comme le petit commerce et l'extraction de l'or, qui s'offrent de l'autre côté de la frontière. Pour remédier à cette situation, le Burundi a entrepris en collaboration avec l'UNICEF de mener des actions de sensibilisation ciblées spécifiquement sur ces régions.

42. Mme NDUWIMANA souligne que les enfants bénéficient tout particulièrement des divers programmes de santé publique mis en œuvre à grande échelle, notamment ceux de lutte contre les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires aiguës et le paludisme, alors que le programme élargi de vaccination qui se poursuit dans tout le pays a permis d'atteindre en 2000 un taux de couverture de 95 % en ce qui concerne la poliomyélite. Le Ministère de la santé publique a en outre mis sur pied un programme de maternité sans risque, axé sur la formation des accoucheuses traditionnelles. Un autre programme vise à sensibiliser la population à l'importance de l'eau potable et des latrines dans la lutte contre la dysenterie et le choléra. Un programme national de prévention et de lutte contre le sida mettant l'accent sur la sensibilisation des jeunes et des adolescents est exécuté avec l'appui d'ONUSIDA et du PNUD.

43.En vue de faciliter l'accès aux médicaments, le Ministère a décidé de créer une centrale d'achat des médicaments essentiels, principalement des médicaments génériques. Ceux-ci pourront ensuite être achetés à un prix modique dans les pharmacies communales. Pour ce qui est de l'accès aux soins, il existe deux types de cartes permettant de limiter les frais de traitement : la carte d'assurance maladie - payante et donc destinée surtout aux familles à revenu moyen; la carte d'indigence - délivrée après enquête aux enfants des familles les plus démunies (le plus souvent des enfants rapatriés ou déplacés) et utilisable dans les hôpitaux autonomes privés et dans les hôpitaux publics.

44.Les disparités entre Bujumbura et les autres régions du pays sur le plan des infrastructures sanitaires s'expliquent par le fait que la capitale a été épargnée par les combats. À l'intérieur du pays, les centres de santé ont été en grande partie détruits et le personnel médical a fui à cause de l'insécurité. Le Ministère a entrepris, avec l'aide de nombreux partenaires, de remettre en état ou reconstruire ces centres. On compte à l'heure actuelle deux centres de santé par commune et deux hôpitaux par province.

45.La santé mentale est devenue une autre priorité. On note l'apparition dans les écoles et les camps de déplacés d'une forme d'hystérie collective chez les enfants marqués par les conséquences de la guerre. Une nouvelle ONG s'occupe à présent de ces enfants traumatisés et aide à leur réintégration. Elle reçoit pour cela l'aide d'un médecin psychiatre spécialisé.

46.Mme MOKHUANE demande si la politique d'éducation intégratrice est déjà mise en œuvre et si les enfants vivant dans les zones rurales et les enfants déplacés ont encore, malgré la guerre, la possibilité de prendre part à des activités récréatives et culturelles. Au sujet de l'intégration psychosociale des enfants, elle croit comprendre qu'un seul psychiatre exerce dans le pays et s'inquiète de ce manque de moyens. Elle aimerait à cet égard avoir des précisions sur le nombre d'habitants pour un médecin. Quelles sont les possibilités réelles d'accès aux médicaments et aux soins étant donné le très faible niveau de vie de la population ? Enfin, existe‑t-il des emplois protégés pour les handicapés ?

47. Mme KARP demande si tous les châtiments corporels infligés aux enfants par les parents, même les plus légers, sont interdits par la loi.

48.M. DOEK, notant que les jeunes sont mal informés sur la santé en matière de procréation alors qu'ils ont une vie sexuelle précoce, souhaiterait savoir dans quelle mesure l'analphabétisme est pris en compte et quels sont les efforts faits pour utiliser d'autres moyens d'information que les supports écrits.

49.M. NINDORERA explique que l'échéance fixée pour la réalisation des objectifs de la politique d'éducation intégratrice a dû être repoussée à 2010 vu la situation dans le pays, tout en soulignant l'importance accordée par le Gouvernement à l'éducation pour tous. Pour ce qui est des loisirs, les enfants ont toujours la possibilité de jouer, même avec des moyens très modestes, mais il leur est en revanche difficile d'accéder à des activités culturelles à proprement parler. L'interdiction totale des châtiments corporels donne encore lieu à des réticences; certains parents trouvent en effet normal, voire souhaitable, que leurs enfants reçoivent de petites corrections. Dans le domaine de la lutte contre le sida, beaucoup de progrès restent à faire, notamment pour améliorer les moyens d'information utilisés et impliquer davantage les jeunes. Malgré les activités de sensibilisation, nombre de jeunes refusent d'utiliser des préservatifs. Les questions concernant la vie sexuelle des jeunes sont souvent abordées trop tardivement par les parents du fait d'un certain conservatisme lié à la tradition et à la religion.

50.Mme RWAMAHEKE souligne que tous les organismes qui interviennent sur le terrain, même s'ils s'attachent en priorité à parer au plus pressé (vêtements, nourriture, logement), sont conscients de la nécessité d'une assistance psychosociale aux enfants. Plusieurs ONG agissent d'ailleurs dans ce domaine. Les besoins sont néanmoins immenses et la tâche très lourde. Des mesures ont été prises pour attribuer des terres aux enfants chefs de ménage et leur permettre d'exercer des activités génératrices de revenus, tout comme aux enfants placés dans des familles d'accueil, afin d'éviter qu'ils ne soient exploités. En ce qui concerne les activités culturelles dans les régions rurales, deux festivals organisés avec l'appui de la Maison de l'UNESCO pour la paix au Burundi ont donné l'occasion aux enfants burundais de tout le pays de se retrouver dans la capitale pour y donner des représentations. La mobilisation pour la lutte contre le sida est très large. Beaucoup d'émissions radiophoniques et télévisées sont consacrées à cette maladie. Lors de la Journée panafricaine de la femme, des conférences ont été données sur ce thème. Le Ministère de l'action sociale et de la promotion de la femme agit également dans ce domaine à travers les centres de développement familial.

51.Mme NDUWIMANA précise que plusieurs personnes suivent actuellement une formation de médecin ou assistant psychiatre et pourront travailler prochainement en collaboration avec l'ONG spécialisée dans l'aide aux enfants traumatisés par la guerre. Le Ministère de la santé procède depuis deux ans à un redéploiement du personnel médical à l'échelle du pays. On dénombre à l'heure actuelle un médecin pour 21 208 habitants. Les médicaments génériques sont produits au Burundi même, ce qui permet d'en limiter le prix et de les rendre accessibles au plus grand nombre, d'autant que la carte d'assurance maladie et la carte-mutuelle de la fonction publique peuvent être utilisées pour couvrir une partie de leur prix. Un budget a en outre été alloué par le Gouvernement à la centrale d'achat des médicaments. Les soins préventifs, comme les vaccinations, sont quant à eux gratuits. Il existe un programme national relatif à la santé de la procréation dans le cadre duquel de nombreuses activités sont menées auprès des jeunes. L'éducation sexuelle vient par ailleurs d'être intégrée à l'enseignement primaire et se poursuit dans le secondaire.

52.Mme MOKHUANE, après s'être félicitée de la qualité du dialogue avec les membres de la délégation burundaise, donne lecture du projet d'observations finales du Comité, en anglais.

La séance est levée à 18 h 10.

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